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11/06/2021 | FRANCE | N°19MA05213

France | France, Cour administrative d'appel de Marseille, 7eme chambre - formation a 3, 11 juin 2021, 19MA05213


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. E... D... et la société Destock Market 34 ont demandé au tribunal administratif de Montpellier d'annuler la décision du 12 septembre 2018 par laquelle le directeur de l'Office français de l'immigration et de l'intégration (OFII) a mis à la charge de M. D... une somme totale de 15 000 euros au titre de la contribution spéciale prévue à l'article L. 8253-1 du code du travail et de la contribution forfaitaire représentative des frais de réacheminement prévue à l'article L. 626-1 du code de l'entrée e

t du séjour des étrangers et du droit d'asile et de le décharger de la somme ...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. E... D... et la société Destock Market 34 ont demandé au tribunal administratif de Montpellier d'annuler la décision du 12 septembre 2018 par laquelle le directeur de l'Office français de l'immigration et de l'intégration (OFII) a mis à la charge de M. D... une somme totale de 15 000 euros au titre de la contribution spéciale prévue à l'article L. 8253-1 du code du travail et de la contribution forfaitaire représentative des frais de réacheminement prévue à l'article L. 626-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et de le décharger de la somme correspondante.

Par un jugement n° 1805393 du 24 septembre 2019, le tribunal administratif de Montpellier a rejeté leur demande.

Procédure devant la Cour :

Par une requête, enregistrée 29 novembre 2019, M. D... et la société Destock Market 34, représentés par Me A..., demandent à la Cour :

1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Montpellier du 24 septembre 2019 ;

2°) d'annuler la décision du directeur de l'Office français de l'immigration et de l'intégration du 12 septembre 2018 ;

3°) de décharger M. D... de la somme correspondante ;

4°) de mettre à la charge de l'Office français de l'immigration et de l'intégration la somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Ils soutiennent que :

- les faits d'emploi d'un salarié démuni de titre de séjour et de travail ne concernent que la seule société Destock Market 34 à l'exclusion de M. D..., son gérant ;

- la relation de travail salarié alléguée n'est pas constituée, la présence de M. C... dans les locaux de la société n'ayant pour seul objet que l'établissement d'un devis en vue de la réparation d'une machine à coudre.

Par un mémoire en défense, enregistré le 7 juillet 2020, l'Office français de l'immigration et de l'intégration, représenté par Me F..., conclut au rejet de la requête et à ce que soit mise à la charge de M. D... la somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que les moyens soulevés par M. D... et la société Destock Market 34 ne sont pas fondés.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- le code du travail ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. B...,

- et les conclusions de M. Chanon, rapporteur public.

Considérant ce qui suit :

1. Le 15 mars 2018, les services de police et de l'URSAFF ont constaté la présence en action de travail, dans les sous-sols d'un local commercial exploité par la société Destock Market 34, d'un ressortissant marocain démuni de titre l'autorisant à séjourner et à travailler en France. Au vu du procès-verbal établi lors de ce contrôle, l'Office français de l'immigration et de l'intégration a avisé M. D..., gérant de la société Destock Market 34, qu'il était susceptible de se voir appliquer, d'une part, la contribution spéciale prévue par l'article L. 8253-1 du code du travail et, d'autre part, la contribution forfaitaire représentative des frais de réacheminement prévue à l'article L. 626-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, en l'invitant à faire valoir ses observations. Après présentation d'observations par l'intéressé, l'Office a mis à sa charge la contribution spéciale et la contribution forfaitaire représentative des frais de réacheminement, pour un montant total de 15 000 euros, par une décision du 12 septembre 2018, suivie de l'émission, le 15 octobre 2018, de deux titres de perception pour le recouvrement de ces contributions. M. D... et la société Destock Market 34 relèvent appel du jugement du 24 septembre 2019 par lequel le tribunal administratif de Montpellier a rejeté leur demande tendant à l'annulation de la décision du 12 septembre 2018 et à la décharge de la somme correspondante.

