Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
L'Office national d'indemnisation des accidents médicaux, des affections iatrogènes et des infections nosocomiales (ONIAM) a demandé au tribunal administratif de Montpellier de condamner solidairement le centre hospitalier régional universitaire de Montpellier et la Société hospitalière d'assurance mutuelle (SHAM) à lui payer la somme de 58 930,13 euros en remboursement des sommes qu'il a versées à la victime et à ses ayants droit ainsi que des frais de l'expertise diligentée par la CRCI pour un montant de 700 euros et une pénalité de 8 839 euros. La caisse primaire d'assurance maladie du Tarn, venant aux droits de la caisse primaire d'assurance maladie de l'Aveyron, a demandé au tribunal de condamner le centre hospitalier régional universitaire de Montpellier et la SHAM à lui payer la somme de 67 218,07 euros.
Par un jugement n° 1204204 du 3 juin 2014, le tribunal administratif de Montpellier a ordonné avant dire droit une expertise médicale.
Par un jugement n° 1204204 du 25 novembre 2015, le tribunal administratif de Montpellier a condamné solidairement le centre hospitalier régional universitaire de Montpellier et la SHAM à payer à l'ONIAM la somme de 48 353,74 euros et a rejeté le surplus de sa demande. Le tribunal, avant de statuer sur les conclusions de la caisse primaire d'assurance maladie du Tarn, a rouvert l'instruction afin de communiquer aux autres parties les pièces que l'organisme de sécurité sociale avait produites après l'audience.
Procédure devant la Cour :
Par une requête et un mémoire, enregistrés le 22 janvier 2016 et le 15 décembre 2017, l'ONIAM, représenté par Me de la Grange, demande à la Cour :
1°) de réformer le jugement du 25 novembre 2015 par lequel le tribunal administratif de Montpellier a limité à la somme de 48 353,74 euros l'indemnité au versement de laquelle il a condamné solidairement le centre hospitalier régional universitaire de Montpellier et la SHAM en remboursement des sommes qu'il a versées à la victime et à ses ayants droit et a rejeté sa demande de condamnation des défendeurs à verser la pénalité prévue par l'article L. 1142-15 du code de la santé publique ;
2°) de porter à la somme de 58 930,13 euros le montant de l'indemnité due solidairement par le centre hospitalier et la SHAM et de les condamner solidairement à lui payer la somme de 8 839 euros au titre de la pénalité prévue par l'article L. 1142-15 du code de la santé publique ainsi que les frais d'expertise exposés devant la CRCI et le tribunal administratif pour des montants respectifs de 700 et 1 800 euros, ainsi que les intérêts au taux légal à compter de la date de réception de la demande préalable indemnitaire ;
3°) de mettre à la charge des défendeurs la somme de 3 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Il soutient que :
- en n'hospitalisant pas la patiente dès le 25 février 2005, le service mobile d'urgence et de réanimation (SMUR) a commis une faute ;
- le taux de perte de chance doit être porté à 75 % ;
- il a droit au remboursement dans cette mesure des sommes qu'il a versées à la victime puis à ses ayants droit.
Par un mémoire, enregistré le 14 mars 2016, la caisse primaire d'assurance maladie du Tarn, venant aux droits de la caisse primaire d'assurance maladie de l'Aveyron, demande à la cour de condamner solidairement le centre hospitalier régional universitaire de Montpellier et la SHAM à lui payer les sommes de 67 218,07 euros et 1 037 euros au titre de l'indemnité forfaitaire de gestion, ainsi que les intérêts au taux légal et la capitalisation de ces intérêts, et la somme de 800 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient qu'elle est fondée à demander la condamnation du tiers responsable à lui rembourser les sommes versées à son assurée.
Par un mémoire en défense, enregistré le 6 novembre 2017, le centre hospitalier régional universitaire de Montpellier et la SHAM demandent à la cour :
1°) de rejeter la requête ;
2°) par la voie de l'appel incident :
- d'annuler le jugement du tribunal administratif de Montpellier en tant qu'il les a solidairement condamnés à verser à l'office la somme de 48 353,74 euros ;
- de rejeter les demandes présentées par l'office devant le tribunal administratif de Montpellier.
