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07/12/2020 | FRANCE | N°19MA01811

France | France, Cour administrative d'appel de Marseille, 6ème chambre, 07 décembre 2020, 19MA01811


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La société SN Vigna Méditerranée a demandé au tribunal administratif de Toulon de condamner l'Etat à lui verser la somme de 40 810,47 euros en règlement du marché relatif au lot n°1 " tous corps d'état - gros oeuvre - ouvrages métalliques - aménagements intérieurs " de l'opération de construction du centre de formation et de maintenance des hélicoptères NH 90 sur la base " général Lejay " du Cannet-des-Maures.

Par un jugement n° 1502257 du 8 mars 2019, le tribunal administratif de Toulon

a rejeté sa demande.

Procédure devant la Cour :

Par une requête enregistrée le 19 avr...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La société SN Vigna Méditerranée a demandé au tribunal administratif de Toulon de condamner l'Etat à lui verser la somme de 40 810,47 euros en règlement du marché relatif au lot n°1 " tous corps d'état - gros oeuvre - ouvrages métalliques - aménagements intérieurs " de l'opération de construction du centre de formation et de maintenance des hélicoptères NH 90 sur la base " général Lejay " du Cannet-des-Maures.

Par un jugement n° 1502257 du 8 mars 2019, le tribunal administratif de Toulon a rejeté sa demande.

Procédure devant la Cour :

Par une requête enregistrée le 19 avril 2019, la société SN Vigna Méditerranée, représentée par Me B..., demande à la Cour :

1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Toulon ;

2°) de condamner l'Etat à lui verser la somme de 40 810,47 euros toutes taxes comprises en réparation du préjudice qu'elle a subi ;

3°) d'assortir cette condamnation des intérêts moratoires au taux de 7,5 % à compter du 26 novembre 2013 ;

4°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 2 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- le maître de l'ouvrage a réglé à sa sous-traitante, la société Cabrol, une somme de 40 810,47 euros toutes taxes comprises qui ne devait pas lui revenir ;

- les factures présentées par la société Cabrol ne pouvaient, eu égard à leurs mentions, être regardées comme adressées au titulaire pour vérification de son droit au paiement direct ;

- en tout état de cause, il lui incombait d'inscrire ces créances à son projet de décompte mensuel en vertu des stipulations de l'article 13.1.7 du cahier des clauses administratives générales ;

- elle n'a pu s'opposer à temps au règlement de cette somme car le maître de l'ouvrage a méconnu les dispositions de l'article 116 du code des marchés publics imposant la transmission sans délai de la demande du sous-traitant au titulaire ;

- le règlement avait fait l'objet d'une opposition de sa part ;

- cette somme excédait le montant de l'acte de sous-traitance ;

- ces travaux n'ont pas été exécutés.

Par un mémoire en défense enregistré le 29 octobre 2019, la ministre des armées conclut au rejet de la requête.

Elle soutient que les moyens soulevés par la société SN Vigna Méditerranée ne sont pas fondés.

Par une ordonnance du 10 juillet 2020, la clôture de l'instruction a été fixée au 28 juillet 2020.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la loi n° 75-1334 du 31 décembre 1975 ;

- le code des marchés publics ;

- l'arrêté du 8 septembre 2009 ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. C... Grimaud, rapporteur ;

- et les conclusions de M. A... Thiélé, rapporteur public.

Considérant ce qui suit :

1. Par acte d'engagement du 1er décembre 2010, le ministre des armées a confié à la société SN Vigna Méditerranée les travaux du lot n° 1 " tous corps d'état - gros oeuvre - ouvrages métalliques - aménagements intérieurs " de l'opération de construction d'un centre de formation et de maintenance pour hélicoptères au sein du quartier Lejay au Cannet-des-Maures. La société Cabrol, sous-traitante de la société SN Vigna Méditerranée a adressé à celle-ci, le 24 août 2012 puis le 20 septembre 2012, deux factures portant sur des travaux sous-traités, qu'elle a également adressées au pouvoir adjudicateur, lequel lui a réglé sur leur fondement la somme de 40 810,47 euros. Un premier décompte général du marché a été notifié à la société SN Vigna Méditerranée le 25 octobre 2013 puis, celle-ci ayant contesté la compétence de son signataire, un second décompte général lui a été notifié le 25 août 2014. La société a contesté le décompte sur ce point par des mémoires en réclamation datés des 5 septembre 2014 et 4 novembre 2014, tous deux rejetés par l'administration.

