Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
La société à responsabilité limitée (SARL) Imperial a demandé au tribunal administratif de Nice de prononcer la décharge des rappels de taxe sur la valeur ajoutée qui lui ont été réclamés pour la période du 1er janvier 2009 au 31 décembre 2011, ainsi que des pénalités correspondantes.
Par un jugement n° 1500973 du 18 mai 2018, le tribunal administratif de Nice a, par l'article 1er de son jugement prononcé la réduction du chiffre d'affaires reconstitué afin de tenir compte d'un taux de vol et bouchonnage de bouteilles de vin de 1 %, et par l'article 2 rejeté le surplus des conclusions de sa demande.
Procédure devant la Cour :
Par une requête et un mémoire, enregistrés le 18 juillet 2018 et le 4 janvier 2019, la SARL Imperial, représentée par Me B..., demande à la Cour :
1°) d'annuler le jugement du tribunal administratif de Nice n° 1500973 du 18 mai 2018 ;
2°) de prononcer la décharge des rappels de taxe sur la valeur ajoutée auxquels elle a été assujettie au titre de la période 1er janvier 2009 au 31 décembre 2011 ;
3°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 2 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
- la compensation entre la taxe sur la valeur ajoutée déductible omise en 2009, 2010 et 2011, et les insuffisances de chiffre d'affaires déclarés au titre de ces mêmes années a été refusée à tort par le tribunal ;
- la comptabilité n'était pas tenue sur support informatique l'ensemble des tickets Z ainsi que les bandes de contrôle indiquant le détail des solides et des liquides ont été produits à de rares exceptions classés dans " divers plages ", l'administration ne pouvait ni proroger la durée de la vérification en application du III de l'article L. 52 du livre des procédures fiscales, ni procéder à la reconstitution des recettes ;
- la charge de la preuve appartient à l'administration, la procédure de rectification contradictoire ayant été appliquée ;
- le pourcentage du chiffre d'affaires des liquides alcoolisés par rapport aux ventes de nourriture et autres boissons alcoolisées est erroné ;
- le pourcentage des vins utilisés en cuisine est insuffisant, soixante-quinze bouteilles de vin de soixante-quinze centilitres ont été reprises par le fournisseur, les prix retenus par le vérificateur pour les vins en 2009 et 2010 n'étaient pas les bons ;
- la preuve de la mauvaise foi n'est pas rapportée.
Par un mémoire en défense, enregistré le 12 décembre 2018, le ministre de l'action et des comptes publics conclut au rejet de la requête.
Il soutient que les moyens invoqués par la SARL Imperial ne sont pas fondés.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de M. A...,
- et les conclusions de Mme Boyer, rapporteur public.
Considérant ce qui suit :
1. La SARL Imperial qui exploite un restaurant de plage à Menton, a fait l'objet d'une vérification de comptabilité à l'issue de laquelle elle a été assujettie à des rappels de taxe sur la valeur ajoutée d'un montant de 70 699 euros au titre de la période du 1er janvier 2009 au 31 décembre 2011 assortis de la majoration de 40 %, sur le fondement de l'article 1729 du code général des impôts. Elle a demandé au tribunal administratif de Nice la décharge de ces droits supplémentaires. Par jugement n° 1500973 du 18 mai 2018, le tribunal a, par l'article 1er de son jugement prononcé la réduction des droits dont il s'agit, et par l'article 2 rejeté le surplus des conclusions de sa demande. La société relève appel de ce jugement en tant que par l'article 2 il a rejeté le surplus de sa demande.
Sur la régularité de la procédure d'imposition :
2. La garantie de limitation à trois mois de la durée des vérifications sur place bénéficie aux contribuables dont le montant hors taxes du chiffre d'affaires n'excède pas les limites du régime simplifié d'imposition telles que définies au I de l'article 302 septies A du code général des impôts pour les entreprises industrielles et commerciales dont l'activité principale est de vendre des marchandises, objets, fournitures et denrées à emporter ou à consommer sur place, soit pour la période en litige, 777 000 euros.
