Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
La société Azur Villas Limited a demandé au tribunal administratif de Nice de prononcer la décharge des rappels de taxe sur la valeur ajoutée des années 2002 à 2007, des cotisations supplémentaires d'impôt sur les sociétés au titre des exercices clos de 2002 à 2007 et des cotisations supplémentaires de contribution additionnelle sur l'impôt sur les sociétés au titre des mêmes années, et des pénalités correspondantes.
Par un jugement n° 1500762 du 18 mai 2017, le tribunal administratif de Nice a rejeté sa demande
Procédure devant la Cour :
Par une requête et un mémoire, enregistrés le 22 septembre 2017 et le 14 septembre 2018, la société Azur Villas Limited, représentée par Me B..., demande à la Cour :
1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Nice du 18 mai 2017 ;
2°) de prononcer la décharge des rappels de taxe sur la valeur ajoutée des années 2002 à 2007, des cotisations supplémentaires d'impôt sur les sociétés au titre des exercices clos de 2002 à 2007 et des cotisations supplémentaires de contribution additionnelle sur l'impôt sur les sociétés au titre des mêmes années, et des pénalités correspondantes ;
3°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 5 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que, n'ayant pas d'établissement stable en France, elle ne peut être imposée dans cet Etat, en application de la convention fiscale conclue avec le Royaume-Uni.
Par un mémoire en défense, enregistré le 30 octobre 2018, le ministre de l'action et des comptes publics conclut au rejet de la requête.
Il soutient que le moyen soulevé par la société Azur Villas Limited n'est pas fondé.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la convention entre la France et le Royaume-Uni tendant à éviter les doubles impositions et à prévenir l'évasion fiscale en matière d'impôts sur les revenus ;
- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de M. Barthez,
- et les conclusions de Mme Boyer, rapporteur public.
Considérant ce qui suit :
1. La société Azur Villas Limited, société de droit britannique qui exerce une activité d'intermédiaire pour la location saisonnière de villas et d'appartements situés sur la Côte-d'Azur, a fait l'objet d'une vérification de comptabilité portant sur la période du 1er janvier 2002 au 31 décembre 2007. Estimant que cette société possédait un établissement stable en France et constatant qu'elle n'avait déposé ni déclaration de résultats relative à l'impôt sur les sociétés ni déclaration de taxe sur la valeur ajoutée au titre des périodes vérifiées, l'administration fiscale a reconstitué son chiffre d'affaires ainsi que son bénéfice imposable. La société fait appel du jugement par lequel le tribunal administratif de Nice a rejeté sa demande tendant à la décharge des rappels de taxe sur la valeur ajoutée et des cotisations supplémentaires d'impôt sur les sociétés et de contribution additionnelle à l'impôt sur les sociétés, assorties d'une majoration de 100 % pour opposition à contrôle fiscal, dont elle a fait l'objet selon la procédure de taxation d'office.
Sur le bien-fondé du jugement :
2. D'une part, aux termes de l'article L. 193 du livre des procédures fiscales : " Dans tous les cas où une imposition a été établie d'office la charge de la preuve incombe au contribuable qui demande la décharge ou la réduction de l'imposition ". L'article R. 193-1 du même livre dispose que : " Dans le cas prévu à l'article L. 193 le contribuable peut obtenir la décharge ou la réduction de l'imposition mise à sa charge en démontrant son caractère exagéré ".
3. D'autre part, aux termes de l'article 209 du code général des impôts, dans sa rédaction applicable au présent litige : " I. Sous réserve des dispositions de la présente section, les bénéfices de l'impôt sur les sociétés sont déterminés (...) en tenant compte uniquement des bénéfices réalisés dans les entreprises exploitées en France ainsi que de ceux dont l'imposition est attribuée à la France par une convention internationale relative aux doubles impositions (...) ". L'article 6 de la convention franco-britannique du 22 mai 1968 dispose que : " 1. Les bénéfices industriels et commerciaux d'une entreprise d'un Etat contractant ne sont imposables que dans cet Etat, à moins que l'entreprise exerce son activité dans l'autre Etat contractant par l'intermédiaire d'un établissement stable qui y est situé. Si l'entreprise exerce son activité d'une telle façon, les bénéfices industriels et commerciaux de l'entreprise sont imposables dans l'autre Etat mais uniquement dans la mesure où ils sont imputables audit établissement stable (...) ". Aux termes de l'article 4 de la même convention : " 1. Au sens de la présente convention, l'expression " établissement stable " désigne une installation fixe d'affaires où l'entreprise exerce tout ou partie de son activité. 2. L'expression " établissement stable " comprend notamment : a) un siège de direction ; b) une succursale ; c) un bureau (...) 4. Une personne agissant dans un Etat contractant pour le compte d'une entreprise de l'autre Etat contractant, autre qu'un agent jouissant d'un statut indépendant, visé au paragraphe 5, est considérée comme établissement stable dans le premier Etat si elle dispose dans cet Etat de pouvoirs qu'elle y exerce habituellement lui permettant de conclure des contrats au nom de l'entreprise, à moins que l'activité de cette personne soit limitée à l'achat de marchandises pour l'entreprise. 5. On ne considère pas qu'une entreprise d'un Etat contractant a un établissement stable dans l'autre Etat contractant du seul fait qu'elle y exerce son activité par l'entremise d'un courtier, d'un commissionnaire général ou de tout autre intermédiaire jouissant d'un statut indépendant, à condition que ces personnes agissent dans le cadre ordinaire de leur activité ". Il résulte de ces stipulations que, pour être regardée comme ayant un établissement stable en France, une société résidente du Royaume-Uni doit soit disposer d'une installation fixe d'affaires par laquelle elle exerce tout ou partie de son activité, soit avoir recours à une personne non indépendante exerçant habituellement en France des pouvoirs lui permettant de l'engager dans une relation commerciale ayant trait aux opérations constituant ses activités propres.