Sur le bien-fondé du jugement attaqué :

En ce qui concerne la recevabilité :

2. D'une part, aux termes de l'article 50 du cahier des clauses administratives générales applicable au marché en cause : " 50.1.1. Si un différend survient entre le titulaire et le maître d'oeuvre, sous la forme de réserves faites à un ordre de service ou sous toute autre forme, ou entre le titulaire et le représentant du pouvoir adjudicateur, le titulaire rédige un mémoire en réclamation. / Dans son mémoire en réclamation, le titulaire expose les motifs de son différend, indique, le cas échéant, les montants de ses réclamations et fournit les justifications nécessaires correspondant à ces montants. Il transmet son mémoire au représentant du pouvoir adjudicateur et en adresse copie au maître d'oeuvre. / Si la réclamation porte sur le décompte général du marché, ce mémoire est transmis dans le délai de trente jours à compter de la notification du décompte général. / Le mémoire reprend, sous peine de forclusion, les réclamations formulées antérieurement à la notification du décompte général et qui n'ont pas fait l'objet d'un règlement définitif. / 50.1.2. Après avis du maître d'oeuvre, le représentant du pouvoir adjudicateur notifie au titulaire sa décision motivée dans un délai de trente jours à compter de la date de réception du mémoire en réclamation. / 50.1.3. L'absence de notification d'une décision dans ce délai équivaut à un rejet de la demande du titulaire. / 50.2. Lorsque le représentant du pouvoir adjudicateur n'a pas donné suite ou n'a pas donné une suite favorable à une demande du titulaire, le règlement définitif du différend relève des procédures fixées aux articles 50.3 à 50.6. / 50.3. Procédure contentieuse : / 50.3.1. A l'issue de la procédure décrite à l'article 50.1, si le titulaire saisit le tribunal administratif compétent, il ne peut porter devant cette juridiction que les chefs et motifs énoncés dans les mémoires en réclamation. / 50.3.2. Pour les réclamations auxquelles a donné lieu le décompte général du marché, le titulaire dispose d'un délai de six mois, à compter de la notification de la décision prise par le représentant du pouvoir adjudicateur en application de l'article 50.1.2, ou de la décision implicite de rejet conformément à l'article 50.1.3, pour porter ses réclamations devant le tribunal administratif compétent. / 50.3.3. Passé ce délai, il est considéré comme ayant accepté cette décision et toute réclamation est irrecevable. ".

3. D'autre part, aux termes de l'article 9.9 du cahier des clauses administratives particulières du marché en cause : " En application de l'article 50.5.1 du cahier des clauses administratives générales travaux (...) : lorsque le titulaire n'accepte pas la proposition du ou le rejet implicite de sa demande, il doit, sous peine de forclusion, dans un délai d'un mois à compter de la notification de cette proposition ou à compter de l'expiration du délai de 45 jours prévu à l'article 50.1.3. du cahier des clauses administratives générales travaux, transmettre au conciliateur, en la personne du directeur central du service d'infrastructure de la défense, son mémoire en réclamation tel que rédigé et communiqué au représentant du pouvoir adjudicateur au titre de l'article 50.1.1 (...) / Dès lors le conciliateur dispose de 60 jours (...) pour notifier au titulaire une décision de conciliation. Si aucune décision n'est notifiée dans ce délai au titulaire ou s'il rejette cette décision (...), le titulaire dispose de 6 mois à partir de la notification de cette décision pour porter sa réclamation devant le tribunal administratif. (...) ".

