Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
La société SAUR a demandé au juge des référés du tribunal administratif de Nice de prescrire une expertise aux fins notamment de déterminer les travaux à réaliser sur les réseaux de distribution d'eau potable dont le service public lui a été concédé par le syndicat intercommunal à vocation multiple pour l'équipement et l'aménagement du territoire des cantons de Levens, Contes, L'Escarène et Nice (SILCEN).
Par une ordonnance n° 2000782 du 19 juin 2020, il a été fait droit à cette demande.
Procédure devant la Cour :
Par une requête et un mémoire en réplique, enregistrés les 7 juillet et 19 août 2020, le SILCEN, représenté par Me F..., demande à la cour :
1°) d'annuler l'ordonnance du 19 juin 2020 ;
2°) statuant en référé, de rejeter la demande de première instance de la société SAUR en tant qu'elle a défini la mission confiée à l'expert et de définir cette mission selon ses propres demandes.
Il soutient qu'en rejetant ses conclusions incidentes sur la définition de la mission de l'expert, le juge des référés a insuffisamment motivé son ordonnance, a dénaturé les faits et commis une erreur de droit tirée de son erreur d'interprétation ; que la société SAUR n'a jamais respecté, à son égard, son devoir d'information continue ; que la société SAUR ne peut décemment prétendre qu'elle aurait hérité d'un réseau vétuste ; que la défaillance de cette société fait désormais l'objet d'une procédure de réclamation de pénalités ; que la mission qui doit être confiée à l'expert, suggérée par la société SAUR, est passablement orientée ; qu'elle ne présente aucune utilité en ce qu'il est demandé de dresser un constat des travaux de renouvellement ; qu'il est dans l'intérêt des parties que l'état général des réseaux soit vérifié et que le coût de leur remise en état soit chiffré ; qu'elle demande également que soit évalué le montant de son préjudice.
Par deux mémoires, enregistrés les 31 juillet et 31 août 2020, la société SAUR, représentée par Me B..., conclut au rejet de la requête et à ce que la somme de 2 000 euros soit mise à la charge du SILCEN, au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que les moyens tirés de la dénaturation des faits et de l'erreur de droit commises par le juge des référés sont inopérants et devront être écartés ; qu'en tout état de cause, ces moyens manquent en fait ; que le rejet de la demande incidente du SILCEN ne préjudicie en rien à ses droits dans la mesure où il peut solliciter parallèlement une nouvelle expertise ; que les missions de l'expert ne peuvent porter que sur des questions de fait et non des questions de droit ; que le caractère d'utilité de la demande d'extension de la mission de l'expert n'est pas démontré.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique du 4 septembre 2020 à 14h30 :
- le rapport de Mme G...,
- les observations de Me C..., substituant Me F..., représentant le SILCEN, de Me E..., représentant la société SAUR et de M. D..., expert.
Considérant ce qui suit :
1. Aux termes du premier alinéa de l'article R. 532-1 du code de justice administrative : " Le juge des référés peut, sur simple requête (...) prescrire toute mesure utile d'expertise ou d'instruction ". En vertu de l'article L. 555-1 du même code, le président de la cour administrative d'appel est compétent pour statuer sur les appels formés contre les décisions rendues par le juge des référés.
