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26/04/2019 | FRANCE | N°18MA01689

France | France, Cour administrative d'appel de Marseille, 7ème chambre - formation à 3, 26 avril 2019, 18MA01689


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme B... C...a demandé au tribunal administratif de Nice, d'une part, d'annuler la décision du 11 août 2014 par laquelle le président du conseil général des Alpes-Maritimes a décidé de la licencier de son emploi d'assistante familiale à compter du 12 octobre 2014, d'autre part, de condamner le département des Alpes-Maritimes à lui verser la somme de 33 519,08 euros en réparation des préjudices subis du fait de son licenciement illégal et enfin d'ordonner au département de la réintégrer dans ses fon

ctions d'assistance familiale et de reconstituer ses droits à pension.

Par un ...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme B... C...a demandé au tribunal administratif de Nice, d'une part, d'annuler la décision du 11 août 2014 par laquelle le président du conseil général des Alpes-Maritimes a décidé de la licencier de son emploi d'assistante familiale à compter du 12 octobre 2014, d'autre part, de condamner le département des Alpes-Maritimes à lui verser la somme de 33 519,08 euros en réparation des préjudices subis du fait de son licenciement illégal et enfin d'ordonner au département de la réintégrer dans ses fonctions d'assistance familiale et de reconstituer ses droits à pension.

Par un jugement n° 1602843 du 16 février 2018, le tribunal administratif de Nice a rejeté sa demande.

Procédure devant la Cour :

Par une requête et un mémoire, enregistrés le 16 avril 2018 et le 22 novembre 2018, Mme C..., représentée par Me A..., demande à la Cour :

1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Nice du 16 février 2018 ;

2°) d'annuler la décision du 11 août 2014 du président du conseil général des Alpes-Maritimes ;

3°) de condamner le département des Alpes-Maritimes à lui verser la somme de 94 335,11 euros en réparation des préjudices subis du fait de son licenciement illégal ;

4°) d'ordonner au département des Alpes-Maritimes de la réintégrer dans ses fonctions d'assistance familiale et de reconstituer ses droits à pension ;

5°) de mettre à la charge du département des Alpes-Maritimes la somme de 5 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- sa requête d'appel est recevable ;

- sa demande de première instance, formée moins de deux ans après la mesure contestée, l'a été dans un délai raisonnable ;

- lui opposer de manière rétroactive l'irrecevabilité d'un recours juridictionnel au-delà d'un délai raisonnable d'un an méconnaît les stipulations de l'article 6 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- la règle de la décision préalable ne peut être opposée à ses conclusions indemnitaires dans la mesure où celles-ci ne sont que la conséquence de l'annulation sollicitée de la décision du 11 août 2014 du président du conseil général ;

- elle a été privée du droit de consulter son dossier ;

- la décision en litige est fondée sur l'article L. 423-32 du code de l'action sociale et des familles dont les dispositions méconnaissent l'article 30 de la charte des droits fondamentaux de l'Union Européenne ;

- l'absence d'enfants à lui confier, circonstance qui fonde son licenciement, n'est pas établie ;

- la décision en litige est entachée d'un détournement de procédure et son licenciement constitue une sanction déguisée

- elle est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation.

Par des mémoires en défense, enregistrés le 22 octobre 2018 et le 21 mars 2019, le département des Alpes-Maritimes, représenté par la SELARL Bazin et Cazelles, conclut au rejet de la requête et à ce qu'une somme de 500 euros soit mise à la charge de Mme C... au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que :

- les conclusions de première instance aux fins d'annulation sont irrecevables faute d'avoir été formées dans un délai raisonnable ;

- les conclusions indemnitaires sont irrecevables faute d'avoir été précédées d'une demande préalable ;

- le moyen tiré de la méconnaissance de l'article 30 de la charte des droits fondamentaux de l'Union Européenne est inopérant ;

- les autres moyens soulevés par Mme C... ne sont pas fondés.

La demande de Mme C... tendant au bénéfice de l'aide juridictionnelle a été rejetée une décision du 25 janvier 2019.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- le code de l'action sociale et des familles ;

- le code de justice administrative.

