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18/03/2019 | FRANCE | N°17MA01750

France | France, Cour administrative d'appel de Marseille, 6ème chambre - formation à 3, 18 mars 2019, 17MA01750


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La société civile professionnelle Charrel et Associés a demandé au tribunal administratif de Nice d'annuler le marché public de services conclu le 20 octobre 2014 entre la commune de La Turbie et la société Public Sourcing, relatif à l'assistance au montage des marchés publics conclus par cette commune.

Par un jugement n° 1500269 du 3 mars 2017, le tribunal administratif de Nice a rejeté sa demande.

Procédure devant la Cour :

Par une requête enregistrée le 28 avril 2017, la socié

té Charrel et Associés, représentée par MeB..., demande à la Cour :

1°) d'annuler ce jugement ...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La société civile professionnelle Charrel et Associés a demandé au tribunal administratif de Nice d'annuler le marché public de services conclu le 20 octobre 2014 entre la commune de La Turbie et la société Public Sourcing, relatif à l'assistance au montage des marchés publics conclus par cette commune.

Par un jugement n° 1500269 du 3 mars 2017, le tribunal administratif de Nice a rejeté sa demande.

Procédure devant la Cour :

Par une requête enregistrée le 28 avril 2017, la société Charrel et Associés, représentée par MeB..., demande à la Cour :

1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Nice ;

2°) d'annuler le marché de services conclu 20 octobre 2014 par la commune de La Turbie avec la société Public Sourcing relatif à l'assistance au montage des marchés publics ;

3°) de mettre à la charge de la commune de La Turbie une somme de 3 000 euros au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, ainsi que les entiers dépens.

Elle soutient que :

- le tribunal a entaché son jugement d'irrégularité par erreur d'appréciation et erreur de droit ;

- la commune a méconnu les dispositions des articles 54 et 60 de la loi du 31 décembre 1971 dès lors que le marché comporte à titre principal des consultations juridiques et la rédaction d'actes sous seing privé, prestations que la société Public Sourcing n'est habilitée à fournir qu'à titre accessoire.

Par un mémoire enregistré le 31 octobre 2018, la commune de La Turbie, représentée par MeD..., conclut au rejet de la requête et à ce qu'une somme de 3 000 euros soit mise à la charge de la société Charrel et Associés au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que les moyens invoqués par la société requérante ne sont pas fondés.

Par une ordonnance du 12 novembre 2018, la clôture de l'instruction a été fixée au 3 décembre 2018.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code des marchés publics ;

- la loi n° 71-1130 du 31 décembre 1971 ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme E...Steinmetz-Schies, président-assesseur ;

- les conclusions de M. C...Thiele, rapporteur public ;

- et les observations de MeA..., substituant MeD..., représentant la commune de La Turbie.

Considérant ce qui suit :

1. La commune de La Turbie a, le 21 août 2014, engagé une consultation en vue de l'attribution d'un marché à procédure adaptée portant sur l'assistance au montage de ses marchés publics, sans montant minimum et avec un montant maximum de 15 000 euros hors taxes par an. Trois offres ont été sélectionnées afin de participer ensuite à une négociation écrite. Le 17 octobre 2014, la commune informait la société civile professionnelle d'avocats Charrel et Associés que son offre n'avait pas été retenue et que le marché avait été attribué à la société à responsabilité limitée Public Sourcing pour un montant de 14 160 euros hors taxes. Par une ordonnance du 17 novembre 2014, le vice-président du tribunal administratif de Nice a rejeté l'action en référé pré-contractuel introduite par la société Charrel et Associés, laquelle a alors, une fois le marché signé, engagé un second recours, tendant à son annulation. Cette société civile relève appel du jugement, en date du 3 mars 2017, par lequel le tribunal administratif de Nice a rejeté cette demande.

