Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
La commune d'Allauch a demandé au tribunal administratif de Marseille à titre principal de condamner la compagnie GAN assurances au paiement de la somme de 466 738,53 euros toutes taxes comprises au titre des travaux nécessaires à la remise en état de l'ouvrage communal " le Vieux Bassin ", assortie des intérêts au taux légal à compter du 19 décembre 2016, de condamner la compagnie GAN assurances au paiement de la somme de 50 000 euros au titre de la perte de recettes, assortie des intérêts au taux légal à compter du 19 décembre 2016, de condamner la compagnie GAN assurances au paiement de la somme de 9 144 euros toutes taxes comprises au titre des frais engagés. A titre subsidiaire, elle a demandé au tribunal administratif de Marseille d'ordonner avant dire droit une expertise.
Par un jugement n° 1706295 du 2 avril 2019, le tribunal administratif de Marseille a rejeté les demandes de la commune d'Allauch.
Procédure devant la Cour :
Par une requête et un mémoire non communiqué enregistrés le 29 mai 2019 et le 10 février 2020, la commune d'Allauch, représentée par Me Mompeyssin, demande à la Cour :
1°) d'annuler le jugement du tribunal administratif de Marseille n° 1706295 du 2 avril 2019 ;
A titre principal :
2°) de condamner la société GAN assurances à lui verser la somme de 466 738,53 euros toutes taxes comprises, somme majorée des intérêts au taux légal à compter du 19 décembre 2016 ;
3°) de condamner la société GAN assurances au paiement de la somme de 50 000 euros au titre de la perte de recettes, assortie des intérêts au taux légal à compter du 19 décembre 2016 ;
4°) de condamner la société GAN assurances au paiement de la somme de 9 144 euros toutes taxes comprises au titre des frais engagés ;
5°) de mettre à la charge de la société GAN assurances une somme de 6 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;
A titre subsidiaire :
6°) d'ordonner avant dire droit une procédure d'expertise afin d'établir la réalité des désordres, de rechercher leur cause, d'évaluer les travaux nécessaires à la réfection et chiffrer le montant des travaux.
Elle soutient que :
- le jugement n'est pas suffisamment motivé et est dès lors irrégulier ; le tribunal administratif de Marseille ne s'est pas prononcé sur la notion de toiture ;
- le bâtiment en litige est couvert par une voûte ; cette couverture constitue une toiture ; la toiture constitue le couvrement d'un édifice ; le couvrement par voûte assure la fonction de toiture ;
- le Vieux-Bassin était bien étanche jusqu'en 2014 et les désordres constatés entrent dans le cadre de la garantie dégâts des eaux ; les infiltrations survenues avant 2014 avaient un caractère ponctuel et léger ; la société GAN a commis une faute en ne répondant pas aux demandes de prise en charge formulées par la commune ;
- la garantie " évènements naturels " avait également vocation à s'appliquer ; ce moyen nouveau, présenté à l'appui de conclusions fondées sur la responsabilité contractuelle, est recevable ;
- le bâtiment du Vieux-Bassin figure dans la liste du patrimoine de la commune en annexe du CCTP et relève de la garantie ; il y est identifié comme une salle d'exposition ; le bâtiment avait fait l'objet de travaux en vue de sa transformation en lieu d'exposition ;
- les voûtes du Vieux-Bassin sont assimilables à une toiture ;
- le montant des travaux nécessaires à la remise en état s'élève à la somme de 205 686,54 euros hors taxes ; avec les prestations de bureau d'études, de contrôle technique et de coordinateur de travaux, le montant s'élève à la somme de 304 000 euros toutes taxes comprises ;
- le rapport de la société I2CBET du 5 juin 2018 chiffre le montant des travaux à la somme de 466 738,53 euros toutes taxes comprises ;
- à titre subsidiaire, une expertise est nécessaire pour évaluer l'étendue des dommages et le montant des travaux ;
- elle a droit à l'indemnisation du coût de l'intervention de la société I2CBET pour un montant de 7 164 euros et de la société 2G Construction pour 1 980 euros.
Par deux mémoires en défense, enregistrés le 13 septembre 2019 et le 27 janvier 2020, la société GAN assurances, représentée par la SCP Assus-Juttner Avocats Associés, conclut au rejet de la requête et à ce qu'une somme de 5 000 euros soit mise à la charge de la commune d'Allauch au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
- le jugement est suffisamment motivé ;
- la garantie " dégât des eaux " souscrite par la commune ne s'étendait pas au bâtiment du Vieux-Bassin ; les infiltrations proviennent du terrain surmontant l'édifice ; les infiltrations ne passent pas par une toiture ; le couvrement de l'édifice exclut la notion de toiture ;
- le préjudice de 50 000 euros allégué par la commune d'Allauch n'est pas établi ; aucune justification n'est apportée sur la réalité et le montant de ce préjudice ;
- l'étendue des travaux à réaliser ne peut être clairement identifiée ; le montant des travaux allégué par la commune n'est pas justifié ; le devis produit n'a pas un caractère probant ;
- la garantie catastrophe naturelle ne peut être mobilisée ; la demande présentée à ce titre par la commune a un caractère nouveau en cause d'appel et est par suite irrecevable ; une telle garantie n'a pas vocation à s'appliquer au cas d'espèce.
