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28/06/2021 | FRANCE | N°21MA00502

France | France, Cour administrative d'appel de Marseille, 6ème chambre, 28 juin 2021, 21MA00502


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. B... A... a demandé au tribunal administratif de Marseille, d'une part, d'annuler pour excès de pouvoir l'arrêté du 10 août 2020 par lequel le préfet des Alpes de Haute-Provence a refusé de lui délivrer un titre de séjour en l'obligeant à quitter le territoire français dans un délai de trente jours et en fixant le pays de destination de la mesure d'éloignement et, d'autre part, d'enjoindre audit préfet de lui délivrer un certificat de résidence portant la mention " vie privée et familiale " ou

" salarié " dans un délai de deux mois à compter de la notification du jugemen...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. B... A... a demandé au tribunal administratif de Marseille, d'une part, d'annuler pour excès de pouvoir l'arrêté du 10 août 2020 par lequel le préfet des Alpes de Haute-Provence a refusé de lui délivrer un titre de séjour en l'obligeant à quitter le territoire français dans un délai de trente jours et en fixant le pays de destination de la mesure d'éloignement et, d'autre part, d'enjoindre audit préfet de lui délivrer un certificat de résidence portant la mention " vie privée et familiale " ou " salarié " dans un délai de deux mois à compter de la notification du jugement à intervenir, sous astreinte de 50 euros par jour de retard.

Par un jugement n° 2007014 du 30 décembre 2020, le tribunal administratif de Marseille a rejeté sa demande.

Procédure devant la Cour :

Par une requête enregistrée le 5 février 2021, M. A..., représenté par Me D..., demande à la Cour :

1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Marseille ;

2°) d'annuler l'arrêté du préfet des Alpes de Haute-Provence du 10 août 2020 ;

3°) d'enjoindre au préfet des Alpes de Haute-Provence de lui délivrer un certificat de résidence d'un an portant la mention " vie privée et familiale " ou " salarié " dans un délai de quinze jours à compter de la notification de la décision à intervenir, sous astreinte de 150 euros par jour de retard ou, à défaut, de lui enjoindre de procéder au réexamen de sa demande dans le même délai et sous la même astreinte ;

4°) de mettre à la charge de l'Etat le versement de la somme de 1 500 euros à Me D... au titre des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991.

Il soutient que :

- la décision portant refus de séjour est insuffisamment motivée et souffre d'un défaut d'examen de sa situation personnelle ;

- cette décision méconnait l'article 6-5 de l'accord franco-algérien et porte une atteinte disproportionnée au respect de sa vie privée et familiale ;

- il est inséré dans la société française, notamment professionnellement, et justifie d'un investissement associatif ;

- il a rompu ses liens avec sa famille restée en Algérie ;

- le refus de séjour viole les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- il est entaché d'une erreur manifeste d'appréciation ;

- il porte atteinte à l'intérêt supérieur de ses enfants scolarisés en France depuis 2016 tel que garanti par l'article 3-1 de la convention ;

- la décision portant obligation de quitter le territoire français est illégale du fait de l'illégalité entachant la décision portant refus de séjour.

Par un mémoire en défense enregistré le 1er mars 2021, la préfète des Alpes de Haute-Provence conclut au rejet de la requête.

Elle soutient que les moyens soulevés par M. A... ne sont pas fondés.

Par ordonnance du 2 mars 2021, la clôture de l'instruction a été fixée au 15 avril 2021.

M. A... a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 19 février 2021.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- la convention internationale des droits de l'enfant du 26 janvier 1990 ;

- l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968 modifié relatif à la circulation, à l'emploi et au séjour des ressortissants algériens et de leurs familles ;

- le code des relations entre le public et l'administration ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- le code de justice administrative.

Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme C... Massé-Degois, rapporteure,

- et les observations de Me D..., représentant M. A....

Considérant ce qui suit :

1. M. A..., ressortissant de nationalité algérienne, né le 24 décembre 1972, qui déclare être entré sur le territoire français le 28 mai 2016, a sollicité le 23 décembre 2019 son admission exceptionnelle au séjour au titre de la vie privée et familiale. Il relève appel du jugement du 30 décembre 2020 par lequel le tribunal administratif de Marseille a rejeté ses conclusions à fin d'annulation de l'arrêté du 10 août 2020 du préfet des Alpes de Haute-Provence refusant de lui délivrer un titre de séjour et l'obligeant à quitter le territoire français dans un délai de trente jours en fixant le pays de destination de la mesure d'éloignement.