4. Il ressort des constatations résultant des perquisitions effectuées en application de l'article L. 16 B du livre des procédures fiscales que la société Azur Villas Limited disposait en France, au domicile de Mme C...A..., de locaux permanents pourvus du matériel informatique nécessaire à son activité et des moyens de communication utiles. Dans ces locaux, ont été retrouvés de nombreux documents relatifs à cette activité de location saisonnière de villas et d'appartements. En outre, Mme C...A..., qui est compétente pour conduire les négociations commerciales avec les propriétaires, les locataires et les autres partenaires commerciaux et dispose d'une procuration sur les comptes de la société, doit être regardée comme en assurant la gestion. La société Azur Villas Limited ne produisant aucun élément de nature à contredire ces constatations, elle n'est donc pas fondée à soutenir qu'elle ne disposerait pas d'un établissement stable en France au sens des stipulations précédemment citées de la convention franco-britannique.
5. Il résulte de ce qui précède qu'en ce qui concerne les années 2002 à 2005, le moyen soulevé par la société requérante, qui n'établit pas le caractère exagéré des rappels et des cotisations supplémentaires contestés, doit être écarté. Toutefois, la cour d'appel d'Aix-en-Provence a, par un arrêt du 29 mars 2016, relaxé Mme A... des chefs de soustraction frauduleuse à l'établissement et au paiement, d'une part, de taxe sur la valeur ajoutée et, d'autre part, d'impôt sur les sociétés, faits pour lesquels elle était poursuivie au titre des seuls exercices clos les 31 décembre 2006 et 31 décembre 2007, au motif que " les éléments du dossier sont insuffisants pour caractériser, de la part de RosalindA..., une véritable exploitation en France d'une activité pour le compte de la société Azur Villas Ltd, au sens de la loi française ou l'installation d'un établissement stable au sens de la convention fiscale franco-anglaise ". Il ressort des énonciations de cet arrêt que la cour d'appel d'Aix-en-Provence a, pour fonder sa décision de relaxe, relevé, d'une part, que " les actes décisionnels de la société Azur Villas Limited sont tous pris au Royaume-Uni lors d'assemblées générales réunissant les divers associés " et que " les principaux moyens de communication de la société Azur Villas Limited auprès de sa clientèle, à savoir téléphone, télécopie, e mail et site internet, sont tous localisés au Royaume-Uni " et, d'autre part, que la mission de Mme A... " était d'exercer une activité exclusivement préparatoire ou auxiliaire au seul profit de l'entreprise britannique et [qu']elle ne pouvait jamais conclure un contrat, au nom et pour le compte de la société mère, toute activité commerciale lui étant interdite " pour en déduire qu'" elle n'avait aucun pouvoir pour engager contractuellement en son seul nom la société Azur Villas Limited ".
6. L'autorité de la chose jugée appartenant aux décisions des juges répressifs devenues définitives, qui présente un caractère absolu et s'impose aux juridictions administratives, s'attache à la constatation matérielle des faits mentionnés dans le jugement et qui sont le support nécessaire du dispositif. La même autorité ne saurait, en revanche, s'attacher aux motifs d'un jugement de relaxe tirés de ce que les faits reprochés ne sont pas établis ou de ce qu'un doute subsiste sur leur réalité.
7. Il s'ensuit que l'autorité de la chose jugée au pénal fait obstacle au maintien des rappels de taxe sur la valeur ajoutée pour la période du 1er janvier 2006 au 31 décembre 2007 et des cotisations supplémentaires d'impôt sur les sociétés et de contribution additionnelle à l'impôt sur les sociétés au titre des exercices clos les 31 décembre 2006 et 31 décembre 2007.
8. Il résulte de tout ce qui précède que la société Azur Villas Limited est seulement fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Nice ne lui a pas accordé la décharge des rappels de taxe sur la valeur ajoutée mis à sa charge au titre de la période du 1er janvier 2006 au 31 décembre 2007 et des cotisations supplémentaires d'impôt sur les sociétés et de contribution additionnelle à l'impôt sur les sociétés auxquelles elle a été assujettie au titre des exercices clos les 31 décembre 2006 et 31 décembre 2007, et des pénalités correspondantes.
Sur les frais liés au litige :
9. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'Etat une somme de 1 000 euros à verser à la société Azur Villas Limited au titre des frais exposés par elle et non compris dans les dépens.
D É C I D E :
Article 1er : Il est accordé à la société Azur Villas Limited la décharge des rappels de taxe sur la valeur ajoutée mis à sa charge au titre de la période du 1er janvier 2006 au 31 décembre 2007 et des cotisations supplémentaires d'impôt sur les sociétés et de contribution additionnelle à l'impôt sur les sociétés auxquelles elle a été assujettie au titre des exercices clos les 31 décembre 2006 et 31 décembre 2007, et des pénalités correspondantes.
Article 2 : Le jugement du tribunal administratif de Nice n° 1500762 du 18 mai 2017 est réformé en ce qu'il a de contraire au présent arrêt.
Article 3 : L'Etat versera une somme de 1 000 euros à la société Azur Villas Limited en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à la société Azur Villas Limited et au ministre de l'action et des comptes publics.
Copie en sera adressée à la direction de contrôle fiscal sud-est.
Délibéré après l'audience du 5 février 2019, où siégeaient :
- M. Antonetti, président,
- M. Barthez, président assesseur,
- M. Maury, premier conseiller.
Lu en audience publique, le 19 février 2019.
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N° 17MA03994
mtr