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21/12/2020 | FRANCE | N°19MA03938

France | France, Cour administrative d'appel de Marseille, 6ème chambre, 21 décembre 2020, 19MA03938


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La commune de Fos-sur-Mer et M. G... ont demandé au tribunal administratif de Marseille, d'une part, d'annuler la délibération n° FCT 009/859/15/BC du 10 avril 2015 du bureau de la communauté urbaine Marseille Provence métropole, d'autre part, d'enjoindre à cette dernière de surseoir à la signature du protocole transactionnel approuvé par cette délibération et, dans l'hypothèse où ce protocole serait signé avant l'intervention du jugement du tribunal, d'en prononcer la résolution.

Par un jug

ement n° 1504534 du 18 juin 2019, le tribunal administratif de Marseille a rejeté sa...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La commune de Fos-sur-Mer et M. G... ont demandé au tribunal administratif de Marseille, d'une part, d'annuler la délibération n° FCT 009/859/15/BC du 10 avril 2015 du bureau de la communauté urbaine Marseille Provence métropole, d'autre part, d'enjoindre à cette dernière de surseoir à la signature du protocole transactionnel approuvé par cette délibération et, dans l'hypothèse où ce protocole serait signé avant l'intervention du jugement du tribunal, d'en prononcer la résolution.

Par un jugement n° 1504534 du 18 juin 2019, le tribunal administratif de Marseille a rejeté sa requête.

Procédure devant la Cour :

Par une requête enregistrée le 17 août 2019, la commune de Fos-sur-Mer, représentée par Me D..., demande à la Cour :

1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Marseille ;

2°) d'annuler la délibération n° FCT 009/859/15/BC du 10 avril 2015 ;

3°) d'annuler le protocole transactionnel relatif à l'indemnisation des préjudices rencontrés par la société EVERE dans l'exécution de la convention de délégation de service public ;

4°) de mettre une somme de 3 000 euros à la charge de la métropole Aix-Marseille Provence en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- sa demande devant le tribunal était recevable dès lors que la conclusion du contrat approuvé par la délibération litigieuse était postérieure au 4 avril 2014 ;

- elle avait intérêt à agir en sa qualité de futur membre de l'établissement public de coopération intercommunale ;

- eu égard à sa portée, le protocole devait être approuvé par le conseil communautaire et non par le bureau ;

- le bureau n'a pu exprimer valablement son consentement dès lors que le rapport de présentation de la délibération approuvant le protocole ne mentionne pas la convention de délégation de service public, ni ses rapports avec le protocole ;

- le bureau n'a pu exprimer valablement son consentement dès lors que le rapport de présentation de la délibération ne mentionne pas la modification des engagements respectifs du délégataire et du délégant ;

- le protocole transactionnel met à la charge du délégant des sommes liées à des sujétions techniques imprévues, à des charges résultant de l'obtention de l'autorisation d'exploitation de l'installation, aux conséquences des obligations imposées par des organismes extérieurs de sécurité, à des adaptations indispensables au respect des règles de l'art et à des surcoûts d'exploitation, qui devaient toutes rester à la charge du délégataire en vertu des stipulations des articles 8-1, 8-2 et 8-3 du contrat, et il opère de ce fait une modification substantielle du contrat, de telle sorte que le directeur départemental des finances publiques, d'une part, et la commission prévue à l'article L. 1411-5 du code général des collectivités territoriales, d'autre part, devaient être consultés ;

- le protocole bouleverse l'économie générale du contrat et remet en cause les conditions initiales de la mise en concurrence ;

- le protocole constitue une libéralité illégale ;

- le protocole ayant vocation à régler les litiges nés de l'application d'une convention illégale en raison de la violation des règles de la domanialité publique, il est lui-même illégal.

Par un mémoire en défense enregistré le 7 août 2020, la métropole Aix-Marseille Provence, représentée par Me A..., conclut au rejet de la requête et à ce qu'une somme de 5 000 euros soit mise à la charge de la commune de Fos-sur-Mer en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- la requête d'appel est irrecevable car la commune de Fos-sur-Mer ne soulève aucun moyen d'appel ;

- la requête d'appel est irrecevable car elle est dirigée contre un projet de contrat et un acte détachable et non contre un contrat ;

- la commune de Fos-sur-Mer n'a pas intérêt à agir contre le contrat ;

- les moyens soulevés par la commune de Fos-sur-Mer ne sont pas fondés.