La présidente de la Cour a désigné M. Georges Guidal, président assesseur, pour présider la formation de jugement en application de l'article R. 222-26 du code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. Guidal,

- les conclusions de M. Chanon, rapporteur public,

- et les observations de Me A..., représentant Mme C....

Considérant ce qui suit :

1. Mme C... a été recrutée par le département des Alpes-Maritimes par contrat à durée indéterminée à compter du 15 mars 2010, en qualité d'assistante familiale agréée. Elle a cessé, à compter du 10 avril 2014, de se voir confier des enfants. A l'issue de la période de quatre mois prévue à l'article L. 423-32 du code de l'action sociale et des familles, le président du conseil général des Alpes-Maritimes a prononcé son licenciement par une décision du 11 août 2014. Mme C... relève appel du jugement du 16 février 2018 par lequel le tribunal administratif de Nice a rejeté sa demande tendant à l'annulation de cette décision ainsi qu'à la condamnation du département des Alpes-Maritimes à lui verser la somme de 33 519,08 euros en réparation des préjudices résultant de cette décision.

2. Aux termes de l'article R. 421-1 du code de justice administrative, dans sa rédaction alors applicable : " Sauf en matière de travaux publics, la juridiction ne peut être saisie que par voie de recours formé contre une décision, et ce, dans les deux mois à partir de la notification ou de la publication de la décision attaquée ". Il résulte des dispositions de l'article R. 421-5 du même code que ce délai n'est toutefois opposable qu'à la condition d'avoir été mentionné, ainsi que les voies de recours, dans la notification de la décision.

3. Le principe de sécurité juridique, qui implique que ne puissent être remises en cause sans condition de délai des situations consolidées par l'effet du temps, fait obstacle à ce que puisse être contestée indéfiniment une décision administrative individuelle qui a été notifiée à son destinataire, ou dont il est établi, à défaut d'une telle notification, que celui-ci a eu connaissance. En une telle hypothèse, si le non-respect de l'obligation d'informer l'intéressé sur les voies et les délais de recours, ou l'absence de preuve qu'une telle information a bien été fournie, ne permet pas que lui soient opposés les délais de recours fixés par le code de justice administrative, le destinataire de la décision ne peut exercer de recours juridictionnel au-delà d'un délai raisonnable. En règle générale et sauf circonstances particulières dont se prévaudrait le requérant, ce délai ne saurait, sous réserve de l'exercice de recours administratifs pour lesquels les textes prévoient des délais particuliers, excéder un an à compter de la date à laquelle une décision expresse lui a été notifiée ou de la date à laquelle il est établi qu'il en a eu connaissance.

4. La règle énoncée ci-dessus, qui a pour seul objet de borner dans le temps les conséquences de la sanction attachée au défaut de mention des voies et délais de recours, ne porte pas atteinte à la substance du droit au recours, mais tend seulement à éviter que son exercice, au-delà d'un délai raisonnable, ne mette en péril la stabilité des situations juridiques et la bonne administration de la justice, en exposant les défendeurs potentiels à des recours excessivement tardifs. Il appartient dès lors au juge administratif d'en faire application au litige dont il est saisi, quelle que soit la date des faits qui lui ont donné naissance.

5. Il résulte de ce qui précède que Mme C... n'est pas fondée à soutenir que l'application rétroactive de la règle énoncée au point 3 porterait atteinte à la substance du droit au recours et méconnaîtrait ainsi les stipulations de l'article 6 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.

6. Il ressort des pièces du dossier que Mme C... a reçu notification le 12 août 2014 de la décision du président du conseil général des Alpes-Maritimes prononçant son licenciement, ainsi qu'en atteste l'accusé de réception postal revêtu de sa signature mentionnant que le pli correspondant a été distribué à cette date. Si le délai de deux mois fixé par les dispositions précitées de l'article R. 421-1 du code de justice administrative n'était pas opposable à Mme C... en ce qui concerne cette décision, en l'absence d'indications sur les voies et les délais de recours, il résulte de ces mêmes pièces que l'intéressée, qui ne fait état d'aucune circonstance particulière qui aurait été de nature à conserver à son égard le délai de recours contentieux, n'a introduit un recours devant le tribunal administratif de Nice contre cette décision que le 24 juin 2016, soit plus d'un an après en avoir eu connaissance. Ce recours excédait ainsi d'une dizaine de mois le délai raisonnable durant lequel il pouvait être exercé. Par suite, le département des Alpes-Maritimes est fondé à soutenir que les conclusions en excès de pouvoir présentées en première instance par Mme C... aux fins d'annulation de la décision du 11 août 2014 devaient être rejetées comme tardives.

