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29/03/2021 | FRANCE | N°20MA01685

France | France, Cour administrative d'appel de Marseille, 6ème chambre, 29 mars 2021, 20MA01685


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. D... C... a demandé au tribunal administratif de Marseille, d'une part, d'annuler pour excès de pouvoir l'arrêté du 22 juillet 2019 par lequel le préfet des Bouches-du-Rhône a refusé de lui délivrer un titre de séjour et l'a obligé de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et, d'autre part, d'enjoindre au préfet des Bouches-du-Rhône de lui délivrer un certificat de résidence portant la mention " vie privée et familiale " ou, à défaut, de réexaminer sa situation et de l

ui délivrer dans cette attente une autorisation provisoire de séjour de six mois a...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. D... C... a demandé au tribunal administratif de Marseille, d'une part, d'annuler pour excès de pouvoir l'arrêté du 22 juillet 2019 par lequel le préfet des Bouches-du-Rhône a refusé de lui délivrer un titre de séjour et l'a obligé de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et, d'autre part, d'enjoindre au préfet des Bouches-du-Rhône de lui délivrer un certificat de résidence portant la mention " vie privée et familiale " ou, à défaut, de réexaminer sa situation et de lui délivrer dans cette attente une autorisation provisoire de séjour de six mois assortie d'une autorisation de travail.

Par un jugement n° 1910539 du 9 mars 2020, le tribunal administratif de Marseille a rejeté sa demande.

Procédure devant la Cour :

Par une requête et des mémoires enregistrés le 21 avril 2020, le 24 avril 2020 et le 27 octobre 2020, M. C..., représenté par Me A..., demande à la Cour :

1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Marseille ;

2°) d'annuler l'arrêté du 22 juillet 2019 du préfet des Bouches-du-Rhône ;

3°) d'enjoindre au préfet des Bouches-du-Rhône de lui délivrer un titre de séjour portant mention " vie privée et familiale " ou, à défaut, de réexaminer sa situation et de lui délivrer dans cette attente une autorisation provisoire de séjour d'une durée de six mois assortie d'une autorisation de travail ;

4°) de mettre à la charge de l'Etat le versement de la somme de 2 000 euros à son conseil au titre des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991.

Il soutient que :

- l'arrêté portant refus de séjour est insuffisamment motivé et révèle un défaut d'examen sérieux ;

- le tribunal a fait une mauvaise appréciation de sa situation en estimant qu'il ne justifiait pas de sa présence en France depuis 2013 eu égard aux pièces versées aux débats ;

- contrairement à ce qu'a jugé le tribunal, l'arrêté méconnait l'article 6 alinéa 1-5 de l'accord franco-algérien et est entaché d'une erreur manifeste d'appréciation eu égard à sa communauté de vie avec son épouse qui bénéficie d'un titre de séjour valable du 30 juin 2020 au 29 juin 2021, à son absence d'attaches familiales dans son pays d'origine, à la scolarisation de ses enfants depuis leur arrivée en France et à son insertion au sein de la société française ;

- l'arrêté attaqué viole l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- il porte atteinte à l'intérêt supérieur de ses filles mineures, en méconnaissance de l'article 3 de la convention relative aux droits de l'enfant du 26 janvier 1990 ;

- la décision lui faisant obligation de quitter le territoire français est illégal du fait de l'illégalité du refus de séjour ;

- elle méconnait l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- elle porte atteinte à l'intérêt supérieur de ses filles mineures, en méconnaissance de l'article 3 de la convention relative aux droits de l'enfant du 26 janvier 1990 ;

- la décision fixant le pays de renvoi est, par voie de conséquence, illégale.

La requête et les mémoires ont été communiqués au préfet des Bouches-du-Rhône qui n'a pas produit de mémoire en défense.

Par ordonnance du 27 octobre 2020, la clôture de l'instruction a été fixée au 12 novembre 2020.

M. C... a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 4 septembre 2020.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la convention internationale des droits de l'enfant signée à New-York le 26 janvier 1990 ;

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968 modifié ;

- le code des relations entre le public et l'administration ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;

- le code de justice administrative.

Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme B... Massé-Degois, rapporteure,

- et les observations de Me A..., représentant M. C....

Considérant ce qui suit :

1. M. C..., ressortissant algérien né en 1978, qui déclare être entré en France le 10 juin 2013, a sollicité le 17 août 2018 la délivrance d'un certificat de résidence sur le fondement de la vie privée et familiale. Il relève appel du jugement n° 1910539 du 9 mars 2020 par lequel le tribunal administratif de Marseille a rejeté sa demande d'annulation de l'arrêté du 22 juillet 2019 du préfet des Bouches-du-Rhône refusant de l'admettre au séjour et l'obligeant à quitter le territoire français dans le délai de trente jours en fixant le pays de destination.

