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12/07/2018 | FRANCE | N°18MA00786

France | France, Cour administrative d'appel de Marseille, 2ème chambre - formation à 3, 12 juillet 2018, 18MA00786


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme C...B...épouse A...a demandé au tribunal administratif de Nîmes d'annuler la décision implicite de refus de séjour du 19 mai 2015 et celle du 25 juin 2015 portant communication des motifs de la décision du 19 mai et refus de séjour prises par le préfet de Vaucluse.

Par un jugement n° 1502574 du 7 décembre 2017, le tribunal administratif de Nîmes a rejeté sa demande.

Procédure devant la Cour :

Par une requête, enregistrée le 16 février 2018, MmeA..., représentée par
r>MeD..., demande à la Cour :

1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Nîmes du 7 décembr...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme C...B...épouse A...a demandé au tribunal administratif de Nîmes d'annuler la décision implicite de refus de séjour du 19 mai 2015 et celle du 25 juin 2015 portant communication des motifs de la décision du 19 mai et refus de séjour prises par le préfet de Vaucluse.

Par un jugement n° 1502574 du 7 décembre 2017, le tribunal administratif de Nîmes a rejeté sa demande.

Procédure devant la Cour :

Par une requête, enregistrée le 16 février 2018, MmeA..., représentée par

MeD..., demande à la Cour :

1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Nîmes du 7 décembre 2017 ;

2°) d'annuler les décisions du préfet de Vaucluse des 19 mai et 25 juin 2015 ;

3°) d'enjoindre au préfet de Vaucluse, à titre principal, de lui délivrer un titre de séjour portant la mention " vie privée et familiale " ou " membre de la famille d'un citoyen de l'Union " sous astreinte de 100 euros par jour de retard à compter de la notification de l'arrêt à intervenir et, à titre subsidiaire, de réexaminer sa demande ;

4°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 1 500 euros au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991.

Elle soutient que :

- c'est à tort que le tribunal administratif a jugé que ses conclusions à l'encontre de la décision du 25 juin 2015 étaient irrecevables ;

- la décision du préfet du 25 juin 2015 est insuffisamment motivée ;

- elle méconnaît les stipulations du 5° de l'article 6 de l'accord franco-algérien ;

- elle méconnaît les dispositions de l'article L. 121-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- elle méconnaît les stipulations du paragraphe 1 de l'article 3 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant.

Par un mémoire en défense, enregistré le 16 avril 2018, le préfet de Vaucluse conclut au rejet de la requête et demande de mettre à la charge de la requérante la somme de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que les moyens soulevés par la requérante ne sont pas fondés.

Les parties ont été informées, en application des dispositions de l'article R. 611-7 du code de justice administrative, de ce que l'arrêt était susceptible d'être fondé sur deux moyens relevés d'office, tirés de :

- l'irrégularité du jugement du tribunal administratif en tant qu'il statue sur les conclusions de Mme A...à fin d'annulation de la décision implicite du 19 mai 2015 alors que ces conclusions étaient dépourvues d'objet, une décision explicite, intervenue postérieurement, s'étant substituée à cette décision implicite ;

- l'irrecevabilité des conclusions tendant à l'annulation de la décision implicite du

19 mai 2015 dès lors qu'elles sont dépourvues d'objet.

Mme A...a été admise au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 20 avril 2018.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968 ;

- la convention internationale relative aux droits de l'enfant signée à New-York le

26 janvier 1990 ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- le code des relations entre le public et l'administration ;

- la loi n° 79-587 du 11 juillet 1979 ;

- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;

- le décret n° 91-1266 du 19 décembre 1991 ;

- le code de justice administrative.

Le président de la formation de jugement a dispensé la rapporteure publique, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

La présidente de la Cour a désigné M. Alain Barthez, président assesseur de la

2ème chambre, pour présider, en application de l'article R. 222-26 du code de justice administrative, la formation de jugement.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Le rapport de Mme Duran-Gottschalk a été entendu au cours de l'audience publique.

Sur la régularité du jugement :

1. Considérant que Mme A...a demandé son admission au séjour au préfet de Vaucluse par courrier reçu en préfecture le 19 janvier 2015 ; qu'une décision implicite de rejet est née le 19 mai 2015 ; que, par courrier du 21 mai suivant, Mme A...a sollicité la communication des motifs de rejet de sa demande ; que le préfet lui a répondu par courrier du 25 juin 2015 ; que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Nîmes a rejeté comme irrecevables les conclusions dirigées contre la décision du 25 juin 2015 au motif que cette dernière n'était pas détachable de la décision implicite ;