7. Lorsque sont présentées dans la même instance des conclusions tendant à l'annulation pour excès de pouvoir d'une décision et des conclusions relevant du plein contentieux tendant au versement d'une indemnité pour réparation du préjudice causé par l'illégalité fautive que le requérant estime constituée par cette même décision, cette circonstance n'a pas pour effet de donner à l'ensemble des conclusions le caractère d'une demande d'excès de pouvoir. Dès lors, la recevabilité des conclusions indemnitaires présentées, à titre accessoire ou complémentaire aux conclusions d'annulation pour excès de pouvoir d'une décision administrative, est soumise selon les modalités du droit commun à l'intervention d'une décision préalable de l'administration de nature à lier le contentieux, le cas échéant en cours d'instance. Par suite, Mme C... n'est pas fondée à soutenir que le caractère accessoire de ses conclusions indemnitaires fondées sur l'illégalité fautive de la décision du 11 août 2014 du président du conseil général des Alpes-Maritimes, la dispensait de l'intervention d'une décision préalable de l'administration de nature à lier le contentieux.

8. Il résulte de l'instruction que Mme C... n'a jamais présenté de demande tendant au versement d'une indemnité en réparation des préjudices qu'elle déclare avoir subis du fait de son licenciement. La décision du 11 août 2014 par laquelle le président du conseil général des Alpes-Maritimes a prononcé le licenciement de l'intéressée ne peut être regardée comme une décision préalable susceptible d'avoir lié le contentieux indemnitaire que Mme C... a porté devant le tribunal administratif de Nice. Par ailleurs, le contentieux ne s'est pas trouvé lié par les conclusions en défense du département des Alpes-Maritimes dans la mesure où ce dernier a conclu, à titre principal, à l'irrecevabilité des conclusions indemnitaires de première instance faute de décision préalable et, à titre subsidiaire seulement, à leur rejet au fond. Par suite, le département des Alpes-Maritimes est fondé à soutenir que les conclusions indemnitaires de Mme C... présentées devant le tribunal administratif étaient, pour ce motif, irrecevables et ne pouvaient qu'être rejetées.

9. Il résulte de ce qui précède que Mme C... n'est pas fondée à se plaindre de ce que le tribunal administratif de Nice a, par le jugement attaqué du 16 février 2018, rejeté ses demandes. Par voie de conséquence, les conclusions présentées par Mme C... sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ainsi que ses conclusions aux fins d'injonction doivent être rejetées. Il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de la requérante la somme que le département des Alpes-Maritimes demande au même titre.

D É C I D E :

Article 1er : La requête de Mme C... est rejetée.

Article 2 : Les conclusions présentées par le département des Alpes-Maritimes au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à Mme B... C...et au département des Alpes-Maritimes.

Délibéré après l'audience du 12 avril 2019, où siégeaient :

- M. Guidal, président assesseur, président de la formation de jugement en application de l'article R. 222-26 du code de justice administrative,

- Mme D..., première conseillère.

- M. Coutier, premier conseiller.

Lu en audience publique, le 26 avril 2019.

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Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Marseille
Formation : 7ème chambre - formation à 3
Numéro d'arrêt : 18MA01689
Date de la décision : 26/04/2019
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

Aide sociale - Différentes formes d'aide sociale - Aide sociale à l'enfance - Placement des mineurs - Placement familial.

Procédure - Introduction de l'instance - Délais.


Composition du Tribunal
Président : M. GUIDAL
Rapporteur ?: M. Georges GUIDAL
Rapporteur public ?: M. CHANON
Avocat(s) : SCP KAIGL - ANGELOZZI

Origine de la décision
Date de l'import : 07/05/2019
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.marseille;arret;2019-04-26;18ma01689 ?
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