La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

26/09/2022 | FRANCE | N°17MA00120

France | France, Cour administrative d'appel de Marseille, 6ème chambre, 26 septembre 2022, 17MA00120


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La société par actions simplifiée JCDecaux France a demandé au tribunal administratif de Marseille de condamner la commune d'Aix-en-Provence à lui verser la somme de 2 941 117,74 euros hors taxes (HT), soit 3 529 341,29 euros toutes taxes comprises (TTC), assortie des intérêts au taux légal à compter du 1er juin 2011 et de leur capitalisation annuelle, subsidiairement, de désigner un expert afin d'évaluer le préjudice subi du fait de la résiliation unilatérale du dispositif contractuel " V'Hello ", et

en toute hypothèse, de mettre à la charge de la commune d'Aix-en-Provence l...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La société par actions simplifiée JCDecaux France a demandé au tribunal administratif de Marseille de condamner la commune d'Aix-en-Provence à lui verser la somme de 2 941 117,74 euros hors taxes (HT), soit 3 529 341,29 euros toutes taxes comprises (TTC), assortie des intérêts au taux légal à compter du 1er juin 2011 et de leur capitalisation annuelle, subsidiairement, de désigner un expert afin d'évaluer le préjudice subi du fait de la résiliation unilatérale du dispositif contractuel " V'Hello ", et en toute hypothèse, de mettre à la charge de la commune d'Aix-en-Provence la somme de 8 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, ensemble le montant de la contribution à l'aide juridique telle que prévue à l'article R. 761 du même code.

Par un jugement n° 1203858 du 8 novembre 2016, le tribunal administratif de Marseille a condamné la commune d'Aix-en-Provence à verser à la société JCDecaux France une indemnité de 1 911 340 euros, somme assortie des intérêts au taux légal à compter du 1er juin 2011, intérêts eux-mêmes capitalisés à compter du 2 juin 2012. Le tribunal a mis à la charge de la commune d'Aix-en-Provence la contribution à l'aide juridique dont la société JCDecaux France s'est acquittée pour un montant de 35 euros et une somme de 3 000 euros à verser à la société JCDecaux France au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et a rejeté le surplus des conclusions de la requête.

Procédure devant la Cour :

Par un arrêt avant dire droit du 21 décembre 2020, la Cour, après avoir annulé le jugement n° 1203858 du 8 novembre 2016 pour irrégularité, a, d'une part, condamné la commune d'Aix-en-Provence à verser à la société JCDecaux, au titre des frais exposés sans contrepartie, la somme de 211 659,80 euros hors taxes, avec intérêts à compter du 1er juin 2011 et capitalisation des intérêts à compter du 14 avril 2016 ainsi qu'à chaque échéance annuelle ultérieure et prescrit une expertise comptable en vue d'évaluer le manque à gagner subi par la société du fait de la résiliation du contrat.

Par une ordonnance du 12 avril 2021, la présidente de la Cour a désigné M. A... B... comme expert.

Le 1er mars 2022, l'expert a déposé son rapport, qui a été communiqué aux parties pour observations.

Par deux mémoires, enregistrés le 24 mai 2022 et le 24 juin 2022, la société JCDecaux France, représentée par Me Roll, conclut à la condamnation de la commune d'Aix-en-Provence à lui payer la somme de 3 337 647,46 euros, assortie des intérêts au taux légal à compter du 1er juin 2011 et de leur capitalisation annuelle à compter du 1er septembre 2016, puis à chaque échéance annuelle ultérieure, à la condamnation de la commune à lui payer la somme de 40 042,08 euros TTC (33 368,40 euros HT) au titre des frais d'expertise privée qu'elle a dû supporter, à ce que les frais de l'expertise soient mis à la charge de la commune, ainsi qu'une somme de 45 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

La société JCDecaux France soutient que :

- elle acquiesce au chiffrage retenu par l'expert, sous la seule réserve tenant à la prise en compte injustifiée des charges indirectes de structure, retenues à hauteur de 12 % du chiffre d'affaires, alors qu'étant fixes, elles n'auraient pas dû venir en déduction pour le calcul du manque à gagner ;

- la marge nette perdue doit donc être portée à 2 475 700 euros au lieu de 2 020 500 euros ;

- dès lors qu'elle devra payer l'impôt sur les sociétés sur l'indemnité, il y a lieu de réintégrer le montant de cet impôt au taux de 25,825 % et de porter le montant de l'indemnité à 3 337 647,46 euros ;

- l'annexe 2 de l'acte d'engagement ne la liait pas quant aux moyens en personnel et en matériel affectés au dispositif " V'Hello " ;

- les moyens de la commune d'Aix-en-Provence sont infondés ;

- les dépens, les frais non compris dans les dépens et les frais et honoraires d'expertise privée doivent être mis à la charge de la commune.

