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13/09/2021 | FRANCE | N°19MA03050

France | France, Cour administrative d'appel de Marseille, 6ème chambre, 13 septembre 2021, 19MA03050


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La commune de Moustiers-Sainte-Marie a demandé au tribunal administratif de Marseille, à titre principal, sur le fondement de la responsabilité décennale, et, à titre subsidiaire, sur le fondement de la responsabilité contractuelle, de condamner la SARL Enveo Ingénierie à lui verser la somme totale de 88 511,19 euros en réparation des préjudices qu'elle estime avoir subis en raison des désordres affectant la cuve de la station de relevage des eaux usées située sur son territoire dans le quartier d'Em

bourgues.

Par un jugement n° 1703628 du 14 mai 2019, le tribunal administr...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La commune de Moustiers-Sainte-Marie a demandé au tribunal administratif de Marseille, à titre principal, sur le fondement de la responsabilité décennale, et, à titre subsidiaire, sur le fondement de la responsabilité contractuelle, de condamner la SARL Enveo Ingénierie à lui verser la somme totale de 88 511,19 euros en réparation des préjudices qu'elle estime avoir subis en raison des désordres affectant la cuve de la station de relevage des eaux usées située sur son territoire dans le quartier d'Embourgues.

Par un jugement n° 1703628 du 14 mai 2019, le tribunal administratif de Marseille a condamné la SARL Enveo Ingénierie à verser à la commune de Moustiers-Sainte-Marie la somme de 68 200 euros et à ce que la SAS Gagneraud Construction garantisse la SARL Enveo Ingénierie à hauteur de 30 % de la condamnation.

Procédure devant la Cour :

I. - Par une requête et deux mémoires, enregistrés sous le n° 19MA03050 les 5 juillet, 22 août 2019 et 19 mai 2020, la SARL Enveo Ingénierie, représentée par Me Job Ricouart, demande à la Cour :

1°) à titre principal, d'annuler le jugement du tribunal administratif de Marseille du 14 mai 2019 en tant qu'elle retient sa responsabilité décennale dans la survenance des désordres ;

2°) de rejeter les conclusions présentées à son encontre par la commune de Moustiers-Sainte-Marie devant le tribunal administratif de Marseille ;

3°) de mettre à la charge de la commune de Moustiers-Sainte-Marie la somme de 3 000 euros au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

4°) à titre subsidiaire, de condamner la SAS Gagneraud Construction à la garantir intégralement des condamnations prononcées à son encontre.

Elle soutient que :

- l'origine des désordres étant inconnue, le tribunal administratif ne pouvait retenir sa responsabilité décennale ;

- les allégations de la commune de Moustiers-Sainte-Marie sur la fréquence de manutention du tampon ne sont pas conformes à la réalité ;

- l'ouvrage est conforme à la réglementation en vigueur et n'est affecté d'aucun vice de conception ; dès lors, l'ajout d'une chaine de sécurisation constituait une amélioration et non une précaution nécessaire pour la solidité de l'ouvrage ;

- l'ouvrage a été réceptionné sans réserve, ce qui fait obstacle à la mise en œuvre de sa responsabilité contractuelle ;

- elle n'a pas manqué à son obligation de conseil dans la mesure où l'ouvrage est conforme aux normes et règlements en vigueur ;

- s'agissant du préjudice, le tribunal ne pouvait retenir le coût du changement de la pompe alors que l'expert ne le préconisait pas ;

- le montant du préjudice lié à une surconsommation électrique n'est pas établi ;

- le manque à gagner allégué par la commune de Moustiers-Sainte-Marie est injustifié ;

- la SAS Gagneraud doit être condamnée à la garantir entièrement de toute condamnation prononcée à son encontre dans la mesure où elle n'a pas proposé de système de sécurisation par une chaîne alors qu'elle en avait les capacités techniques et que la mauvaise formation des agents de la commune de Moustiers-Sainte-Marie constitue une faute qui lui incombe, dès lors qu'elle avait été chargée de cette formation par la commune.

