Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
M. C... B... a demandé au tribunal administratif de Montpellier d'annuler l'arrêté de la préfète de l'Ariège en date du 4 mai 2021 l'obligeant à quitter le territoire français sans délai et fixant le pays à destination duquel il pourra être reconduit.
Par un jugement n° 2102308 du 30 juin 2021, le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Montpellier a rejeté sa demande.
Procédure devant la Cour :
Par une requête et un mémoire, enregistrés les 10 et 28 décembre 2021, M. B..., représenté par Me Badji Ouali, demande à la Cour :
1°) d'annuler ce jugement du 30 juin 2021 ;
2°) d'annuler l'arrêté de la préfète de l'Ariège du 4 mai 2021 ;
3°) d'enjoindre à la préfète de procéder au réexamen de sa situation, dans un délai de quinze jours à compter de la notification de la décision à intervenir, et de lui délivrer, dans l'attente, une autorisation provisoire de séjour, sous astreinte de 150 euros par jour de retard ;
4°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 2 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative à verser à son conseil, ce règlement emportant renonciation au bénéfice de l'indemnité versée au titre de l'aide juridictionnelle.
Il soutient que :
- le jugement est irrégulier dès lors qu'il est entaché de dénaturation des faits ;
S'agissant de la décision portant obligation de quitter le territoire français :
- cette décision est insuffisamment motivée ;
- elle est entachée d'erreur manifeste d'appréciation dans l'application des dispositions du 7° du I de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- elle méconnaît les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et est entachée d'erreur manifeste d'appréciation ;
- elle méconnaît les stipulations de l'article 3-1 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant ;
S'agissant de la décision refusant l'octroi d'un délai de départ volontaire :
- cette décision est entachée d'erreur manifeste d'appréciation dans l'application des dispositions du 3° du II de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
S'agissant de la décision fixant le pays de destination :
- cette décision méconnaît les stipulations de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.
Par un mémoire en défense, enregistré le 2 mars 2022, la préfète de l'Ariège conclut au rejet de la requête.
Elle soutient que les moyens présentés par M. B... sont infondés.
M. B... a présenté un mémoire enregistré le 4 mars 2022, postérieurement à la clôture automatique de l'instruction trois jours francs avant l'audience, qui n'a pas été communiqué.
M. B... a été admis à l'aide juridictionnelle totale par une décision du 29 octobre 2021 du bureau d'aide juridictionnelle près le tribunal judiciaire de Marseille.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- la convention internationale relative aux droits de l'enfant ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- le code des relations entre le public et l'administration ;
- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;
- le code de justice administrative.
Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de M. Fédou, président-rapporteur,
- et les observations de M. B....
Considérant ce qui suit :
1. M. B..., de nationalité albanaise, relève appel du jugement en date du 30 juin 2021 par lequel le magistrat désigné du tribunal administratif de Montpellier a rejeté sa demande dirigée contre l'arrêté de la préfète de l'Ariège en date du 4 mai 2021 l'obligeant à quitter le territoire français sans délai et fixant le pays à destination duquel il pourra être reconduit.
Sur la régularité du jugement :
2. Hormis le cas où le juge de première instance a méconnu les règles de compétence, de forme ou de procédure qui s'imposaient à lui et a ainsi entaché son jugement d'une irrégularité, il appartient au juge d'appel non d'apprécier le bien-fondé des motifs par lesquels le juge de première instance s'est prononcé sur les moyens qui lui étaient soumis mais de se prononcer directement sur les moyens dont il est saisi dans le cadre de l'effet dévolutif de l'appel. M. B... ne peut donc utilement se prévaloir, pour demander l'annulation du jugement attaqué, de la dénaturation des faits et des pièces du dossier que le premier juge aurait commise.
Sur le bien-fondé du jugement attaqué :
En ce qui concerne la décision portant obligation de quitter le territoire français :
3. En premier lieu, s'agissant du moyen tiré de l'insuffisante motivation de cette décision, soulevé en première instance, il convient de l'écarter par adoption des motifs retenus par le magistrat désigné au point 3 de son jugement.