Par un mémoire, enregistré le 24 mai 2022, la commune d'Aix-en-Provence, représentée par Me Ortega, conclut à l'annulation du jugement du 8 novembre 2016, à ce que le montant de l'indemnité due à la société JCDecaux France soit limité à 818 000 euros, et à ce qu'une somme de 5 000 euros soit mise à la charge de la société au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

La commune soutient que la société JCDecaux France ne peut revendiquer un montant de charges de personnel inférieur à celui qu'elle s'était contractuellement engagée à supporter dans son offre, soit sept agents dédiés et sept véhicules. Elle fait valoir qu'elle n'a jamais été informée de cette réduction de moyens, ce qui l'aurait amenée à envisager une réorganisation du service ou un réexamen des conditions financières du marché. La société a, à ce titre, manqué à son obligation de loyauté contractuelle.

Par une ordonnance du 13 avril 2022, la présidente de la Cour a liquidé et taxé les frais d'expertise à la somme de 22 362,06 euros.

Par ordonnance du 31 mai 2022, la clôture de l'instruction a été fixée au 24 juin 2022.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code civil ;

- l'ordonnance n° 2016-131 du 10 février 2016 portant réforme du droit des contrats, du régime général et de la preuve des obligations ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme Isabelle Gougot, rapporteure,

- les conclusions de M. François Point, rapporteur public,

- et les observations de Me Roll pour la société JCDecaux France.

Une note en délibéré présentée pour la société JCDecaux France a été enregistrée le 14 septembre 2022.

Considérant ce qui suit :

1. Par acte d'engagement en date du 27 juillet 2006, la commune d'Aix-en-Provence a attribué à la société JCDecaux Mobilier Urbain, aux droits de laquelle vient la société JCDecaux France, un marché public ayant pour objet, moyennant un prix annuel de 585 000 euros hors taxes, la mise en place et la gestion de mobiliers urbains, ainsi que la mise à disposition, l'installation, la maintenance, le nettoyage et la gestion d'un parc à vélos et de stations de vélos, pour une durée de treize ans. Par décision en date du 11 avril 2011, dont la société JCDecaux France a reçu notification le 5 mai 2011, la commune d'Aix-en-Provence a décidé la résiliation partielle, pour motif d'intérêt général, du marché en ce qui concerne le dispositif de vélos en libre-service. Par un jugement n° 1203858 du 8 novembre 2016, le tribunal administratif de Marseille a condamné la commune d'Aix-en-Provence à verser à la société JCDecaux France une indemnité de 1 911 340 euros toutes taxes comprises (TTC), assortie des intérêts au taux légal à compter du 1er juin 2011, avec capitalisation à compter du 2 juin 2012, et, a mis à la charge de la commune d'Aix-en-Provence la contribution à l'aide juridique d'un montant de 35 euros. La commune d'Aix-en-Provence a fait régulièrement appel de ce jugement. La société JCDecaux France, par la voie de l'appel incident, a demandé à ce que le montant de la condamnation de la commune d'Aix-en-Provence soit porté à 3 503 431,57 euros TTC. Par un arrêt du 21 décembre 2020, la Cour, après avoir annulé le jugement attaqué pour irrégularité, a, d'une part, condamné la commune à payer à la société JCDecaux France une somme de 211 659,80 euros hors taxes au titre des dépenses exposées sans contrepartie et, d'autre part, prescrit une expertise en vue de déterminer le montant du manque à gagner de la société.

Sur la demande d'annulation de la décision rejetant la réclamation indemnitaire :

2. La société JCDecaux France avait demandé, en première instance, l'annulation de la décision du 6 avril 2012 rejetant sa réclamation indemnitaire. Cette demande n'est pas reprise dans les conclusions dont elle a saisi la Cour. La société doit donc être regardée comme s'étant désistée de cette demande. Il y a lieu de lui donner acte de ce désistement.

Sur la demande tendant à l'indemnisation du manque à gagner :

3. Il ressort du rapport d'expertise que l'expert a évalué la rémunération manquée de la société JCDecaux France à 5 934 800 euros, et qu'il a déduit de ce montant les différentes charges qui auraient, selon lui, dû être supportées si la société JCDecaux France avait dû poursuivre l'exploitation. Au nombre de ces charges, il a, d'une part, retenu les " coûts directs " correspondant aux frais de personnel (642 700 euros) et aux autres coûts directs -notamment coûts informatiques, des locaux, de rénovation, de pièces détachées- (775 100 euros) constatés à partir des données réelles de l'exploitation et, d'autre part, les " coûts indirects d'exploitation ", correspondant à des frais de structure chiffrés à 712 200 euros, soit 12 % des recettes. Il a, ensuite, déduit du solde les dotations aux amortissements qui s'élevaient à 429 700 euros et 210 400 euros s'agissant respectivement des véhicules et des vélos. Il a, enfin, déduit de ce résultat net manqué l'impôt sur les bénéfices qui aurait dû être payé, soit 1 144 200 euros, pour aboutir à un résultat net après impôt de 2 020 500 euros.