Par un mémoire en défense et d'appel incident, enregistré le 3 septembre 2019, la SAS Gagneraud Construction, représentée par la SCP d'avocats de Angelis, demande à la Cour :

1°) à titre principal, d'annuler le jugement du tribunal administratif de Marseille du 14 mai 2019 en tant qu'il l'a condamnée à garantir la SARL Enveo Ingénierie ;

2°) à titre subsidiaire, de rejeter la requête de la commune de Moustiers-Sainte-Marie ;

3°) à titre infiniment subsidiaire, de rejeter les conclusions tendant à la réparation du préjudice né de la surconsommation électrique ;

4°) à titre infiniment subsidiaire, à ce que la SARL Enveo Ingénierie la garantisse de toute condamnation qui serait prononcée à son encontre ;

5°) de condamner la SARL Enveo Ingénierie à lui verser la somme de 3 000 euros au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- l'installation est conforme aux besoins de la commune et a été correctement réalisée ;

- l'origine du désordre est accidentelle et inconnue, ce qui fait obstacle à la mise en œuvre de la responsabilité des constructeurs ;

- l'obligation de conseil pouvait s'appliquer à la SARL Enveo Ingénierie dès lors qu'elle avait les compétences techniques pour proposer, en tant que maître d'œuvre, l'ajout d'une chaine de sécurité ;

- dès lors qu'elle a correctement dispensé une formation et les recommandations d'utilisation, la mauvaise manipulation du tampon par les agents communaux est de nature à caractériser une faute de nature à l'exonérer de toute responsabilité ;

- sa part de responsabilité ne saurait excéder 10 %, eu égard aux compétences techniques dont dispose le maitre d'œuvre ;

- s'agissant de l'évaluation du préjudice, aucun élément du dossier ne permet de retenir le montant de 4 000 euros au titre de la surconsommation électrique.

Par un mémoire en défense et d'appel incident, enregistré le 27 mars 2020, la commune de Moustiers-Sainte-Marie, représentée par Me Suares, demande à la Cour :

1°) à titre principal, de rejeter la requête ;

2°) à titre subsidiaire, de réformer le jugement en tant qu'il a rejeté sa demande de condamnation de la SARL Enveo Ingénierie à lui payer la somme de 8 000 euros au titre de son manque à gagner ;

3°) de condamner la SARL Enveo Ingénierie à lui verser la somme de 2 000 euros au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- les désordres sont de nature à rendre l'ouvrage impropre à sa destination et sont imputables aux constructeurs ;

- la cause des désordres n'est pas inconnue puisqu'elle a été imputée par le tribunal à un défaut de conception, peu important que la manipulation des tampons ait été accidentelle ou non ;

- la SARL Enveo Ingénierie a manqué à son obligation de conseil en ne proposant pas d'autres équipements mieux adaptés aux compétences techniques d'une petite collectivité et à une manipulation régulière ;

- la formation de ses agents aux caractéristiques techniques de l'ouvrage n'a jamais été dispensée ;

- à titre subsidiaire, la responsabilité contractuelle pourra être mise en œuvre dans la mesure où elle démontre ne pas avoir été suffisamment informée au cours de l'exécution des travaux ;

- s'agissant de l'évaluation des préjudices, le montant minimum de 800 euros correspondant au manque à gagner par villa est établi ;

- le préjudice lié à la surconsommation électrique relève d'une appréciation souveraine du tribunal.

Par ordonnance du 15 avril 2021, la clôture de l'instruction a été fixée au 4 mai 2021.