2. Aux termes du premier alinéa de l'article L. 8251-1 du code du travail : " Nul ne peut, directement ou indirectement, embaucher, conserver à son service ou employer pour quelque durée que ce soit un étranger non muni du titre l'autorisant à exercer une activité salariée en France. (...)". Aux termes de l'article L. 8253-1 de ce code : " Sans préjudice des poursuites judiciaires pouvant être intentées à son encontre, l'employeur qui a employé un travailleur étranger en méconnaissance des dispositions du premier alinéa de l'article L. 8251-1 acquitte, pour chaque travailleur étranger sans titre de travail, une contribution spéciale. Le montant de cette contribution spéciale est déterminé dans des conditions fixées par décret en Conseil d'Etat. Il est, au plus, égal à 5 000 fois le taux horaire du minimum garanti prévu à l'article L. 3231-12. Ce montant peut être minoré en cas de non-cumul d'infractions ou en cas de paiement spontané par l'employeur des salaires et indemnités dus au salarié étranger sans titre mentionné à l'article R. 8252-6. Il est alors, au plus, égal à 2 000 fois ce même taux. (...)". Aux termes du premier alinéa de l'article L. 626-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Sans préjudice des poursuites judiciaires qui pourront être engagées à son encontre et de la contribution spéciale prévue à l'article L. 8253-1 du code du travail, l'employeur qui aura occupé un travailleur étranger en situation de séjour irrégulier acquittera une contribution forfaitaire représentative des frais de réacheminement de l'étranger dans son pays d'origine. (...) ".

3. D'une part, l'infraction aux dispositions précitées de l'article L. 8251-1 du code du travail est constituée du seul fait de l'emploi de travailleurs étrangers démunis de titre les autorisant à exercer une activité salariée sur le territoire français. Il appartient au juge administratif, saisi d'un recours contre une décision mettant à la charge d'un employeur la contribution spéciale prévue par les dispositions de l'article L. 8253-1 du code du travail, pour avoir méconnu les dispositions de l'article L. 8251-1 du même code, de vérifier la matérialité des faits reprochés à l'employeur et leur qualification juridique au regard de ces dispositions. D'autre part, la qualification de contrat de travail ne dépend ni de la volonté exprimée par les parties, ni de la dénomination qu'elles ont entendu donner à la convention qui les lie mais des seules conditions de fait dans lesquelles le travailleur exerce son activité. A cet égard, la qualité de salarié suppose nécessairement l'existence d'un lien juridique de subordination du travailleur à la personne qui l'emploie, le contrat de travail ayant pour objet et pour effet de placer le travailleur sous la direction, la surveillance et l'autorité de son cocontractant, lequel dispose de la faculté de donner des ordres et des directives, de contrôler l'exécution dudit contrat et de sanctionner les manquements de son subordonné. Dès lors, pour l'application des dispositions précitées de l'article L. 8251-1 du code du travail, il appartient à l'autorité administrative de relever, sous le contrôle du juge, les indices objectifs de subordination permettant d'établir la nature salariale des liens contractuels existant entre un employeur et le travailleur qu'il emploie.

4. Il résulte de l'instruction que lors du contrôle effectué le 15 mars 2018 dans les locaux de la société Destock Market 34, situés 7 rue des Catalpas à Montpellier, les services de police ont constaté la présence au sous-sol de la boucherie exploitée par cette société, d'un atelier de construction de mobilier où se trouvaient un établi muni d'une scie circulaire, un canapé et un sommier en bois en cours de montage, des dizaines de canapés orientaux finis et prêts à la vente, de nombreux rouleaux de tissus, ainsi que la présence d'un ressortissant marocain dépourvu de titre de séjour et d'autorisation de travail, assis derrière un établi muni d'une machine à coudre réalisant des travaux de couture. Si les requérants soutiennent que l'intéressé s'était seulement manifesté spontanément pour réparer cette machine à coudre qui était en panne, cette allégation n'est pas corroborée par les résultats de l'instruction, de laquelle il résulte, d'une part, que l'intéressé agissait conformément aux instructions de M. D..., avec le matériel et les pièces que lui procurait ce dernier, d'autre part, que ce ressortissant marocain n'a jamais été déclaré auprès d'organismes officiels ou même de tiers au titre d'un activité de réparateur de machine et, enfin, que lors du contrôle il se livrait à des travaux de coutures avec une machine en parfait état de marche, ainsi qu'en fait foi le procès-verbal d'infraction dressé par les services de police le 15 mars 2018, sans qu'il ne soit soutenu ni même allégué que cette activité aurait été exercée à titre bénévole et gratuit.

