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29/06/2018 | FRANCE | N°16MA01826

France | France, Cour administrative d'appel de Marseille, 7ème chambre - formation à 3, 29 juin 2018, 16MA01826


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La société Cydel à demandé au tribunal administratif de Montpellier d'annuler la délibération du 20 janvier 2014 par laquelle le conseil général des Pyrénées-Orientales a approuvé le plan de prévention et de gestion des déchets non dangereux.

Par un jugement n° 1401316 du 8 mars 2016, le tribunal administratif de Montpellier a fait droit à cette demande.

Procédure devant la Cour :

Par une requête, enregistrée le 4 mai 2016 sous le n° 16MA01826, le département des Pyrénées-

Orientales, représenté par Me B..., demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement du tribunal adminis...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La société Cydel à demandé au tribunal administratif de Montpellier d'annuler la délibération du 20 janvier 2014 par laquelle le conseil général des Pyrénées-Orientales a approuvé le plan de prévention et de gestion des déchets non dangereux.

Par un jugement n° 1401316 du 8 mars 2016, le tribunal administratif de Montpellier a fait droit à cette demande.

Procédure devant la Cour :

Par une requête, enregistrée le 4 mai 2016 sous le n° 16MA01826, le département des Pyrénées-Orientales, représenté par Me B..., demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement du tribunal administratif de Montpellier n° 1401316 du 8 mars 2016 ;

2°) de mettre à la charge de la société Cydel la somme de 2.000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que :

- la société Cydel ne justifie pas d'un intérêt à agir ;

- l'inventaire prospectif ne méconnait pas les dispositions de l'article R. 541-14 du code de l'environnement ;

- il n'a pas excédé sa compétence en interdisant l'utilisation des mâchefers en technique routière sur la nappe plio-quaternaire de la plaine du Roussillon.

Par un mémoire en défense, enregistré le 19 janvier 2017, la société Cydel représentée par Me A..., conclut au rejet de la requête et demande à ce que soit mise à la charge du conseil départemental des Pyrénées-Orientales une somme de 4 000 euros au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle fait valoir qu'aucun des moyens n'est fondé.

Par ordonnance du 30 août 2017, la clôture d'instruction immédiate a été fixée au 30 août 2017.

Un mémoire, présenté pour le département des Pyrénées-Orientales, a été enregistré le 17 mai 2018, postérieurement à la clôture d'instruction, et n'a pas été communiqué.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code de l'environnement ;

- l'arrêté ministériel du 18 novembre 2011 relatif au recyclage en technique routière des mâchefers d'incinération de déchets non dangereux ;

- le code de justice administrative.

La présidente de la Cour a désigné M. Georges Guidal, président assesseur, pour présider la formation de jugement en application de l'article R. 222-26 du code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. Maury, premier conseiller,

- les conclusions de M. Chanon, rapporteur public,

- et les observations de Me C..., représentant le département des Pyrénées-Orientales et de Me D..., représentant la société Cydel.

Considérant ce qui suit :

1. Après une enquête publique qui s'est déroulée du 14 octobre au 15 novembre 2013, le conseil général des Pyrénées-Orientales a, par délibération du 20 janvier 2014, approuvé le plan de prévention et de gestion des déchets non dangereux des Pyrénées-Orientales. La société Cydel, à qui le syndicat départemental de transport, de traitement et de valorisation des déchets a délégué le service public de traitement des déchets, a demandé au Tribunal administratif de Montpellier l'annulation de cette délibération, qui par jugement du 8 mars 2016 lui a donné satisfaction. Le département des Pyrénées-Orientales relève appel de ce jugement.

Sur la recevabilité de la demande de première instance :

2. La Société Cydel qui est délégataire du syndicat départemental de transport de traitement et de valorisation des ordures ménagères qui est compétent pour le traitement des déchets pour l'ensemble du département des Pyrénées-Orientales a contesté en cette qualité le plan de prévention et de gestion des déchets non dangereux des Pyrénées-Orientales. Ce plan prévoit que : " en application du principe de précaution l'utilisation des mâchefers en techniques routières sera exclue sur le territoire concerné par la nappe plio-quaternaire de la plaine du Roussillon ". La société Cydel qui est producteur de mâchefers valorisables, justifie ainsi d'un intérêt suffisant pour agir à l'encontre de la délibération en litige. Par suite, le département des Pyrénées-Orientales n'est pas fondé à soutenir que la demande de première instance n'était pas recevable en tant que la société Cydel n'aurait pas justifié de son intérêt à agir.

Sur le bien-fondé du jugement :

3. Aux termes de l'article R. 541-14 du code de l'environnement : Les plans de prévention et de gestion des déchets non dangereux, qui excluent les déchets issus de chantiers du bâtiment et des travaux publics couverts par les plans prévus à l'article L. 541-14-1, sont composés de : (...) / III.-Une planification de la gestion des déchets non dangereux qui fixe : / 1° Un inventaire prospectif à horizon de six ans et à horizon de douze ans des quantités de déchets non dangereux à traiter selon leur origine et leur type en intégrant les mesures de prévention et les évolutions démographiques et économiques prévisibles (...) ".

