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19/10/2020 | FRANCE | N°18MA00768

France | France, Cour administrative d'appel de Marseille, 6ème chambre, 19 octobre 2020, 18MA00768


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La chambre de commerce et d'industrie de Marseille Provence a demandé au tribunal administratif de Marseille d'annuler le titre de perception émis à son encontre le 12 mars 2015, pour un montant de 16 329 640 euros, ainsi que la décision du 17 juillet 2015 par laquelle le ministre de l'économie, de l'industrie et du numérique a rejeté le recours administratif qu'elle a formé à l'encontre de ce même titre.

Par un jugement n° 1507066 du 19 décembre 2017, le tribunal administratif de Marseille a re

jeté ces demandes.

Procédure devant la Cour :

Par une requête et un mémoire, e...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La chambre de commerce et d'industrie de Marseille Provence a demandé au tribunal administratif de Marseille d'annuler le titre de perception émis à son encontre le 12 mars 2015, pour un montant de 16 329 640 euros, ainsi que la décision du 17 juillet 2015 par laquelle le ministre de l'économie, de l'industrie et du numérique a rejeté le recours administratif qu'elle a formé à l'encontre de ce même titre.

Par un jugement n° 1507066 du 19 décembre 2017, le tribunal administratif de Marseille a rejeté ces demandes.

Procédure devant la Cour :

Par une requête et un mémoire, enregistrés le 20 février 2018 et le 16 avril 2019, la chambre de commerce et d'industrie de Marseille Provence, représentée par Me B..., demande à la Cour :

1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Marseille du 19 décembre 2017 ;

2°) d'annuler le titre de perception émis à son encontre le 12 mars 2015 pour un montant de 16 329 640 euros ainsi que la décision du 17 juillet 2015 de rejet de son recours gracieux ;

3°) de la décharger de la somme de 16 329 640 euros ;

4°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 5 000 euros au titre de l'article L. 7611 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- le jugement rejette comme irrecevables des moyens qu'elle n'a pas développés devant le tribunal dans ses écritures ;

- le jugement est entaché de quatre omissions à statuer ;

- le titre de perception du 12 mars 2015 méconnaît l'alinéa 2 de l'article 4 de la loi du 12 avril 2000, en l'absence de signature de son auteur ;

- le prélèvement institué par la loi de finances pour 2015 méconnait les stipulations de l'article 1er du premier protocole additionnel à la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales dès lors qu'il met en péril les finances de l'exposante ;

- les dispositions appliquées méconnaissent l'article 14 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, combinées à celles de l'article 1er du premier protocole additionnel à la convention dès lors que, notamment, la différence de traitement entre les chambres de commerce et d'industrie territoriales repose, de manière discriminatoire, sur la situation du fonds de roulement au cours de l'exercice 2013 ;

- l'article 33 de la loi de finances pour 2015 méconnait les dispositions combinées de l'article 14 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et de l'article 1er de son premier protocole additionnel ; le prélèvement tel que réparti à hauteur de 350 millions d'euros à proportion de cet excédent et à hauteur de 150 millions d'euros à proportion du poids économique des chambres de commerce et d'industrie défini à l'article L. 711-1 du code de commerce exclut les chambres de commerce et d'industrie de région qui font l'objet d'un traitement différent dans la mesure où elles ne sont pas concernées par ce prélèvement de 150 millions d'euros ; cette différenciation de traitement discriminatoire n'est pas justifiée par des motifs objectifs et ne poursuit pas un but légitime.

Par un mémoire en défense, enregistré le 24 avril 2018, le ministre de l'économie et des finances demande à la Cour le rejet de la requête de la chambre de commerce et d'industrie de Marseille Provence.

Il soutient que :

- les dispositions de l'article 4 la loi du 12 avril 2000 ne sont pas applicables en l'espèce ;

- les dispositions de l'article 33 de la loi n° 2014-1654 du 29 décembre 2014 pour 2015, justifiées par un objectif d'intérêt général n'ont pas porté une atteinte disproportionnée au respect des biens énoncés à l'article 1er du protocole additionnel n° 1 à la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- ces mêmes dispositions ne portent pas atteinte aux stipulations de l'article 14 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales dès lors qu'elles rétablissent une forme d'égalité entre chambres de commerce et d'industrie et que les critères retenus sont justifiés ;

- le choix fait par la chambre de commerce et d'industrie Provence-Alpes-Côte-d'Azur en 2016 de réduire le montant de la taxe attribuée à la chambre de commerce et d'industrie Marseille Provence semble démontrer que sa situation financière n'était pas préoccupante.

