Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
M. E... C... a demandé au tribunal administratif de Paris, d'une part, d'annuler pour excès de pouvoir l'arrêté du 22 novembre 2017 par lequel le ministre de l'éducation nationale l'a licencié et, d'autre part, d'être entendu par un jury ou de lui accorder une nouvelle inspection ainsi que le réexamen de son dossier.
Le président de la section du contentieux du Conseil d'Etat a transmis au tribunal administratif de Toulon la requête de M. C....
Par un jugement n° 1702998 du 25 juillet 2019, le tribunal administratif de Toulon a rejeté sa demande.
Procédure devant la Cour :
Par une requête et des mémoires enregistrés le 25 septembre 2019, le 30 octobre 2019, le 29 novembre 2019, le 5 juin 2020 et le 6 juillet 2020, M. C..., représenté par Me B..., demande à la Cour :
1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Toulon ;
2°) d'annuler l'arrêté du 22 novembre 2017 par lequel le ministre de l'éducation nationale a prononcé son licenciement pour insuffisance professionnelle ;
3°) d'enjoindre au rectorat de Nice d'organiser une nouvelle délibération du jury académique chargé de l'évaluation de la qualification professionnelle ;
4°) de mettre à la charge de l'Etat le versement de la somme de 2 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Il soutient que :
- la minute du jugement n'est pas signée ;
- la décision le licenciant a été prise au terme d'une procédure irrégulière, le ministre ne justifiant pas l'avoir convoqué devant le jury académique avant la tenue de l'entretien qui s'est déroulé le 1er juillet 2016 ;
- il n'a pas bénéficié des garanties prévues par les textes et notamment par la circulaire du 18 avril 2016 ;
- la durée de son second stage a été insuffisante ;
- le jury académique, qui n'a tenu compte ni du caractère difficile de l'environnement dans lequel il a exercé ses fonctions de stagiaire ni de son expérience de dix-sept années d'enseignement, a commis une erreur manifeste dans l'appréciation de ses aptitudes professionnelles.
Par un mémoire en défense enregistré le 18 juin 2020, le ministre de l'éducation nationale conclut au rejet de la requête.
Il soutient que les moyens soulevés par M. C... ne sont pas fondés.
Par ordonnance du 23 juin 2020, la clôture de l'instruction a été fixée au 1er septembre 2020.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983 portant droits et obligations des fonctionnaires ;
- le décret nº 72-581 du 4 juillet 1972 modifié relatif au statut particulier des professeurs certifiés ;
- le décret n° 94-874 du 7 octobre 1994 fixant les dispositions communes applicables aux stagiaires de l'État et de ses établissements publics ;
- l'arrêté du 22 août 2014 fixant les modalités de stage, d'évaluation et de titularisation de certains personnels enseignants et d'éducation de l'enseignement du second degré stagiaires ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme D... Massé-Degois, rapporteure,
- les conclusions de M. A... Thielé, rapporteur public,
- et les observations de Me B... pour M. C....
Considérant ce qui suit :
1. Après plusieurs années d'enseignement des mathématiques en qualité de maître auxiliaire dans l'académie de Mayotte et à la suite de la réussite du concours externe 2015 de professeur certifié, discipline " mathématiques ", M. C... a été nommé le 1er septembre 2014 au collège M'F..., à Mayotte, pour y effectuer une année de stage. Alors qu'il a été autorisé à effectuer une seconde année de stage le 17 juillet 2015 dans l'académie de Nice, le ministre de l'éducation nationale et de la jeunesse a décidé de le licencier par un arrêté du 22 novembre 2016 pour insuffisance professionnelle. Par un recours gracieux du 20 janvier 2017, M. C... a sollicité le réexamen de cette décision de licenciement, auquel un refus implicite lui a été opposé. Il a alors saisi le tribunal administratif de Paris en vue, d'une part, d'obtenir l'annulation de l'arrêté prononçant son licenciement et, d'autre part, d'être entendu par un jury ou de se voir accorder une nouvelle inspection ainsi que le réexamen de son dossier. M. C... relève appel du jugement par lequel le tribunal administratif de Toulon, à qui sa requête a été transmise par le président de la section du contentieux du Conseil d'Etat, a rejeté ses demandes.