Par un mémoire en défense enregistré le 29 septembre 2020, la société EVERE, représentée par Me I..., conclut au rejet de la requête et à ce qu'une somme de 5 000 euros soit mise à la charge de la commune de Fos-sur-Mer en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- la requête d'appel est irrecevable car la commune de Fos-sur-Mer ne produit pas le contrat qu'elle entend attaquer ;

- la demande de première instance était prématurée dès lors que le contrat n'avait pas été signé ;

- les moyens soulevés par la commune de Fos-sur-Mer ne sont pas fondés.

Par ordonnance du 1er octobre 2020, la clôture de l'instruction a été fixée au 10 novembre 2020.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code général des collectivités territoriales ;

- la loi n° 2014-58 du 27 janvier 2014 ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. F... Grimaud, rapporteur,

- les conclusions de M. C... Thielé, rapporteur public,

- et les observations de Me E..., représentant la commune de Fos-sur-mer, de Me B..., représentant la métropole Aix-Marseille Provence et de Me J..., représentant la société EVERE.

Une note en délibéré présentée pour la commune de Fos-sur-Mer a été enregistrée le 8 décembre 2020.

Considérant ce qui suit :

1. Par délibération du 20 décembre 2003, le conseil communautaire de la communauté urbaine Marseille Provence métropole a approuvé, d'une part, le principe de la gestion déléguée comme mode de gestion du service public de traitement des déchets par incinération ainsi que les principales caractéristiques de la délégation de service public, et d'autre part, l'option technique de traitement des déchets par incinération ainsi que la localisation géographique des futures installations sur un terrain appartenant au Port autonome de Marseille et situé sur la commune de Fos-sur-Mer. Par une délibération du 13 mai 2005, cette assemblée délibérante a approuvé le choix du délégataire du service public, le contrat de délégation de service public et ses annexes, la cession du contrat de délégation de service public au profit de la société dédiée que le groupement d'entreprises délégataires s'engageait à créer, a autorisé le président de la communauté urbaine à signer le contrat de délégation de service public et ses annexes, et a accepté la cession de créance consentie par le délégataire à un organisme de crédit-bail. Par une convention de délégation de service public en date du 18 juillet 2005, la communauté urbaine Marseille Provence métropole a confié à un groupement d'entreprises composé des sociétés Urbaser et Valorga International, la réalisation d'un centre de traitement des déchets. La société EVERE, créée par les sociétés Urbaser et Valorga International en vue de l'exploitation du site en qualité de délégataire, s'est ensuite vu céder ce contrat. A la suite de l'annulation de la délibération du 13 mai 2005 par le tribunal administratif de Marseille, le conseil communautaire a adopté le 19 février 2009 une délibération AGER n° 001 réitérant l'approbation du choix du délégataire du service public, le contrat de délégation de service public et ses annexes, la cession du contrat de délégation de service public au profit de la société dédiée et autorisant le président de la communauté urbaine à signer le contrat de délégation de service public et ses annexes ainsi que la cession de créance consentie par le délégataire à un organisme de crédit-bail. A la suite de différends nés de difficultés d'exécution de cet ensemble contractuel, la communauté urbaine Marseille Provence métropole et la société EVERE ont négocié un protocole transactionnel destiné à remédier à ces litiges, par lequel la société EVERE a notamment renoncé à trois recours contentieux par lesquels elle sollicitait la condamnation de la communauté urbaine Marseille Provence métropole à lui verser la somme totale de 164 118 407 euros, tandis que la communauté urbaine Marseille Provence métropole s'engageait à lui verser la somme de 78 979 887 euros hors taxes à titre d'indemnisation liée à des travaux supplémentaires, à des dépenses liées à des sujétions techniques imprévues ainsi qu'à des travaux rendus nécessaires par les prescriptions de l'autorisation d'exploiter et des surcoûts d'exploitation. Par sa délibération n° FCT 009/859/15/BC du 10 avril 2015, le bureau de la communauté urbaine Marseille Provence métropole a approuvé ce protocole.