Par une ordonnance du 19 mai 2020, la clôture de l'instruction a été fixée au 16 juin 2020.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- le code de commerce ;

- le code général des impôts et notamment son article 1600 ;

- le code des relations entre le public et l'administration ;

- la loi n° 2000-321 du 12 avril 2000 relative aux droits des citoyens dans leurs relations avec les administrations ;

- la loi n° 2014-1654 du 29 décembre 2014 de finances pour 2015 et notamment son article 33, tel que modifié par la loi n° 2015-29 du 16 janvier 2015 relative à la délimitation des régions, aux élections régionales et départementales et modifiant le calendrier électoral ;

- l'ordonnance n° 58-1067 du 7 novembre 1958 portant loi organique sur le Conseil constitutionnel ;

- le décret n° 2012-1246 du 7 novembre 2012 relatif à la gestion budgétaire et comptable publique ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme C... D..., rapporteure ;

- et les conclusions de M. A... Thielé, rapporteur public.

Considérant ce qui suit :

1. La direction régionale des finances publiques de Provence-Alpes-Côte-d'Azur et des Bouches-du-Rhône a émis le 12 mars 2015 un titre de perception d'un montant de 16 329 640 euros à l'encontre de la chambre de commerce et d'industrie de Marseille Provence par application de l'article 33 de la loi de finances pour 2015 qui avait institué un prélèvement de 500 millions d'euros sur le budget de l'ensemble des établissements consulaires territoriaux. Par une réclamation du 10 avril 2015, la chambre de commerce et d'industrie territoriale de Marseille Provence a formé un recours préalable à l'encontre de ce titre auprès du ministre chargé de l'industrie. Le ministre ayant rejeté cette réclamation, la chambre de commerce et d'industrie territoriale de Marseille Provence a saisi le tribunal administratif de Marseille d'une demande tendant à l'annulation du titre de perception du 12 mars 2015 ainsi que de la décision du 17 juillet 2015 par laquelle le ministre de l'économie, de l'industrie et du numérique a rejeté le recours administratif qu'elle a formé à l'encontre de ce même titre. La chambre de commerce et d'industrie territoriale de Marseille Provence relève appel du jugement du 19 décembre 2017 par lequel le tribunal administratif de Marseille a rejeté sa demande.

Sur la régularité du jugement attaqué :

2. En premier lieu, la circonstance que le jugement rejette comme irrecevables les moyens tirés de l'illégalité de l'article 33 de la loi de finances pour 2015 au regard, d'une part, des principes constitutionnels de liberté du commerce et de l'industrie, de consentement à l'impôt, d'égalité devant l'impôt, de nécessité et de proportionnalité de l'impôt, d'annualité budgétaire, de spécialité et de légalité et, d'autre part, de la loi organique relative aux lois de finances à laquelle la Constitution renvoie expressément, moyens qui, ainsi que le fait valoir à juste titre l'appelante, n'ont pas été développés devant le tribunal dans les écritures de la requérante, n'est cependant pas de nature à en affecter sa régularité.

