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22/02/2021 | FRANCE | N°18MA03683

France | France, Cour administrative d'appel de Marseille, 6ème chambre, 22 février 2021, 18MA03683


Vu la procédure suivante : Procédure contentieuse antérieure : La commune d'Aramon a demandé au tribunal administratif de Nîmes de valider l'existence de sa créance sur la société SCAM TP à hauteur de 373 483,04 euros et de mettre à la charge de la société SCAM TP la somme de 5 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ainsi que les entiers dépens. Par un jugement n° 1602012 du 31 mai 2018, le tribunal administratif de Nîmes a rejeté cette demande. Procédure devant la Cour : Par une requête enregistr

ée le 31 juillet 2018 et deux mémoires complémentaires du 17 mai ...

Vu la procédure suivante : Procédure contentieuse antérieure : La commune d'Aramon a demandé au tribunal administratif de Nîmes de valider l'existence de sa créance sur la société SCAM TP à hauteur de 373 483,04 euros et de mettre à la charge de la société SCAM TP la somme de 5 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ainsi que les entiers dépens. Par un jugement n° 1602012 du 31 mai 2018, le tribunal administratif de Nîmes a rejeté cette demande. Procédure devant la Cour : Par une requête enregistrée le 31 juillet 2018 et deux mémoires complémentaires du 17 mai 2019 et du 5 juillet 2019, la commune d'Aramon, représenté par Me A..., demande à la Cour : 1°) d'annuler ce jugement ; 2°) à titre principal, de constater l'existence de sa créance sur la société SCAM TP pour un montant de 373 483,04 euros ; 3°) à titre subsidiaire, de fixer le montant de la créance à hauteur de 274 925,62 euros ; 4°) de condamner la société SCAM TP à lui verser la somme de 200 000 euros en réparation du préjudice subi du fait de la dégradation des installations ; 5°) de mettre à la charge de la société SCAM TP la somme de 5 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ainsi que les entiers dépens. Elle soutient que : - sa créance est une créance contractuelle, fondée sur la convention d'affermage conclue avec la société SCAM TP ; l'arrêt de la cour administrative d'appel de Marseille en date du 21 octobre 2011 a eu pour effet de différer l'annulation de cette convention au 25 février 2011 ; - sa créance est fondée sur la responsabilité quasi-contractuelle de la société SCAM TP ; l'annulation du contrat a entraîné un enrichissement sans cause de la société SCAM TP, qui a facturé les taxes et surtaxes sur l'eau et l'assainissement aux consommateurs finaux, et n'a pas reversé le produit de ces taxes à la commune d'Aramon ; - la société SCAM TP a reconnu être débiteur des sommes réclamées par la commune, à hauteur de 274 925,62 euros ; - le montant de la créance est justifié ; - la commune a subi un préjudice du fait de l'absence d'entretien des installations par la société SCMA, préjudice évalué à 200 000 euros. Par un mémoire en défense, enregistré le 25 mars 2019 et un mémoire complémentaire enregistré le 14 juin 2019, la société SCAM TP, représentée par Me E..., demande à la Cour de rejeter la requête et de mettre à la charge de la commune d'Aramon la somme de 5 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. Elle soutient que : - la requête est irrecevable dès lors que la commune d'Aramon ne fait aucune critique en fait et en droit du jugement attaqué ; - la requête est irrecevable dès lors que le juge administratif n'a été saisi d'aucune question préjudicielle par le juge commissaire ; - le juge administratif n'est pas compétent pour statuer sur l'admission au passif d'une créance déclarée ; la demande tendant