Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
M. C... A... a demandé au tribunal administratif de Marseille d'annuler l'arrêté du 23 juin 2016 par lequel le préfet des Bouches-du-Rhône l'a obligé à quitter le territoire français dans le délai de trois mois et a fixé le pays de destination.
Par un jugement n° 16010307 du 13 mars 2017, le tribunal administratif de Marseille a rejeté sa demande.
Procédure devant la Cour :
Par une requête, enregistrée le 1er août 2017, M. A..., représenté par Me B..., demande à la Cour :
1°) de réformer le jugement du tribunal administratif de Marseille du 13 mars 2017 ;
2°) d'annuler l'arrêté du préfet des Bouches-du-Rhône du 23 juin 2016 ;
3°) d'enjoindre au préfet des Bouches-du-Rhône de lui délivrer une autorisation provisoire de séjour dans l'attente du réexamen de sa situation par le préfet du Gard ;
4°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 1 500 euros à verser à son conseil sur le fondement des articles 37 de la loi du 10 juillet 1991 et L. 761-1 du code de justice administrative.
Il soutient que :
- les premiers juges ont commis une erreur en ce qui concerne la durée du délai de départ volontaire ;
- la décision portant obligation de quitter le territoire français a été prise en méconnaissance des stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation ;
- en l'obligeant à quitter le territoire français, le préfet a méconnu les stipulations des articles 3-1 et 9 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant.
Par un mémoire en défense, enregistré le 6 juin 2018, le préfet des Bouches-du-Rhône conclut au rejet de la requête.
Il soutient que les moyens soulevés par M. A... ne sont pas fondés.
Par une lettre du 7 juin 2018, les parties ont été informées, en application des dispositions de l'article R. 611-7 du code de justice administrative, de ce que l'arrêt était susceptible d'être fondé sur un moyen relevé d'office, tiré de la substitution de base légale de la décision attaquée, celle-ci trouvant son fondement légal non sur le 1° du I de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, mais sur le 2°.
Par un mémoire, enregistré le 18 juin 2018, M. A... a répondu au moyen soulevé d'office.
M. A... a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par décision du 19 juin 2017.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la convention internationale des droits de l'enfant signée à New-York le 26 janvier 1990 ;
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique ;
- le code de justice administrative.
Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme Mastrantuono,
- et les observations de Me B..., représentant M. A....
1. Considérant que M. A..., né en 1983, de nationalité comorienne, relève appel du jugement en date du 13 mars 2017 par lequel le tribunal administratif de Marseille a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du 23 juin 2016 par lequel le préfet des Bouches-du-Rhône l'a obligé à quitter le territoire français dans un délai de trois mois et a fixé le pays de destination ;
Sur la régularité du jugement :
2. Considérant qu'aux termes de l'article R. 741-11 du code de justice administrative : " (...) Lorsqu'une partie signale au président du tribunal administratif ou de la cour administrative d'appel l'existence d'une erreur ou d'une omission matérielle entachant une décision, et lui demande d'user des pouvoirs définis au premier alinéa, cette demande est, sauf dans le cas mentionné au deuxième alinéa, sans influence sur le cours du délai d'appel ou de recours en cassation ouvert contre cette décision " ;
3. Considérant que si le tribunal a mentionné que l'arrêté portait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours, alors que ce délai était de trois mois, cette simple erreur matérielle n'est pas de nature à entacher d'irrégularité le jugement en cause, dont M. A... pouvait d'ailleurs demander la rectification sur le fondement de l'article R. 741-11 du code de justice administrative ;
Sur le bien-fondé du jugement :
4. Considérant, en premier lieu, qu'aux termes du I de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " L'autorité administrative peut obliger à quitter le territoire français un étranger non ressortissant d'un Etat membre de l'Union européenne, d'un autre Etat partie à l'accord sur l'Espace économique européen ou de la Confédération suisse et qui n'est pas membre de la famille d'un tel ressortissant au sens des 4° et 5° de l'article L. 121 1, lorsqu'il se trouve dans l'un des cas suivants : / 1° Si l'étranger ne peut justifier être entré régulièrement sur le territoire français, à moins qu'il ne soit titulaire d'un titre de séjour en cours de validité ; / 2° Si l'étranger s'est maintenu sur le territoire français au-delà de la durée de validité de son visa ou, s'il n'est pas soumis à l'obligation du visa, à l'expiration d'un délai de trois mois à compter de son entrée sur le territoire sans être titulaire d'un premier titre de séjour régulièrement délivré (...) " ;
5. Considérant que, contrairement à ce qu'indiquent les motifs de l'arrêté attaqué, M. A..., entré en France le 19 novembre 2011 muni d'un visa de court séjour, justifie ainsi être entré régulièrement en France ; que le préfet des Bouches-du-Rhône ne lui imputant aucune autre entrée irrégulière en France, l'obligation de quitter le territoire français ne pouvait être prise sur le fondement des dispositions précitées du 1° du I de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
