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23/05/2022 | FRANCE | N°20MA00225

France | France, Cour administrative d'appel de Marseille, 6ème chambre, 23 mai 2022, 20MA00225


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La société générale d'espaces verts (SOGEV) a demandé au tribunal administratif de Marseille de condamner la métropole Aix-Marseille-Provence à lui verser la somme de 590 847 euros hors taxes en réparation du préjudice subi en raison de la réalisation du marché n° 25 portant sur les travaux de voirie et réseaux divers de l'entrée de ville d'Aix-en-Provence Minimes / Galice phase II.

Par un jugement n° 1705031 du 26 novembre 2019, le tribunal administratif de Marseille a condamné la métropole

Aix-Marseille-Provence à verser à la société SOGEV la somme de 9 500 euros hors taxe...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La société générale d'espaces verts (SOGEV) a demandé au tribunal administratif de Marseille de condamner la métropole Aix-Marseille-Provence à lui verser la somme de 590 847 euros hors taxes en réparation du préjudice subi en raison de la réalisation du marché n° 25 portant sur les travaux de voirie et réseaux divers de l'entrée de ville d'Aix-en-Provence Minimes / Galice phase II.

Par un jugement n° 1705031 du 26 novembre 2019, le tribunal administratif de Marseille a condamné la métropole Aix-Marseille-Provence à verser à la société SOGEV la somme de 9 500 euros hors taxes et a rejeté le surplus de la demande indemnitaire.

Procédure devant la Cour :

Par une requête, enregistrée le 20 janvier 2020, la société SOGEV, représentée par Me Molina, demande à la Cour :

1°) de réformer le jugement du tribunal administratif de Marseille en tant qu'il a limité le montant des condamnations à la somme de 9 500 euros hors taxes et de condamner la métropole Aix-Marseille-Provence à lui verser la somme de 590 847 euros hors taxes.

2°) à titre subsidiaire, de condamner la métropole Aix-Marseille-Provence à lui verser la somme de 54 836,743 euros hors taxes ;

3°) de mettre une somme de 5 000 euros à la charge de la métropole Aix-Marseille-Provence au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de la condamner aux entiers dépens.

Elle soutient que :

- sa requête est recevable ;

- la résiliation avait un caractère fautif ;

- l'indemnisation limitée telle que prévue par l'article 13.1 du CCAP est inapplicable ;

- elle a subi des préjudices matériels pour un montant de 352 400 euros hors taxes, résultant du maintien sur le chantier pendant vingt-quatre semaines de deux équipes ;

- elle a subi un préjudice de 9 600 euros hors taxes pour la mise à disposition d'un conducteur de travaux sur le chantier pendant la même période ;

- ses frais généraux se sont élevés à la somme de 219 347 euros hors taxes ;

- son gain manqué doit être indemnisé ;

- le montant total de son préjudice s'élève à la somme de 590 847 euros hors taxes ;

- à titre subsidiaire, elle a droit à l'indemnisation de son préjudice en application de l'article 46.4 du CCAG-Travaux, pour un montant de 54 836,743 euros ;

- le lien de causalité entre le préjudice subi et le manquement est direct et certain.

Par un mémoire en défense, enregistré le 27 octobre 2020, la métropole Aix-Marseille-Provence, représentée par la SELAS Charrel et associés, conclut :

1°) à titre principal, au rejet de la requête en ce qu'elle est irrecevable car insuffisamment motivée ;

2°) à titre subsidiaire, à l'annulation du jugement du tribunal administratif de Marseille en ce qu'il a jugé la requête initiale de la société SOGEV recevable ;

3°) à titre infiniment subsidiaire, à l'annulation du jugement en ce qu'il a jugé la décision de résiliation irrégulière et la confirmation du jugement en ce qu'il a rejeté les conclusions indemnitaires de la requérante ;

4°) à ce qu'une somme de 2 000 euros soit mise à la charge de la société SOGEV au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- la requête est irrecevable dès lors qu'elle est insuffisamment motivée ; aucun moyen d'appel n'est formulé à l'encontre du jugement ;