4. En deuxième lieu, si M. B..., qui soutient que la décision est entachée d'erreur manifeste d'appréciation dans l'application des dispositions du 7° du I de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, dès lors que son comportement ne représente pas une menace pour l'ordre public, doit être regardé comme se prévalant des dispositions équivalentes du 5° de l'article L. 611-1 du même code, alors applicables à la date de l'arrêté attaqué, il est constant que la préfète de l'Ariège n'a pas fondé la mesure d'éloignement litigieuse sur un tel motif. Il s'ensuit que ce moyen ne peut qu'être écarté comme inopérant.
5. En troisième lieu, il est constant que la sœur de M. B..., admise au bénéfice de la protection subsidiaire depuis 2019, ainsi que ses parents, sont titulaires d'une carte de séjour pluriannuelle respectivement valable jusqu'en 2025 et 2024. Toutefois, la présence régulière de ses parents et de sa sœur Korina en France, ainsi que la présence de ses autres frères et sœurs, dont l'un était majeur à la date de l'arrêté attaqué, ne saurait permettre de témoigner, à elle seule et dans les circonstances de l'espèce, de ce que la préfète de l'Ariège aurait, en édictant la décision attaquée, porté une atteinte disproportionnée au droit au respect de la vie privée et familiale du requérant au regard des buts en vue desquels cette décision a été prise. En effet, d'une part, il ressort des propres déclarations de M. B... qu'il est entré en France en 2019, alors qu'il était majeur et qu'il ne peut ainsi justifier que d'une brève durée de séjour sur le territoire national. D'autre part, l'activité bénévole au sein de l'association Droit Au Logement 31 dont se prévaut M. B... pour la première fois en appel, en produisant une attestation de la présidente de l'association, ne permet pas d'établir une intégration sociale notable dès lors que, notamment, l'absence de détail des missions bénévoles qu'aurait ainsi conduites M. B... depuis alors deux ans au sein de cette association ne permet pas de justifier de leur réalité. Le requérant ne justifie pas davantage d'une quelconque activité professionnelle ni des démarches qu'il soutient avoir entreprises à ce titre. Dans ces conditions, eu égard, notamment, à la durée du séjour de M. B... en France et aux conditions de son séjour sur le territoire national, ce dernier n'est pas fondé à soutenir que la mesure d'éloignement dont il fait l'objet aurait été prise en méconnaissance des stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, ni qu'elle serait, en tout état de cause, entachée d'erreur manifeste d'appréciation.
6. Enfin, s'agissant du moyen tiré de la méconnaissance des stipulations de l'article 3-1 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant, en se bornant à soutenir que " " la décision méconnaît l'essence même des dispositions de l'article 8 de la CED et, en conséquence, l'article 3 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant ", M. B... ne l'assortit d'aucune précision permettant d'en apprécier le bien-fondé alors que, en tout état de cause, d'une part, étant majeur à la date de la décision attaquée, il ne peut utilement se prévaloir de ces stipulations, et, d'autre part, s'il a entendu se prévaloir de ces dernières à l'égard de ses frères et sœurs mineurs, en faisant valoir qu'il les assiste scolairement, l'intérêt supérieur de ces derniers ne peut être regardé comme ayant été méconnu par la décision en litige au regard de cette seule circonstance. Par suite, le moyen soulevé à ce titre ne peut qu'être écarté.
En ce qui concerne la décision refusant l'octroi d'un délai de départ volontaire :
7. D'une part, aux termes de l'article L. 612-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " (...) l'autorité administrative peut refuser d'accorder un délai de départ volontaire dans les cas suivants : (...) / 3° Il existe un risque que l'étranger se soustraie à la décision portant obligation de quitter le territoire français dont il fait l'objet. ". D'autre part, aux termes de l'article L. 612-3 du même code : " Le risque mentionné au 3° de l'article L. 612-2 peut être regardé comme établi, sauf circonstance particulière, dans les cas suivants : 1° L'étranger, qui ne peut justifier être entré régulièrement sur le territoire français, n'a pas sollicité la délivrance d'un titre de séjour ; (...) / 8° L'étranger ne présente pas de garanties de représentation suffisantes, notamment parce qu'il ne peut présenter des documents d'identité ou de voyage en cours de validité, qu'il a refusé de communiquer les renseignements permettant d'établir son identité ou sa situation au regard du droit de circulation et de séjour ou a communiqué des renseignements inexacts, qu'il a refusé de se soumettre aux opérations de relevé d'empreintes digitales ou de prise de photographie prévues au 3° de l'article L. 142-1, qu'il ne justifie pas d'une résidence effective et permanente dans un local affecté à son habitation principale ou qu'il s'est précédemment soustrait aux obligations prévues aux articles L. 721-6 à L. 721-8, L. 731-1, L. 731-3, L. 733-1 à L. 733-4, L. 733-6, L. 743-13 à L. 743-15 et L. 751-5. ".