II. - Par une requête et deux mémoires, enregistrés sous le n° 19MA03183 les 15 juillet, 16 juillet 2019 et 27 mars 2020, la SAS Gagneraud Construction, représentée par la SCP d'avocats de Angelis, demande à la Cour :

1°) à titre principal, d'annuler le jugement du tribunal administratif de Marseille du 14 mai 2019 en tant qu'il l'a condamnée à garantir la SARL Enveo Ingénierie ;

2°) à titre subsidiaire, de rejeter le préjudice né de la surconsommation électrique ;

3°) à titre subsidiaire, à ce que la SARL Enveo Ingénierie la garantisse de toute condamnation qui serait prononcée à son encontre ;

4°) de condamner la SARL Enveo Ingénierie à lui verser la somme de 3 000 euros au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- l'installation est conforme aux besoins de la commune et a été correctement réalisée ;

- l'origine du désordre est accidentelle et inconnue, ce qui fait obstacle à la mise en œuvre de la responsabilité des constructeurs ;

- l'obligation de conseil pouvait s'appliquer à la SARL Enveo Ingénierie dès lors qu'elle avait les compétences techniques pour proposer, en tant que maître d'œuvre, l'ajout d'une chaine de sécurité ;

- dès lors qu'elle a correctement dispensé une formation et les recommandations d'utilisation, la mauvaise manipulation du tampon par les agents communaux est de nature à caractériser une faute de nature à l'exonérer de toute responsabilité ;

- sa part de responsabilité ne saurait excéder 10 %, eu égard aux compétences techniques dont bénéficie le maitre d'œuvre ;

- s'agissant de l'évaluation du préjudice, aucun élément du dossier ne permet de retenir le montant de 4 000 euros au titre de la surconsommation électrique.

Par deux mémoires en défense et d'appel incident, enregistrés les 6 août 2019 et 19 mai 2020, la société Enveo Ingénierie, représentée par Me Job Ricouart, demande à la Cour :

1°) à titre principal, d'annuler le jugement du tribunal administratif de Marseille du 14 mai 2019 en tant qu'elle retient sa responsabilité décennale dans la survenance des désordres ;

2°) de rejeter les conclusions présentées à son encontre par la commune de Moustiers-Sainte-Marie devant le tribunal administratif de Marseille ;

3°) de mettre à la charge de la commune la somme de 3 000 euros au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

4°) à titre subsidiaire, de condamner la SAS Gagneraud Construction à la garantir intégralement des condamnations prononcées à son encontre.

Elle soutient que :

- l'origine des désordres étant inconnue, le tribunal administratif ne pouvait retenir sa responsabilité décennale ;

- les allégations de la commune sur la fréquence de manutention du tampon ne sont pas conformes à la réalité ;

- l'ouvrage est conforme à la réglementation en vigueur et n'est affecté d'aucun vice de conception ; dès lors, l'ajout d'une chaine de sécurisation constituait une amélioration et non une précaution nécessaire pour la solidité de l'ouvrage ;

- l'ouvrage a été réceptionné sans réserve, ce qui fait obstacle à la mise en œuvre de sa responsabilité contractuelle ;

- elle n'a pas manqué à son obligation de conseil dans la mesure où l'ouvrage est conforme aux normes et règlements en vigueur ;

- s'agissant du préjudice, le tribunal ne pouvait retenir le montant du changement de la pompe alors que l'expert ne le préconisait pas ;

- le montant du préjudice lié à une surconsommation électrique n'est pas établi ;

- le manque à gagner allégué par la commune est injustifié ;

- la SAS Gagneraud doit être condamnée à la garantir entièrement de toute condamnation prononcée à son encontre dans la mesure où elle n'a pas proposé de système de sécurisation par une chaîne alors qu'elle en avait les capacités techniques et que la mauvaise formation des agents de la commune de Moustiers-Sainte-Marie constitue une faute.

