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18/03/2019 | FRANCE | N°18MA02668

France | France, Cour administrative d'appel de Marseille, 6ème chambre - formation à 3, 18 mars 2019, 18MA02668


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme B... C...épouse D...a demandé au tribunal administratif de Montpellier d'annuler l'arrêté du 23 janvier 2018 par lequel le préfet de l'Hérault a refusé de lui délivrer un titre de séjour, l'a obligée à quitter le territoire français dans un délai de trente jours et fixé le pays à destination duquel elle pourrait être reconduite d'office.

Par un jugement n° 1800628 du 14 mai 2018, le tribunal administratif de Montpellier a rejeté sa demande.

Procédure devant la Cour :

Par

une requête et des mémoires enregistrés les 7 juin 2018, 23 juillet 2018 et 26 février 2019, Mme D....

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme B... C...épouse D...a demandé au tribunal administratif de Montpellier d'annuler l'arrêté du 23 janvier 2018 par lequel le préfet de l'Hérault a refusé de lui délivrer un titre de séjour, l'a obligée à quitter le territoire français dans un délai de trente jours et fixé le pays à destination duquel elle pourrait être reconduite d'office.

Par un jugement n° 1800628 du 14 mai 2018, le tribunal administratif de Montpellier a rejeté sa demande.

Procédure devant la Cour :

Par une requête et des mémoires enregistrés les 7 juin 2018, 23 juillet 2018 et 26 février 2019, Mme D..., représentée par Me A..., demande à la Cour :

1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Montpellier ;

2°) d'annuler l'arrêté du préfet de l'Hérault du 23 janvier 2018 ;

3°) d'enjoindre au préfet de l'Hérault de lui délivrer un titre de séjour portant la mention " vie privée et familiale " ou, à défaut, de réexaminer sa situation dans un délai de quinze jours à compter de la notification de l'arrêt à intervenir, sous astreinte de 100 euros par jour de retard ;

4°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 1 500 euros en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- le préfet n'a pas examiné réellement et sérieusement sa situation ;

- l'arrêté contesté n'est pas suffisamment motivé ;

- le refus de titre de séjour porte atteinte aux dispositions de l'article L. 313-11 7° du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- ce refus et l'obligation de quitter le territoire français dont il est assorti portent une atteinte disproportionnée au respect de sa vie privée et familiale, garantis par les stipulations de l'article 8 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et par les dispositions de l'article 6-5 de l'accord franco-algérien ;

- sa vie est menacée en Algérie en raison d'un conflit familial ;

- l'arrêté porte atteinte aux stipulations des articles 3 et 9 de la Convention de New-York relative aux droits de l'enfant ;

Par une lettre en date du 4 février 2019, les parties ont été informées, en application de l'article R. 611-7 du code de justice administrative, de ce que la solution de l'affaire était susceptible d'être fondée sur un moyen relevé d'office.

Par un courrier en défense en date du 12 février 2019, Mme D... a répondu au moyen d'ordre public.

Par un mémoire enregistré le 20 février 2019, le préfet de l'Hérault conclut au rejet de la requête.

Il soutient que les moyens invoqués ne sont pas fondés.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- l'accord franco-algérien modifié du 27 décembre 1968 ;

- la convention internationale des droits de l'enfant ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- le code des relations entre le public et l'administration ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme E...Steinmetz-Schies,président-assesseur,

- et les observations de MeA..., représentant MmeD....

Considérant ce qui suit:

1. Mme C...épouseD..., ressortissante algérienne née le 3 septembre 1982, a sollicité le 21 décembre 2017 la délivrance d'un certificat de résidence portant la mention " vie privée et familiale ". Par un arrêté du 23 janvier 2018, le préfet de l'Hérault lui en a refusé la délivrance, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays à destination duquel, passé ce délai, elle pourrait être reconduite d'office. Mme C... épouse D...relève appel du jugement, en date du 14 mai 2018, par lequel le tribunal administratif de Montpellier a rejeté sa demande tendant à l'annulation de cet arrêté.

2. En premier lieu, il ressort des pièces du dossier que, dans sa demande devant le tribunal administratif de Montpellier, la requérante n'avait invoqué que des moyens tirés de la légalité interne de l'arrêté par lequel le préfet de l'Hérault a refusé de l'admettre au séjour, l'a obligée à quitter le territoire français et a fixé le pays à destination duquel elle pourra être reconduite. Dans sa requête d'appel, Mme D... fait valoir que l'arrêté est insuffisamment motivé ou l'est de façon stéréotypée. Ce moyen de légalité externe, nouveau en appel, qui se rattache à une cause juridique distincte de celle afférente aux moyens invoqués en première instance et qui ne présente pas un caractère d'ordre public, est, comme en ont été informées les parties, irrecevable.

3. En deuxième lieu, il ressort des pièces du dossier et en particulier des mentions de l'arrêté contesté que le préfet de l'Hérault a procédé à l'examen particulier de la situation personnelle de Mme D...avant de lui refuser le titre de séjour sollicité.

4. En troisième lieu, l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968 modifié régit d'une manière complète les conditions dans lesquelles les ressortissants algériens peuvent être admis à séjourner en France et y exercer une activité professionnelle, ainsi que les règles concernant la nature des titres de séjour qui peuvent leur être délivrés et leur durée de validité, et les conditions dans lesquelles leur conjoint et leurs enfants mineurs peuvent s'établir en France. Par suite, Mme D... ne peut utilement invoquer la méconnaissance, par le préfet de l'Hérault, du 7° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, inapplicable aux ressortissants algériens.