à faire reconnaître la créance au passif de la société SCMA TP est irrecevable ; la société SCAM TP, contrairement à ce qu'affirme la commune d'Aramon, n'a jamais reconnu sa dette ; - les fautes alléguées par la commune d'Aramon ne sont pas établies ; - les rapports financiers ont été établis chaque année par le délégataire ; - l'annulation des conventions de délégation de service public n'a pas été différée par la cour administrative d'appel ; la créance dont se prévaut la commune d'Aramon n'a pas de fondement conventionnel ; - la commune d'Aramon ne justifie pas du montant de sa créance ; - les conclusions aux fins d'indemnisation présentées par la commune d'Aramon constituent une demande nouvelle, irrecevable en cause d'appel ; une demande identique a déjà été rejetée par la cour administrative d'appel de Marseille ; une telle créance est en tout état de cause éteinte ; la créance est injustifiée. Par ordonnance en date du 17 juin 2019, la clôture de l'instruction a été fixée au 5 juillet 2019. Par courrier en date du 22 janvier 2021, la Cour a informé les parties que la solution du litige était susceptible d'être fondée sur un moyen d'ordre public tiré de ce que la demande la commune d'Aramon tendant à la reconnaissance d'une créance quasi-contractuelle est irrecevable, dès lors que la commune ne serait pas recevable à rechercher la réparation de son préjudice sur le terrain de l'enrichissement sans cause, une autre voie de droit lui étant ouverte. Vu les autres pièces du dossier. Vu : - le code de commerce ; - le code général de la propriété des personnes publiques ; - le code de justice administrative. Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience. Ont été entendus au cours de l'audience publique : - le rapport de M. C... Point, rapporteur, - les conclusions de M. B... Thielé, rapporteur public, - et les observations de Me A... pour la commune d'Aramon et de Me E... pour la société SCAM TP. Considérant ce qui suit : 1. Par deux conventions d'affermage en date du 7 novembre 2006, la commune d'Aramon a confié à la société SCAM TP la gestion des services publics de l'eau potable et de l'assainissement. Par jugements du 18 septembre 2008, confirmés par la cour administrative d'appel de Marseille le 21 octobre 2011, le tribunal administratif de Nîmes a annulé ces deux conventions en raison d'un vice affectant la procédure d'appel d'offres. La SCAM TP a toutefois continué d'exploiter les services d'eau potable et d'assainissement après l'annulation des conventions par le tribunal administratif de Nîmes. Par décision du 25 février 2011 devenue définitive, la commune d'Aramon a décidé de mettre fin à cette exploitation de fait à compter du 10 mars 2011. La société SCAM TP, placée en redressement judiciaire par jugement du 8 octobre 2010 du tribunal de commerce de Toulouse, a déposé une liste de créances au greffe dudit tribunal le 13 septembre 2011 faisant apparaître une contestation sur la créance déclarée par la trésorerie d'Aramon pour un montant de 384 022,69 euros à titre chirographaire. Par ordonnance du 27 juin 2014, le juge commissaire près le tribunal de commerce de Toulouse s'est déclaré incompétent pour statuer sur cette créance, renvoyant les parties à mieux se pourvoir. La commune d'Aramon a demandé au tribunal administratif de Nîmes de constater l'existence de son droit à créance sur la société SCAM TP. La commune d'Aramon fait appel du jugement par lequel le tribunal a rejeté sa demande. Sur la régularité du jugement : 2. Le juge administratif n'est pas compétent pour statuer sur l'acte par lequel une personne morale de droit public déclare une