- les premiers juges ont commis une erreur concernant la recevabilité de la demande formulée par la société SOGEV ; la demande de première instance était irrecevable ; la demande indemnitaire n'a pas été précédée d'un mémoire de réclamation ;

- la résiliation du marché a eu lieu par courrier notifié le 1er août 2016 ; le courrier du 9 septembre 2016 adressé par la société SOGEV à la métropole Aix-Marseille-Provence n'était accompagné d'aucun justificatif correspondant au montant de ses réclamations ; le courrier du 31 mars 2017 n'est pas non plus accompagné de justifications ; le contentieux n'est pas lié ;

- aux termes de l'article 46.4 du CCAG-Travaux, la société SOGEV disposait d'un délai de deux mois pour présenter sa demande écrite et d'un délai de quinze jours pour présenter les justifications nécessaires à la fixation de l'indemnité de résiliation ; elle n'a pas respecté ce délai de quinze jours et n'a fourni aucun justificatif ;

- l'ordre de service de maître d'œuvre ne pouvait être pris sans l'accord du maître de l'ouvrage ; à la fin de la période de préparation des travaux, le 26 janvier 2016, l'annulation de l'élection du président du conseil de la métropole Aix-Marseille-Provence empêchait tout ordre de service prescrivant le démarrage des prestations ;

- l'ordre de service de démarrage des travaux aurait eu pour effet de prolonger la date d'exécution du marché subséquent au-delà de la date limite fixée par l'article 3.2 du CCAP ; la résiliation du 27 juillet 2016 est fondée sur un motif d'intérêt général tiré de l'interdiction de prolonger excessivement l'exécution d'un marché subséquent ;

- la réduction des délais d'exécution proposée par la société SOGEV aurait mis en cause l'économie générale du contrat ;

- les préjudices invoqués ne sont pas justifiés ;

- la société SOGEV ne peut solliciter le versement d'une indemnité supérieure à l'indemnité prévue par l'accord-cadre ; l'article 13.1 du CCAP est applicable.

Par ordonnance du 5 novembre 2020, la clôture de l'instruction a été fixée au 12 mars 2021.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code des marchés publics ;

- l'arrêté du 8 septembre 2009 portant approbation du cahier des clauses administratives générales applicables aux marchés publics de travaux ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. François Point, rapporteur,

- les conclusions de M. Renaud Thielé, rapporteur public,

- et les observations de Me Vidal pour la métropole Aix-Marseille-Provence.

Considérant ce qui suit :

1. Par acte d'engagement en date du 6 mai 2013, la communauté d'agglomération du Pays d'Aix, à laquelle s'est substituée la métropole d'Aix-Marseille-Provence à compter du 1er janvier 2016, a attribué à la société générale d'espaces verts (SOGEV) le lot n° 1 " Travaux de voirie et réseaux divers " de l'accord-cadre multi-attributaires ayant pour objet la réalisation de travaux d'aménagement d'infrastructures. Par acte d'engagement signé le 19 novembre 2015, la communauté d'agglomération du Pays d'Aix a attribué à la société SOGEV un marché subséquent n° 25, d'un montant total de 962 284,86 euros hors taxes et hors travaux complémentaires, portant sur les travaux de voirie et réseaux divers de l'entrée de ville d'Aix-en-Provence Minimes / Galice phase II. Par lettre en date du 29 juillet 2016, la métropole Aix-Marseille-Provence, venue aux droits de la communauté d'agglomération du Pays d'Aix, a résilié le marché subséquent n° 25 pour un motif d'intérêt général. Par deux courriers en date des 9 septembre 2016 et 31 mars 2017, la société SOGEV a demandé à la métropole Aix-Marseille-Provence de lui verser la somme de 590 847 euros hors taxes en contrepartie du préjudice qu'elle estime avoir subi en raison de la résiliation du marché subséquent n° 25. La société SOGEV relève appel du jugement du tribunal administratif de Marseille du 26 novembre 2019 en tant qu'il a limité le montant des condamnations mises à la charge de la métropole Aix-Marseille-Provence à la somme de 9 500 euros hors taxes. Au titre de l'appel incident, la métropole Aix-Marseille-Provence sollicite l'annulation du jugement et le rejet des demandes indemnitaires présentées par la société SOGEV.