2. Le syndicat intercommunal à vocation multiple pour l'équipement et l'aménagement du territoire des cantons de Levens, Contes, L'Escarène et Nice (SILCEN) a concédé à la société SAUR, par convention du 16 décembre 2011, la gestion du service public de l'alimentation en eau potable sur le territoire des communes de Berre-les-Alpes, Blausac, Chateauneuf-Villevieille et Contes (à l'exception du centre-ville). Dans un contexte de litiges récurrents entre l'autorité délégante et son délégataire et après que la société SAUR se soit vue notifier, le 12 juillet 2019, en application de l'article 61 de la convention du 16 décembre 2011, des pénalités pour divers manquements à ses obligations contractuelles, cette dernière a demandé au juge des référés du tribunal administratif de Nice de prescrire une expertise aux fins principalement que soient déterminés les travaux de renouvellement des canalisations et des ouvrages publics qui, en vertu de la convention de délégation de service public, devraient être à la charge de l'autorité délégante. Le syndicat intercommunal ne s'est pas opposé, en première instance, au prononcé d'une mesure d'expertise mais a contesté les termes de la mission demandée par la société requérante. Il a, pour sa part, demandé à ce que la mission confiée à l'expert soit notamment étendue, d'une part, à la détermination des désordres affectant les réseaux et les installations qui résulteraient d'un défaut d'entretien, de surveillance, d'information ou d'une mauvaise utilisation de la part de la société délégataire et, d'autre part, à l'évaluation des préjudices qu'il a subis résultant des manquements de cette société à ses obligations contractuelles. Par l'ordonnance attaquée du 19 juin 2020, le juge des référés du tribunal administratif de Nice a ordonné une expertise, confiée à M. A... D..., aux fins de faire un relevé précis et détaillé des travaux de renouvellement réalisés par le SILCEN depuis le 1er février 2012, " de donner si faire se peut son avis sur les incidences des travaux relevés sur l'exploitation du service public d'eau potable, sur les travaux restant à réaliser et sur les éventuelles prestations nécessaires à l'entretien, la conservation et la surveillance des réseaux pour une utilisation conforme des installations tant par les usagers que par l'exploitant de la convention de service public ", " de donner de manière générale, tous éléments utiles permettant à la juridiction, de se prononcer sur les responsabilités et l'étendue des préjudices subis dans le cadre d'un éventuel recours en responsabilité quant à l'exécution du service public de distribution d'eau potable concerné " et a rejeté le surplus des conclusions des parties et notamment la demande qualifiée d'incidente du syndicat intercommunal, au motif que " de tels chefs de missions tendant à étendre l'expertise sollicitée par la société SAUR à des investigations importantes et donc à majorer son coût, n'est pas recevable dans le cadre de la présente instance et doit être rejetée sachant qu'elle peut être sollicitée parallèlement par le SILCEN dans le cadre d'une nouvelle expertise ". Le syndicat intercommunal doit être regardé, en dépit de ses conclusions tendant à l'annulation pure et simple de l'ordonnance attaquée, comme ne cherchant à obtenir l'annulation de cette ordonnance qu'en tant seulement que le juge des référés a, à l'article 2, défini la mission dévolue à l'expert et, à l'article 5, rejeté ses conclusions tendant à l'extension de cette mission.
Sur la régularité de l'ordonnance attaquée :
3. En premier lieu, en écartant les conclusions reconventionnelles du syndicat intercommunal tendant à ce que la mission confiée à l'expert soit étendue d'une part, à la détermination des désordres affectant les réseaux et les installations qui résulteraient d'un défaut d'entretien, de surveillance, d'information ou d'une mauvaise utilisation de la part de la société concessionnaire et, d'autre part, à l'évaluation des préjudices qu'il a subis résultant des manquements de cette société à ses obligations contractuelles, dans les termes cités au point précédent, le juge des référés doit être regardé, eu égard, d'une part, à la nature de son office, en application de l'article R. 532-1 du code de justice administrative, et, d'autre part à la teneur de l'argumentation dont il était, en l'espèce, saisi, comme ayant suffisamment motivé son ordonnance.
4. En second lieu, il appartient au juge d'appel non d'apprécier le bien-fondé des motifs par lesquels le juge de référé s'est prononcé sur l'utilité de la mesure d'expertise qui lui était demandée et, le cas échéant, sur l'étendue de la mission confiée à l'expert, mais de se prononcer directement sur l'argumentation des parties, dans le cadre de l'effet dévolutif de l'appel. Le syndicat intercommunal requérant ne peut donc utilement se prévaloir de la dénaturation des faits ou de l'erreur de droit que le premier juge aurait commises, pour demander l'annulation partielle de l'ordonnance attaquée.
5. Il résulte de ce qui précède que le moyen tiré de l'irrégularité de l'ordonnance attaquée doit être écarté.
Sur l'étendue de la mission confiée à l'expert :
6. Ainsi qu'il a été dit au point 2, l'expertise litigieuse a été ordonnée par le juge des référés, à la demande de la société SAUR, dans la perspective de l'action qu'elle serait susceptible d'engager pour contester l'absence de réalisation par l'autorité délégante des travaux de renouvellement des canalisations et des ouvrages publics qui lui incombent, en vertu de l'article 32.2 de la convention du 16 décembre 2011, éclairé par son article 22.2 qui prévoyait notamment le renouvellement du tronçon du feeder Nord " avant fin 2014 ".