Sur le bien-fondé du jugement attaqué :

2. En premier lieu, aux termes de l'article L. 211-2 du code des relations entre le public et l'administration : " Les personnes physiques ou morales ont le droit d'être informées sans délai des motifs des décisions administratives individuelles défavorables qui les concernent. / A cet effet, doivent être motivées les décisions qui (...) constituent une mesure de police... ". Aux termes de l'article L. 211-5 du même code : " La motivation exigée par le présent chapitre doit être écrite et comporter l'énoncé des considérations de droit et de fait qui constituent le fondement de la décision. ".

3. En l'espèce, l'arrêté en litige du 10 août 2020 vise les textes dont il fait application, et notamment les articles 3 et 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, l'article 3 de la convention internationale des droits de l'enfant, l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968 modifié et notamment son article 6-5 ainsi que le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, notamment les articles L. 313-14 et L. 511-1-I. Il mentionne, par ailleurs, les faits qui en constituent le fondement, à savoir le motif de la demande présentée par M. A..., les circonstances de son entrée et de son séjour en France ainsi que sa situation personnelle et familiale en faisant état tant de sa qualité d'époux d'une compatriote en situation irrégulière sur le sol français et de père de trois enfants mineurs que de la présence en France d'une partie des membres de sa famille. Il précise, enfin, que les services de la main d'oeuvre étrangère de la DIRECCTE-PACA ont émis un avis défavorable à la demande d'autorisation de travail présentée au regard du contrat de travail joint à la demande de M. A..., que l'intéressé n'établit pas être dans l'impossibilité de se ré-établir dans son pays d'origine où il a vécu jusqu'à l'âge de 44 ans et qu'il ne peut être regardé comme présentant des motifs exceptionnels ou des considérations humanitaires justifiant la délivrance, à titre exceptionnel, d'une carte de séjour " vie privée et familiale " ou " salarié ". Par suite, la décision attaquée, qui contrairement à ce qui est soutenu, n'est nullement rédigée de manière stéréotypée mais se réfère aux éléments de sa situation personnelle, est suffisamment motivée en droit et en fait et n'est, en conséquence, pas entachée d'un défaut d'examen de sa situation personnelle.

4. En deuxième lieu, aux termes de l'article 6 de l'accord franco-algérien : " Le certificat de résidence d'un an portant la mention " vie privée et familiale " est délivré de plein droit : (...) 5) au ressortissant algérien, qui n'entre pas dans les catégories précédentes ou dans celles qui ouvrent droit au regroupement familial, dont les liens personnels et familiaux en France sont tels que le refus d'autoriser son séjour porterait à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée au regard des motifs du refus. ". Aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1° Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance ; 2° Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale ou à la protection des droits et libertés d'autrui. ".

5. S'il est admis que M. A... réside en France depuis le 28 mai 2016 avec son épouse et ses trois enfants nés en 2009, en 2012 et en 2016, le plus jeune étant né en France et les trois étant scolarisés à la date du refus critiqué, il est constant que sa conjointe, une compatriote, est elle-même en situation irrégulière, qu'il n'a pas exécuté la mesure d'éloignement prise à son encontre le 27 janvier 2017 par le préfet des Alpes de Haute-Provence confirmée par le tribunal administratif de Marseille le 7 novembre 2017 puis par la cour administrative d'appel de Marseille le 13 novembre 2018, et il ne ressort d'aucune des pièces versées au dossier que la cellule familiale ne pourrait pas se reconstituer dans leur pays d'origine. Par ailleurs, le droit au respect de la vie privée et familiale ne saurait s'interpréter à cet égard comme comportant pour un État l'obligation générale de respecter le choix, par les couples mariés, de leur domicile commun et d'accepter l'installation de conjoints non nationaux dans le pays. En outre, si M. A... se prévaut de la présence régulière en France de plusieurs membres de sa famille ou belle-famille, il ne justifie toutefois pas être totalement dépourvu d'attaches familiales dans son pays d'origine où il a vécu jusqu'à sa quarante-quatrième année, soit la majeure partie de sa vie, y compris d'adulte. Enfin, si l'intéressé justifie avoir exercé une activité salariée au cours des mois d'août à octobre 2017, des mois de mars à mai 2018 et des mois de février à septembre 2019 et enfin au cours du mois de novembre 2019 et avoir perçu pour chacune de ces périodes un salaire mensuel moyen respectif de l'ordre de 1 600 euros, de 796 euros et de