Sur la recevabilité de la requête :

2. Aux termes de l'article R. 411-1 du code de justice administrative : " La juridiction est saisie par requête. La requête indique les nom et domicile des parties. Elle contient l'exposé des faits et moyens, ainsi que l'énoncé des conclusions soumises au juge. L'auteur d'une requête ne contenant l'exposé d'aucun moyen ne peut la régulariser par le dépôt d'un mémoire exposant un ou plusieurs moyens que jusqu'à l'expiration du délai de recours. ".

3. Il résulte de l'examen de la requête enregistrée le 20 janvier 2020, qui a été présentée dans les délais de recours, que celle-ci comporte une demande tendant à l'infirmation du jugement en tant qu'il a limité le montant des condamnations mises à la charge de la métropole Aix-Marseille-Provence à hauteur de 9 500 euros et à la majoration de l'indemnité mise à la charge de la métropole Aix-Marseille-Provence. La société SOGEV critique le jugement notamment en tant qu'il a rejeté sa demande tendant à l'indemnisation de son manque à gagner. Par suite, cette requête ne constitue pas la seule reproduction littérale de la demande de première instance et la fin de non-recevoir opposée sur ce point par la métropole Aix-Marseille-Provence doit être écartée.

Sur le bien-fondé du jugement :

4. Aux termes de l'article 46.2.1 du CCAG-Travaux de 2009 : " Dans le cas où le marché prévoit que les travaux doivent commencer sur un ordre de service intervenant après la notification du marché, si cet ordre de service n'a pas été notifié dans le délai fixé par le marché ou, à défaut d'un tel délai, dans les six mois suivant la notification du marché, le titulaire peut (...) demander, par écrit, la résiliation du marché. / Lorsque la résiliation est demandée par le titulaire en application du présent article, elle ne peut lui être refusée. (...) / Lorsque la résiliation est prononcée à la demande du titulaire en application du présent article, celui-ci est indemnisé des frais et investissements éventuellement engagés pour le marché et nécessaires à son exécution. Il doit, à cet effet, présenter une demande écrite, dûment justifiée, dans le délai de deux mois à compter de la notification de la décision de résiliation ".

5. Aux termes de l'article 50.1 du CCAG-Travaux : " 50.1.1. Si un différend survient entre le titulaire et le maître d'œuvre, sous la forme de réserves faites à un ordre de service ou sous toute autre forme, ou entre le titulaire et le représentant du pouvoir adjudicateur, le titulaire rédige un mémoire en réclamation. Dans son mémoire en réclamation, le titulaire expose les motifs de son différend, indique, le cas échéant, les montants de ses réclamations et fournit les justifications nécessaires correspondant à ces montants. Il transmet son mémoire au représentant du pouvoir adjudicateur et en adresse copie au maître d'œuvre. ". Les stipulations de l'article 46.2.1 ne sauraient avoir pour effet de dispenser le titulaire de respecter la formalité prévue par les stipulations de l'article 50.1.1 du CCAG lorsqu'il transmet au maître d'ouvrage une réclamation en application de ces dernières stipulations.

6. Aux termes de l'article 1.5 du CCAP : " La maîtrise d'œuvre est assurée par la Ville d'Aix-en-Provence-Direction de la Voirie. Il n'est pas prévu de mission relative à l'ordonnancement, au pilotage, et à la coordination du chantier dans les prestations du maître d'œuvre ".

