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17/06/2019 | FRANCE | N°18MA02551

France | France, Cour administrative d'appel de Marseille, 7ème chambre - formation à 3, 17 juin 2019, 18MA02551


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. A... C...a demandé au tribunal administratif de Montpellier, à titre principal, d'annuler la décision du 17 février 2016 par laquelle le directeur général de l'Office français de l'immigration et de l'intégration (OFII) a mis à sa charge les sommes de 17 600 euros au titre de la contribution spéciale prévue à l'article L. 8253-1 du code du travail et de 2 124 euros au titre de la contribution forfaitaire représentative des frais de réacheminement d'un étranger prévue à l'article L. 626-1 du code

de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, la décision du 23 ...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. A... C...a demandé au tribunal administratif de Montpellier, à titre principal, d'annuler la décision du 17 février 2016 par laquelle le directeur général de l'Office français de l'immigration et de l'intégration (OFII) a mis à sa charge les sommes de 17 600 euros au titre de la contribution spéciale prévue à l'article L. 8253-1 du code du travail et de 2 124 euros au titre de la contribution forfaitaire représentative des frais de réacheminement d'un étranger prévue à l'article L. 626-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, la décision du 23 mai 2016 rejetant son recours gracieux, les titres de perception pris les 1er et 11 avril 2016, pour le recouvrement de ces sommes ainsi que les décisions implicites de rejet de ses réclamations contre ces titres de perception et, à titre subsidiaire, de le décharger de la contribution forfaitaire représentative des frais de réacheminement et de réduire le montant de la contribution spéciale.

Par un jugement n° 1603703, 1606166 1606174, 1705790 du 3 avril 2018, le tribunal administratif de Montpellier a rejeté ces demandes.

Procédure devant la Cour :

Par une requête, enregistrée le 30 mai 2018, M. C..., représenté par Me B..., demande à la Cour :

1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Montpellier du 3 avril 2018 ;

2°) d'annuler, à titre principal, les décisions du 17 février 2016 et du 23 mai 2016 du directeur de l'Office français de l'immigration et de l'intégration ;

3°) d'annuler les titres de perception des 1er et 11 avril 2016 ;

4°) à titre subsidiaire, de le décharger de la contribution spéciale prévue à l'article L. 8253-1 du code du travail ou d'en réduire le montant à une somme égale à 2 000 fois le montant du taux horaire du minimum garanti ;

5°) de mettre à la charge de l'Office français de l'immigration et de l'intégration la somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que :

- en l'absence de l'existence d'un lien salarial le liant à M. E..., l'OFII ne pouvait mettre à sa charge les deux contributions en litige ;

- au regard du contexte et de l'absence de gravité du comportement réprimé, il est fondé à demander la décharge de la contribution spéciale ;

- subsidiairement il en demande la réduction dans la mesure où aucune infraction autre que celle résultant de la méconnaissance des dispositions du premier alinéa de l'article L. 8251-1 du code du travail ne peut lui être reprochée.

Par un mémoire en défense, enregistré le 16 juillet 2018, l'Office français de l'immigration et de l'intégration, représenté par Me F..., conclut au rejet de la requête et à ce qu'une somme de 2 000 euros soit mise à la charge de M. C... sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que les moyens soulevés par M. C... ne sont pas fondés.

Les parties ont été informées, en application des dispositions de l'article R. 611-7 du code de justice administrative, de ce que l'arrêt était susceptible d'être fondé sur un moyen relevé d'office, tiré de que le tribunal administratif, en rejetant la demande de M. C... dans son intégralité, s'est mépris sur l'étendue des conclusions sur lesquelles il devait statuer, dans la mesure où par une décision postérieure à l'enregistrement de la demande, le directeur général de l'OFII a réduit le montant de la contribution spéciale mise à la charge de l'intéressé et, qu'à hauteur de la réduction prononcée, cette demande était devenue sans objet.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code du travail ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. Guidal,

- les conclusions de M. Chanon, rapporteur public,

- et les observations de Me B..., représentant M. C....

Considérant ce qui suit :