Sans qu'il soit besoin de statuer sur les autres moyens de la requête :
Sur les conclusions à fin d'annulation :
2. D'une part, aux termes de l'article 26 du décret n° 72-581 du 4 juillet 1972 relatif au statut particulier des professeurs certifiés : " A l'issue du stage, la titularisation est prononcée par le recteur de l'académie dans le ressort de laquelle le stage est accompli, sur proposition du jury mentionné à l'article 24. La titularisation confère le certificat d'aptitude au professorat de l'enseignement du second degré ou le certificat d'aptitude au professorat de l'enseignement technique. / Les stagiaires qui n'ont pas été titularisés peuvent être autorisés par le recteur de l'académie dans le ressort de laquelle ils ont accompli leur stage à effectuer une seconde année de stage ; celle-ci n'est pas prise en compte dans l'ancienneté d'échelon. A l'issue de cette année, ils sont titularisés dans les conditions fixées au premier alinéa. / Les stagiaires qui n'ont pas été autorisés à accomplir une seconde année de stage ou qui, à l'issue de la seconde année de stage, n'ont pas été titularisés sont soit licenciés, soit réintégrés dans leur corps ou cadre d'emplois d'origine s'ils avaient la qualité de fonctionnaire. ".
3. D'autre part, aux termes de l'article 7 du décret du 7 octobre 1994 fixant les dispositions communes applicables aux stagiaires de l'Etat et de ses établissements publics : " Le fonctionnaire stagiaire peut être licencié pour insuffisance professionnelle lorsqu'il est en stage depuis un temps au moins égal à la moitié de la durée normale du stage. La décision de licenciement est prise après avis de la commission administrative paritaire prévue à l'article 29 du présent décret, sauf dans le cas où l'aptitude professionnelle doit être appréciée par un jury.". S'agissant d'un professeur stagiaire de l'enseignement du second degré, son licenciement pour insuffisance professionnelle ne peut être prononcé qu'après avis du jury académique d'évaluation des professeurs certifiés stagiaires. En effet, aux termes de l'article 6 de l'arrêté du 22 août 2014 fixant les modalités de stage, d'évaluation et de titularisation de certains personnels enseignants et d'éducation de l'enseignement du second degré stagiaire : " Le jury entend au cours d'un entretien tous les fonctionnaires stagiaires pour lesquels il envisage de ne pas proposer la titularisation. ". L'article 7 du même arrêté dispose que le fonctionnaire stagiaire a accès à sa demande à la grille d'évaluation, aux avis et rapports mentionnés à l'article 5. Cet article 5 précise que : " Le jury se prononce sur le fondement du référentiel de compétences prévu par l'arrêté du 1er juillet 2013 susvisé, après avoir pris connaissance des avis suivants : I. - Pour les stagiaires qui effectuent leur stage dans les établissements publics d'enseignement du second degré :1° L'avis d'un membre des corps d'inspection de la discipline désigné par le recteur, établi sur la base d'une grille d'évaluation et après consultation du rapport du tuteur désigné par le recteur, pour accompagner le fonctionnaire stagiaire pendant sa période de mise en situation professionnelle. L'avis peut également résulter, notamment à la demande du chef d'établissement, d'une inspection ; 2° L'avis du chef de l'établissement dans lequel le fonctionnaire stagiaire a été affecté pour effectuer son stage établi sur la base d'une grille d'évaluation ; 3° L'avis du directeur de l'école supérieure du professorat et de l'éducation responsable de la formation du stagiaire. (...). ".