1 170 euros, ces éléments, ainsi que l'a jugé le tribunal, ne lui confèrent cependant aucun droit particulier au séjour. M. A... ne saurait reprocher au tribunal d'avoir considéré, à tort, qu'il avait travaillé seulement dix mois en 2019 dans la mesure où ont été versés aux débats les seuls bulletins de salaire des mois de février à septembre et de novembre et décembre 2019. Enfin, si M A... produit devant la Cour ses bulletins de salaires pour l'année 2020, il est constant qu'il n'a perçu, à la date de la décision attaquée, aucun revenu de son employeur à ce titre. Dans ces conditions, M. A..., alors même qu'il justifie, par ailleurs, être investi dans le monde associatif en tant que bénévole ainsi que dans la scolarité de ses enfants, n'établit pas que la décision de refus de séjour en litige porterait à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée par rapport aux buts en vue desquels elle a été prise et aurait ainsi méconnu les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ainsi que celles de l'article 6-5 de l'accord franco-algérien.

6. En troisième lieu, il ne ressort pas des pièces du dossier que le préfet des Alpes de Haute-Provence, et alors même que M. A... démontre résider en France depuis le mois de mai 2016, aurait entaché l'appréciation de sa situation personnelle d'une erreur manifeste.

7. En quatrième lieu, aux termes de l'article 3-1 de la convention signée à New York le 26 janvier 1990 : " Dans toutes les décisions qui concernent les enfants, (...) l'intérêt de l'enfant doit être une considération primordiale. ". Il résulte de ces stipulations, qui peuvent être utilement invoquées à l'appui d'un recours pour excès de pouvoir, que, dans l'exercice de son pouvoir d'appréciation, l'autorité administrative doit accorder une attention primordiale à l'intérêt supérieur des enfants dans toutes les décisions les concernant.

8. Il ressort des pièces du dossier que la décision attaquée n'implique pas par elle-même une séparation entre M. A... et ses trois enfants dès lors que, tous les membres du foyer étant de même nationalité, aucune circonstance ne s'oppose à la reconstitution de la vie familiale en Algérie, leur pays d'origine. Il n'est, par ailleurs, pas établi que les jeunes enfants du requérant, scolarisés à la date du refus attaqué en classe de l'école maternelle et en classe élémentaire de l'école primaire, ne pourraient poursuivre en Algérie une scolarité normale ni même continuer leurs activités sportives footballistiques extra-scolaires. Par suite, le moyen tiré de la méconnaissance, par la décision attaquée, des stipulations de l'article 3-1 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant doit être écarté.

9. En cinquième et dernier lieu, il résulte des motifs exposés aux points 2 à 8 que le refus de délivrance d'un titre de séjour opposé à M. A... n'est pas entaché d'illégalité. Par suite, l'exception d'illégalité du refus de titre soulevée à l'encontre de la décision portant obligation de quitter le territoire doit être écartée. Et, en l'absence d'une argumentation spécifique dirigée contre l'obligation de quitter le territoire français, et à supposer que l'appelant ait entendu soulever à l'encontre de cette décision les moyens tirés de la méconnaissance des stipulations de l'article 6-5 de l'accord franco-algérien, de celles de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et de celles de l'article 3-1 de la convention internationale des droits de l'enfant ainsi que d'une erreur manifeste d'appréciation, il y a lieu de les écarter par les mêmes motifs que ceux indiqués aux points 4 à 8 concernant le refus de titre de séjour.

10. Il résulte de l'ensemble de ce qui précède que M. A... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Marseille a rejeté sa demande. L'ensemble de ses conclusions, y compris celles aux fins d'injonction et celles présentées sur le fondement des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991, doit être rejeté par voie de conséquence.

D É C I D E :

Article 1er : La requête de M. A... est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. B... A..., au ministre de l'intérieur et à Me D....

Copie en sera adressée à la préfète des Alpes de Haute-Provence.

Délibéré après l'audience du 14 juin 2021, où siégeaient :

- M. Guy Fédou président,

- Mme C... Massé-Degois, présidente assesseure,

- M. Philippe Grimaud, premier conseiller.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 28 juin 2021.

2

N° 21MA00502

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Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Marseille
Formation : 6ème chambre
Numéro d'arrêt : 21MA00502
Date de la décision : 28/06/2021
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

335-01 Étrangers. Séjour des étrangers.


Composition du Tribunal
Président : M. FEDOU
Rapporteur ?: Mme Christine MASSE-DEGOIS
Rapporteur public ?: M. THIELÉ
Avocat(s) : FERCHICHI

Origine de la décision
Date de l'import : 06/07/2021
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.marseille;arret;2021-06-28;21ma00502 ?
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