3. Le délai de trois mois prévu par l'article L. 52 du livre des procédures fiscales a pour point de départ, le jour de la première intervention sur place de l'agent vérificateur. Les opérations de vérification se terminent le jour de la dernière intervention.
4. Il résulte de l'instruction et notamment de la proposition de rectification du 16 juillet 2012, que l'administration a adressé à la SARL Imperial, un avis de vérification le 8 février 2012. Par courrier du 28 février 2012, la gérante de la société demandait le report de la première intervention au 23 avril 2012, et le service a, par courrier, accepté le report et a fixé la première intervention au 10 mai 2012. La dernière intervention a eu lieu le 13 juillet 2012. Le délai de trois mois de vérification sur place expirait donc le 9 août 2012. Par suite, le moyen tiré de ce que l'administration ne pouvait proroger la durée de la vérification en application du III de l'article L. 52 du livre des procédures fiscales doit être écarté.
Sur le bien-fondé de l'imposition :
En ce qui concerne la charge de la preuve et le rejet de la comptabilité :
5. Il résulte de l'instruction que la procédure contradictoire a été appliquée pour l'ensemble de la période vérifiée, ainsi l'administration supporte la charge de la preuve du bien-fondé de la méthode de reconstitution des recettes.
6. Pour justifier du caractère irrégulier et non probant de la comptabilité présentée au vérificateur en cours de contrôle par la société Imperial, l'administration fait notamment valoir que la société ne conservait pas, sur quelque support que ce soit, les doubles des notes clients. Seuls les tickets ont été produits pour justifier des recettes, et ces tickets ne sont pas appuyés par la présentation des rouleaux de caisse ou des bandes de contrôle ou à défaut des notes clients. Ils ne précisent pas le détail chronologique et quotidien des ventes. Il n'est pas contesté par ailleurs que les tickets Z globalisaient certaines recettes et ne permettaient pas de vérifier la concordance des ventes déclarées avec les achats comptabilisés. Dès lors, l'administration doit être regardée comme apportant la preuve du caractère irrégulier et non probant de la comptabilité qui lui a été présentée.
En ce qui concerne la reconstitution des recettes :
7. Pour reconstituer les recettes du restaurant de la société requérante, le vérificateur a utilisé la méthode dite des vins, en déterminant à partir des tickets Z fournis par la société le rapport existant entre le chiffre d'affaires réalisé par la vente des vins et les recettes totales. Ce rapport a été appliqué au montant des recettes produites par la vente de vins, pour déterminer le chiffre d'affaires total. Le vérificateur a calculé les recettes tirées de la vente des vins, à partir des achats revendus tout en tenant compte d'un pourcentage de perte, casse, offert et de prélèvements divers.
8. En premier lieu, pour critiquer cette méthode de reconstitution des recettes, la société Imperial fait valoir que le vérificateur aurait dû reconstituer distinctement son activité bar de son activité restaurant. Elle indique qu'elle a distingué en comptabilité, au titre de l'exercice clos en 2009, les ventes afférentes au secteur bar. Toutefois, l'administration expose que la société ne tient aucune comptabilité par secteur d'activité, aucun inventaire détaillé de ses achats et de ses stocks de boissons en fonction du secteur d'activité, et qu'il n'était pas possible de reconstituer uniquement le secteur bar. Selon les indications de la société, l'activité bar n'aurait représenté qu'entre 3 % et 4 % de son chiffre d'affaires total au titre des exercices clos en 2009 et 2010. Toute méthode de reconstitution des recettes ne pouvant s'appuyer sur une comptabilité probante comporte une part d'approximation. Les calculs proposés par la société qui mélangent les données issues de la reconstitution opérée par le vérificateur avec celles issues de sa propre comptabilité, ne peuvent être regardés comme plus précis que ceux de l'administration. Par suite, le moyen tiré de ce que les achats de vin relevant du secteur bar auraient dû être déduits des achats globaux de vin ne peut qu'être écarté.