Par un mémoire en défense et d'appel incident, enregistré le 2 avril 2020, la commune de Moustiers-Sainte-Marie, représentée par Me Suares, demande à la Cour :

1°) à titre principal, de rejeter la requête ;

2°) à titre subsidiaire, de réformer le jugement du tribunal administratif de Marseille du 14 mai 2019 en tant qu'il a rejeté sa demande de condamnation de la SARL Enveo Ingénierie à lui payer la somme de 8 000 euros au titre de son manque à gagner ;

3°) de condamner la SAS Gagneraud Construction à lui verser la somme de 2 000 euros au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- les désordres sont de nature à rendre l'ouvrage impropre à sa destination et sont imputables aux constructeurs ;

- la cause des désordres n'est pas inconnue puisqu'elle a été imputée par le tribunal à un défaut de conception, peu important que la manipulation des tampons ait été accidentelle ou non ;

- la SARL Enveo Ingénierie a manqué à son obligation de conseil en ne proposant pas d'autres équipements mieux adaptés aux compétences techniques d'une petite collectivité et à une manipulation régulière ;

- la formation de ses agents aux caractéristiques techniques de l'ouvrage n'a jamais été dispensée ;

- à titre subsidiaire, la responsabilité contractuelle pourra être mise en œuvre dans la mesure où elle démontre ne pas avoir été suffisamment informée au cours de l'exécution des travaux ;

- s'agissant de l'évaluation des préjudices, le montant minimum de 800 euros correspondant au manque à gagner de 800 euros par villa est établi ;

- le montant de la surconsommation électrique relève d'une appréciation souveraine du tribunal.

Par ordonnance du 15 avril 2021, la clôture de l'instruction a été fixée au 4 mai 2021.

Vu les autres pièces des dossiers.

Vu :

- le code des marchés publics ;

- le code civil ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. A... Taormina, rapporteur,

- les conclusions de M. B... Thielé, rapporteur public,

- et les observations de Me Bianchi pour la SARL Enveo Ingénierie, de Me Fillion Hoarau pour la SAS Gagneraud Construction et de Me Gadd pour la commune de Moustiers-Sainte-Marie.

Considérant ce qui suit :

1. Dans le cadre de la création d'un réseau d'assainissement et du renforcement du réseau d'eau potable du quartier d'Embourgues, la commune de Moustiers-Sainte-Marie a attribué, à l'issue d'une procédure adaptée et par un acte d'engagement du 3 juin 2010, à la SARL Enveo Ingénierie, un marché public de maitrise d'œuvre. Par un acte d'engagement du 13 juillet 2012, le marché public de travaux a été attribué à la SAS Gagneraud Construction qui a exécuté les travaux en deux tranches. Les travaux de la tranche ferme ont été réceptionnés avec réserves le 18 septembre 2012 et ceux de la tranche conditionnelle ont été réceptionnés sans réserve le 11 juin 2014. Les réserves de la tranche ferme ont été levées le 13 septembre 2013.

2. Postérieurement à la réception de la tranche ferme, la commune de Moustiers-Sainte-Marie a constaté le percement du fond de la cuve du poste de relevage des eaux usées. Après une expertise amiable qui n'a pu déterminer l'origine des désordres, la collectivité a saisi le juge des référés du tribunal administratif de Marseille lequel a, par ordonnance du 24 mars 2014, désigné M. C... en qualité d'expert. L'homme de l'art a déposé son rapport le 30 juin 2016.

3. La SARL Enveo Ingénierie et la SAS Gagneraud Construction relèvent appel du jugement n° 1703628 du 14 mai 2019, par lequel le tribunal administratif de Marseille a condamné, d'une part, la SARL Enveo Ingénierie à verser à la commune de Moustiers-Sainte-Marie la somme de 68 200 euros en réparation des préjudices qu'elle a subis en raison des désordres et, d'autre part, la SAS Gagneraud Construction à garantir la SARL Enveo Ingénierie à hauteur de 30 % de sa condamnation.

Sur la jonction :

4. Les requêtes de la SARL Enveo Ingénierie et de la SAS Gagneraud Construction sont dirigées contre le même jugement et ont fait l'objet d'une instruction commune. Il y a lieu dès lors de les joindre pour statuer par un seul arrêt.