7. Dans l'intérêt de l'ensemble des parties, il apparaît utile, sans changer ni la nature de l'action à laquelle cette expertise est susceptible de se rattacher, ni la portée de cette mesure d'expertise, de demander à l'expert de déterminer non seulement les travaux de renouvellement, au sens de l'article 32.2 de la convention du 16 décembre 2011, éclairé par son article 22.2, effectués par le SILCEN depuis le 1er février 2012 mais également les travaux d'entretien, au sens de l'article 32.1 de la même convention, effectués par la société SAUR au cours de cette période. Il résulte de l'instruction et notamment des débats lors de l'audience, que si l'expert peut également mesurer l'incidence que ces travaux ont eue sur le bon fonctionnement du réseau, décrire les désordres qui continuent d'affecter présentement les canalisations, branchements et ouvrages accessoires et déterminer les travaux de renouvellement qui sont présentement nécessaires, il ne saurait être en mesure, dans les limites raisonnables que ses investigations doivent conserver, de donner des éléments techniques pour permettre de déterminer rétrospectivement dans quelle mesure la nécessité présente de travaux de renouvellement résulte d'une absence ou d'une insuffisance de travaux d'entretien antérieurs.
8. Par ailleurs, la demande du syndicat intercommunal, qui porte sur la détermination et l'évaluation des préjudices qu'il aurait subis en raison des manquements de la société SAUR à ses propres obligations contractuelles, ne peut être regardée comme présentant un caractère d'utilité, au regard de l'objet de l'expertise ordonnée ainsi défini. L'admission de ces conclusions reconventionnelles aurait, au demeurant, pour effet d'inverser les intérêts respectifs des parties à l'instance.
9. Dans ces conditions, et sans préjudice d'une éventuelle demande ultérieure fondée sur les dispositions de l'article R. 532-3 du code de justice administrative, il n'apparaît pas utile de demander à l'expert " de donner, de manière générale, tous éléments utiles permettant à la juridiction, de se prononcer sur les responsabilités et l'étendue des préjudices subis dans le cadre d'un éventuel recours en responsabilité quant à l'exécution du service public de distribution d'eau potable concerné " dès lors que cette mission revient à élargir, de manière indéterminée, une mesure d'expertise qui doit, en l'état de l'instruction, être précisément circonscrite.
10. Il résulte de ce qui précède que le syndicat intercommunal n'est que partiellement fondé à demander la réformation de la définition des missions dévolues à l'expert désigné par l'ordonnance attaquée du juge des référés du tribunal administratif de Nice. Par suite, la mission dévolue à l'expert doit être définie dans les termes fixés à l'article 1er de la présente ordonnance et le surplus des conclusions du syndicat intercommunal doit être rejeté.
11. Il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de la société SAUR la somme demandée par le syndicat intercommunal au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
O R D O N N E :
Article 1er : Les cinq premiers alinéas de l'article 2 de l'ordonnance n° 2000782 du 19 juin 2020 du juge des référés du tribunal administratif de Nice sont ainsi rédigés :
" L'expert aura pour mission :
1°) de prendre connaissance des pièces du dossier, de toute pièce utile et des documents relatifs au contrat de délégation du service public de l'alimentation en eau potable dont le SILCEN a confié l'exploitation à la société SAUR le 16 décembre 2011 et de se rendre, en tant que de besoin, sur les lieux ;
2°) de dresser la liste des travaux de renouvellement, au sens de l'article 32.2 de la convention du 16 décembre 2011, éclairé par son article 22.2, effectués par le SILCEN depuis le 1er février 2012 et des principaux travaux d'entretien sur les canalisations, branchements et ouvrages accessoires, au sens de l'article 32.1 de la convention du 16 décembre 2011, réalisés par la société SAUR depuis cette même date ;
3°) de mesurer l'incidence de ces travaux sur le bon fonctionnement du réseau ;
4°) de décrire les désordres affectant présentement les canalisations, branchements et ouvrages accessoires et déterminer les travaux de renouvellement qui sont présentement nécessaires. "
Article 2 : Le surplus des conclusions du syndicat intercommunal à vocation multiple pour l'équipement et l'aménagement du territoire des cantons de Levens, Contes, L'Escarène et Nice est rejeté.
Article 3 : La présente ordonnance sera notifiée à la société SAUR, au syndicat intercommunal à vocation multiple pour l'équipement et l'aménagement du territoire des cantons de Levens, Contes, L'Escarène et Nice et à M. A... D..., expert.
Fait à Marseille, le 7 septembre 2020
N° 20MA021842
LH