9. En deuxième lieu, la SARL Imperial indique que les prix pratiqués retenus par le service pour certains vins et alcools sont de 12,50 euros au lieu de 14 euros pour les bouteilles de Figuières de cinquante centilitres, de 14 euros au lieu de 15 euros pour les bouteilles de Bandol de cinquante centilitres, de 18 euros au lieu de 25 euros pour les bouteilles de Reisling de soixante-quinze centilitres, 17 euros au lieu de 18 euros pour les bouteilles de Côtes du Rhône soixante-quinze centilitres, et de 18 euros au lieu de 20 euros pour les bouteilles de Bordeaux de soixante-quinze centilitres. Mais la seule référence au jugement du tribunal administratif de Grenoble, ainsi qu'à ses écritures de première instance est insuffisante sur ce point, alors que le service a fondé ses calculs à partir des dépouillements des achats de la société Imperial. Par suite, le moyen sera écarté comme manquant en fait.
10. En troisième lieu, il résulte de la proposition de rectification en page 6 que le service a admis après consultation des recettes en présence du cuisinier que la quantité de vin utilisée en cuisine correspondait à 10 % des achats de vin en cubitainers. Pour critiquer cette méthode, la société a procédé à une estimation à partir des tickets Z retenus dans la méthode de reconstitution. Le nombre de plats de moules et de plats de pâtes aux fruits de mer servis au titre de l'année 2009, a été multiplié par les quantités de vin utilisées, de respectivement vingt centilitres et trois centilitres, d'où il ressort qu'environ 20 % des achats de vin en cubitainers étaient utilisés en cuisine. Par suite, l'estimation de l'administration, qui ne repose pas sur une pesée des vins utilisés en cuisine, effectuée contradictoirement aboutit donc à une exagération du montant des recettes reconstituées et à défaut de données suffisamment précises fournies par la société requérante, il sera fait une juste appréciation de l'utilisation des vins en cuisine pour retenir un pourcentage de 15 %. Dans ces conditions, la SARL Imperial est fondée à soutenir que le vérificateur aurait dû pratiquer un abattement de 15 % sur les achats de vin en cubitainers, et ainsi l'administration ne justifie pas du caractère suffisamment précis de la méthode de reconstitution.
11. En quatrième lieu, il résulte de la proposition de rectification que le service a pris en compte pour chaque exercice, les achats de vin. La société Imperial demande la prise en compte d'un retour de soixante-quinze bouteilles de vin pour l'année 2010, elle indique elle-même qu'elle ne dispose pas d'un avoir permettant de justifier du retour. Dans ces conditions, en l'absence de tout justificatif, le moyen ne peut qu'être écarté.
