Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
La société Festa a demandé au tribunal administratif de Marseille de condamner la société Stucky Ingénieurs Conseils à lui verser une somme de 155 971,30 euros toutes taxes comprises, assortie des intérêts moratoires calculés sur la somme de 119 245,22 euros à compter du 26 mars 2010, au titre de l'exécution d'un marché public de travaux relatif à la modernisation des ouvrages hydrauliques situés en amont du canal de Gap.
Par un jugement n° 1507672 du 22 novembre 2017, le tribunal administratif de Marseille a rejeté sa demande.
Procédure devant la Cour :
Par une requête enregistrée le 19 janvier 2018, la société Festa, représentée par Me D..., demande à la Cour :
1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Marseille ;
2°) de condamner la société Stucky Ingénieurs Conseils à lui verser la somme de 121 562,62 euros toutes taxes comprises, augmentée des intérêts moratoires à compter du 26 mars 2010 et de la capitalisation de ces intérêts ;
3°) de mettre à la charge de la société Stucky Ingénieurs Conseils une somme de 3 000 euros au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;
4°) de mettre les entiers dépens de l'instance à la charge de la société Stucky Ingénieurs Conseils, dont distraction au profit de son conseil sur son affirmation de droit.
Elle soutient que :
- elle n'a fait qu'exécuter la modification du mode de réalisation des pentes du dessableur demandée par le maître d'ouvrage et par le maître d'oeuvre, ainsi que cela ressort du compte rendu de réunion du 16 janvier 2008 et des plans ; il appartenait au seul maître d'oeuvre de rédiger un avenant ;
- elle n'avait pas l'obligation de présenter un devis préalablement à l'exécution des travaux en cause ;
- son préjudice financier, à la réparation duquel elle a droit sur le fondement de l'article 1382 du code civil, est imputable à la seule société Stucky Ingénieurs Conseils, à laquelle il incombait de préparer un avenant.
Un mémoire, présenté pour la société Tractebel Engineering, venant aux droits de la société Stucky Ingénieurs Conseils, a été enregistré le 25 janvier 2019 et n'a pas été communiqué.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code des marchés publics ;
- le décret n° 93-1268 du 29 novembre 1993 ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme E... Steinmetz-Schies, président-assesseur ;
- les conclusions de M. B... Thiele, rapporteur public ;
- et les observations de Me C..., représentant la société Festa et de Me A...pour la société Tractebel Engineering.
Considérant ce qui suit :
1. L'association syndicale autorisée (ASA) du canal de Gap, association syndicale de propriétaires qui a pour mission l'administration, la gestion et l'exploitation du canal de Gap en rive gauche du Drac, a décidé de faire réaliser des travaux de modernisation et de régulation hydraulique des ouvrages situés en amont de ce canal. Au titre de la tranche ferme du marché de travaux envisagé à cet effet, l'opération consistait à modifier la configuration du dégraveur implanté en tête du canal, à créer et aménager un dessableur situé à trente mètres en aval du dégraveur et à effectuer des travaux d'aménagement au droit du dessableur existant. La tranche conditionnelle concernait, elle, la réalisation de travaux d'aménagement sur le partiteur en tête de la retenue des Jaussauds. L'ASA du canal de Gap a conclu, le 26 novembre 2004, un marché de maîtrise d'oeuvre avec la société Stucky Ingénieurs Conseils, bureau d'études, et, le 16 octobre 2006, un marché de travaux avec le groupement solidaire constitué de la société Festa, mandataire, et de la société Allamano. Après l'achèvement des travaux en novembre 2009, la société Festa a réclamé au maître d'ouvrage, lors de l'établissement de son projet de décompte final, le paiement de travaux modificatifs qu'elle dit avoir exécutés dans le cadre de son marché. Par un jugement en date du 28 octobre 2014, devenu définitif, le tribunal administratif de Marseille a rejeté sa demande tendant à la condamnation de l'ASA du canal de Gap au paiement de la somme de 130 410,79 euros, montant estimé des travaux en cause. La société Festa, qui a dès lors engagé une action contre le maître d'oeuvre de l'opération, relève appel du jugement, en date du 22 novembre 2017, par lequel le même Tribunal a rejeté sa demande tendant à la condamnation de la société Tractebel Engineering, venant aux droits de la société Stucky Ingénieurs Conseils, à lui verser, sur le fondement quasi-délictuel, la même somme de 130 410,79 euros hors taxes, soit 155 971,30 euros toutes taxes comprises.
Sur le bien-fondé du jugement attaqué :
2. Dans le cadre d'un contentieux tendant au règlement d'un marché relatif à des travaux publics, le titulaire du marché peut rechercher devant le juge administratif, outre la responsabilité contractuelle du maître d'ouvrage, la responsabilité quasi-délictuelle des autres participants à la même opération de construction avec lesquels il n'est lié par aucun contrat de droit privé.