créance au représentant des créanciers d'une entreprise en redressement judiciaire, dès lors qu'il appartient de façon exclusive à l'autorité judiciaire, en vertu des articles L. 621-40 à L. 621-42 du code de commerce, de statuer sur l'admission ou le rejet des créances déclarées. En revanche, le juge administratif est compétent, notamment lorsque le juge-commissaire a décidé, en application de l'article L. 621-104 du code de commerce, que la contestation ne relevait pas de sa compétence, pour statuer sur l'existence et le montant d'une créance née d'un contrat public, sous réserve de l'appréciation de la recevabilité des conclusions dont il est saisi au regard des règles régissant le contentieux des contrats publics. 3. Il résulte de l'instruction que, par une ordonnance du 27 juin 2014 statuant sur contestation en matière de créances, le juge commissaire du tribunal de commerce de Toulouse, après avoir relevé que " la déclaration de créance consiste en des surtaxes et des frais issus de conventions alors même que l'existence de la créance dont se prévaut la trésorerie d'Aramon repose sur l'interprétation qui est faite de l'annulation des conventions de délégation de service public qui liaient la commune d'Aramon à la SAS SCAM TP, confirmées par les arrêts de la cour administrative d'appel de Marseille ", a sursis à statuer " dans l'attente de la procédure à intervenir " et a invité la partie la plus diligente ou le mandataire judiciaire à le saisir afin de faire revenir l'affaire devant lui pour fixer définitivement la créance au passif de la société SCAM TP. Le juge commissaire du redressement judiciaire s'est ainsi déclaré incompétent pour apprécier la contestation de la créance déclarée par la commune d'Aramon. Par suite, la société SCAM TP n'est pas fondée à soutenir que la demande présentée par la commune d'Aramon était irrecevable faut d'avoir été précédé d'une décision de renvoi de l'autorité judiciaire. Sur la recevabilité de la requête : 4. Il ressort des pièces du dossier que la commune d'Aramon a présenté, dans le délai de recours, devant la cour administrative d'appel, un mémoire d'appel qui ne constituait pas la seule reproduction littérale de son mémoire de première instance et énonçait à nouveau, de manière partiellement différente, les moyens justifiant sa demande. Une telle motivation répond aux conditions posées par l'article R. 411-1 du code de justice administrative. Par suite, la fin de non-recevoir opposée sur ce point par la société SCAM TP doit être écartée. Sur l'existence de la créance : En ce qui concerne la créance fondée sur la responsabilité contractuelle : 5. La commune d'Aramon se prévaut en premier lieu d'une créance résultant de l'exécution des conventions d'affermage liant la commune d'Aramon et la société SCAM TP pour les services publics de l'eau potable et de l'assainissement, au cours des années 2008 à 2010. Il résulte toutefois de l'instruction, ainsi que l'ont fait valoir les premiers juges, que les conventions d'affermage en cause ont été annulées par des jugements n° 0070470 et n° 00700471 du tribunal administratif de Nîmes en date du 18 septembre 2008, confirmés par la cour administrative d'appel de Marseille par deux arrêts du 21 octobre 2011. Ces arrêts précisent qu'il n'y a pas lieu de différer l'effet des annulations prononcées par les premiers juges, et rejettent purement et simplement les appels portés contre les jugements du tribunal administratif de Nîmes. Les deux arrêts de la Cour du 21 octobre 2011 n'ont pu dès lors avoir pour effet de différer l'annulation des conventions, ainsi que l'ont fait valoir les premiers juges