Ils soutiennent que :
- le SMUR n'a commis aucune faute à l'occasion de son intervention du 25 février 2005 ;
- la perte de chance a été surévaluée par les experts et par le tribunal administratif et doit être ramenée à 40 % ;
- la perte de chance doit s'apprécier au regard du délai de 24 heures qui s'est écoulé entre la prise en charge par le SMUR et l'intervention du médecin traitant qui a examiné la patiente le 26 février et qui a lui-même commis une faute ;
- le tribunal ne pouvait les condamner à payer à l'ONIAM des sommes supérieures à celles que l'office avait versées ;
- la pénalité demandée par l'office n'est pas justifiée.
Les parties ont été informées, en application des dispositions de l'article R. 611-7 du code de justice administrative, de ce que l'arrêt était susceptible d'être fondé sur un moyen relevé d'office, tiré du défaut d'intérêt à agir de la caisse primaire d'assurance maladie contre le jugement avant dire droit du 25 novembre 2015 qu'elle conteste et qui n'a pas statué sur ses conclusions.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code de la santé publique ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme Duran-Gottschalk, rapporteure,
- les conclusions de Mme Chamot, rapporteure publique,
- et les observations de Me B...substituant Me de la Grange, représentant l'ONIAM.
1. Considérant que Mme A...a présenté le 25 février 2005 un malaise, des douleurs thoraciques, des nausées et vomissements ; que le SMUR a décidé le maintien de la patiente à domicile ; que le SAMU, intervenu le 27 février, a décidé d'hospitaliser MmeA... ; qu'un infarctus du myocarde antérieur étendu semi récent avec ischémie du pied droit sur embole a alors été diagnostiqué ; que l'état de la patiente s'est dégradé et qu'elle a dû être amputée de la jambe droite au tiers moyen le 15 mars 2005 ; que la CRCI saisie a ordonné une expertise ; qu'elle a retenu par un avis du 22 février 2007 la responsabilité du centre hospitalier régional universitaire de Montpellier ; que l'ONIAM s'est substitué à la SHAM, laquelle avait refusé d'indemniser la victime ; que deux protocoles transactionnels d'un montant respectif de 14 395,50 euros et de 44 534,63 euros ont été signés par la victime puis, cette dernière étant décédée le 24 juillet 2008, par ses ayants droit ; que le tribunal administratif, après avoir ordonné une expertise médicale par jugement du 3 juin 2014, a par jugement du 25 novembre 2015 condamné solidairement la SHAM et l'établissement de santé à payer à l'office la somme de 48 353,74 euros ; qu'il a enfin par jugement du 23 décembre 2015 condamné solidairement le centre hospitalier et la SHAM à payer à la caisse primaire d'assurance maladie du Tarn la somme de 33 609,03 euros ;
Sur la recevabilité de l'appel de la caisse primaire d'assurance maladie :
2. Considérant que la caisse primaire d'assurance maladie du Tarn n'est pas recevable à demander la réformation du jugement du 25 novembre 2015 qui ne statue pas sur sa créance, cette dernière ayant été fixée par jugement du 23 décembre 2015 qu'elle n'a pas contesté ; que ses conclusions doivent par suite être rejetées ;
Sur le bien-fondé du jugement :
3. Considérant qu'il résulte des dispositions de l'article L. 1142-15 du code de la santé publique que lorsque l'ONIAM s'est substitué à la personne responsable du dommage et que la victime a accepté son offre d'indemnisation, l'office est subrogé dans les droits de la victime à concurrence des sommes versées et est ainsi investi, dans cette limite, de tous les droits et actions que le subrogeant pouvait exercer ; que si l'offre ainsi acceptée vaut transaction opposable au responsable du dommage ou à son assureur, ces derniers disposent de la faculté de contester devant le juge tant le principe que le montant des indemnités allouées à la victime ; qu'il incombe au juge, saisi d'une action de l'ONIAM subrogé, à l'issue d'une transaction, dans les droits d'une victime à concurrence des sommes qu'il lui a versées, de déterminer si la responsabilité du professionnel ou de l'établissement de santé est engagée et, dans l'affirmative, d'évaluer les préjudices subis afin de fixer le montant des indemnités dues à l'office ; que lorsqu'il procède à cette évaluation, le juge n'est pas lié par le contenu de la transaction intervenue entre l'ONIAM et la victime ;