1. A la suite d'un contrôle d'identité dans la zone frontalière de l'Espagne sur l'autoroute A 9 au lieu-dit " péage le Perthus " sur le territoire de la commune du Boulou (66), les services de police ont constaté la présence à bord d'un véhicule appartenant à M. C..., ressortissant français, d'un passager, M. E..., de nationalité tunisienne, démuni de titre de séjour et d'autorisation de travail. Informé de cette situation, le directeur général de l'Office français de l'immigration et de l'intégration (OFII) a, par une décision du 17 février 2016 mis à la charge de M. C... les sommes de 17 600 euros et 2 124 euros au titre, respectivement, de la contribution spéciale prévue à l'article L. 8253-1 du code du travail et de la contribution forfaitaire représentative des frais de réacheminement prévue à l'article L. 626-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Le recours gracieux formé contre cette décision a été rejeté le 23 mai 2016, tandis qu'étaient émis les 1er et 11 avril 2016 deux titres de perception pour le recouvrement de ces sommes. Par un jugement du 3 avril 2018, le tribunal administratif de Montpellier a rejeté la demande principale de M. C... tendant à l'annulation de la décision du 17 février 2016, de celle du 23 mai 2016 et des titres de perception des 1er et 11 avril 2016, ainsi que ses conclusions subsidiaires tendant à la décharge de la contribution forfaitaire représentative des frais de réacheminement et à la réduction de la contribution spéciale. M. C... relève appel de ce jugement.

Sur la régularité du jugement :

2. Il résulte de l'instruction que, par une décision en date du 10 janvier 2018, postérieure à l'enregistrement de la demande au tribunal administratif, le directeur général de l'Office français de l'immigration et de l'intégration a réduit de 4 724 euros le montant de la contribution spéciale mise à la charge de M. C... pour le ramener à 12 876 euros. La demande était, dans cette mesure, devenue sans objet. Ainsi le tribunal administratif, en rejetant ladite demande dans son intégralité, s'est mépris sur l'étendue des conclusions sur lesquelles il devait statuer.

3. Il y a lieu pour la Cour d'annuler sur ce point le jugement attaqué, d'évoquer les conclusions de la demande devenues sans objet au cours de la procédure de première instance et de décider qu'il n'y a pas lieu d'y statuer.

Sur le surplus des conclusions de la requête :

4. Aux termes du premier alinéa de l'article L. 8251-1 du code du travail : " Nul ne peut, directement ou indirectement, embaucher, conserver à son service ou employer pour quelque durée que ce soit un étranger non muni du titre l'autorisant à exercer une activité salariée en France ". Aux termes de l'article L. 8253-1 de ce code, dans sa rédaction en vigueur à la date des manquements relevés à l'encontre de M. C... : " Sans préjudice des poursuites judiciaires pouvant être intentées à son encontre, l'employeur qui a employé un travailleur étranger en méconnaissance des dispositions du premier alinéa de l'article L. 8251-1 acquitte, pour chaque travailleur étranger sans titre de travail, une contribution spéciale. Le montant de cette contribution spéciale est déterminé dans des conditions fixées par décret en Conseil d'Etat. Il est, au plus, égal à 5 000 fois le taux horaire du minimum garanti prévu à l'article L. 3231-12. Ce montant peut être minoré en cas de non-cumul d'infractions ou en cas de paiement spontané par l'employeur des salaires et indemnités dus au salarié étranger sans titre mentionné à l'article R. 8252-6. Il est alors, au plus, égal à 2 000 fois ce même taux (...) / L'Office français de l'immigration et de l'intégration est chargé de constater et de liquider cette contribution ". Enfin, aux termes du premier alinéa de l'article L. 626-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Sans préjudice des poursuites judiciaires qui pourront être engagées à son encontre et de la contribution spéciale prévue à l'article L. 8253-1 du code du travail, l'employeur qui aura occupé un travailleur étranger en situation de séjour irrégulier acquittera une contribution forfaitaire représentative des frais de réacheminement de l'étranger dans son pays d'origine ".

5. D'une part, il appartient au juge administratif, saisi d'un recours contre une décision mettant à la charge d'un employeur la contribution spéciale prévue par les dispositions de l'article L. 8253-1 du code du travail, pour avoir méconnu les dispositions de l'article L. 8251-1 du même code, et la contribution forfaire prévue par l'article L. 626-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile de vérifier, salarié par salarié, la matérialité des faits reprochés à l'employeur et leur qualification juridique au regard de ces dispositions. D'autre part, il résulte des dispositions précitées que les contributions qu'elles instituent ne peuvent être légalement infligées qu'aux personnes ayant embauché, conservé à leur service ou employé un ou plusieurs travailleurs étrangers démunis de titre les autorisant à exercer une activité salariée sur le territoire français. Cette condition n'est remplie que s'il est établi, au regard des éléments produits tant par l'administration que par le requérant, l'existence d'un lien salarial avec le ressortissant étranger dépourvu d'autorisation de travail, caractérisé notamment par un lien de subordination.