Sur la régularité du jugement attaqué :

En ce qui concerne les conclusions dirigées contre la délibération approuvant le contrat :

2. Indépendamment des actions dont disposent les parties à un contrat administratif et des actions ouvertes devant le juge de l'excès de pouvoir contre les clauses réglementaires d'un contrat ou devant le juge du référé contractuel sur le fondement des articles L. 551-13 et suivants du code de justice administrative, tout tiers à un contrat administratif susceptible d'être lésé dans ses intérêts de façon suffisamment directe et certaine par sa passation ou ses clauses est recevable à former devant le juge du contrat un recours de pleine juridiction contestant la validité du contrat ou de certaines de ses clauses non réglementaires qui en sont divisibles. Cette action devant le juge du contrat est également ouverte aux membres de l'organe délibérant de la collectivité territoriale ou du groupement de collectivités territoriales concerné ainsi qu'au représentant de l'Etat dans le département dans l'exercice du contrôle de légalité. Ce recours doit être exercé, y compris si le contrat contesté est relatif à des travaux publics, dans un délai de deux mois à compter de l'accomplissement des mesures de publicité appropriées, notamment au moyen d'un avis mentionnant à la fois la conclusion du contrat et les modalités de sa consultation dans le respect des secrets protégés par la loi. La légalité du choix du cocontractant, de la délibération autorisant la conclusion du contrat et de la décision de le signer ne peut être contestée qu'à l'occasion du recours ainsi défini.

3. Le recours ci-dessus défini ne peut être exercé par les tiers qui n'en bénéficiaient pas et selon les modalités précitées qu'à l'encontre des contrats signés à compter du 4 avril 2014.

4. Il résulte de l'instruction que le protocole transactionnel a été conclu le 24 juin 2015. Il en résulte que tant ce contrat que la délibération l'approuvant n'étaient susceptibles d'être contestés que par la voie du recours de plein contentieux défini au 2 ci-dessus. Il s'ensuit que la commune de Fos-sur-Mer n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que le tribunal administratif de Marseille a rejeté comme irrecevables ses conclusions tendant à l'annulation de la délibération du 10 avril 2015.

En ce qui concerne les conclusions dirigées contre le contrat :

5. En premier lieu, aux termes des dispositions du I de l'article L. 5218-1 du code général des collectivités territoriales : " Par dérogation au deuxième alinéa de l'article L. 5217-1, la métropole d'Aix-Marseille-Provence regroupe l'ensemble des communes membres de la communauté urbaine Marseille Provence métropole, de la communauté d'agglomération du Pays d'Aix-en-Provence, de la communauté d'agglomération Salon Etang de Berre Durance, de la communauté d'agglomération du Pays d'Aubagne et de l'Etoile, du syndicat d'agglomération nouvelle Ouest Provence et de la communauté d'agglomération du Pays de Martigues ". En vertu du II de l'article 42 de la loi du 27 janvier 2014 de modernisation de l'action publique territoriale et d'affirmation des métropoles " La métropole d'Aix-Marseille-Provence visée à l'article L. 5218-1 du code général des collectivités territoriales est créée au 1er janvier 2016 ".

6. A la date de l'introduction de la demande de la commune de Fos-sur-Mer devant le tribunal administratif de Marseille, la métropole Aix-Marseille Provence, ultérieurement substituée à la communauté urbaine Marseille Provence métropole en qualité d'autorité délégante, n'avait pas été instituée, et la requérante, alors membre du syndicat d'agglomération nouvelle Ouest Provence, n'en était que l'un des futurs membres. La commune de Fos-sur-Mer est toutefois devenue membre de cet établissement public de coopération intercommunale en cours d'instance. Si cette seule qualité, qui n'est pas assimilable à celle de membre de l'assemblée délibérante de cet établissement, ne saurait en elle-même lui donner intérêt à agir à l'encontre du contrat attaqué, la commune peut utilement faire état, pour établir son intérêt à agir, de la dégradation de ses relations financières avec la métropole Aix-Marseille Provence, inhérente selon elle à la conclusion du protocole transactionnel en cause. Néanmoins, alors qu'elle appartient à la métropole Aix-Marseille Provence depuis plus de quatre ans à la date à laquelle la Cour statue, la requérante se borne sur ce point à invoquer cette dégradation sans établir ni la nature, ni l'ampleur de l'incidence de l'exécution de ce contrat sur les finances de l'établissement, ni les conséquences éventuelles ou effectives de cette incidence sur ses propres finances dans le cadre de ses relations budgétaires avec la métropole, dont le budget n'est au demeurant pas alimenté par des dotations apportées par les communes membres mais par une fiscalité propre à l'établissement, en vertu des dispositions de l'article L. 5215-32 du code général des collectivités territoriales, rendues applicables aux métropoles par l'article L. 5217-2 du même code. La commune de Fos-sur-Mer n'est donc pas fondée à soutenir qu'elle aurait, pour ce motif, intérêt à agir contre le contrat attaqué.