En ce qui concerne la responsabilité du centre hospitalier :
4. Considérant qu'il résulte de l'instruction, notamment des rapports des expertises ordonnées l'une par la CRCI, l'autre par le tribunal administratif de Montpellier, que même si le diagnostic était difficile à poser le 25 février 2005 s'agissant d'une patiente qui avait subi deux mois auparavant une lobectomie en raison d'un cancer et avait achevé quatre jours plus tôt une cure de chimiothérapie, les symptômes présentés - douleurs thoraciques, nausées et vomissements -, les résultats de l'électrocardiogramme montrant un discret sus décalage de ST antéro-septal, ainsi que les antécédents de la patiente, constitués notamment par une hypertension artérielle, une hypercholestérolémie et des problèmes cardiovasculaires, auraient dû conduire le SMUR à hospitaliser Mme A...pour surveillance et réalisation d'examens complémentaires ; que la faute commise portant en elle-même l'intégralité du dommage subi par la victime, le centre hospitalier et la SHAM ne peuvent utilement invoquer la faute du médecin généraliste libéral qui a examiné la patiente le 26 février ; que c'est donc à bon droit que le tribunal administratif a retenu la responsabilité du centre hospitalier, quand bien même le médecin du SMUR avait recueilli avant de prendre la décision de maintien de la patiente à domicile les avis du médecin traitant de cette dernière, du médecin régulateur et du médecin oncologue du centre hospitalier ;
En ce qui concerne la perte de chance :
5. Considérant que l'expert judiciaire, tout en fixant la perte de chance à 75 %, a indiqué que ce taux, difficile à évaluer, pouvait être discuté ; que ce taux doit être apprécié, contrairement à ce que soutiennent les défendeurs, au regard du délai de 48 heures qui s'est écoulé entre l'intervention du SMUR et l'hospitalisation de la patiente ; que c'est à bon droit que le tribunal administratif a estimé que la perte de chance pour Mme A...d'échapper aux séquelles en raison de la faute commise devait être fixée à 50 %, compte tenu de l'état antérieur de la patiente, qui aurait eu une influence sur la réussite des traitements envisageables, comportant eux-mêmes un taux d'échec non négligeable ;
En ce qui concerne les préjudices :
6. Considérant que, contrairement à ce que soutiennent le centre hospitalier et la SHAM, le juge n'est pas tenu par l'évaluation de chaque poste de préjudice réalisée par l'ONIAM et peut retenir un montant supérieur à celui de l'office, à concurrence de la somme totale que ce dernier a versée ;
7. Considérant, en premier lieu, que c'est par une juste appréciation que les premiers juges ont retenu la somme de 6 900 euros au titre des frais d'aménagement du domicile et celle de 58 065,48 euros au titre des frais d'assistance par tierce personne à raison d'un besoin de quatre heures par jour tous les jours, sur la base d'un coût horaire de 13 euros et sous déduction de l'allocation personnalisée d'autonomie ;
8. Considérant, en deuxième lieu, que le tribunal administratif a procédé à une évaluation qui n'est pas excessive des troubles dans les conditions d'existence ressentis par la victime durant les périodes d'hospitalisation du 27 février 2005 au 8 juillet 2005 en les réparant par la somme de 2 000 euros ;
9. Considérant, en troisième lieu, que la réparation des souffrances et du préjudice esthétique permanent, évalués par l'expert judiciaire respectivement à 4 sur 7 et 5 sur 7, doit être portée aux sommes de 6 000 euros et de 10 000 euros ;
10. Considérant, en quatrième lieu, que le tribunal administratif a suffisamment réparé le déficit fonctionnel permanent et le préjudice d'agrément en les évaluant aux sommes respectives de 13 000 euros et de 1 000 euros jusqu'au décès de la victime ;
11. Considérant, en cinquième et dernier lieu, que la victime a exposé la somme de 2 342 euros au titre de frais d'assistance à expertise ; qu'il convient d'allouer la totalité de cette somme à l'office, sans qu'il y ait lieu d'appliquer sur ce montant le taux de perte de chance ;