2. Considérant, d'une part, que si le silence gardé par l'administration sur une demande de titre de séjour fait naître une décision implicite de rejet qui peut être déférée au juge de l'excès de pouvoir, une décision explicite de rejet intervenue postérieurement, qu'elle fasse suite ou non à une demande de communication des motifs de la décision implicite présentée en application de l'article 5 de la loi du 11 juillet 1989, aujourd'hui codifié à l'article L. 232-4 du code des relations entre le public et l'administration, se substitue à la première décision ; qu'au cas particulier, si une décision implicite de rejet est née le 19 mai 2015 du silence gardé par le préfet de Vaucluse sur la demande de titre de séjour de Mme A...en date du 19 janvier 2015, il a été statué expressément sur cette demande par le préfet le 25 juin 2015 ; que cette dernière décision s'est substituée à la précédente ; qu'ainsi, les premiers juges ne pouvaient rejeter les conclusions dirigées contre cette décision comme irrecevables au motif qu'elle n'était pas détachable de la décision implicite ; que Mme A...est ainsi fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Nîmes a rejeté ses conclusions dirigées contre la décision du 25 juin 2015 comme irrecevables ; que le jugement doit par suite être annulé dans cette mesure ; qu'il y a lieu de statuer par la voie de l'évocation sur les conclusions de Mme A...présentées devant le tribunal administratif de Nîmes tendant à l'annulation de la décision du préfet du 25 juin 2015 ;

3. Considérant, d'autre part, qu'il résulte du point précédent que les conclusions de Mme A...dirigées contre la décision implicite de rejet du 19 mai 2015 étaient dépourvues d'objet ; que le jugement du tribunal administratif qui a statué sur cette demande doit dès lors être annulé ; qu'il y a lieu d'évoquer et de statuer immédiatement sur la demande tendant à l'annulation de la décision du 19 mai 2015 ;

Sur les conclusions tendant à l'annulation de la décision implicite du 19 mai 2015 :

4. Considérant qu'il résulte de ce qui a été exposé au point 2 que la décision du

25 juin 2015 s'étant substituée à la décision implicite du 19 mai 2015, les conclusions de la requête de Mme A...dirigées contre la décision implicite sont dépourvues d'objet et doivent par suite être rejetées ;

Sur les conclusions tendant à l'annulation de la décision du 25 juin 2015 :

5. Considérant, en premier lieu, que la décision du préfet du 25 juin 2015, qui n'est pas stéréotypée, comporte l'énoncé des considérations de fait et de droit qui la fondent ; qu'elle est par suite suffisamment motivée ;

6. Considérant, en deuxième lieu, que la situation de Mme A...étant entièrement régie par l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968, cette dernière ne peut utilement se prévaloir de la méconnaissance du 7° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

7. Considérant, en troisième lieu, qu'aux termes de l'article 6 de l'accord franco-algérien : " (...) Le certificat de résidence d'un an portant la mention "vie privée et familiale" est délivré de plein droit : (...) 5) Au ressortissant algérien, qui n'entre pas dans les catégories précédentes ou dans celles qui ouvrent droit au regroupement familial, dont les liens personnels et familiaux en France sont tels que le refus d'autoriser son séjour porterait à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée au regard des motifs du refus (...) " ; que Mme A...ne démontre pas par les pièces qu'elle produit résider en France de manière habituelle depuis le 31 mars 2009 comme elle l'allègue ; qu'elle ne justifie pas de la régularité du séjour en France de son époux, ressortissant italien ; qu'elle ne démontre pas avoir transféré en France le centre de ses intérêts privés et familiaux, malgré la naissance et la scolarisation de son fils, âgé de trois ans à la date de la décision contestée, dans ce pays ; qu'elle n'est pas dépourvue de toute attache en Algérie, pays dont elle a la nationalité, ou en Italie, dont les autorités lui ont délivré un titre de séjour valable du 8 novembre 2006 au 1er novembre 2011 ; que dans ces conditions, il ne ressort pas des pièces du dossier que la décision du préfet aurait porté au droit de la requérante au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée aux buts en vue desquels elle a été prise ;

8. Considérant, en quatrième lieu, que Mme A...doit être regardée, en s'étant prévalue dans sa demande du 13 janvier 2015 du statut de citoyen de l'Union européenne de son époux, comme ayant invoqué le bénéfice des dispositions de l'article L. 121-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ; qu'aux termes de l'article L. 121-1 du même code : " Sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, tout citoyen de l'Union européenne (...) a le droit de séjourner en France pour une durée supérieure à trois mois s'il satisfait à l'une des conditions suivantes : 1° S'il exerce une activité professionnelle en France; 2° S'il dispose pour lui et pour les membres de sa famille tels que visés au 4° de ressources suffisantes afin de ne pas devenir une charge pour le système d'assistance sociale, ainsi que d'une assurance maladie ; 3° S'il est inscrit dans un établissement fonctionnant conformément aux dispositions législatives et réglementaires en vigueur pour y suivre à titre principal des études ou, dans ce cadre, une formation professionnelle, et garantit disposer d'une assurance maladie ainsi que de ressources suffisantes pour lui et pour les membres de sa famille tels que visés au 5° afin de ne pas devenir une charge pour le système d'assistance sociale ; 4° S'il est un descendant direct âgé de moins de vingt et un ans ou à charge, ascendant direct à charge, conjoint, ascendant ou descendant direct à charge du conjoint, accompagnant ou rejoignant un ressortissant qui satisfait aux conditions énoncées aux 1° ou 2° ;5° S'il est le conjoint ou un enfant à charge accompagnant ou rejoignant un ressortissant qui satisfait aux conditions énoncées au 3° " ; qu'aux termes de l'article L. 121-3 du même code : " Sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, le membre de famille visé aux 4° ou 5° de l'article L. 121-1 selon la situation de la personne qu'il accompagne ou rejoint, ressortissant d'un Etat tiers, a le droit de séjourner sur l'ensemble du territoire français pour une durée supérieure à trois mois. S'il est âgé de plus de dix-huit ans ou d'au moins seize ans lorsqu'il veut exercer une activité professionnelle, il doit être muni d'une carte de séjour. Cette carte, dont la durée de validité correspond à la durée de séjour envisagée du citoyen de l'Union dans la limite de cinq années, porte la mention : "carte de séjour de membre de la famille d'un citoyen de l'Union". Sauf application des mesures transitoires prévues par le traité d'adhésion à l'Union européenne de l'Etat dont il est ressortissant, cette carte donne à son titulaire le droit d'exercer une activité professionnelle " ;