au point 4 de leur jugement n° 1602012. Dans ces conditions, la commune d'Aramon n'est pas fondée à soutenir que l'exécution des conventions aurait été prolongée jusqu'en 2011 et qu'elle serait titulaire d'un droit de créance sur la société SCAM TP au titre de l'exécution de conventions d'affermage. Ainsi, elle n'établit pas l'existence de la créance dont elle se prévaut sur ce fondement. En ce qui concerne la créance fondée sur la responsabilité quasi-contractuelle : 6. La commune d'Aramon fait valoir en second lieu qu'elle est titulaire d'une créance sur la société SCAM TP au titre de la responsabilité extracontractuelle. Elle soutient à cet effet que la société SCAM TP s'est enrichie sans cause du fait de l'exploitation sans titre des installations du service d'eau et d'assainissement entre septembre 2008 et mars 2011. Elle soutient également que cette occupation illégale a engendré, en raison d'un défaut d'entretien, des dommages d'un montant de 200 000 euros. 7. Aux termes de l'article L. 2122-3 du code général de la propriété des personnes publiques : " Nul ne peut, sans disposer d'un titre l'y habilitant, occuper une dépendance du domaine public d'une personne publique mentionnée à l'article L. 1 ou l'utiliser dans des limites dépassant le droit d'usage qui appartient à tous. ". Aux termes de l'article L. 2125-1 du même code, " Toute occupation ou utilisation du domaine public (...) donne lieu au paiement d'une redevance. ". Il résulte de ces dispositions que l'occupation et l'exploitation sans droit ni titre des installations du service public, propriété de la personne publique, ont un caractère fautif. 8. Il résulte de l'instruction que la société SCAM TP a occupé et exploité sans droit ni titre les installations destinées au service public de l'eau potable et de l'assainissement de la commune d'Aramon, au cours de la période allant de l'annulation des conventions d'affermage par le tribunal administratif de Nîmes le 18 septembre 2008 à la date du 10 mars 2011. L'annulation des conventions prononcées par le tribunal administratif de Nîmes n'a eu un effet rétroactif que pour la période antérieure au 18 septembre 2008. Ainsi, les préjudices dont se prévaut la commune pour justifier sa créance procèdent, non de la nullité des conventions mais de l'occupation et de l'exploitation sans droit ni titre des installations publiques par la société SCAM TP entre le 18 septembre 2008 et le 10 mars 2011, en toute connaissance de cause, alors que les contrats avaient été annulés. Cette occupation sans titre ayant un caractère fautif, la commune avait ainsi la possibilité de réclamer à la société SCAM TP, pour la période d'occupation irrégulière, une indemnité compensant les revenus qu'elle aurait pu percevoir d'un occupant régulier ou une indemnité réparant les conséquences d'un défaut d'entretien des installations, sur un fondement quasi-délictuel. Cette voie de droit lui étant ouverte, la commune d'Aramon n'était pas recevable à rechercher la réparation de ses préjudices sur le terrain de l'enrichissement sans cause. Dans ces conditions, et au vu de ce qui a été dit précédemment au point 2, la commune d'Aramon n'est pas recevable à demander la reconnaissance de sa créance sur ce fondement. 9. Si la commune d'Aramon soutient que la société SCAM TP a reconnu être débitrice des sommes qu'elle réclame, à hauteur de 274 925,62 euros, cette circonstance, à la supposer établie, serait en tout état de cause sans incidence sur le droit à créance apprécié par le juge administratif dans les conditions rappelées précédemment au point 2. 10. Il résulte de tout ce qui précède que les demandes de la commune d'Aramon, présentées à titre principal et à titre subsidiaire, tendant à la reconnaissance de l'existence d'une créance à l'égard de la société SCAM TP, doivent être rejetées. Sur les frais liés au litige : 11. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce qu'il soit mis à la charge de la société SCAM TP, qui n'est pas la partie perdante, la somme demandée par la commune d'Aramon au titre des frais exposés et non compris dans les dépens. Il y a lieu, en revanche, sur le fondement de ces mêmes dispositions, de condamner la commune d'Aramon à verser à la société SCAM TP la somme de 2 000 euros. D É C I D E :Article 1er : La requête de la commune d'Aramon est rejetée. Article 2 : Il est mis à la charge de la commune d'Aramon la somme de 2 000 euros à verser à la société SCAM TP au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à la commune d'Aramon et à la société SCAM TP.Copie en sera adressée au juge commissaire près le tribunal de commerce de Toulouse. Délibéré après l'audience du 8 février 2021, où siégeaient : - M. Guy Fédou, président, - Mme D... F..., présidente assesseure, - M. C... Point, premier conseiller. Rendu public par mise à disposition au greffe le 22 février 2021. 2N° 18MA03683


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Marseille
Formation : 6ème chambre
Numéro d'arrêt : 18MA03683
Date de la décision : 22/02/2021
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Analyses

Comptabilité publique et budget - Créances des collectivités publiques - Existence.

Marchés et contrats administratifs - Formation des contrats et marchés - Mode de passation des contrats - Délégations de service public.


Composition du Tribunal
Président : M. FEDOU
Rapporteur ?: M. François POINT
Rapporteur public ?: M. THIELÉ
Avocat(s) : de GERANDO

Origine de la décision
Date de l'import : 12/03/2021
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.marseille;arret;2021-02-22;18ma03683 ?
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