4. Le point de départ des échéances de six et douze ans prévues par les dispositions précitées de l'article R. 541-14 du code de l'environnement doit être fixé à la date à laquelle le plan est approuvé par délibération du conseil général et non, comme le soutient le département des Pyrénées-Orientales, à la date à laquelle il a mis en révision le plan départemental d'élimination des déchets ménagers et assimilés. Il ressort des pièces du dossier que le plan approuvé a retenu les échéances des années 2016 et 2022, au lieu de 2020 et 2026. En procédant ainsi, le conseil général des Pyrénées-Orientales a méconnu les dispositions de l'article R. 541-14 du code de l'environnement. Par suite, sa délibération du 20 janvier 2014 est entachée d'illégalité. L'erreur de droit ainsi commise n'est pas au nombre des irrégularités qui pourraient être neutralisées. Par suite, si le département soutient que l'absence d'inventaire prospectif à l'horizon de douze ans n'a pu exercer une influence sur le sens de sa décision d'approuver le plan, cette circonstance, à la supposer établie, est sans incidence. Au demeurant, eu égard à l'objet même d'un plan de prévention et de gestion des déchets non dangereux, l'absence d'inventaires prospectifs aux échéances prévues par le code de l'environnement a nécessairement eu un impact sur le plan lui-même.

5. Aux termes de l'article L. 541-14 du code de l'environnement, dans sa rédaction alors en vigueur : " " I.-Chaque département est couvert par un plan départemental ou interdépartemental de prévention et de gestion des déchets non dangereux. (...) / II.-Pour atteindre les objectifs visés à l'article L. 541-1, le plan : / 1° Dresse l'inventaire des types, des quantités et des origines des déchets non dangereux, produits et traités, et des installations existantes appropriées ; / 2° Recense les délibérations des personnes morales de droit public responsables du traitement des déchets entérinant les choix d'équipements à modifier ou à créer, la nature des traitements retenus et leurs localisations. Ces choix sont pris en compte par le plan départemental dans la mesure où ils contribuent aux objectifs définis à l'article 46 de la loi n° 2009-967 du 3 août 2009 de programmation relative à la mise en oeuvre du Grenelle de l'environnement ; / 2° bis Recense les programmes locaux de prévention des déchets ménagers et assimilés mis en oeuvre par les collectivités territoriales responsables de la collecte ou du traitement des déchets ménagers et assimilés ; / 3° Enonce les priorités à retenir compte tenu notamment des évolutions démographiques et économiques prévisibles. Dans ce contexte, le plan : / a) Fixe des objectifs de prévention des déchets ; / b) Fixe des objectifs de tri à la source, de collecte sélective, notamment des biodéchets, et de valorisation de la matière ; / c) Fixe une limite aux capacités annuelles d'incinération et de stockage des déchets, en fonction des objectifs mentionnés aux a et b. Cette limite doit être cohérente avec l'objectif d'un dimensionnement des outils de traitement des déchets par stockage ou incinération correspondant à 60 % au plus des déchets produits sur le territoire. Cette limite s'applique lors de la création de toute nouvelle installation d'incinération ou de stockage des déchets ainsi que lors de l'extension de capacité d'une installation existante ou lors d'une modification substantielle de la nature des déchets admis dans une telle installation. Cette disposition peut faire l'objet d'adaptations définies par décret pour les départements d'outre-mer et la Corse ; / d) Enonce les priorités à retenir pour la valorisation des composts issus des déchets organiques. Ces priorités sont mises à jour chaque année en concertation avec la commission consultative visée au VI ; / e) Prévoit les conditions permettant d'assurer la gestion des déchets dans des situations exceptionnelles, notamment celles susceptibles de perturber la collecte et le traitement des déchets, sans préjudice des dispositions relatives à la sécurité civile ; / II bis.-Le plan peut prévoir pour certains types de déchets non dangereux spécifiques la possibilité pour les producteurs et les détenteurs de déchets de déroger à la hiérarchie des modes de traitement des déchets définie à l'article L. 541-1, en la justifiant compte tenu des effets sur l'environnement et la santé humaine, et des conditions techniques et économiques ; / III.-Le plan peut tenir compte, en concertation avec les départements limitrophes, des besoins et des capacités des zones voisines hors de son périmètre d'application et des propositions de coopération intercommunale afin de prendre en compte les bassins de vie. Il privilégie les modes alternatifs pour le transport des déchets, par voie fluviale ou ferrée. / IV.-Il prévoit obligatoirement, parmi les priorités qu'il retient, des installations de stockage de déchets non dangereux. / V.-Le projet de plan est élaboré à l'initiative et sous la responsabilité du président du conseil général (...) Les collectivités territoriales ou leurs groupements exerçant la compétence de collecte ou de traitement des déchets (...) sont associés à son élaboration. / VI.-Il est établi en concertation avec une commission consultative d'élaboration et de suivi composée de représentants des communes et de leurs groupements, du conseil général, de l'Etat, des organismes publics intéressés, des professionnels concernés, des associations agréées de protection de l'environnement et des associations agréées de consommateurs (...) / VII.-Le projet de plan est soumis pour avis au représentant de l'Etat dans le département, à la commission départementale compétente en matière d'environnement, de risques sanitaires et technologiques ainsi qu'aux conseils généraux des départements limitrophes. (...) Le projet de plan est également soumis pour avis aux groupements compétents en matière de déchets et, lorsqu'elles n'appartiennent pas à un tel groupement, aux communes, concernés par ce plan. Il peut être modifié pour tenir compte de ces avis, qui sont réputés favorables s'ils n'ont pas été formulés dans un délai de trois mois à compter de la réception du projet. (...) / VIII.-Le projet de plan est alors soumis à enquête publique réalisée conformément au chapitre III du titre II du livre Ier du présent code, puis approuvé par délibération du conseil général (...) " et aux termes de l'article R. 541-14 du même code : " Les plans de prévention et de gestion des déchets non dangereux prévus à l'article L. 541-14 ont pour objet de coordonner l'ensemble des actions qui sont entreprises tant par les pouvoirs publics que par les organismes privés en vue d'assurer la réalisation des objectifs définis aux articles L. 541-1, L. 541-2 et L. 541-2-1. Ils sont établis dans les conditions et selon les modalités définies à la présente sous-section ".