Sur la régularité du jugement attaqué :

2. Si la société Charrel et associés prétend contester la régularité du jugement attaqué, les moyens qu'elle invoque à cet effet, tirés, d'une part, de l'erreur d'appréciation que les premiers juges auraient commise en estimant que les prestations faisant l'objet du marché ne comportaient qu'à titre accessoire des consultations juridiques, d'autre part, de l'erreur de droit à n'avoir pas recherché si ces prestations comportaient, indépendamment même de telles consultations, la rédaction d'actes juridiques, ne seraient susceptibles, à les supposer fondés, de remettre en cause que le bien-fondé dudit jugement, non sa régularité.

Sur le bien-fondé du jugement attaqué :

3. Indépendamment des actions dont les parties au contrat disposent devant le juge du contrat, tout concurrent évincé de la conclusion d'un contrat administratif est recevable à former devant ce même juge un recours de pleine juridiction contestant la validité de ce contrat ou de certaines de ses clauses, qui en sont divisibles, assorti, le cas échéant, de demandes indemnitaires. Ce recours doit être exercé, y compris si le contrat contesté est relatif à des travaux publics, dans un délai de deux mois à compter de l'accomplissement des mesures de publicité appropriées, notamment au moyen d'un avis mentionnant à la fois la conclusion du contrat et les modalités de sa consultation dans le respect des secrets protégés par la loi.

4. Ainsi, saisi de telles conclusions par un concurrent évincé, il appartient au juge, lorsqu'il constate l'existence de vices entachant la validité du contrat, d'en apprécier les conséquences. Il lui revient, après avoir pris en considération la nature de l'illégalité éventuellement commise, soit de prononcer la résiliation du contrat ou de modifier certaines de ses clauses, soit de décider de la poursuite de son exécution, éventuellement sous réserve de mesures de régularisation par la collectivité contractante, soit d'accorder des indemnisations en réparation des droits lésés, soit enfin, après avoir vérifié si l'annulation du contrat ne porterait pas une atteinte excessive à l'intérêt général ou aux droits des cocontractants, d'annuler, totalement ou partiellement, le cas échéant avec un effet différé, le contrat.

5. Aux termes de l'article 30 du code des marchés publics alors en vigueur : " I.- Les marchés et les accords-cadres ayant pour objet des prestations de services qui ne sont pas mentionnées à l'article 29 peuvent être passés, quel que soit leur montant, selon une procédure adaptée, dans les conditions prévues par l'article 28. / II.-Toutefois : (...) 4° Le pouvoir adjudicateur veille au respect des principes déontologiques et des réglementations applicables, le cas échéant, aux professions concernées (...) ". Aux termes du I de l'article 45 du même code : " Le pouvoir adjudicateur ne peut exiger des candidats que des renseignements ou documents permettant d'évaluer leur expérience, leurs capacités professionnelles, techniques et financières ainsi que des documents relatifs aux pouvoirs des personnes habilitées à les engager. (...) La liste de ces renseignements et documents est fixée par arrêté du ministre chargé de l'économie. / Lorsque le pouvoir adjudicateur décide de fixer des niveaux minimaux de capacité, il ne peut être exigé des candidats que des niveaux minimaux de capacité liés et proportionnés à l'objet du marché. Les documents, renseignements et les niveaux minimaux de capacité demandés sont précisés dans l'avis d'appel public à concurrence ou, en l'absence d'un tel avis, dans les documents de la consultation (...) ". Aux termes de l'article 52 du même code : " Les candidatures qui n'ont pas été écartées en application des dispositions de l'alinéa précédent sont examinées au regard des niveaux de capacités professionnelles, techniques et financières mentionnées dans l'avis d'appel public à la concurrence, ou, s'il s'agit d'une procédure dispensée de l'envoi d'un tel avis, dans le règlement de la consultation. Les candidatures qui ne satisfont pas à ces niveaux de capacité sont éliminées ".