Sur la responsabilité décennale :

5. Il résulte des principes qui régissent la garantie décennale des constructeurs que des désordres apparus dans le délai d'épreuve de dix ans, de nature à compromettre la solidité de l'ouvrage ou à le rendre impropre à sa destination dans un délai prévisible, engagent leur responsabilité, même s'ils ne se sont pas révélés dans toute leur étendue avant l'expiration du délai de dix ans. Le constructeur dont la responsabilité est recherchée sur ce fondement ne peut en être exonéré, outre les cas de force majeure et de faute du maître d'ouvrage, que lorsque, eu égard aux missions qui lui étaient confiées, il n'apparaît pas que les désordres lui soient en quelque manière imputables.

6. En l'espèce, il résulte de l'instruction, et notamment des conclusions de l'expert judiciaire, que les travaux réalisés par la SARL Enveo Ingénierie et la SAS Gagneraud Construction sont conformes aux règles en vigueur et aux documents contractuels. L'expert relève à cet égard que la norme en vigueur, EN 124, a été respectée. Si la cause du sinistre reste contestée par les parties, il est cependant constant que la commune a dû faire intervenir une entreprise tierce sur l'alimentation électrique de l'ouvrage, intervention dont il n'est pas contesté qu'elle a nécessité la dépose du couvercle-tampon. Si l'expert relève que l'origine des désordres proviendrait d'une manipulation maladroite et accidentelle du tampon, c'est-à-dire de la plaque représentant le couvercle de la cuve, la cause du sinistre, quoique non identifiée avec une telle précision, serait selon toute vraisemblance la chute d'un objet lourd dans la cuve de l'ouvrage, entraînant sa perforation.

7. A supposer établi que cet objet soit le couvercle de la cuve, alors que la commune nie qu'il ait pu avoir été mal manipulé par son personnel, tout en reprochant à la société Gagneraud Construction, chargée de sa formation, une formation selon elle insuffisante en la matière, aucun élément du dossier ne permet d'imputer cette chute à une conception défectueuse de l'ouvrage de nature à compromettre sa solidité ou à le rendre impropre à sa destination dans un délai prévisible. Si la présence d'une chaîne à laquelle ce couvercle aurait été suspendu aurait pu être de nature à limiter le risque de sa chute dans la cuve, ce dispositif, dont il n'est pas démontré qu'il était effectivement de nature à éliminer totalement ce risque ou qu'il soit communément présent sur d'autres installations du même type dans d'autres collectivités, apparaît n'être qu'un élément de confort d'utilisation qui n'est d'ailleurs prescrit par aucun document technique et son absence, comme en l'espèce, n'était, en tout état de cause, pas de nature à compromettre la solidité de l'ouvrage ou à le rendre impropre à sa destination dans un délai prévisible. Dès lors les sociétés appelantes sont fondées à soutenir que leur responsabilité ne pouvait être retenue dans le cadre de la responsabilité décennale et que la commune de Moustiers-Sainte-Marie n'est pas fondée en ses conclusions indemnitaires. Par suite, c'est à tort que le tribunal administratif de Marseille a, au motif erroné de l'existence d'un vice de conception rendant impropre l'ouvrage à sa destination, retenu la responsabilité des sociétés Enveo Ingénierie et Gagneraud Construction au titre de la responsabilité décennale.

Sur la responsabilité contractuelle :

8. Si la réception met fin aux relations contractuelles entre la maîtrise d'ouvrage et les constructeurs, elle ne fait pas obstacle à ce que soit recherchée la responsabilité contractuelle du maître d'œuvre en cas de manquement à son devoir de conseil.