5. Selon ses statuts, la société Destock Market 34 a pour objet la vente et l'achat de produits alimentaires et non alimentaires (bazars, vêtements, objets d'artisanat oriental, articles divers, activité non sédentaires, tous déstockages, solderies...), traiteur, restauration rapide, exploitation de supérette. Ainsi, statutairement elle n'exerce aucune activité de fabrication de mobilier. Dans ces circonstances c'est à bon droit que l'OFII a regardé ce ressortissant marocain comme engagé au service de M. D..., qui l'avait recruté et dont il recevait directement les instructions. Par suite, les requérants ne sont pas fondés à soutenir que les faits en litige ne concernaient que la seule société Destock Market 34 à l'exclusion de M. D....

6. Il résulte de l'ensemble de ces éléments, que la relation entre M. D... et ce ressortissant marocain doit être regardée comme une relation de travail salarié caractérisée par un lien de subordination juridique entre lui et ce travailleur. Par suite, l'OFII a pu considérer à bon droit que M. D... était l'employeur de cette personne et mettre à sa charge la contribution spéciale prévue à l'article L. 8253-l du code du travail ainsi que la contribution forfaitaire prévue par l'article L. 626-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile.

7. Il résulte de tout ce qui précède que M. D... et la société Destock Market 34 ne sont pas fondés à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Montpellier a rejeté leur demande.

Sur les frais liés au litige :

8. Aux termes de l'article L. 761-1 du code de justice administrative : " Dans toutes les instances, le juge condamne la partie tenue aux dépens ou, à défaut, la partie perdante, à payer à l'autre partie la somme qu'il détermine, au titre des frais exposés et non compris dans les dépens. Le juge tient compte de l'équité ou de la situation économique de la partie condamnée. Il peut, même d'office, pour des raisons tirées des mêmes considérations, dire qu'il n'y a pas lieu à cette condamnation. ".

9. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de l'Office français de l'immigration et de l'intégration, qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance, la somme que M. D... et la société Destock Market 34 demandent au titre des frais exposés et non compris dans les dépens. Il y a lieu, en revanche, de faire application de ces dispositions et de mettre à la charge de M. D... une somme de 2 000 euros au titre des frais exposés par l'Office français de l'immigration et de l'intégration et non compris dans les dépens.

D É C I D E :

Article 1er : La requête de M. D... et de la société Destock Market 34 est rejetée.

Article 2 : M. D... versera à l'Office français de l'immigration et de l'intégration une somme de 2 000 euros au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à M. E... D..., à la société Destock Market 34 et à l'Office français de l'immigration et de l'intégration.

Délibéré après l'audience du 28 mai 2021, où siégeaient :

- M. Pocheron, président de chambre,

- M. B..., président assesseur,

- Mme G..., première conseillère.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 11 juin 2021.

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N° 19MA05213

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Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Marseille
Formation : 7eme chambre - formation a 3
Numéro d'arrêt : 19MA05213
Date de la décision : 11/06/2021
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Exces de pouvoir

Analyses

335-06-02-02 Étrangers. Emploi des étrangers. Mesures individuelles. Contribution spéciale due à raison de l'emploi irrégulier d'un travailleur étranger.


Composition du Tribunal
Président : M. POCHERON
Rapporteur ?: M. Georges GUIDAL
Rapporteur public ?: M. CHANON
Avocat(s) : RABHI

Origine de la décision
Date de l'import : 22/06/2021
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.marseille;arret;2021-06-11;19ma05213 ?
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