6. Aux termes, par ailleurs, de l'article 54 de la loi du 31 décembre 1971 précité : " Nul ne peut, directement ou par personne interposée, à titre habituel et rémunéré, donner des consultations juridiques ou rédiger des actes sous seing privé, pour autrui : 1° S'il n'est titulaire d'une licence en droit ou s'il ne justifie, à défaut, d'une compétence juridique appropriée à la consultation et la rédaction d'actes en matière juridique qu'il est autorisé à pratiquer conformément aux articles 56 à 66 (...). / Pour chacune des activités non réglementées visées à l'article 60, elle résulte de l'agrément donné, pour la pratique du droit à titre accessoire de celle-ci, par un arrêté, pris après avis d'une commission, qui fixe, le cas échéant, les conditions de qualification ou d'expérience juridique exigées des personnes exerçant cette activité et souhaitant pratiquer le droit à titre accessoire de celle-ci (...) ". Aux termes de l'article 60 de ladite loi : " Les personnes exerçant une activité professionnelle non réglementée pour laquelle elles justifient d'une qualification reconnue par l'Etat ou attestée par un organisme public ou un organisme professionnel agréé peuvent, dans les limites de cette qualification, donner des consultations juridiques relevant directement de leur activité principale et rédiger des actes sous seing privé qui constituent l'accessoire nécessaire de cette activité ". Aux termes de l'article 66-1 de la même loi : " Le présent chapitre ne fait pas obstacle à la diffusion en matière juridique de renseignements et informations à caractère documentaire ".

7. Selon l'article 1er du " cahier des clauses particulières valant règlement de la consultation " du marché public de prestations intellectuelles en litige, celui-ci a pour objet " une prestation d'assistance aux montages des marchés publics pour les besoins de la ville de La Turbie ". Aux termes de l'article 4 de ce même cahier des clauses particulières, les " caractéristiques principales des prestations " se décomposent en deux phases : " Phase amont du marché : - Assistance à la définition des besoins et mise en forme de ceux-ci dans le cadre d'une procédure MAPA ou d'appel d'offres : / Rédaction des pièces de la consultation rédaction des pièces de la consultation (...) : règlement de la consultation, acte d'engagement, cahier des clauses administratives, avis d'appel public à la concurrence et toute autre pièce du marché, y compris CCTP, en tant que de besoin et en collaboration avec la maîtrise d'ouvrage et/ou le maître d'oeuvre. La mission comprend également la détermination des critères de jugement des offres, en lien avec la maîtrise d'ouvrage. / - Analyse des candidatures et des offres, y compris rédaction des rapports d'analyse des offres. (...) La mission inclut également la rédaction d'un avis d'attribution et, en tant que de besoin, l'assistance à la rédaction des notifications aux entreprises, y compris en phase de négociation. / Phase aval du marché : Assistance lors de la phase d'exécution du marché pour la rédaction de pièces techniques comme lettre de mise en demeure ou avenants ".

8. D'une part, il résulte de ces stipulations contractuelles que le marché litigieux confie à son titulaire une mission d'assistance à la collectivité contractante afin de lui permettre de passer des marchés publics, et notamment de sélectionner les candidats dans le respect des dispositions du code des marchés publics, sans concourir, par une expertise spécifiquement juridique, à la prise de décision. Ce marché vise ainsi à épauler la commune dans la définition de ses besoins, l'élaboration des documents de consultation, y compris le cahier des clauses techniques particulières, la détermination des critères de sélection des offres, l'analyse des candidatures et des offres, la rédaction des rapports d'analyse, de l'avis d'attribution ainsi que des notifications faites aux entreprises et, en phase d'exécution, la rédaction des pièces techniques. De telles prestations, comparables à celles qui, dans le cadre d'une opération de travaux publics, incomberaient à un maître d'oeuvre, ne peuvent être regardées comme constituant à titre principal des consultations juridiques au sens des articles 54 et 60 précités de la loi du 31 décembre 1971, lesquelles s'entendent d'avis juridique concourant par les éléments qu'il apporte à la prise de décision du bénéficiaire de la consultation. D'autre part, le marché en cause porte sur la rédaction de documents relatifs à la passation ou à l'exécution de contrats publics et ne saurait donc être regardé comme confiant à son titulaire le soin d'établir des actes sous seing privé au sens des mêmes articles. Les premiers juges ont ainsi à bon droit estimé qu'en attribuant le marché en cause à la société Public Sourcing, laquelle dispose seulement d'une qualification accordée par l'Organisme professionnel de qualification des conseils en management (OPQCM) lui permettant de donner à titre accessoire des consultations juridiques relevant de son activité principale, la commune de la Turbie n'a pas méconnu les dispositions des articles 30, 45 et 52 du code des marchés publics et des articles 54 et 60 de la loi du 31 janvier 1971.