4. Il résulte de ces stipulations qui sont, eu égard à leur rédaction, applicables à tout différend relatif au règlement du marché, que le titulaire est tenu, lorsque le représentant du pouvoir adjudicateur a rejeté sa demande sur le fondement de l'article 50.1.2 du cahier des clauses administratives générales, de saisir le directeur central du service d'infrastructure de la défense d'une demande de conciliation en lui transmettant son mémoire en réclamation, le délai de recours contentieux ne courant qu'à compter du rejet explicite de cette demande, donnant lieu à notification d'une décision. En l'espèce, la personne responsable du marché ayant, le 15 octobre 2014, rejeté la réclamation de la société SN Vigna Méditerranée, celle-ci était tenue de saisir cette autorité, ce qu'elle a fait par un courrier du 4 novembre 2014. En l'absence de réponse explicite du conciliateur ainsi désigné par le marché, le délai imparti à la société requérante pour saisir le tribunal administratif de Toulon n'avait pas recommencé à courir lorsqu'elle a saisi le tribunal le 15 juin 2015. Sa demande n'était donc pas tardive et la fin de non-recevoir soulevée sur ce point par la ministre des armées doit dès lors être écartée.

En ce qui concerne les conclusions indemnitaires :

5. Aux termes de l'article 6 de la loi du 31 décembre 1975 dans sa rédaction alors en vigueur : " Le sous-traitant direct du titulaire du marché qui a été accepté et dont les conditions de paiement ont été agréées par le maître de l'ouvrage, est payé directement par lui pour la part du marché dont il assure l'exécution ". Aux termes de l'article 8 de ce texte : " L'entrepreneur principal dispose d'un délai de quinze jours, comptés à partir de la réception des pièces justificatives servant de base au paiement direct, pour les revêtir de son acceptation ou pour signifier au sous-traitant son refus motivé d'acceptation. / Passé ce délai, l'entrepreneur principal est réputé avoir accepté celles des pièces justificatives ou des parties de pièces justificatives qu'il n'a pas expressément acceptées ou refusées. / Les notifications prévues à l'alinéa 1er sont adressées par lettre recommandée avec accusé de réception. ". En vertu des dispositions de l'article 116 du code des marchés publics alors en vigueur : " Le sous-traitant adresse sa demande de paiement libellée au nom du pouvoir adjudicateur au titulaire du marché, sous pli recommandé avec accusé de réception, ou la dépose auprès du titulaire contre récépissé. / Le titulaire dispose d'un délai de quinze jours à compter de la signature de l'accusé de réception ou du récépissé pour donner son accord ou notifier un refus, d'une part, au sous-traitant et, d'autre part, au pouvoir adjudicateur ou à la personne désignée par lui dans le marché. / Le sous-traitant adresse également sa demande de paiement au pouvoir adjudicateur ou à la personne désignée dans le marché par le pouvoir adjudicateur, accompagnée des factures et de l'accusé de réception ou du récépissé attestant que le titulaire a bien reçu la demande ou de l'avis postal attestant que le pli a été refusé ou n'a pas été réclamé. / Le pouvoir adjudicateur ou la personne désignée par lui dans le marché adresse sans délai au titulaire une copie des factures produites par le sous-traitant. / Le pouvoir adjudicateur procède au paiement du sous-traitant dans le délai prévu par l'article 98. Ce délai court à compter de la réception par le pouvoir adjudicateur de l'accord, total ou partiel, du titulaire sur le paiement demandé, ou de l'expiration du délai mentionné au deuxième alinéa si, pendant ce délai, le titulaire n'a notifié aucun accord ni aucun refus, ou encore de la réception par le pouvoir adjudicateur de l'avis postal mentionné au troisième alinéa. / Le pouvoir adjudicateur informe le titulaire des paiements qu'il effectue au sous-traitant. ".

6. Il résulte en l'espèce de l'instruction que, si les factures adressées à la société

SN Vigna Méditerranée par la société Cabrol portaient la mention " règlement par paiement direct ", elles étaient intitulées " demande d'acompte " et étaient libellées au seul nom de la société SN Vigna Méditerranée, mention qui était de nature à faire naître un doute sur la personne du débiteur dont la société Cabrol entendait obtenir le règlement de ces prestations, au titre du paiement direct du maître de l'ouvrage ou directement auprès de la société SN Vigna Méditerranée. En outre, le maître de l'ouvrage n'a pas, contrairement aux exigences formulées par les dispositions de l'article 116 du code des marchés publics, transmis sans délai ces factures, qu'il avait également reçues, à la société SN Vigna Méditerranée, la privant ainsi de la possibilité de saisir leur portée, de vérifier le bien-fondé des demandes qu'elles comportaient et, le cas échéant, de s'opposer à leur règlement. Aussi, dans les circonstances de l'espèce et sans qu'il soit besoin d'examiner les autres moyens soulevés par la requérante et relatifs à la régularité de la procédure de paiement direct, la société SN Vigna Méditerranée est fondée à soutenir que, cette procédure n'ayant pas été respectée, le paiement adressé par le maître de l'ouvrage à la société Cabrol n'aurait pas dû être effectué.