3. Aux termes de l'article 8 du décret du 29 novembre 1993 susvisé relatif aux missions de maîtrise d'oeuvre confiées par des maîtres d'ouvrage publics à des prestataires de droit privé : " I. Les études d'exécution permettent la réalisation de l'ouvrage. Elles ont pour objet, pour l'ensemble de l'ouvrage ou pour les seuls lots concernés : / a) D'établir tous les plans d'exécution et spécifications à l'usage du chantier ainsi que les plans de synthèse correspondants ; / b) D'établir sur la base des plans d'exécution un devis quantitatif détaillé par lot ou corps d'état ; / c) D'établir le calendrier prévisionnel d'exécution des travaux par lot ou corps d'état ; / d) D'effectuer la mise en cohérence technique des documents fournis par les entreprises lorsque les documents pour l'exécution des ouvrages sont établis partie par la maîtrise d'oeuvre, partie par les entreprises titulaires de certains lots. / II. Lorsque les études d'exécution sont, partiellement ou intégralement, réalisées par les entreprises, le maître d'oeuvre s'assure que les documents qu'elles ont établis respectent les dispositions du projet et, dans ce cas, leur délivre son visa. ". Aux termes de l'article 9 du même décret : " La direction de l'exécution du ou des contrats de travaux a pour objet : / a) De s'assurer que les documents d'exécution ainsi que les ouvrages en cours de réalisation respectent les dispositions des études effectuées ; / b) De s'assurer que les documents qui doivent être produits par l'entrepreneur, en application du contrat de travaux ainsi que l'exécution des travaux sont conformes audit contrat ; / c) De délivrer tous ordres de service, établir tous procès-verbaux nécessaires à l'exécution du contrat de travaux, procéder aux constats contradictoires et organiser et diriger les réunions de chantier ; / d) De vérifier les projets de décomptes mensuels ou les demandes d'avances présentés par l'entrepreneur, d'établir les états d'acomptes, de vérifier le projet de décompte final établi par l'entrepreneur, d'établir le décompte général ; / e) D'assister le maître de l'ouvrage en cas de différend sur le règlement ou l'exécution des travaux. ".
4. Aux termes de l'article 1.2.2 du cahier des clauses techniques particulières du marché de travaux en litige : " Dessableur des RIcous : (...) le dessableur proprement dit : fondé sur un radier général de 0,50 m d'épaisseur, sa longueur est de 33,50 m, sa largeur de 8,40 m et il est penté vers l'aval à 2 %. Il comprend deux chenaux identiques dont les caractéristiques sont les suivantes (...) des poutres transversales en béton préfabriqué, scellés dans les voiles longitudinaux et implantés avec un entre axe de 4,20m (...) ". Selon l'article 3.9.9 du même cahier : " l'entrepreneur pourra prévoir que certains éléments soient préfabriqués (éléments définitifs d'ouvrages, coffrages perdus...). Compte tenu des résultats du laboratoire, l'entrepreneur proposera à l'agrément du maître d'oeuvre les dosages et granulométries qu'il compte utiliser pour conférer au béton les qualités requises. Il soumettra à l'agrément du maître d'oeuvre, les procédés de fabrication et de mise en place qu'il compte utiliser ainsi que les dispositions de l'aire de préfabrication et de stockage ".
5. L'entreprise Festa fait valoir qu'après modification de l'implantation et de la configuration des pentes du dessableur, sur les plans 115 et 116, validés par le bureau d'études Stucky, elle a réalisé les formes de pentes dans le dessableur en éléments préfabriqués, comme cela avait été convenu en réunion de chantier en présence d'un représentant du maître d'ouvrage, plutôt que coulées en place comme initialement préconisé par le maître d'oeuvre. Toutefois, la société Festa reconnaît elle-même avoir " suggéré au maitre d'oeuvre de procéder à la pose d'ouvrages préfabriqués pour la réalisation des pentes du dessableur, à la place des pentes coulées initialement prévues " dès lors que ce procédé présentait deux avantages, en l'occurrence, d'une part, l'aspect lisse et uniforme, offrant une résistance à l'abrasion, ainsi que l'absence de fissuration, préservant de la destruction du béton par pénétration d'eau, et, d'autre part, l'utilisation d'un béton d'usine plus propice au respect des profils et des pentes. En outre, il résulte de l'instruction qu'aucun ordre de service en ce sens n'a été adressé à la société requérante. La double circonstance que le maître d'oeuvre a revêtu de son visa son plan d'exécution et qu'il a validé le principe de cette solution technique lors d'une réunion de chantier au cours de laquelle a été évoquée la signature, à ce titre, d'un avenant, ainsi que cela ressort du compte rendu du 29 avril 2008, n'établit pas qu'il aurait dû saisir préalablement le maître d'ouvrage afin d'en évaluer le surcoût, au demeurant non évalué par l'entreprise, ou qu'il aurait dû lui soumettre un avenant dont elle n'avait pas elle-même réclamé la signature, et qu'il aurait ainsi commis des fautes de nature à engager sa responsabilité quasi-délictuelle.
6. Il résulte de tout ce qui précède que la société Festa n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Marseille a rejeté sa demande.
Sur les frais liés au litige :
7. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de la société Tractebel Engineering, qui n'a pas la qualité de partie perdante dans la présente instance, une somme à verser à la société Festa au titre des frais qu'elle a exposés tant en première instance qu'en appel et non compris dans les dépens.
D É C I D E :
Article 1er : La requête de la société Festa est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à la société Festa et à la société Tractebel Engineering.
Délibéré après l'audience du 28 janvier 2019, où siégeaient :
- M. David Zupan, président,
- Mme E... Steinmetz-Schies, président-assesseur,
- M. Allan Gautron, premier conseiller.
Lu en audience publique, le 11 février 2019.
N° 18MA00275 5