9. En l'espèce, il résulte de ce qui précède aux points 6 et 7 du présent arrêt que l'ouvrage, malgré l'absence de chaîne de sécurité, ne présentait à sa réception aucun défaut de conception à ce titre, de nature à susciter de la part du maître d'ouvrage une réserve. Dès lors, la société Enveo Ingénierie est fondée à soutenir qu'elle n'a pas manqué à son devoir de conseil, en ne conseillant pas à la commune de Moustiers-Sainte-Marie de recevoir l'ouvrage avec réserves du fait de l'absence de ce dispositif et les conclusions indemnitaires formulées par la commune à l'encontre de ladite société doivent, par suite, être rejetées.

Sur les appels en garantie :

10. Aucune responsabilité de la SARL Enveo Ingénierie ou de la SAS Gagneraud Construction n'étant établie, elles n'ont pas lieu de s'appeler mutuellement en garantie. Dès lors, il n'y a pas lieu de statuer sur leurs conclusions formulées à cette fin. Par suite, le tribunal administratif de Marseille n'était pas fondé à condamner la SAS Gagneraud Construction à garantir la SARL Enveo Ingénierie à hauteur de 30 % de la condamnation prononcée à l'encontre de cette dernière.

Sur l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

11. Aux termes de l'article L. 761-1 du code de justice administrative : " Dans toutes les instances, le juge condamne la partie tenue aux dépens ou, à défaut, la partie perdante, à payer à l'autre partie la somme qu'il détermine, au titre des frais exposés et non compris dans les dépens. Le juge tient compte de l'équité ou de la situation économique de la partie condamnée. Il peut, même d'office, pour des raisons tirées des mêmes considérations, dire qu'il n'y a pas lieu à cette condamnation ".

12. Il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de la commune de Moustiers-Sainte-Marie une somme au titre des frais exposés par la SARL Enveo Ingénierie et non compris dans les dépens, en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

13. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de la SARL Enveo Ingénierie ou de la SAS Gagneraud Construction qui, dans la présente instance, ne sont pas parties perdantes, une somme au titre des frais exposés par la commune de Moustiers-Sainte-Marie et non compris dans les dépens.

14. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de la SARL Enveo Ingénierie qui, dans la présente instance, n'est pas partie perdante, une somme au titre des frais exposés par la SAS Gagneraud Construction et non compris dans les dépens.

D É C I D E :

Article 1er : Le jugement n° 1703628 du 14 mai 2019 rendu par lequel le tribunal administratif de Marseille est annulé.

Article 2 : Le surplus des conclusions des requêtes de la SARL Enveo Ingénierie et de la SAS Gagneraud Construction est rejeté.

Article 3 : La demande présentée par la commune de Moustiers-Sainte-Marie devant le tribunal administratif de Marseille et ses conclusions d'appel présentées sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.

Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à la SARL Enveo Ingénierie, à la SAS Gagneraud Construction et à la commune de Moustiers-Sainte-Marie.

Délibéré après l'audience du 1er septembre 2021, où siégeaient :

- M. Guy Fédou, président,

- M. A... Taormina, président assesseur,

- M. François Point, premier conseiller.

Rendu public par mise à disposition au greffe, le 13 septembre 2021.

N°s 19MA03050 - 19MA03183 2


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Marseille
Formation : 6ème chambre
Numéro d'arrêt : 19MA03050
Date de la décision : 13/09/2021
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Analyses

39-06-01-04 Marchés et contrats administratifs. - Rapports entre l'architecte, l'entrepreneur et le maître de l'ouvrage. - Responsabilité des constructeurs à l'égard du maître de l'ouvrage. - Responsabilité décennale.


Composition du Tribunal
Président : M. FEDOU
Rapporteur ?: M. Gilles TAORMINA
Rapporteur public ?: M. THIELÉ
Avocat(s) : SELARL JOB RICOUART ET ASSOCIES;SELARL JOB RICOUART ET ASSOCIES;SELARL JOB RICOUART ET ASSOCIES

Origine de la décision
Date de l'import : 21/09/2021
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.marseille;arret;2021-09-13;19ma03050 ?
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