7. Dans ses écritures de première instance, par mémoire enregistré le 7 septembre 2018, la métropole Aix-Marseille-Provence a fait valoir que la demande indemnitaire était irrecevable faute d'avoir été présentée au maître d'œuvre. Il résulte de l'instruction que par courrier en date du 9 septembre 2016, présenté moins de deux mois après la décision de résiliation du contrat qui lui a été notifiée le 1er août 2016, la société SOGEV a adressé à la métropole Aix-Marseille-Provence une lettre contestant la mesure par laquelle celle-ci avait résilié le marché et a sollicité l'indemnisation de son préjudice résultant de cette décision. A l'appui de cette lettre, elle a produit un mémoire exposant les préjudices qu'elle estimait avoir subis. La société SOGEV n'établit pas avoir adressé copie de cette réclamation à la maîtrise d'œuvre, assurée par la direction de la voirie de la ville d'Aix-en-Provence. Ce service est distinct du maître de l'ouvrage. Par suite, la métropole Aix-Marseille-Provence est fondée à soutenir que la demande de la société SOGEV était contractuellement irrecevable, faute pour celle-ci d'avoir adressé une copie de son mémoire de réclamation au maître d'œuvre.

8. La métropole Aix-Marseille-Provence a conclu à titre principal au rejet de la requête " en tant qu'elle était irrecevable car insuffisamment motivée " et, à titre subsidiaire, a demandé l'annulation du jugement " en ce qu'il a jugé la requête initiale de la société SOGEV recevable ". Il résulte de l'examen des écritures de la métropole Aix-Marseille-Provence que les mentions " à titre principal " et " à titre subsidiaire " n'avaient de portée que sur les fins de non-recevoir soulevées par la métropole Aix-Marseille-Provence et non sur les conclusions présentées aux fins de rejet et d'annulation. Par suite, il y a lieu de faire droit aux conclusions incidentes présentées par la métropole Aix-Marseille-Provence et tendant à l'annulation du jugement. Il résulte de ce qui précède que le jugement du tribunal administratif de Marseille n° 1705031 du 26 novembre 2019 doit être annulé. Les conclusions indemnitaires présentées par la société SOGEV doivent être rejetées.

Sur les conclusions tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

9. Aux termes de l'article L. 761-1 du code de justice administrative : " Dans toutes les instances, le juge condamne la partie tenue aux dépens ou, à défaut, la partie perdante, à payer à l'autre partie la somme qu'il détermine, au titre des frais exposés et non compris dans les dépens. Le juge tient compte de l'équité ou de la situation économique de la partie condamnée. Il peut, même d'office, pour des raisons tirées des mêmes considérations, dire qu'il n'y a pas lieu à cette condamnation. ".

10. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de la société SOGEV la somme de 1 500 euros à verser à la métropole Aix-Marseille-Provence au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce qu'il soit mis à la charge de la métropole Aix-Marseille-Provence, qui n'est pas la partie perdante, la somme réclamée à ce titre par la société SOGEV.

D É C I D E :

Article 1er : Le jugement du tribunal administratif de Marseille n° 1705031 du 26 novembre 2019 est annulé.

Article 2 : Les conclusions indemnitaires présentées par la société SOGEV sont rejetées.

Article 3 : Il est mis à la charge de la société SOGEV la somme de 1 500 euros à verser à la métropole Aix-Marseille-Provence au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 4 : Le surplus des conclusions des parties est rejeté.

Article 5 : Le présent arrêt sera notifié à la société générale d'espaces verts (SOGEV) et à la métropole Aix-Marseille-Provence.

Délibéré après l'audience du 10 mai 2022, à laquelle siégeaient :

- M. Guy Fédou, président,

- M. Gilles Taormina, président assesseur,

- M. François Point, premier conseiller.

Rendu public par mise à disposition au greffe, le 23 mai 2022.

2

N° 20MA00225


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Marseille
Formation : 6ème chambre
Numéro d'arrêt : 20MA00225
Date de la décision : 23/05/2022
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Analyses

39-04-02 Marchés et contrats administratifs. - Fin des contrats. - Résiliation.


Composition du Tribunal
Président : M. FEDOU
Rapporteur ?: M. François POINT
Rapporteur public ?: M. THIELÉ
Avocat(s) : SELARL GRIMALDI - MOLINA et ASSOCIÉS - AVOCATS

Origine de la décision
Date de l'import : 31/05/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.marseille;arret;2022-05-23;20ma00225 ?
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