3. En second lieu, la requérante soutient que le tribunal n'aurait pas statué sur quatre moyens exposés dans ses écritures de première instance. Elle reproche ainsi aux premiers juges, d'une part, de ne pas avoir pris en compte dans leur décision la doctrine de l'Etat en matière comptable qui rappelle qu'un prélèvement sur fonds de roulement peut être autorisé " à titre exceptionnel ... à condition qu'il ne conduise pas, à court et moyen et terme, à une dégradation de la situation financière et des équilibres d'exploitation de l'établissement " et, d'autre part, de n'avoir statué ni sur le caractère discriminatoire du dispositif du prélèvement, ni sur le moyen tiré de ce que le législateur ne pouvait retenir exclusivement les données comptables de l'exercice 2013 ni sur celui tiré du caractère incohérent du second critère de la loi de finances alors qu'elle arguait dans ses écritures que " la notion de poids économique ... intéresse exclusivement le rattachement d'une CCIT nouvellement créée et issue de la fusion de plusieurs CCIT à une CCIR dans l'hypothèse particulière où les CCIT amenées à se regrouper sont situées dans des départements limitrophes relevant de plusieurs régions et ne parviennent pas à trouver un accord entre elles concernant la CCIR de rattachement. ". Toutefois, par le point 11 du jugement dont il est relevé appel, le tribunal, qui n'était pas tenu de répondre à chacun des arguments soulevés devant lui, a suffisamment répondu au moyen tiré de l'illégalité de la créance en ce qu'elle résulte de l'application de l'article 33 de la loi de finances qui méconnaît les stipulations combinées de l'article 14 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et de l'article 1er de son 1er protocole additionnel à l'appui desquels elle faisait valoir ces quatre arguments.

4. Par suite, les moyens allégués tirés de l'irrégularité du jugement contesté ne peuvent, en tout état de cause, qu'être écartés.

Sur la régularité du titre de perception :

5. Aux termes du second alinéa de l'article 4 de la loi du 12 avril 2000 relative aux droits des citoyens dans leurs relations avec les administrations désormais codifié à l'article L. 212-1 du code des relations entre le public et l'administration : " Toute décision prise par l'une des autorités administratives mentionnées à l'article 1er comporte, outre la signature de son auteur, la mention, en caractères lisibles, du prénom, du nom et de la qualité de celui-ci ". Ces dispositions ne sont pas applicables aux décisions adressées par l'État à un établissement public dont il assure la tutelle. Par suite, le titre exécutoire litigieux adressé par l'Etat à la chambre de commerce et d'industrie territoriale de Marseille Provence, dont il assure la tutelle par l'intermédiaire des préfets, n'avait pas à être signé par l'ordonnateur. Dès lors, le moyen tiré de la méconnaissance des dispositions de l'alinéa 2 de l'article 4 de la loi du 12 avril 2000 désormais codifié à l'article L. 212-1 du code des relations entre le public et l'administration doit être écarté.

Sur le bien-fondé de la créance :

6. L'article 1600 du code général des impôts, dans sa rédaction alors applicable, prévoit en son III que : " 2.-Le produit de la taxe additionnelle à la cotisation sur la valeur ajoutée des entreprises est affecté au fonds de financement des chambres de commerce et d'industrie de région, dans la limite du plafond prévu au I de l'article 46 de la loi n° 2011-1977 du 28 décembre 2011 précitée. En 2015, le produit du prélèvement exceptionnel prévu au III de l'article 33 de la loi n° 2014-1654 du 29 décembre 2014 de finances pour 2015 est également affecté au fonds de financement des chambres de commerce et d'industrie de région (...) ". Selon l'article 33 de la loi du 29 décembre 2014 de finances pour 2015, tel que modifié par la loi du 16 janvier 2015 relative à la délimitation des régions, aux élections régionales et départementales et modifiant le calendrier électoral, applicable en l'espèce : " I.- Par dérogation au 2 du III de l'article 1600 du code général des impôts, une somme de 500 millions d'euros, imputable sur le produit attendu de la taxe additionnelle à la cotisation sur la valeur ajoutée des entreprises, est affectée au budget général de l'Etat. / (...) III.- Il est opéré, en 2015, au profit du fonds de financement des chambres de commerce et d'industrie de région mentionné au 2 du III de l'article 1600 du code général des impôts, un prélèvement de 500 millions d'euros sur les chambres de commerce et d'industrie, à l'exception des régions où il n'existe qu'une seule chambre de commerce et d'industrie territoriale, dénommée chambre de commerce et d'industrie de région. / Ce prélèvement est réparti entre les établissements disposant d'un fonds de roulement, défini au 1° du présent III, de plus de cent vingt jours de charges de fonctionnement. / Le prélèvement est réparti : / 1° A hauteur de 350 millions d'euros, à proportion de cet excédent. Le fonds de roulement est défini, pour chaque établissement, par référence aux données comptables de l'exercice 2013, par différence entre les ressources stables (capitaux propres, provisions, dettes d'emprunt) et les emplois durables (actif immobilisé). Les charges prises en compte pour calculer le fonds de roulement correspondant à cent-vingt jours sont les charges décaissables non exceptionnelles (charges d'exploitation et charges financières, moins les dotations aux amortissements et aux provisions pour dépréciation). Les données prises en compte pour le calcul du fonds de roulement et des charges décaissables non exceptionnelles excluent les services budgétaires portuaires et aéroportuaires et les ponts gérés par les chambres de commerce et d'industrie. Elles excluent également les montants affectés en 2014 et 2015 à des investissements en faveur de centres d'apprentissage ou de formation en alternance, et ayant fait l'objet d'une décision d'autorisation du Premier ministre avant le 1er novembre 2014 dans le cadre du programme d'investissements d'avenir ; / 2° A hauteur de 150 millions d'euros, à proportion du poids économique des chambres de commerce et d'industrie, défini à l'article L. 711-1 du code de commerce. ". Un tableau précise à la suite de ces dispositions le montant du prélèvement pour chacun des établissements concernés, y compris la chambre de commerce et d'industrie territoriale de Marseille Provence.