6. Si selon les énonciations d'un procès-verbal dressé le 13 mars 2015 par un agent de police judiciaire à la suite du contrôle d'identité, M. E... a reconnu au cours de son audition, avoir changé la portière et l'aile du véhicule de M. C... en échange de la somme de 50 euros selon l'intéressé ou de 5 euros selon M. C... et s'il est constant que M. E... est dépourvu d'autorisation de travail en France, il ne ressort ni de ce procès-verbal ni d'aucun autre élément produit par l'administration que l'intéressé aurait été soumis à des obligations précises quant aux lieux horaires et méthodes de travail pour effectuer cette tâche et que ses outils auraient été fournis par M. C.... Il ne résulte pas davantage de l'instruction que M. C... aurait disposé d'un pouvoir de contrôle sur l'organisation et l'exécution du travail de M. E... ni que celui-ci aurait été soumis au pouvoir disciplinaire de M. C.... La somme d'argent d'un montant, au demeurant imprécis, perçu par M. E... ne saurait être regardée, en l'espèce, comme constituant la rémunération d'un travail salarié. En admettant même que M. C... ait accepté de transporter gratuitement M. E... en Espagne, cette circonstance ne saurait davantage être regardée comme constituant la rémunération en nature d'un tel travail. Enfin, le rappel auprès de M. C... des obligations résultant de la loi auquel a procédé le procureur de la République en application du 1° de l'article 41-1 du code de procédure pénale, mesure qui n'est pas un acte juridictionnel ayant autorité de chose jugée, n'emporte pas par lui-même preuve du fait imputé à un auteur et de sa culpabilité.

7. Ainsi, M. E... ne peut être regardé comme ayant entretenu avec M. C... des relations de travail constitutives d'un lien de subordination à son égard. Il s'ensuit qu'en l'absence de l'existence d'un lien salarial entre les intéressés, le directeur général de l'OFII ne pouvait légalement infliger à M. C..., en qualité d'employeur de M. E..., la contribution spéciale prévue par les dispositions de l'article L. 8253-1 du code du travail et la contribution forfaire prévue par l'article L. 626-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile.

8. Il résulte de ce qui précède que M. C... est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Montpellier a rejeté sa demande tendant à l'annulation des décisions du 17 février 2016 et du 23 mai 2016 du directeur général de l'Office français de l'immigration et de l'intégration en tant que ces décisions ont maintenu à sa charge la somme de 12 876 euros au titre de la contribution spéciale instituée par l'article L. 8253-1 du code du travail et la somme de 2 124 euros au titre de la contribution forfaitaire représentative des frais de réacheminement d'un étranger prévue à l'article L. 626-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, ainsi que les titres de perception des 1er et 11 avril 2016 pris pour le recouvrement de ces sommes.

Sur les frais liés au litige :

9. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que M. C..., qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance, soit condamné à verser à l'OFII la somme qu'il demande au titre des frais exposés et non compris dans les dépens. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'OFII la somme de 2 000 euros au titre des frais exposés par M. C... et non compris dans les dépens

D É C I D E :

Article 1er : Le jugement du tribunal administratif de Montpellier du 3 avril 2018 est annulé.

Article 2 : Il n'y a pas lieu de statuer sur les conclusions de la demande de M. C... présentées devant le tribunal administratif de Montpellier en tant que ces conclusions visent la somme de 4 724 euros correspondant à la réduction de la contribution spéciale prononcée en cours d'instance par le directeur général de l'OFII.

Article 3 : Les décisions du 17 février 2016 et du 23 mai 2016 du directeur général de l'OFII sont annulées en tant que ces décisions ont maintenu à la charge de M. C... la somme de 12 876 euros au titre de la contribution spéciale instituée par l'article L. 8253-1 du code du travail et la somme de 2 124 euros au titre de la contribution forfaitaire représentative des frais de réacheminement d'un étranger prévue à l'article L. 626-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, ainsi que les titres de perception des 1er et 11 avril 2016 en tant qu'ils ont été pris pour le recouvrement de ces sommes.

Article 4 : L'OFII versera à M. C... une somme de 2 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 5 : Les conclusions présentées par l'OFII au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.

Article 6 : Le présent arrêt sera notifié à M. A... C...et à l'Office français de l'immigration et de l'intégration.

Délibéré après l'audience du 3 juin 2019, où siégeaient :

- Mme Helmlinger, présidente de la Cour,

- M. Guidal, président assesseur,

- Mme D..., première conseillère.

Lu en audience publique, le 17 juin 2019.

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N° 18MA02551

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Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Marseille
Formation : 7ème chambre - formation à 3
Numéro d'arrêt : 18MA02551
Date de la décision : 17/06/2019
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

335-06-02-02 Étrangers. Emploi des étrangers. Mesures individuelles. Contribution spéciale due à raison de l'emploi irrégulier d'un travailleur étranger.


Composition du Tribunal
Président : Mme HELMLINGER
Rapporteur ?: M. Georges GUIDAL
Rapporteur public ?: M. CHANON
Avocat(s) : BUQUET

Origine de la décision
Date de l'import : 25/06/2019
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.marseille;arret;2019-06-17;18ma02551 ?
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