Sur le bien-fondé du jugement attaqué :

En ce qui concerne la décision portant refus d'admission au séjour :

2. En premier lieu, aux termes de l'article L. 211-2 du code des relations entre le public et l'administration : " Les personnes physiques ou morales ont le droit d'être informées sans délai des motifs des décisions administratives individuelles défavorables qui les concernent. / A cet effet, doivent être motivées les décisions qui (...) constituent une mesure de police... ". Aux termes de l'article L. 211-5 du même code : " La motivation exigée par le présent chapitre doit être écrite et comporter l'énoncé des considérations de droit et de fait qui constituent le fondement de la décision. ".

3. En l'espèce, l'arrêté en litige vise les textes dont il fait application, et notamment les articles 3 et 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968 modifié, le règlement du Parlement européen et du Conseil du 9 mars 2016, ainsi que le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et celui des relations entre le public et l'administration. Il mentionne par ailleurs les faits qui en constituent le fondement, à savoir le motif de la demande présentée par M. C..., les circonstances de son entrée et de son séjour en France ainsi que sa situation personnelle et familiale en faisant état de sa qualité d'époux et de père. Il précise, enfin, que M. C... n'établit ni être dépourvu d'attaches dans son pays d'origine où il a vécu durant trente-cinq années, ni relever de l'une des protections envisagées par les dispositions de l'article L. 511-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Par suite, ainsi que l'a jugé à bon droit le tribunal, le préfet n'étant pas tenu de mentionner l'ensemble des éléments de fait caractérisant la situation de M. C..., tel le décès de ses parents ou encore la scolarisation de ses filles, la décision attaquée est suffisamment motivée et n'est pas entachée d'un défaut d'examen de sa situation personnelle.

4. En deuxième lieu, par le nombre, la diversité et la nature des pièces qu'il produit, parmi lesquels figurent notamment diverses pièces émanant de la caisse primaire d'assurance maladie des Bouches-du-Rhône ou des services de l'aide médicale et divers documents médicaux tels des prescriptions de médecine de ville ou de praticiens hospitaliers, des résultats d'examens faisant état de soins reçus en France et de délivrance de médicaments en pharmacie également en France, ainsi que deux factures d'électricité, M. C... doit être regardé, contrairement à ce qu'a jugé le tribunal, comme établissant avoir résidé de manière habituelle en France au cours de l'année 2014. Il ne démontre cependant pas, ainsi que l'a jugé le tribunal, par les documents versés aux débats, en l'occurrence quatre attestations certifiant de sa présence ponctuelle sur le territoire national le 21 juin 2013 puis du 19 juillet au 17 août 2013 et du 6 au 8 septembre 2013 ainsi que les 13 et 14 décembre 2013, avoir séjourné de manière habituelle sur le territoire national au cours de cette année 2013.

5. En troisième lieu, aux termes de l'article 6 de l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968 : " (...) Le certificat de résidence d'un an portant la mention " vie privée et familiale " est délivré de plein droit : (...) 5) au ressortissant algérien, qui n'entre pas dans les catégories précédentes ou dans celles qui ouvrent droit au regroupement familial, dont les liens personnels et familiaux en France sont tels que le refus d'autoriser son séjour porterait à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée au regard des motifs du refus ... ". Et aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance. ".

6. M. C... soutient avoir fixé le centre de ses intérêts personnels et familiaux en France auprès de son épouse qui l'a rejoint en décembre 2014 et de leurs deux filles mineures, nées en 2006 et 2015, qui y sont scolarisées. Il soutient également que son épouse bénéficie d'un titre de séjour et que ses attaches familiales sont en France, sa soeur étant française et ses parents étant décédés. Toutefois, alors même que l'épouse de M. C... était détentrice d'un " récépissé de demande de carte de séjour " à la suite du dépôt d'une demande de titre de séjour l'autorisant à séjourner sur le territoire national le temps de la durée de l'instruction de sa demande, cette dernière ne peut être regardée comme ayant bénéficié, à la date de la décision attaquée, d'un titre de séjour, un tel document ne lui ayant été délivré que le 30 juin 2020. Ainsi que l'a rappelé le tribunal, alors que le droit au respect de la vie privée et familiale ne saurait s'interpréter comme comportant, pour un Etat, l'obligation générale de respecter le choix, pour un couple marié ou non, d'établir sa résidence sur son territoire, M. C... ne fait état d'aucun obstacle majeur l'empêchant de reconstituer sa cellule familiale en Algérie, pays dont l'ensemble de la famille a la nationalité, le fait que son épouse est depuis le 30 juin 2020 titulaire d'un certificat de résidence " vie privée et familiale " valable jusqu'au 29 juin 2021 ne constituant pas, en lui-même, un tel obstacle. En outre, aucun élément du dossier ne fait obstacle à ce que ses filles puissent poursuivre leur scolarité dans le pays dont elles ont la nationalité. La double circonstance que l'une de ses soeurs, qui réside en France, possède la nationalité française et que ses parents soient décédés ne suffit pas à démontrer son absence totale d'attaches familiales dans son pays d'origine où il a vécu jusqu'à l'âge de 35 ans, d'autant qu'il ne conteste pas qu'une partie de sa fratrie vit en Algérie. Dans ces conditions, et alors qu'il ne justifie pas d'une insertion socio-économique significative, M. C... n'est pas fondé à soutenir que la décision attaquée a porté à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée contraire aux stipulations de l'article 6 alinéa 1-5 de l'accord franco-algérien et à celles de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales. Pour les mêmes motifs, le préfet des Bouches-du-Rhône n'a pas commis d'erreur manifeste d'appréciation des conséquences de sa décision sur la situation personnelle et familiale de l'appelant.