4. Il ressort des pièces du dossier que M. C... a fait l'objet d'une lettre de convocation datée du 22 juin 2016 l'invitant à se présenter devant le jury académique chargé de l'évaluation de la qualification professionnelle le 1er juillet 2016 à 11 heures 30 dans le cadre de sa seconde année de stage 2015/2016. Il ne ressort, en revanche, d'aucune des pièces du dossier soumis aux juges d'appel que ce courrier adressé à M. C... sous couvert du chef d'établissement du lycée polyvalent Raynouard à Brignoles ait été réceptionné par son destinataire avant la tenue de l'entretien auquel il était convié. Au contraire, il résulte des derniers éléments transmis par l'appelant le 6 juillet 2020, qui ne sont aucunement contestés par le ministre de l'éducation nationale, que cette lettre de convocation datée du 22 juin 2016 a été adressée le 12 juillet suivant à M. C... par le lycée Raynouard de Brignoles par pli recommandé n° 1A 129 828 01520, comme en atteste le tampon d'affranchissement de la Poste apposé sur ledit pli que l'intéressé a réceptionné le lendemain ainsi qu'en attestent également les mentions et la signature figurant sur l'avis postal de réception portant le même n° 1A 129 828 01520. Dès lors, M. C... est fondé à soutenir qu'il n'a pas été mis en mesure de se présenter et de faire valoir ses observations devant un jury chargé de l'examen de la qualification professionnelle en méconnaissance de l'article 6 de l'arrêté du 22 août 2014 cité au point 3, repris dans la " circulaire " du 18 avril 2016 que le directeur de l'action pédagogique et des inspections de l'académie de Nice a adressée aux professeurs stagiaires, aux termes duquel " Le jury entend au cours d'un entretien tous les fonctionnaires stagiaires pour lesquels il envisage de ne pas proposer la titularisation.". Dans ces conditions, M. C... a été privé de la garantie résultant des dispositions citées au point 3, notamment celles de l'article 6 de l'arrêté du 22 août 2014 fixant les modalités de stage, d'évaluation et de titularisation de certains personnels enseignants et d'éducation de l'enseignement du second degré stagiaire, consistant à être entendu au cours d'un entretien par un jury. Par suite, la décision du 22 novembre 2016 par laquelle le ministre de l'éducation nationale a décidé de son licenciement pour insuffisance professionnelle est intervenue selon une procédure irrégulière.
5. Il résulte de ce qui précède que M. C... est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Toulon a rejeté sa demande d'annulation de la décision du 22 novembre 2016 par laquelle le ministre de l'éducation nationale a décidé de son licenciement pour insuffisance professionnelle et à demander l'annulation de cette décision.
Sur les conclusions à fin d'injonction :
6. Aux termes de l'article L. 911-2 du code de justice administrative : " Lorsque sa décision implique nécessairement qu'une personne morale de droit public ou un organisme de droit privé chargé de la gestion d'un service public prenne à nouveau une décision après une nouvelle instruction, la juridiction, saisie de conclusions en ce sens, prescrit, par la même décision juridictionnelle, que cette nouvelle décision doit intervenir dans un délai déterminé. ".
7. L'exécution du présent arrêt implique que le ministre de l'éducation nationale, de la jeunesse et des sports réexamine, dans un délai de quatre mois suivant la notification du présent arrêt, la situation de M. C... au regard des dispositions législatives et réglementaires relatives à la titularisation des professeurs certifiés.
Sur les frais liés au litige :
8. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce de mettre à la charge de l'État la somme de 2 000 euros à verser à M. C... sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
D É C I D E :
Article 1er : Le jugement n° 1702998 du 25 juillet 2019 du tribunal administratif de Toulon est annulé.
Article 2 : L'arrêté du 22 novembre 2017 par lequel le ministre de l'éducation nationale a prononcé le licenciement de M. C... pour insuffisance professionnelle est annulé.
Article 3 : Il est enjoint au ministre de l'éducation nationale, de la jeunesse et des sports de réexaminer, dans un délai de quatre mois suivant la notification du présent arrêt, la situation de M. C... au regard des dispositions législatives et réglementaires relatives à la titularisation des professeurs certifiés.
Article 4 : L'État versera à M. C... une somme de 2 000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 5 : Le présent arrêt sera notifié à M. E... C... et au ministre de l'éducation nationale, de la jeunesse et des sports.
Délibéré après l'audience du 14 juin 2021, où siégeaient :
- M. Guy Fédou, président,
- Mme D... Massé-Degois, présidente assesseure,
- M. Philippe Grimaud, premier conseiller.
Rendu public par mise à disposition au greffe le 28 juin 2021.
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N° 19MA04405
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