En ce qui concerne l'application des dispositions de l'article L. 1142-15 du code de la santé publique :
12. Considérant qu'aux termes de l'article L. 1142-15 du code de la santé publique : " (...) L'office est subrogé, à concurrence des sommes versées, dans les droits de la victime contre la personne responsable du dommage ou, le cas échéant, son assureur ou le fonds institué à l'article L. 426-1 du même code. Il peut en outre obtenir remboursement des frais d'expertise. En cas de silence ou de refus explicite de la part de l'assureur de faire une offre, ou lorsque le responsable des dommages n'est pas assuré, le juge, saisi dans le cadre de la subrogation, condamne, le cas échéant, l'assureur ou le responsable à verser à l'office une somme au plus égale à 15 % de l'indemnité qu'il alloue (...) " ;
13. Considérant, en premier lieu, que c'est à bon droit que le tribunal administratif a mis à la charge solidaire du centre hospitalier et de la SHAM les frais de l'expertise ordonnée par la CRCI, pour un montant de 700 euros ;
14. Considérant, en second lieu, que le rapport de l'expertise ordonnée par la CRCI ne met pas clairement en évidence que le SAMU relevant de l'établissement public de soins aurait commis une faute ; que dans ces circonstances, c'est à juste titre que le tribunal administratif n'a pas condamné la SHAM au versement à l'ONIAM d'une pénalité au titre des dispositions précitées de l'article L. 1142-15 du code de la santé publique ;
15. Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que l'ONIAM est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif a condamné le centre hospitalier régional universitaire de Montpellier et la SHAM à ne lui allouer que la somme de 48 353,74 euros ; que cette somme doit être portée à 51 524,74 euros ;
Sur les intérêts :
16. Considérant que le surplus d'indemnité accordé à l'office, d'un montant de 3 171 euros, portera intérêts au taux légal à compter du 26 octobre 2011 ;
Sur les dépens :
17. Considérant que si l'office réclame le remboursement des frais de l'expertise ordonnée par le tribunal administratif de Montpellier, il résulte du jugement contesté que ces frais ont été mis à la charge du centre hospitalier régional universitaire de Montpellier ; que sa demande doit ainsi être rejetée ;
Sur les frais liés au litige :
18. Considérant qu'il y a lieu, en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, de mettre à la charge du centre hospitalier et de la SHAM une somme de 2 500 euros au titre des frais, non compris dans les dépens, exposés par l'ONIAM ;
D É C I D E :
Article 1er : La somme de 48 353,74 euros que le centre hospitalier régional universitaire de Montpellier et la SHAM ont été solidairement condamnés à payer à l'ONIAM, par le jugement du 25 novembre 2015, est portée à 51 524,74 euros.
La somme de 3 171 euros portera intérêts au taux légal à compter du 26 octobre 2011.
Article 2 : Le jugement du 25 novembre 2015 du tribunal administratif de Montpellier est réformé en ce qu'il a de contraire au présent arrêt.
Article 3 : Le surplus des conclusions de la requête, les conclusions de la caisse primaire d'assurance maladie du Tarn et les conclusions du centre hospitalier régional universitaire de Montpellier et de la SHAM présentées par la voie de l'appel incident sont rejetés.
Article 4 : Le centre hospitalier régional universitaire de Montpellier et la SHAM verseront à l'ONIAM la somme de 2 500 euros en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 5 : Le présent arrêt sera notifié à l'Office national d'indemnisation des accidents médicaux, des affections iatrogènes et des infections nosocomiales, au centre hospitalier régional universitaire de Montpellier, à la SHAM, à la caisse primaire d'assurance maladie du Tarn et à la caisse primaire d'assurance maladie de l'Aveyron.
Délibéré après l'audience du 14 juin 2018, où siégeaient :
- M. Vanhullebus, président de chambre,
- M. Barthez, président assesseur,
- Mme Duran-Gottschalk, première conseillère.
Lu en audience publique, le 28 juin 2018.
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N° 16MA00256