Par ordonnance en date du 20 janvier 2020, la clôture de l'instruction a été fixée au 10 février 2020.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code des marchés publics ;
- le code des assurances ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de M. B... Point, rapporteur,
- les conclusions de M. A... Thielé, rapporteur public,
- et les observations de Me Mompeyssin pour la commune d'Allauch.
Considérant ce qui suit :
1. La commune d'Allauch a conclu le 24 décembre 2012 avec le groupement cabinet Sellenet / GAN assurances le lot n° 1 " assurance des dommages aux biens " d'un marché de prestations de services d'assurances d'une durée de quatre ans maximum courant à compter du 1er janvier 2013. Le 5 novembre 2014, des infiltrations d'eau ont été constatées dans la salle d'exposition du " Vieux bassin " de la commune d'Allauch. Celle-ci a déclaré ce sinistre à la compagnie GAN assurances. Un expert a été désigné par l'assureur le 6 novembre 2014 et a remis son rapport le 4 décembre 2014. Sur la base de ce rapport, la compagnie GAN assurances n'a pas donné suite à la demande de garantie du sinistre déclaré par la commune d'Allauch. Cette dernière demande au tribunal de condamner la compagnie GAN assurances à lui verser la somme de 466 738,53 euros toutes taxes comprises, correspondant au montant des travaux nécessaires à la remise en état de l'ouvrage, et à l'indemniser des préjudices subis au titre de la perte de recettes et des frais engagés, à hauteur respectivement de 50 000 euros toutes taxes comprises et de 9 144 euros toutes taxes comprises. La commune d'Allauch relève appel du jugement du 2 avril 2019 par lequel le tribunal administratif de Marseille a rejeté ses demandes.
Sur la régularité du jugement :
2. Aux termes de l'article 9 du code de justice administrative : " Les jugements sont motivés ".
3. Il résulte de l'instruction qu'au point 5 de leur jugement, les premiers juges ont indiqué les motifs pour lesquels les stipulations de l'article 10 de la convention spéciale Edilys n'étaient pas applicables, en faisant valoir notamment que l'ouvrage ne bénéficiait pas d'une " couverture de nature à garantir son étanchéité, à l'exception d'un système de drainage inefficace comme le précise le diagnostic technique réalisé par la société I2C BET ". Les premiers juges ont dès lors répondu de façon suffisamment précise au moyen soulevé par la commune d'Allauch tiré de ce que l'édifice disposait d'une toiture au sens des stipulations de l'article 10. Par suite, le moyen tiré du défaut de motivation du jugement attaqué doit être écarté.
Sur la responsabilité contractuelle :
4. Aux termes des stipulations intitulées " dispositions particulières " du cahier des clauses techniques particulières (CCTP) du lot n° 1 " assurance des dommages aux biens " relatif au marché de prestation de services d'assurances en litige : " Clauses particulières d'ordre général / (...) 8°/ Les garanties portent automatiquement sur tout immeuble acquis ou occupé par la collectivité, sous réserve d'un inventaire annuel à la diligence de l'assureur. (...) / 20°/ La garantie dégât des eaux s'applique également aux conséquences de fuites ou refoulement des canalisations enterrées, les dommages provoqués par la fuite de tout fluide, quelle qu'en soit la nature et les dommages causés par les eaux de ruissellement lorsque l'évènement n'est pas classé " catastrophe naturelle " ". Selon les stipulations du même cahier intitulées " Eléments sur le patrimoine " : " L'état du patrimoine immobilier de la commune est joint en annexe. ". Parmi les biens immobiliers listés au sein de cette annexe figure notamment l'ouvrage " Le Vieux bassin - salle d'exposition " d'une surface de " 357 mètres carrés ". Aux termes des stipulations de l'article 10 de la convention spéciale dénommée " Edilys - Dommages aux biens " applicable au marché en litige : " Dégâts des eaux et gel / (...) " Nous garantissons (...) les dommages matériels subis par les biens assurés tels que définis aux articles 4 et 5 ci-avant et causés par : / (...) - des infiltrations ou pénétrations accidentelles des eaux provenant de la pluie, la neige ou la grêle, au travers des toitures, terrasses, balcons ou ciels vitrés ".