7. L'article 1er du premier protocole additionnel à la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales stipule que : " Toute personne physique ou morale a droit au respect de ses biens. Nul ne peut être privé de sa propriété que pour cause d'utilité publique et dans les conditions prévues par la loi et les principes généraux du droit international. / Les dispositions précédentes ne portent pas atteinte au droit que possèdent les Etats de mettre en vigueur les lois qu'ils jugent nécessaires pour réglementer l'usage des biens conformément à l'intérêt général ou pour assurer le paiement des impôts ou d'autres contributions ou des amendes ". Ces stipulations ne font en principe pas obstacle à ce que le législateur adopte de nouvelles dispositions remettant en cause, fût-ce de manière rétroactive, des droits patrimoniaux ou financiers découlant de lois en vigueur, ayant le caractère d'un bien au sens de ces stipulations, à la condition de ménager un juste équilibre entre l'atteinte portée à ces droits et les motifs d'intérêt général susceptibles de la justifier.

8. Enfin, l'article 14 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales prévoit quant à lui : " La jouissance des droits et libertés reconnus dans la présente convention doit être assurée, sans distinction aucune, fondée notamment sur le sexe, la race, la couleur, la langue, la religion, les opinions politiques ou toutes autres opinions, l'origine nationale ou sociale, l'appartenance à une minorité nationale, la fortune, la naissance ou toute autre situation ". Une distinction entre des personnes placées dans une situation analogue est discriminatoire, au sens de ces stipulations, si elle n'est pas assortie de justifications objectives et raisonnables, c'est-à-dire si elle ne poursuit pas un objectif d'utilité publique ou si elle n'est pas fondée sur des critères objectifs et rationnels en rapport avec les buts de la loi.

En ce qui concerne la méconnaissance des stipulations de l'article 1er du premier protocole additionnel à la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales :

9. Les chambres de commerce et d'industrie sont des établissements publics administratifs soumis à la tutelle de l'Etat, qui exercent des missions d'intérêt général. En vertu des dispositions des articles L. 710-1 et R. 712-22-1 du code de commerce, les chambres de commerce et d'industrie de région bénéficient des impositions de toute nature qui leur sont affectées par la loi et elles répartissent entre les chambres de commerce et d'industrie territoriales et départementales qui leur sont rattachées, sous déduction de leur propre quote-part, le produit des impositions de toute nature qui leur sont affectées.

10. Il résulte de l'instruction, et en particulier des documents soumis à débat parlementaire, que le prélèvement sur le produit de la taxe additionnelle à la cotisation sur la valeur ajoutée des entreprises normalement destiné au fonds de financement des chambres de commerce et d'industrie de région instauré par le I de l'article 33 de la loi du 29 décembre 2014 de finances pour 2015 rappelé au point 6 a été adopté par le législateur afin de réduire, puis de plafonner, les recettes fiscales affectées aux établissements consulaires, dès lors qu'il avait été constaté qu'une part importante de ces établissements disposaient, en raison de la croissance des recettes fiscales qui leur avaient été affectées au titre des années précédentes, de fonds de roulement excédant les ressources nécessaires pour assurer les missions qui leur incombaient. Le second prélèvement, prévu au III du même article, avait quant à lui un double objectif, d'une part, compenser le prélèvement effectué, au profit du budget général de l'Etat, en vertu du I du même article et abonder les fonds de roulement indispensables au fonctionnement des chambres de commerce et d'industrie de région et, d'autre part et surtout, permettre une répartition plus équitable des ressources entre les établissements consulaires territoriaux, les chambres de commerce et d'industrie de région dotées du produit de 500 millions d'euros provenant de ce prélèvement étant chargées d'assurer une péréquation entre les établissements consulaires départementaux permettant de garantir à l'ensemble de ceux-ci un niveau de ressources fiscales de référence.