5. En quatrième lieu, aux termes de l'article 8 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance. Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui. ". Aux termes de l'article 6 de l'accord franco-algérien susvisé : " Le certificat de résidence d'un an portant la mention " vie privée et familiale " est délivré de plein droit : (...) 5) au ressortissant algérien, qui n'entre pas dans les catégories précédentes ou dans celles qui ouvrent droit au regroupement familial, dont les liens personnels et familiaux en France sont tels que le refus d'autoriser son séjour porterait à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée au regard des motifs du refus ".

6. Il ressort des pièces du dossier que Mme D...est entrée régulièrement en France le 18 août 2017, à l'âge de 35 ans, sous couvert d'un visa de court séjour valable durant 90 jours, accompagnée de ses deux enfants, alors âgés de six et treize ans. Elle avait antérieurement effectué, entre le 19 mars 2015 et le 9 juin 2017, huit séjours en France pour des durées limitées correspondant aux périodes de vacances scolaires. Son époux, avec qui elle est mariée depuis 2003, est titulaire d'un titre de séjour délivré par les autorités espagnoles, valable jusqu'au 11 mars 2022, mais qui, contrairement à ce qu'elle prétend, ne l'autorise pas à séjourner en France pour une durée supérieure à trois mois. Mme D... se prévaut de la circonstance qu'elle est propriétaire avec son époux d'un bien immobilier dans l'Hérault et que ses deux enfants sont scolarisés, obtenant de bons résultats. Toutefois, la qualité de propriétaire de biens fonciers, y compris à usage d'habitation, ne confère par elle-même aucun droit au séjour et ne peut suffire à caractériser l'intégration sociale alléguée, alors que la requérante vit depuis peu sur le territoire français et que la scolarisation de ses enfants est également récente. Si elle fait valoir que ses beaux-parents, de nationalité française, ont besoin de son aide, au quotidien, en raison de leur état de santé détérioré, elle ne produit aucun élément qui permettrait de justifier qu'elle serait seule à même de leur prêter une telle assistance. Dans ces conditions, la requérante, eu égard au caractère très récent de son entrée en France et aux conditions de séjour de son conjoint, ne justifie pas avoir établi en France le centre de ses intérêts privés et familiaux. Ainsi, le refus de titre de séjour qui lui a été opposé ne peut être regardé comme portant à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée aux buts en vue desquels il a été pris. Par suite, le moyen tiré de la méconnaissance, par cette décision, des stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et de celles de l'article 6-5 de l'accord franco-algérien doit être écarté ;

7. En cinquième lieu, aux termes de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " Nul ne peut être soumis à la torture ni à des peines ou traitements inhumains ou dégradants ".

8. Si la requérante soutient que l'évolution politique de l'Algérie et les menaces qu'elle a subies avant son mariage lui font craindre pour sa vie en cas de retour dans ce pays, elle ne produit à l'appui de ses allégations aucun élément permettant d'établir la réalité, non plus que le caractère actuel et personnel du risque ainsi allégué. Par suite, le moyen tiré de la méconnaissance des stipulations précitées doit être écarté.

9. En dernier lieu, aux termes du paragraphe 1 de l'article 3 de la convention de New-York susvisée relative aux droits de l'enfant : " Dans toutes les décisions qui concernent les enfants, qu'elles soient le fait des institutions publiques ou privées de protection sociale, des tribunaux, des autorités administratives ou des organes législatifs, l'intérêt supérieur de l'enfant doit être une considération primordiale ". Il résulte de ces stipulations, qui peuvent être utilement invoquées à l'appui d'un recours pour excès de pouvoir dirigé contre un refus de séjour, que, dans l'exercice de son pouvoir d'appréciation, l'autorité administrative doit accorder une attention primordiale à l'intérêt supérieur des enfants dans toutes les décisions les concernant. Par ailleurs, selon l'article 9 de la même convention, également invoqué : " les Etats parties veillent à ce que l'enfant ne soit pas séparé de ses parents ".

10. Il ressort de ce qui précède que, eu égard aux circonstances de l'espèce et en l'absence, notamment, de toute circonstance mettant Mme C... épouse D...dans l'impossibilité d'emmener avec elle ses enfants mineurs, lesquels ne vivent et ne sont scolarisés que depuis peu sur le territoire français, l'arrêté contesté ne peut être regardé comme pris en violation des stipulations précitées de la convention internationale relative aux droits de l'enfant, la seconde d'entre elles ne créant au demeurant d'obligations qu'entre les Etats et ne pouvant ainsi être utilement invoquée par un particulier à l'encontre d'une décision individuelle.

11. Il résulte de tout ce qui précède que Mme C...épouse D...n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Montpellier a rejeté sa demande. Par voie de conséquence, ses conclusions à fin d'injonction et celles tendant au versement d'une somme au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative doivent être rejetées.

D É C I D E :

Article 1er : La requête de Mme C...épouse D...est rejetée.

Article 2 : Le présent jugement sera notifié à Mme B...C...épouse D...et au ministre de l'intérieur.

Copie en sera adressée au préfet de l'Hérault.

Délibéré après l'audience du 4 mars 2019, où siégeaient :

- M. David Zupan, président,

- Mme E... Steinmetz-Schies, président assesseur,

- M. Allan Gautron, premier conseiller,

Lu en audience publique le 18 mars 2019.

5

N° 18MA02668


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Marseille
Formation : 6ème chambre - formation à 3
Numéro d'arrêt : 18MA02668
Date de la décision : 18/03/2019
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

335-01 Étrangers. Séjour des étrangers.


Composition du Tribunal
Président : M. ZUPAN
Rapporteur ?: Mme Marie-Pierre STEINMETZ-SCHIES
Rapporteur public ?: M. THIELÉ
Avocat(s) : CAVANNA

Origine de la décision
Date de l'import : 02/04/2019
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.marseille;arret;2019-03-18;18ma02668 ?
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