5. Il résulte de l'instruction que le 5 novembre 2014, l'ouvrage communal " le Vieux bassin " a subi des infiltrations d'eau au niveau des voûtes hautes du bâtiment, à la suite d'intempéries. Un constat d'huissier a été réalisé le même jour, relevant notamment que les plafonds, voûtes et murs en pierres étaient trempés et que de l'eau s'écoulait en continu depuis les plafonds. Il résulte également de l'instruction, en particulier du rapport de l'expert de l'assureur du 4 décembre 2014 et des photographies versées à l'appui de cette analyse, que le local en cause est construit en sous-sol. L'expert a notamment indiqué dans son descriptif des lieux qu'une partie du local est " enterré dans sa partie arrière " et qu'il est structuré par des voûtes " recouvertes par un terrain sur une épaisseur maximum d'un mètre, lui-même recouvert par un complexe surmonté d'un enrobé constituant ainsi le parking ". Le local en cause, qui s'apparente à une cave, ne dispose donc pas de toiture. Ainsi, la commune d'Allauch n'est pas fondée à soutenir que le couvrement de l'espace du local, assuré par les voûtes, serait assimilable à une toiture. Au demeurant, l'expert a relevé que les infiltrations d'eau constatées dans le local se faisaient " au travers du terrain ". Ainsi, les dégâts des eaux en cause ne proviennent pas d'infiltrations ou pénétrations au travers des toitures, terrasses, balcons ou ciels vitrés au sens de l'article 10 du contrat d'assurance. Par suite, la commune d'Allauch n'est pas fondée à soutenir que la compagnie Gan assurances aurait méconnu ses obligations contractuelles en refusant de faire application de ces stipulations.
6. Ainsi qu'il vient d'être dit, les infiltrations d'eau ayant lieu dans un local en sous-sol et provenant du terrain, elles ne sauraient en l'espèce être regardées comme résultant d'eaux de ruissellement. Par suite, les stipulations du point 20 du préambule du CCTP ne sont pas applicables aux dommages en cause. Dès lors, la commune d'Allauch n'est pas fondée à soutenir que la compagnie Gan assurances aurait méconnu ses obligations contractuelles en refusant de faire application de ces stipulations.
7. Aux termes de l'article 18 de la convention spéciale dénommée " Edilys - Dommages aux biens ", applicable au marché en litige : " Evènements naturels - (...) Nous garantissons (...) les dommages matériels subis par les biens assurés tels que définis aux article 4 et 5 ci-avant, et résultant de l'action directe : (...) des dommages de mouilles occasionnés du fait de dommages matériels causés aux biens immobiliers assurés par l'action directe du vent, de la pluie, de la grêle sur les toitures et les façades (...) sous réserve que ces biens immobiliers soient entièrement clos et couverts et que ces dommages de mouille aient pris naissance dans les 72 heures suivant le moment de la survenance des dommages matériels aux biens immobiliers. ".
8. La commune d'Allauch soutient que la garantie " évènements naturels " avait vocation à s'appliquer et qu'elle a le droit d'être garantie de ses dommages sur ce fondement. Elle fait valoir à cet égard que les dommages résultent d'importantes infiltrations dues aux intempéries survenues le 4 novembre 2014, mentionnées dans le constat d'huissier du 5 novembre 2014. Toutefois, il résulte des stipulations de l'article 18 du contrat que sont pris en charge, au titre des dommages de mouille, les dommages résultant de dommages matériels causés aux biens immobiliers par l'action directe de la pluie. La commune, qui se borne à invoquer l'existence d'intempéries survenues le 4 novembre 2014, n'apporte pas les précisions suffisantes permettant d'apprécier l'existence de dommages de mouille résultant de dommages causés à l'immeuble du fait des intempéries. A cet égard, il résulte de l'instruction, en particulier du rapport d'analyse du 4 décembre 2014, que les infiltrations d'eau préexistaient aux intempéries invoquées par la requérante. L'auteur du rapport relève notamment que des infiltrations avaient été constatées auparavant et que des " stalactiques (sic) en plusieurs endroits trahissaient donc des infiltrations d'eau relativement anciennes ". Si l'expert a relevé que les infiltrations d'eau s'étaient aggravées à l'automne 2014, il ne résulte pas de l'instruction que les intempéries auraient endommagé les éléments de l'édifice assurant son étanchéité ou le préservant des infiltrations d'eau. Par suite, l'engagement de la garantie au titre de l'article 18 de la convention n'est pas établi et la commune d'Allauch n'est pas fondée à soutenir que la compagnie Gan assurances aurait méconnu ses obligations contractuelles en refusant de faire application de ces stipulations.
9. Il résulte de ce qui précède que les conclusions indemnitaires présentées par la commune d'Allauch doivent être rejetées. Il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, d'ordonner une expertise. Les conclusions présentées à titre subsidiaire par la commune d'Allauch tendant à ce que soit prescrite une expertise doivent, par suite, également être rejetées.
Sur les conclusions tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :
10. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que la somme demandée à ce titre par la commune d'Allauch soit mise à la charge de la compagnie GAN assurances, qui n'est pas la partie perdante. Il y a lieu, en revanche, sur ce même fondement, de mettre à la charge de la commune d'Allauch la somme de 2 000 euros à verser à la compagnie GAN assurances au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
D É C I D E :
Article 1er : La requête de la commune d'Allauch est rejetée.
Article 2 : Il est mis à la charge de la commune d'Allauch le versement à la compagnie GAN assurances d'une somme de 2 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à la commune d'Allauch et à la compagnie GAN assurances.
Délibéré après l'audience du 5 janvier 2022, à laquelle siégeaient :
- M. Guy Fédou, président,
- M. Gilles Taormina, président assesseur,
- M. B... Point, premier conseiller.
Rendu public par mise à disposition au greffe, le 19 janvier 2022.
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N° 19MA02454