En ce qui concerne les coûts venant en déduction pour le calcul du manque à gagner :

4. Comme l'a jugé la Cour dans le point 10 de l'arrêt du 21 décembre 2020, la société JCDecaux France a droit à être indemnisée du manque à gagner résultant de la résiliation du marché.

5. Ce manque à gagner, qui s'identifie au bénéfice net manqué, correspond à la différence entre, d'une part, la rémunération supplémentaire qui aurait été versée à la société si le marché avait été exécuté et, d'autre part, les charges supplémentaires que la société aurait dû supporter si l'exécution du marché s'était poursuivie jusqu'à son terme. Par ailleurs, dans l'hypothèse où le cocontractant s'est contractuellement engagé à mettre en œuvre certains moyens déterminés dans le cadre de l'exécution du contrat, le montant des charges pris en compte pour le calcul du manque à gagner ne peut être inférieur au coût des moyens déterminés dans cet engagement, dès lors que le versement de la rémunération prévue par le contrat est subordonné à la réalisation, par le titulaire du marché, des prestations contractuellement fixées.

6. En premier lieu, il ressort de l'annexe 2 à l'acte d'engagement, qui reprend les termes de l'offre de la société JCDecaux France, que la société avait prévu d'affecter au marché cinq agents de terrain, un chef d'équipe et un superviseur, soit un total de sept équivalents temps plein, ainsi que cinq véhicules utilitaires, un atelier bus et un scooter électrique. Cette annexe, qui reprend les termes de l'offre de la société, a, tout comme l'acte d'engagement et le mémoire technique décrivant l'offre, valeur contractuelle en application de l'article 3 du cahier des clauses administratives particulières. Contrairement à ce que soutient la société, ni le fait que seule la rubrique " Délais d'exécution " de l'acte d'engagement renvoie expressément à l'annexe 2, ni le fait que l'article 3 du cahier des clauses particulières n'envisage d'autres annexes à l'acte d'engagement que les " annexes éventuelles en cas de sous-traitance ", ne viennent limiter la portée juridique de l'annexe 2 laquelle d'ailleurs suit logiquement une annexe 1 et est datée de l'acte d'engagement, au 11 mai 2006. La circonstance que les moyens effectivement mis en œuvre jusqu'à la résiliation par la société auraient été, compte tenu du faible succès du dispositif, suffisants pour répondre aux besoins des usagers, n'est pas de nature à l'exonérer du respect de ces obligations contractuelles. Enfin, si l'article 29.1 du cahier des clauses particulières prévoit que " le titulaire (...) mettra en œuvre les moyens humains et techniques nécessaires au bon fonctionnement du service ", cette stipulation n'a pas pour objet, et ne saurait avoir pour effet de dispenser celui-ci du respect des termes du contrat. Dès lors, la société JCDecaux France ne peut revendiquer, sur la base de ses données réelles d'exploitation, des charges limitées à 1,6 équivalent temps plein.

7. Par ailleurs, la société JCDecaux France, qui ne produit pas les éléments pertinents de son mémoire technique, n'établit pas que, comme elle le soutient, les moyens matériels et humains indiqués à l'annexe 2 de l'acte d'engagement correspondraient non pas à son offre de base portant sur seize stations et deux-cents vélos, qui a été retenue dans le cadre du contrat, mais à son offre avec option portant sur neuf stations et cent-quinze vélos supplémentaires. Il y a donc lieu de retenir, au titre des frais de personnel, non pas les 624 700 euros de charges revendiquées par la société JCDecaux France et correspondant au personnel effectivement mobilisé pendant la période d'exécution de la concession, mais les 2 436 000 euros correspondant au coût du personnel que la société s'était engagée contractuellement à mobiliser. Pour les mêmes raisons, il y a lieu de retenir un montant de dotations aux amortissements de 512 200 euros correspondant au nombre de véhicules prévu contractuellement.