6. Il résulte des dispositions combinées précitées que les plans de prévention et de gestion des déchets non dangereux doivent procéder au recensement des documents d'orientation et des programmes des personnes morales de droit public et de leurs concessionnaires dans le domaine des déchets. Ils doivent également énoncer les priorités à retenir pour la création d'installations nouvelles, et peuvent indiquer les secteurs géographiques les mieux adaptés à cet effet. Toutefois, un tel plan ne peut, sans méconnaître les règles de compétence fixées par le code de l'environnement et ses textes d'application, introduire une mesure d'interdiction de l'utilisation des mâchefers en technique routière sur une partie du territoire départemental.

7. Ainsi, en prévoyant, l'interdiction de l'utilisation des mâchefers en technique routière sur la nappe plio-quaternaire de la Plaine du Roussillon, les dispositions du plan de prévention et de gestion des déchets non dangereux des Pyrénées-Orientales régional ont ajouté une nouvelle règle de fond à celles prévues par l'arrêté ministériel du 18 novembre 2011 relatif au recyclage en technique routière des mâchefers d'incinération de déchets non dangereux et, ce faisant, ont méconnu les règles de compétence fixées par le code de l'environnement et ses textes d'application. Est à cet égard sans incidence la circonstance qu'est dévolue au département une compétence propre en matière d'exploitation et d'entretien de la voirie départementale. La délibération en litige est ainsi entachée d'une seconde illégalité.

8. Il résulte de tout ce qui précède que le département des Pyrénées-Orientales n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Montpellier a annulé sa délibération du 20 janvier 2014, approuvant le plan de prévention et de gestion des déchets non dangereux des Pyrénées-Orientales.

Sur les frais liés au litige :

9. Aux termes de l'article L. 761-1 du code de justice administrative : " Dans toutes les instances, le juge condamne la partie tenue aux dépens ou, à défaut, la partie perdante, à payer à l'autre partie la somme qu'il détermine, au titre des frais exposés et non compris dans les dépens. Le juge tient compte de l'équité ou de la situation économique de la partie condamnée. Il peut, même d'office, pour des raisons tirées des mêmes considérations, dire qu'il n'y a pas lieu à cette condamnation. ".

10. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de la société Cydel, qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance, la somme que le département des Pyrénées-Orientales demande au titre des frais exposés et non compris dans les dépens. Il y a lieu, en revanche, de faire application de ces dispositions et de mettre à la charge du département des Pyrénées-Orientales une somme de 2 000 euros au titre des frais exposés par la société Cydel et non compris dans les dépens.

D É C I D E :

Article 1er : La requête du département des Pyrénées-Orientales est rejetée.

Article 2 : Le département des Pyrénées-Orientales versera à la société Cydel une somme de 2 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à la société Cydel et au département des Pyrénées-Orientales.

Copie en sera adressée au préfet des Pyrénées-Orientales.

Délibéré après l'audience du 15 juin 2018, à laquelle siégeaient :

- M. Guidal, président assesseur, président de la formation de jugement en application de l'article R. 222-26 du code de justice administrative,

- M. Maury, premier conseiller,

- M. Coutier, premier conseiller.

Lu en audience publique le 29 juin 2018.

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N°16MA01826

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Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Marseille
Formation : 7ème chambre - formation à 3
Numéro d'arrêt : 16MA01826
Date de la décision : 29/06/2018
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

44-035 Nature et environnement.


Composition du Tribunal
Président : M. GUIDAL
Rapporteur ?: M. André MAURY
Rapporteur public ?: M. CHANON
Avocat(s) : SCP CHARREL et ASSOCIES

Origine de la décision
Date de l'import : 10/07/2018
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.marseille;arret;2018-06-29;16ma01826 ?
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