8. Il ressort des termes mêmes de l'arrêté attaqué que la préfète de l'Ariège a considéré qu'il existait un risque que M. B... se soustraie à la mesure d'éloignement litigieuse dès lors que, d'une part, il ne présente pas de garanties de représentations suffisantes dans la mesure où il ne peut justifier de documents d'identité et de voyage en cours de validité, et que, d'autre part, alors qu'il ne peut davantage justifier d'une entrée régulière sur le territoire français, il n'a pas sollicité la délivrance d'un titre de séjour. Ce faisant, la préfète de l'Ariège a entendu fonder la décision par laquelle elle a refusé d'assortir la mesure d'éloignement d'un délai de départ volontaire sur les dispositions du 1° et du 8° de l'article L. 612-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile.
9. En l'espèce M. B..., qui soutient que la préfète de l'Ariège a commis une erreur manifeste d'appréciation dans l'application des dispositions du 3° de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, doit être regardé comme ayant entendu se prévaloir des dispositions du 3° de l'article L. 612-2 et du 8° de l'article L. 612-3 de ce code, applicables à la date de l'arrêté en litige. Toutefois, l'argumentation par laquelle le requérant se borne à soutenir qu'il est une personne responsable, digne de confiance, et qu'il réside avec sa famille, présentant ainsi des garanties de représentation suffisantes, d'une part, ne contredit pas utilement les motifs exposés au point 7 du présent arrêt et sur lesquels la préfète de l'Ariège s'est fondée pour considérer qu'il existait un risque qu'il se soustraie à la mesure d'éloignement attaquée, et, d'autre part, ne permet pas, en tout état de cause, de considérer que l'autorité préfectorale aurait commis une erreur manifeste d'appréciation en refusant d'assortir la mesure d'éloignement dont il fait l'objet d'un délai de départ volontaire. Dans ces conditions, le moyen soulevé à ce titre doit être écarté.
En ce qui concerne la décision fixant le pays de destination :
10. S'agissant du moyen tiré de la méconnaissance des stipulations de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, invoqué en première instance, il y a lieu de l'écarter par adoption des motifs retenus par le magistrat désigné au point 14 de son jugement dès lors que le requérant ne produit devant la Cour, pas plus qu'il ne l'a fait en première instance, aucun élément de nature à permettre d'établir qu'il serait exposé, personnellement et actuellement, à des traitements inhumains et dégradants en cas de retour en Albanie.
11. Il résulte de tout ce qui précède que les conclusions présentées par M. B... aux fins d'annulation du jugement attaqué et de l'arrêté du 4 mai 2021 par lequel la préfète de l'Ariège l'a obligé à quitter le territoire français sans délai et a fixé le pays à destination duquel il pourra être reconduit doivent être rejetées.
Sur les frais liés au litige :
12. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de l'Etat, qui n'est pas la partie perdante, la somme que demande M. B... au titre des frais exposés et non compris dans les dépens. Ses conclusions présentées à ce titre doivent être rejetées.
D É C I D E :
Article 1er : La requête de M. B... est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. C... B..., au ministre de l'intérieur et à Me Badji Ouali.
Copie en sera adressée à la préfète de l'Ariège.
Délibéré après l'audience du 7 mars 2022, où siégeaient :
- M. A... Fédou, président-rapporteur,
- M. Gilles Taormina, président assesseur,
- M. François Point, premier conseiller.
Rendu public par mise à disposition au greffe, le 21 mars 2022.
2
N° 21MA04776