11. La chambre de commerce et d'industrie de Marseille Provence ne saurait utilement soutenir que ce premier prélèvement, supporté in fine par les chambres de commerce et d'industrie territoriales, correspond à la quasi-totalité du produit attendu en 2015 de la taxe additionnelle à la cotisation sur la valeur ajoutée des entreprises et serait ainsi disproportionné dès lors que cette taxe est perçue par les chambres de commerce et d'industrie régionales. Il ressort de plus de l'article 33 de la loi du 29 décembre 2014 de finances pour 2015 que le prélèvement effectué sur les chambres de commerce et d'industrie territoriales n'est opéré que sur les établissements qui sont d'un poids économique suffisant disposant d'un fonds de roulement de plus de 120 jours de charges de fonctionnement. Ce prélèvement ménage donc un juste équilibre entre l'atteinte portée aux biens des chambres de commerce et d'industrie territoriales et les motifs d'intérêt général la justifiant. Enfin, la requérante, qui disposait selon le rapport de la mission d'inspection et de conseil de la chambre de commerce et d'industrie territoriale diligentée en 2017 versé aux débats d'un fonds de roulement atteignant près de sept mois de ses charges hors concession de l'aéroport, ne démontre pas que le prélèvement litigieux serait de nature à mettre en péril ses finances en se bornant à en citer des extraits et notamment celui où il est relevé que ledit prélèvement a eu un effet " conséquent sur sa trésorerie même si la chambre a échelonné ses paiements en réglant 12M euros en 2015 et 4,329 M euros en 2017 " dès lors qu'il ressort de ce même rapport d'inspection que " le niveau de la trésorerie de la chambre apparait satisfaisant même sans retraitement " pour les années 2014, 2015 et 2016, qu'il représentait 35 % des charges en 2014, 19,9 % en 2015 et de 21,1 % en 2016 et que cette trésorerie oscillait entre quatre mois et deux mois et demi du budget de fonctionnement, ce qui révélait la possession par la chambre de commerce et d'industrie d' " une trésorerie importante ". Dès lors, le moyen tiré de ce que le titre de perception émis le 12 mars 2015 méconnaitrait les stipulations de l'article 1er du premier protocole additionnel à la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales doit être écarté.

En ce qui concerne la méconnaissance de l'article 14 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales :

12. Le prélèvement en litige ne vise que les chambres de commerce et d'industrie territoriales disposant d'un fonds de roulement correspondant à plus de 120 jours de charges de fonctionnement et institue ainsi une différence de traitement entre des personnes publiques qui ne sont pas dans une situation analogue. En outre, cette distinction ainsi que les objectifs d'intérêt général tels qu'ils sont rappelés au point 10 représentent, en l'espèce, une justification légitime de la différence de traitement instaurée dès lors que le niveau du fonds de roulement constitue, contrairement à ce que soutient la chambre de commerce et d'industrie de Marseille Provence, un indicateur fiable, objectif et rationnel de la capacité contributive des chambres de commerce et d'industrie.