9. Il résulte de ce qui précède que la société Charrel et Associés n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Nice a rejeté sa demande tendant à l'annulation du marché conclu le 20 octobre 2014 entre la commune de La Turbie et la société Public Sourcing.

Sur les frais liés au litige :

10. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce qu'une somme soit mise à la charge de la commune de la Turbie, qui n'est pas la partie perdante ou tenue aux dépens dans la présente instance, au titre des frais exposés par la société Charrel et Associés et non compris dans les dépens. Il y a lieu au contraire de mettre à la charge de la société Charrel et Associés le versement à la commune de la Turbie d'une somme de 2 000 euros en application de ces mêmes dispositions.

D É C I D E :

Article 1er : La requête de la société Charrel et Associés est rejetée.

Article 2 : La société Charrel et Associés versera une somme de deux mille euros à la commune de la Turbie au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à la société Charrel et Associés, à la commune de La Turbie et à la société Public Sourcing.

Délibéré après l'audience du 4 mars 2019, où siégeaient :

- M. David Zupan, président,

- Mme E... Steinmetz-Schies, président-assesseur,

- M. Philippe Grimaud, premier conseiller.

Lu en audience publique, le 18 mars 2019.

N° 17MA01750 6


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Marseille
Formation : 6ème chambre - formation à 3
Numéro d'arrêt : 17MA01750
Date de la décision : 18/03/2019
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Analyses

39-02-005 MARCHÉS ET CONTRATS ADMINISTRATIFS. FORMATION DES CONTRATS ET MARCHÉS. FORMALITÉS DE PUBLICITÉ ET DE MISE EN CONCURRENCE. - QUALITÉ ET CAPACITÉS PROFESSIONNELLES POUR PARTICIPER À UNE PROCÉDURE DE PASSATION DE MARCHÉ - OBLIGATION POUR LE POUVOIR ADJUDICATEUR DE VEILLER AU RESPECT DES RÉGLEMENTATIONS APPLICABLES AUX PROFESSIONS CONCERNÉES - MARCHÉ AYANT POUR OBJET D'ASSISTER LA COMMUNE DANS LE MONTAGE DE SES PROCÉDURES DE MARCHÉS PUBLICS - PRESTATIONS CORRESPONDANT À TITRE PRINCIPAL À UNE ACTIVITÉ DE CONSULTATION JURIDIQUE AU SENS DES ARTICLES 54 ET 60 DE LA LOI DU 31 DÉCEMBRE 1971 PORTANT RÉFORME DE CERTAINES PROFESSIONS JUDICIAIRES ET JURIDIQUES (NON).

39-02-005 Le marché qui confie à son titulaire une mission d'assistance à la collectivité contractante afin de lui permettre de passer des marchés publics, incluant notamment l'élaboration des documents de consultation, l'analyse des candidatures et des offres, la rédaction des rapports d'analyse, de l'avis d'attribution ainsi que des notifications faites aux entreprises puis, en phase d'exécution, la rédaction des pièces techniques, ne peut être regardé comme comportant à titre principal une activité de consultations juridiques au sens des articles 54 et 60 de la loi du 31 décembre 1971. Est donc recevable la candidature d'un prestataire seulement agréé pour la pratique du droit à titre accessoire.


Composition du Tribunal
Président : M. ZUPAN
Rapporteur ?: Mme Marie-Pierre STEINMETZ-SCHIES
Rapporteur public ?: M. THIELÉ
Avocat(s) : FOGLIA

Origine de la décision
Date de l'import : 18/06/2019
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.marseille;arret;2019-03-18;17ma01750 ?
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