9. Considérant qu'il résulte de la combinaison de ces dispositions que le conjoint d'un ressortissant de l'Union européenne résidant en France peut bénéficier d'une carte de séjour en qualité de membre de famille, à condition que ce ressortissant exerce une activité professionnelle ou dispose, pour lui et les membres de sa famille, de ressources suffisantes, ces deux conditions relatives à l'activité professionnelle et aux ressources étant alternatives et non cumulatives; qu'il résulte également de ces dispositions combinées que le ressortissant d'un Etat tiers ne dispose d'un droit au séjour en France en qualité de conjoint d'un ressortissant de l'Union européenne que dans la mesure où son conjoint remplit lui-même les conditions fixées au 1° ou au 2° de l'article L. 121-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ; que Mme A...ne justifie ni même n'allègue que son époux, citoyen italien, serait en situation régulière au regard du séjour en France ; qu'elle ne peut dès lors se prévaloir de la méconnaissance des dispositions de l'article L. 121-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

10. Considérant, en cinquième et dernier lieu, qu'aux termes du paragraphe 1 de l'article 3 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant du 26 janvier 1990 : " Dans toutes les décisions qui concernent les enfants, qu'elles soient le fait des institutions publiques ou privées de protection sociale, des tribunaux, des autorités administratives ou des organes législatifs, l'intérêt supérieur de l'enfant doit être une considération primordiale " ; qu'il ne ressort pas des pièces du dossier que l'intérêt supérieur de son fils ferait obstacle à ce que la requérante reparte, avec lui et son époux, en Italie ou en Algérie ; que le préfet n'a ainsi pas méconnu les stipulations précitées de la convention internationale relative aux droits de l'enfant en refusant de l'admettre au séjour, malgré la naissance et la scolarisation de son fils en France ;

11. Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que les conclusions de Mme A... tendant à l'annulation de la décision du préfet de Vaucluse du 25 juin 2015 doivent être rejetées ; que ses conclusions aux fins d'injonction et d'astreinte, ainsi que celles présentées au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991, doivent être rejetées par voie de conséquence ; qu'il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre une somme à la charge de Mme A...au profit de l'Etat au titre de ces dispositions du code de justice administrative ;

D É C I D E :

Article 1er : Le jugement du 7 décembre 2017 du tribunal administratif de Nîmes est annulé.

Article 2 : Il n'y a pas lieu de statuer sur les conclusions de Mme A...tendant à l'annulation de la décision du 19 mai 2015.

Article 3 : Le surplus de la demande présentée par Mme A...devant le tribunal administratif de Nîmes et le surplus de sa requête sont rejetés.

Article 4 : Les conclusions de l'Etat présentées en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées

Article 5 : Le présent arrêt sera notifié à Mme C...B...épouseA..., à Me E...et au ministre de l'intérieur.

Copie en sera adressée au préfet de Vaucluse.

Délibéré après l'audience du 28 juin 2018, où siégeaient :

- M. Barthez, président-assesseur, présidant la formation de jugement en application de l'article R. 222-26 du code de justice administrative,

- MmeF..., première conseillère,

- Mme Duran-Gottschalk, première conseillère.

Lu en audience publique, le 12 juillet 2018.

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N° 18MA00786


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Marseille
Formation : 2ème chambre - formation à 3
Numéro d'arrêt : 18MA00786
Date de la décision : 12/07/2018
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

335-01-03 Étrangers. Séjour des étrangers. Refus de séjour.


Composition du Tribunal
Président : M. BARTHEZ
Rapporteur ?: Mme Karine DURAN-GOTTSCHALK
Rapporteur public ?: Mme CHAMOT
Avocat(s) : BRUNA-ROSSO

Origine de la décision
Date de l'import : 07/08/2018
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.marseille;arret;2018-07-12;18ma00786 ?
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