8. En second lieu, et ainsi qu'il a été indiqué au point 5, le manque à gagner correspond au montant de la rémunération manquée sous déduction des seules charges supplémentaires qui auraient été supportées dans l'hypothèse où l'exécution du contrat se serait poursuivie jusqu'à son terme. Il y a donc lieu de déterminer dans quelle mesure les charges comptabilisées comme " coûts indirects d'exploitation " correspondent effectivement à des charges supplémentaires qui auraient été supportées par la société dans l'hypothèse d'une poursuite de l'exécution du marché. Il résulte de l'instruction, et notamment du rapport d'expertise, que ces coûts correspondent à une quote-part de coûts de structure supportés aux niveaux régional et national, recouvrant des frais de conception et de gestion des systèmes informatiques (maîtrise d'ouvrage des systèmes d'information, support utilisateur, coût des infrastructures et des réseaux, maintenance, infogérance), des frais d'encadrement administratif et financier (frais d'encadrement du siège, service de formation du personnel, quote-part de loyers des sites administratifs centraux, coût des directions finance, ressources humaines, droit public et appel d'offres, achats, direction juridique, communication interne, gestion de la flotte véhicule), des frais logistiques (quote-part des sites centraux de stockage et d'assemblage) et, enfin, des taxes diverses dont la contribution économique territoriale. Comme le relève l'expert, il est peu vraisemblable que ces coûts de structure aient été significativement impactés par l'arrêt de l'exécution du contrat, lequel ne représentait seulement que 0,18 % du chiffre d'affaires global de la société JCDecaux France. Il en résulte qu'à l'exception de la contribution économique territoriale et des autres taxes, qui varient en fonction notamment du chiffre d'affaires, la poursuite de l'exécution du contrat n'aurait pas conduit la société à supporter de frais indirects supplémentaires. Pour tenir compte de la contribution économique territoriale et des autres taxes qui auraient dû être acquittées, il y a lieu de retenir, au titre des coûts indirects d'exploitation venant s'imputer sur la rémunération de la société, non pas un taux de coûts indirects d'exploitation de 12 %, comme le retient l'expert, mais un taux de 1 % correspondant en l'espèce à 59 350 euros.

En ce qui concerne l'impôt sur les sociétés :

9. L'indemnité destinée à réparer le manque à gagner d'une société doit, dès lors qu'elle compense une perte de recettes commerciales, être regardée comme un profit de l'exercice au cours duquel elle a été allouée et est soumise, à ce titre, à l'impôt sur les sociétés. Cette circonstance fait obstacle à ce que l'indemnité destinée à réparer le manque à gagner soit évaluée à partir du résultat d'exploitation après déduction de l'impôt sur les sociétés. Il en résulte que c'est à tort que l'expert a déduit du montant du résultat net avant impôt le montant de l'impôt sur les bénéfices.

En ce qui concerne le montant du manque à gagner :

10. Il résulte de ce qui précède que la résiliation du marché, si elle a causé à la société JCDecaux France une perte de chiffre d'affaires de 5 934 800 euros, lui a permis d'économiser 2 436 000 euros de frais de personnel, 775 100 euros d'autres coûts directs, et 59 350 euros de coûts indirects d'exploitation. Elle lui a également évité de comptabiliser des dotations aux amortissements à hauteur de 512 200 euros pour les véhicules et 210 400 euros pour les vélos. Le manque à gagner de la société JCDecaux France s'établit donc au montant de 1 941 750 euros (5 934 800 - 2 436 000 - 775 100 - 59 350 - 512 200 - 210 400). Ainsi qu'il a été dit au point 9, il n'y a pas lieu de minorer cette somme du montant de l'impôt sur les sociétés.

Sur les intérêts et la capitalisation :

11. Aux termes de l'article 1153 du code civil, applicable à la présente instance en vertu de l'article 9 de l'ordonnance n° 2016-131 du 10 février 2016 portant réforme du droit des contrats, du régime général et de la preuve des obligations : " Dans les obligations qui se bornent au paiement d'une certaine somme, les dommages-intérêts résultant du retard dans l'exécution ne consistent jamais que dans la condamnation aux intérêts au taux légal, sauf les règles particulières au commerce et au cautionnement. / Ces dommages et intérêts sont dus sans que le créancier soit tenu de justifier d'aucune perte. / Ils ne sont dus que du jour de la sommation de payer, ou d'un autre acte équivalent telle une lettre missive s'il en ressort une interpellation suffisante, excepté dans le cas où la loi les fait courir de plein droit. / Le créancier auquel son débiteur en retard a causé, par sa mauvaise foi, un préjudice indépendant de ce retard, peut obtenir des dommages et intérêts distincts des intérêts moratoires de la créance. ". Aux termes de l'article 1154 du même code : " Les intérêts échus des capitaux peuvent produire des intérêts, ou par une demande judiciaire, ou par une convention spéciale, pourvu que, soit dans la demande, soit dans la convention, il s'agisse d'intérêts dus au moins pour une année entière. ".