7. Il résulte de ce qui précède que la société SN Vigna Méditerranée est fondée à soutenir que le maître de l'ouvrage ayant irrégulièrement payé la somme de 40 810,47 euros toutes taxes comprises à la société Cabrol, il ne pouvait exclure cette somme du décompte général du marché dont elle était titulaire. La requérante est par suite fondée à réclamer le paiement pour elle-même des travaux indûment payés à la société Cabrol, ainsi que la réintégration de la somme correspondante dans le décompte général de son marché, la circonstance qu'elle n'aurait pas réalisé elle-même ses travaux étant sans incidence sur ce point.

8. Il résulte de tout ce qui précède que la société SN Vigna Méditerranée est fondée à demander l'annulation du jugement attaqué et la condamnation de l'Etat à lui verser la somme

de 40 810,47 euros toutes taxes comprises.

Sur les intérêts :

9. En vertu des stipulations de l'article 3.4.6 du cahier des clauses administratives particulières du marché : " Les sommes dues au(x) titulaire(s) et au(x) sous-traitant(s) de premier rang éventuel(s) seront payées dans un délai global de 30 jours à compter de la date de réception des factures ou des demandes de paiement équivalentes. / Le taux des intérêts moratoires est égal au taux d'intérêt de la principale facilité de refinancement appliquée par la Banque Centrale Européenne à son opération de refinancement principale la plus récente effectuée avant le premier jour de calendrier du semestre de l'année civile au cours duquel les intérêts moratoires ont commencé à courir, majoré de sept points ".

10. Il résulte de l'instruction que le décompte général du marché a été notifié par le service d'infrastructure de la défense le 25 octobre 2013 à la société requérante. Celle-ci est donc fondée à demander que la somme de 40 810,47 euros toutes taxes comprises visée au point 8 ci-dessus soit majorée des intérêts au taux moratoire fixé par les stipulations de l'article 3.4.6 du cahier des clauses administratives particulières, soit 7,5 %, à compter du 26 novembre 2013.

Sur les frais liés au litige :

11. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre une somme de 2 000 euros à la charge de l'État, partie perdante dans la présente instance, à verser à la société SN Vigna Méditerranée en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

D É C I D E :

Article 1er : Le jugement n° 1502257 du tribunal administratif de Toulon du 8 mars 2019 est annulé.

Article 2 : L'Etat est condamné à verser la somme de 40 810,47 euros toutes taxes comprises à la société SN Vigna Méditerranée. Cette somme portera intérêts au taux de 7,5 % à compter du 26 novembre 2013.

Article 3 : L'Etat versera une somme de 2 000 euros à la société SN Vigna Méditerranée en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à la société SN Vigna Méditerranée et à la ministre des armées.

Délibéré après l'audience du 23 novembre 2020, où siégeaient :

- M. Guy Fédou, président,

- Mme D... E..., présidente assesseure,

- M. C... Grimaud, premier conseiller.

Rendu public par mise à disposition au greffe, le 7 décembre 2020.

2

N° 19MA01811

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Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Marseille
Formation : 6ème chambre
Numéro d'arrêt : 19MA01811
Date de la décision : 07/12/2020
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Analyses

39-05-01-01-03 Marchés et contrats administratifs. Exécution financière du contrat. Rémunération du co-contractant. Prix. Rémunération des sous-traitants.


Composition du Tribunal
Président : M. FEDOU
Rapporteur ?: M. Philippe GRIMAUD
Rapporteur public ?: M. THIELÉ
Avocat(s) : CABINET D'AVOCATS DEPLANO - MOSCHETTI - SALOMON - SIMIAN

Origine de la décision
Date de l'import : 19/12/2020
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.marseille;arret;2020-12-07;19ma01811 ?
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