En ce qui concerne la demande de compensation :
12. Aux termes de l'article L. 80 du livre des procédures fiscales : " L'administration peut effectuer toutes les compensations entre l'impôt sur le revenu, l'impôt sur les sociétés, la contribution prévue à l'article 234 nonies du code général des impôts, la taxe d'apprentissage, la taxe sur les salaires, la cotisation perçue au titre de la participation des employeurs à l'effort de construction, établis au titre d'une même année. (...) Les compensations de droits sont opérées dans les mêmes conditions au profit du contribuable qui a fait l'objet d'une rectification lorsqu'il démontre qu'une taxation excessive a été établie à son détriment ou lorsque la rectification fait apparaître une double imposition. ". Aux termes de l'article L. 203 du livre des procédures fiscales : " Lorsqu'un contribuable demande la décharge ou la réduction d'une imposition quelconque, l'administration peut, à tout moment de la procédure et malgré l'expiration des délais de prescription, effectuer ou demander la compensation dans la limite de l'imposition contestée, entre les dégrèvements reconnus justifiés et les insuffisances ou omissions de toute nature constatées dans l'assiette ou le calcul de l'imposition au cours de l'instruction de la demande. ". Aux termes de l'article L. 205 du même livre : " Les compensations de droits prévues aux articles L. 203 et L. 204 sont opérées dans les mêmes conditions au profit du contribuable à l'encontre duquel l'administration effectue une rectification lorsque ce contribuable invoque une surtaxe commise à son préjudice ou lorsque la rectification fait apparaître une double imposition. ". Aux termes des dispositions de l'article 271 du code général des impôts : " I. 1. La taxe sur la valeur ajoutée qui a grevé les éléments du prix d'une opération imposable est déductible de la taxe sur la valeur ajoutée applicable à cette opération. 2. Le droit à déduction prend naissance lorsque la taxe déductible devient exigible chez le redevable. " Aux termes de l'article 208 de l'annexe II du même code : " 1. Le montant de la taxe déductible doit être mentionné sur les déclarations déposées pour le paiement de la taxe sur la valeur ajoutée. Toutefois, à condition qu'elle fasse l'objet d'une inscription distincte, la taxe dont la déduction a été omise sur cette déclaration peut figurer sur les déclarations ultérieures déposées avant le 31 décembre de la deuxième année qui suit celle de l'omission (...). ".
13. La SARL Imperial reprend en appel le moyen tiré de ce que, la compensation entre la taxe sur la valeur ajoutée déductible omise en 2009, 2010 et 2011, et les insuffisances de chiffres d'affaires déclarés au titre de ces mêmes années lui a été refusée à tort. Il y a lieu d'écarter ce moyen qui ne comporte aucun élément de fait ou de droit nouveau par rapport à l'argumentation développée devant le tribunal administratif, par adoption des motifs retenus à bon droit par les premiers juges dans les points 3 à 5 de son jugement.
Sur les pénalités :
14. Aux termes de l'article 1729 du code général des impôts : " Les inexactitudes ou les omissions relevées dans une déclaration ou un acte comportant l'indication d'éléments à retenir pour l'assiette ou la liquidation de l'impôt ainsi que la restitution d'une créance de nature fiscale dont le versement a été indûment obtenu de l'Etat entraînent l'application d'une majoration de : a. 40 % en cas de manquement délibéré ; (...) ". En relevant le caractère grave, répété et l'importance des minorations de chiffre d'affaires déclaré sur l'ensemble de la période vérifiée, l'administration a apporté la preuve des manquements délibérés de la SARL Imperial.
15. Il résulte de tout ce qui précède que la SARL Imperial est seulement fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Nice a rejeté sa demande en décharge de l'imposition correspondant à la prise en compte d'une perte de 15 % pour l'utilisation des vins en cuisine au titre de la période vérifiée. Dans les circonstances de l'espèce, il y a lieu de mettre à la charge de l'Etat la somme de 1 000 euros en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
D É C I D E :
Article 1er : La SARL Imperial est déchargée des impositions correspondant à la réduction des bases d'imposition décidés au point 10.
Article 2 : Le jugement du tribunal administratif de Nice en date du 18 mai 2018 est réformé en ce qu'il a de contraire au présent arrêt.
Article 3 : L'Etat versera à la SARL Imperial la somme de 1 000 euros en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 4 : Le surplus des conclusions de la requête de la SARL Imperial est rejeté.
Article 5 : Le présent arrêt sera notifié à la SARL Imperial et au ministre de l'action et des comptes publics.
Copie en sera adressée à la direction de contrôle fiscal sud-est.
Délibéré après l'audience du 7 janvier 2020, où siégeaient :
- M. Antonetti, président,
- M. A..., premier conseiller,
- Mme Carotenuto, premier conseiller.
Lu en audience publique, le 21 janvier 2020.
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N° 18MA03360
nc