13. L'article 33 prévoit également que ce prélèvement s'opère à hauteur de 150 millions d'euros à proportion du poids économique des chambres de commerce et d'industrie défini à l'article L. 711-1 et l'article R. 713-66 du code de commerce. Ce poids économique est établi selon trois critères : le nombre de ressortissants des chambres, la somme des bases d'imposition de la cotisation foncière des entreprises due par ses ressortissants et le nombre de salariés qu'ils emploient. La notion de poids économique ne s'applique en conséquence pas exclusivement aux chambres de commerce et d'industrie territoriales nouvellement créées mais, contrairement à ce qui est allégué, à l'ensemble des chambres de commerce et d'industrie territoriales et les critères précédemment énumérés permettent une appréciation objective de la capacité financière des chambres. Par ailleurs, seules les chambres de commerce et d'industrie disposant d'un fonds de roulement supérieur à cent-vingt jours de charges de fonctionnement étant visées par le prélèvement, contrairement à ce qui est soutenu, les capacités contributives sont ainsi prises en compte pour la détermination des établissements contribuant à ce prélèvement.

14. Si les dispositions législatives de l'article 33 contestées excluent expressément de l'assiette du fonds de roulement les ressources budgétaires provenant des services portuaires et aéroportuaires et des ponts gérés en propre par les chambres de commerce et d'industrie ainsi que les montants affectés à des investissements en faveur de centres d'apprentissage ou de formation en alternance, cette définition de l'assiette a été effectuée dans le but de favoriser la réalisation de priorités gouvernementales. Elle poursuit, de ce fait, un objectif d'utilité publique.

15 Si l'appelante soutient que le prélèvement contesté est contraire à l'instruction n° 01-119 M9 du 11 décembre 2001 publiée au bulletin officiel de la comptabilité publique, cette instruction, qui se borne en tout état de cause à opérer une présentation générale des notions de fonds de roulement et de variation du fonds de roulement, ne comporte aucune énonciation contraire aux dispositions législatives critiquées.

16. Enfin, la chambre de commerce et d'industrie de Marseille Provence ne saurait soutenir qu'en retenant exclusivement les données comptables de l'exercice 2013, les dispositions litigieuses revêtiraient un caractère discriminatoire dans la mesure où le législateur s'est fondé, ainsi qu'il lui était loisible de le faire, sur les dernières données comptables disponibles pour déterminer la répartition du prélèvement de 500 millions d'euros sur les chambres de commerce et d'industrie. Par suite, ces dispositions ne sont pas incompatibles avec les stipulations précitées de l'article 14 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.

17. Il résulte de ce qui a été dit aux points 12 à 14 que les dispositions législatives critiquées n'instaurent pas, contrairement à ce que soutient la requérante, des conditions incompatibles avec le principe de non-discrimination garanti par les stipulations de l'article 14 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.

18. Il résulte de tout ce qui précède que la chambre de commerce et d'industrie de Marseille Provence n'est pas fondée, en tout état de cause, à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Marseille a rejeté sa demande.

Sur les frais liés au litige :

19. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de l'État, qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance, la somme que la chambre de commerce et d'industrie territoriale de Marseille Provence demande au titre des frais exposés et non compris dans les dépens.

D É C I D E :

Article 1er : La requête de la chambre de commerce et d'industrie territoriale de Marseille Provence est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à la chambre de commerce et d'industrie de Marseille Provence et au ministre de l'économie, des finances et de la relance.

Délibéré après l'audience du 5 octobre 2020, où siégeaient :

- M. Guy Fédou, président,

- Mme C... D..., présidente assesseure,

- M. Philippe Grimaud, premier conseiller,

Lu en audience publique, le 19 octobre 2020.

2

N° 18MA00768


Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Analyses

14-06-01 Commerce, industrie, intervention économique de la puissance publique. Organisation professionnelle des activités économiques. Chambres de commerce et d'industrie.


Références :

Publications
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Composition du Tribunal
Président : M. FEDOU
Rapporteur ?: Mme Christine MASSE-DEGOIS
Rapporteur public ?: M. THIELÉ
Avocat(s) : SELARL GRIMALDI - MOLINA et ASSOCIÉS - AVOCATS ; SELARL GRIMALDI - MOLINA et ASSOCIÉS - AVOCATS ; SELARL KIHL-DRIE

Origine de la décision
Tribunal : Cour administrative d'appel de Marseille
Formation : 6ème chambre
Date de la décision : 19/10/2020
Date de l'import : 07/11/2020

Fonds documentaire ?: Legifrance


Numérotation
Numéro d'arrêt : 18MA00768
Numéro NOR : CETATEXT000042471659 ?
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.marseille;arret;2020-10-19;18ma00768 ?
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