7. En quatrième lieu, aux termes de l'article 3-1 de la convention internationale des droits de l'enfant du 26 janvier 1990 : " Dans toutes les décisions qui concernent les enfants, (...), l'intérêt supérieur de l'enfant doit être une considération primordiale. ".

8. En l'espèce, la décision contestée n'a pas pour effet de séparer M. C... de ses deux filles mineures, nées en 2006 et en 2015, dès lors qu'il n'est pas démontré, ainsi qu'il a été dit précédemment, que la cellule familiale ne pourrait pas être reconstituée hors de France. Il n'est, par ailleurs, pas établi que les filles de l'intéressé, scolarisées en classe de petite section de maternelle et en classe de cinquième dans un collège du 15ème arrondissement de Marseille à la date de la décision attaquée, ne pourraient poursuivre en Algérie leur scolarité. Par suite, la décision en litige ne peut être regardée comme méconnaissant les stipulations de l'article 3-1 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant.

En ce qui concerne la décision portant obligation de quitter le territoire français :

9. En premier lieu, le moyen tiré, par la voie de l'exception, de l'illégalité de la décision portant refus de séjour à l'encontre de la décision portant obligation de quitter le territoire français doit, eu égard aux motifs énoncés aux points 2 à 8, être écarté.

10. En deuxième lieu, pour les mêmes motifs que ceux énoncés au point 6, M. C... n'est pas fondé à soutenir que la décision l'obligeant à quitter le territoire français aurait été prise en méconnaissance des stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales. Il n'est pas davantage fondé à soutenir que la décision litigieuse est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation de ses conséquences sur sa situation personnelle.

11. En troisième lieu, pour les mêmes motifs que ceux énoncés au point 8, M. C... n'est pas fondé à soutenir que la décision l'obligeant à quitter le territoire français aurait été prise en méconnaissance des stipulations de l'article 3-1 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant.

En ce qui concerne la décision fixant le pays de renvoi :

12. Le moyen tiré, par la voie de l'exception, de l'illégalité des décisions portant refus de séjour et obligation de quitter le territoire français à l'encontre de la décision fixant le pays de destination doit, eu égard aux motifs énoncés aux points 2 à 11, être écarté.

13. Il résulte de ce qui précède que M. C... n'est pas fondé à se plaindre de ce que par le jugement attaqué, les premiers juges ont rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du préfet des Bouches-du-Rhône du 22 juillet 2019. Ses conclusions à fin d'injonction ainsi que celles présentées au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 doivent également être rejetées.

D É C I D E :

Article 1er : La requête de M. C... est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. D... C..., au ministre de l'intérieur et à Me A....

Copie en sera adressée au préfet des Bouches-du-Rhône.

Délibéré après l'audience du 15 mars 2021, où siégeaient :

- M. Guy Fédou président,

- Mme B... Massé-Degois, présidente assesseure,

- M. Philippe Grimaud, premier conseiller.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 29 mars 2021.

5

N° 20MA01685


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Marseille
Formation : 6ème chambre
Numéro d'arrêt : 20MA01685
Date de la décision : 29/03/2021
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

335-01 Étrangers. Séjour des étrangers.


Composition du Tribunal
Président : M. FEDOU
Rapporteur ?: Mme Christine MASSE-DEGOIS
Rapporteur public ?: M. THIELÉ
Avocat(s) : DECAUX

Origine de la décision
Date de l'import : 06/04/2021
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.marseille;arret;2021-03-29;20ma01685 ?
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