12. En application de l'article 1153 du code civil, la société JCDecaux France a droit aux intérêts au taux légal à compter du 1er juin 2011, date de réception par la commune d'Aix-en-Provence de sa réclamation préalable. En application de l'article 1154 du code civil, elle a droit à ce que ces intérêts soient capitalisés à la date du 1er septembre 2016, à laquelle elle en a formé la demande devant le tribunal administratif, et à chaque échéance annuelle ultérieure.

Sur les frais de l'expertise privée :

13. Les frais d'une expertise peuvent être compris dans l'indemnité due par l'auteur du dommage si cette expertise a été utile au juge administratif pour la détermination du préjudice indemnisable.

14. En l'espèce, l'expertise confiée, à titre privé, par la société JCDecaux France à la société Sorgem Evaluation a été utile pour déterminer son préjudice. Il y a donc lieu de considérer les frais de cette expertise, d'un montant de 40 042,08 euros TTC, comme un élément de son préjudice.

Sur les dépens et les autres frais de l'instance :

15. D'une part, comme le prévoit l'article R. 761-1 du code de justice administrative, il y a lieu de mettre à la charge de la commune d'Aix-en-Provence, qui est la partie perdante dans la présente instance, les frais de l'expertise, liquidés et taxés à la somme de 22 362,06 euros, ainsi que la contribution à l'aide juridique de 35 euros acquittée par la société JCDecaux France.

16. D'autre part, les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce qu'une somme quelconque soit mise à la charge de la société JCDecaux France, qui n'est pas la partie tenue aux dépens, au titre des frais exposés par elle et non compris dans ces dépens. En revanche, il y a lieu de mettre à la charge de la commune, qui est la partie tenue aux dépens, une somme de 2 000 euros au titre des frais exposés par la société JCDecaux France et non compris dans les dépens.

D É C I D E :

Article 1er : Il est donné acte à la société JCDecaux France du désistement de sa demande tendant à l'annulation de la décision du 6 avril 2012 rejetant sa réclamation indemnitaire.

Article 2 : La commune d'Aix-en-Provence est condamnée à payer à la société JCDecaux France, en réparation du manque à gagner subi par celle-ci du fait de la résiliation pour motif d'intérêt général de son marché, une somme de 1 941 750 euros. Cette somme sera assortie des intérêts au taux légal à compter du 1er juin 2011, date de réception par la commune d'Aix-en-Provence de sa réclamation préalable, ces intérêts étant eux-mêmes capitalisés à la date du 1er septembre 2016 et à chaque échéance annuelle ultérieure.

Article 3 : La commune d'Aix-en-Provence est condamnée à payer à la société JCDecaux France la somme de 40 042,08 euros TTC au titre des frais de l'expertise privée qu'elle a fait réaliser.

Article 4 : Les frais de l'expertise, liquidés et taxés à la somme de 22 362,06 euros, sont mis à la charge définitive de la commune d'Aix-en-Provence.

Article 5 : La commune d'Aix-en-Provence remboursera à la société JCDecaux France la contribution à l'aide juridique de 35 euros qu'elle a acquittée.

Article 6 : La commune d'Aix-en-Provence versera à la société JCDecaux France une somme de 2 000 euros au titre des frais du procès non compris dans les dépens.

Article 7 : Le surplus des conclusions des parties est rejeté.

Article 8 : Le présent arrêt sera notifié à la commune d'Aix-en-Provence et à la société JCDecaux France.

Copie en sera adressée à M. A... B..., expert et au préfet des Bouches-du-Rhône.

Délibéré après l'audience du 12 septembre 2022, où siégeaient :

- M. Alexandre Badie, président,

- Mme Isabelle Gougot, première conseillère,

- Mme Isabelle Ruiz, première conseillère.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 26 septembre 2022.

N° 17MA00120 2


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Marseille
Formation : 6ème chambre
Numéro d'arrêt : 17MA00120
Date de la décision : 26/09/2022
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Analyses

Marchés et contrats administratifs - Fin des contrats - Résiliation.

Marchés et contrats administratifs - Fin des contrats - Fin des concessions - Résiliation.


Composition du Tribunal
Président : M. FEDOU
Rapporteur ?: M. François POINT
Rapporteur public ?: M. POINT
Avocat(s) : SELAS LPA-CGR AVOCATS

Origine de la décision
Date de l'import : 02/10/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.marseille;arret;2022-09-26;17ma00120 ?
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award