7. Si, en deuxième lieu, la commune de Fos-sur-Mer a fait valoir dans la demande présentée devant le tribunal qu'une commune ayant la qualité contribuable départemental a intérêt à agir contre une délibération du conseil départemental, elle ne précise pas, en l'espèce, de quelle personne morale et de quel impôt elle serait la débitrice et en quoi cette circonstance serait de nature à lui conférer un intérêt à agir contre le contrat attaqué.

8. En troisième lieu, le protocole transactionnel attaqué se borne à régler les conséquences financières de litiges opposant l'établissement public délégant au délégataire et ses clauses n'ont aucune incidence sur le fonctionnement de l'installation. Dès lors, il n'est pas de nature à affecter le territoire de la commune ou son environnement, de telle sorte qu'il ne lèse pas, sur ce point, les intérêts de la commune de Fos-sur-Mer.

9. En dernier lieu, les clauses du protocole transactionnel n'affectent ni la nature ni la quantité de déchets reçus au sein de l'installation. Dès lors, il est sans incidence sur le produit ou les modalités de perception de la taxe sur les déchets ménagers réceptionnés dans une installation de stockage ou d'incinération de déchets ménagers instaurée par la commune de Fos-sur-Mer. Son intervention ne lèse donc pas davantage, sur ce point, les intérêts de la commune de Fos-sur-Mer.

10. Il résulte de tout ce qui précède que la commune de Fos-sur-Mer n'est pas recevable à demander l'annulation du protocole transactionnel conclu le 24 juin 2015. Elle n'est dès lors pas fondée à soutenir que c'est à tort que les premiers juges ont rejeté sa demande pour ce motif. Sa requête d'appel ne peut donc être que rejetée, sans qu'il soit besoin de statuer sur sa recevabilité.

Sur les frais liés au litige :

11. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative s'opposent à ce que la somme réclamée par la commune de Fos-sur-Mer sur leur fondement soit mise à la charge de la métropole Aix-Marseille Provence, qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance engagée devant le tribunal. Il y a lieu, en revanche, de mettre une somme de 500 euros à la charge de la commune de Fos-sur-Mer en application de ces mêmes dispositions, à verser d'une part à la métropole Aix-Marseille Provence et, d'autre part, à la société EVERE.

D É C I D E :

Article 1er : La requête de la commune de Fos-sur-Mer est rejetée.

Article 2 : La commune de Fos-sur-Mer versera une somme de 500 euros à la métropole Aix-Marseille Provence et une somme de 500 euros à la société EVERE en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 3 : Le surplus des conclusions des parties est rejeté.

Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à la commune de Fos-sur-Mer, à la métropole Aix-Marseille Provence et à la société EVERE.

Délibéré après l'audience du 7 décembre 2020, où siégeaient :

- M. Guy Fédou, président,

- Mme H... K..., présidente assesseure,

- M. F... Grimaud, premier conseiller.

Rendu public par mise à disposition au greffe, le 21 décembre 2020.

2

N° 19MA03938

MY


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Marseille
Formation : 6ème chambre
Numéro d'arrêt : 19MA03938
Date de la décision : 21/12/2020
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Analyses

Marchés et contrats administratifs - Règles de procédure contentieuse spéciales - Recevabilité - Recevabilité du recours pour excès de pouvoir en matière contractuelle.

Procédure - Introduction de l'instance - Intérêt pour agir - Absence d'intérêt.


Composition du Tribunal
Président : M. FEDOU
Rapporteur ?: M. Philippe GRIMAUD
Rapporteur public ?: M. THIELÉ
Avocat(s) : CABINET TAITHE PANASSAC ASSOCIÉS ; CABINET TAITHE PANASSAC ASSOCIÉS ; CABINET TAITHE PANASSAC ASSOCIÉS ; CABINET TAITHE PANASSAC ASSOCIÉS ; CABINET TAITHE PANASSAC ASSOCIÉS

Origine de la décision
Date de l'import : 09/01/2021
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.marseille;arret;2020-12-21;19ma03938 ?
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