6. Considérant, toutefois, que lorsqu'il constate que la décision contestée devant lui aurait pu être prise, en vertu du même pouvoir d'appréciation, sur le fondement d'un autre texte que celui dont la méconnaissance est invoquée, le juge de l'excès de pouvoir peut substituer ce fondement à celui qui a servi de base légale à la décision attaquée, sous réserve que l'intéressé ait disposé des garanties dont est assortie l'application du texte sur le fondement duquel la décision aurait dû être prononcée ; qu'une telle substitution relevant de l'office du juge, celui-ci peut y procéder de sa propre initiative, au vu des pièces du dossier, mais sous réserve, dans ce cas, d'avoir au préalable mis les parties à même de présenter des observations sur ce point ;
7. Considérant qu'en l'espèce, la décision attaquée, motivée par l'irrégularité du séjour de M. A..., trouve son fondement légal dans les dispositions du 2° du I du même article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile qui peuvent être substituées à celles du 1° dès lors, en premier lieu, que, s'étant maintenu sur le territoire français plus de trois mois après son entrée sans être titulaire d'un premier titre de séjour régulièrement délivré, M. A... se trouvait dans la situation où, en application du 2° du I de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, le préfet pouvait décider qu'il serait obligé de quitter le territoire français, en deuxième lieu, que cette substitution de base légale n'a pour effet de priver l'intéressé d'aucune garantie et, en troisième lieu, que l'administration dispose du même pouvoir d'appréciation pour appliquer l'une ou l'autre de ces deux dispositions ;
8. Considérant, en deuxième lieu, qu'aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1. Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance. / 2. Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui (...) " ;
9. Considérant que M. A... soutient qu'il réside en France depuis 2011, qu'il y travaille depuis le mois de février 2013, qu'il vit depuis 2015 avec une compatriote titulaire d'une carte de séjour temporaire, avec laquelle il avait le projet de se marier avant l'arrêté en litige, et que leur fille Imane, qu'il a reconnue par anticipation le 9 mai 2016, est née le 26 août 2016 ; que, toutefois, tant la naissance de la fille de M. A... que son mariage avec la mère de l'enfant sont postérieurs à la date de l'arrêté en litige, et les documents produits par le requérant ne sont pas de nature à démontrer l'existence d'un concubinage antérieur au mois d'octobre 2015 ; que M. A... ne démontre par ailleurs pas être dépourvu d'autres attaches familiales dans son pays d'origine, où il a vécu jusqu'à l'âge de vingt-huit ans ; que dans ces conditions, et alors même que M. A... justifie d'une intégration professionnelle, l'arrêté contesté n'a pas porté à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée aux buts en vue desquels il a été pris et ne méconnaît donc pas les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ; que, pour les mêmes motifs, le préfet n'a pas commis d'erreur manifeste d'appréciation de la situation personnelle de l'intéressé ;
10. Considérant, en troisième lieu, qu'aux termes de l'article 3-1 de la convention internationale des droits de l'enfant du 26 janvier 1990 : " Dans toutes les décisions qui concernent les enfants, qu'elles soient le fait d'institutions publiques ou privées de protection sociale, des tribunaux, des autorités administratives ou des organes législatifs, l'intérêt supérieur de l'enfant doit être une considération primordiale " ; qu'il résulte de ces stipulations que, dans l'exercice de son pouvoir d'appréciation, l'autorité administrative doit accorder une attention primordiale à l'intérêt supérieur des enfants dans toutes les décisions les concernant ;
11. Considérant qu'ainsi qu'il a été dit au point 9, la fille de M. A... est née postérieurement à la décision attaquée ; qu'en tout état de cause, M. A... n'allègue aucune circonstance qui ferait obstacle à l'installation de l'ensemble de la cellule familiale aux Comores ; que, par suite, le préfet des Bouches-du-Rhône n'a pas méconnu les stipulations précitées de la convention internationale relative aux droits de l'enfant ;
12. Considérant, en dernier lieu, que si M. A... invoque également la violation de l'article 9 de la convention du 26 janvier 1990 relative aux droits de l'enfant, ses stipulations créent seulement des obligations entre Etats sans ouvrir de droits aux intéressés et ne peuvent donc être utilement invoquées ;
13. Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que M. A... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Marseille a rejeté sa demande ;
Sur les conclusions à fin d'injonction :
14. Considérant que le présent arrêt, qui rejette les conclusions à fin d'annulation présentées par M. A..., n'implique aucune mesure d'exécution ; qu'il y a lieu par suite de rejeter les conclusions à fin d'injonction présentées par le requérant ;
Sur les conclusions tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 :
15. Considérant que ces dispositions font obstacle à ce que l'Etat, qui n'est pas dans la présente instance la partie perdante, verse à M. A... les sommes qu'il demande au titre des frais exposés par lui et non compris dans les dépens ;
D É C I D E :
Article 1er : La requête de M. A... est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. C... A..., à Me B... et au ministre d'Etat, ministre de l'intérieur.
Copie en sera adressée au préfet des Bouches-du-Rhône.
Délibéré après l'audience du 19 juin 2018, où siégeaient :
- M. Antonetti, président,
- Mme Chevalier-Aubert, président assesseur,
- Mme Mastrantuono, premier conseiller.
Lu en audience publique, le 3 juillet 2018.
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N° 17MA03455
nc