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01/06/2018 | FRANCE | N°16MA02409

France | France, Cour administrative d'appel de Marseille, 7ème chambre - formation à 3, 01 juin 2018, 16MA02409


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La société civile familiale (SCF) Château de Campredon a demandé au tribunal administratif de Marseille, d'une part, d'annuler la décision implicite de rejet née du silence gardé par le ministre chargé des transports sur sa demande tendant à ce qu'il soit procédé à la délimitation du domaine public de la base aérienne des Milles au droit de la parcelle anciennement cadastrée G 85p et à la suppression d'ouvrages irrégulièrement édifiés, ainsi qu'au versement d'une somme de 50 000 euros à titre d

'indemnité de dépossession, d'autre part, d'enjoindre à l'Etat de supprimer les ouv...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La société civile familiale (SCF) Château de Campredon a demandé au tribunal administratif de Marseille, d'une part, d'annuler la décision implicite de rejet née du silence gardé par le ministre chargé des transports sur sa demande tendant à ce qu'il soit procédé à la délimitation du domaine public de la base aérienne des Milles au droit de la parcelle anciennement cadastrée G 85p et à la suppression d'ouvrages irrégulièrement édifiés, ainsi qu'au versement d'une somme de 50 000 euros à titre d'indemnité de dépossession, d'autre part, d'enjoindre à l'Etat de supprimer les ouvrages irrégulièrement édifiés sur cette parcelle et enfin de condamner l'Etat à lui verser la somme de 50 000 euros en réparation du préjudice lié à cette occupation irrégulière.

Par un jugement n° 1308352 du 21 avril 2016, le tribunal administratif de Marseille a rejeté la demande.

Procédure devant la Cour :

Par une requête, enregistrée le 17 juin 2016, la SCF Château de Campredon, représentée par Me C..., demande à la Cour :

1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Marseille du 21 avril 2016 ;

2°) à titre principal, d'annuler la décision implicite de rejet née du silence gardé par le ministre chargé des transports sur sa demande ;

3°) d'enjoindre à l'Etat de fixer les limites du domaine public au droit de la parcelle anciennement cadastrée G 85p, de mettre fin à l'emprise irrégulière sur cette parcelle et de supprimer les ouvrages qui y sont irrégulièrement implantés ;

4°) de condamner l'Etat à lui verser la somme de 50 000 euros en réparation du préjudice résultant de l'occupation irrégulière de cette parcelle ;

5°) à titre subsidiaire, de désigner un expert chargé de fixer les limites de la partie de l'ancienne parcelle G 85p lui appartenant et la partie qui a été expropriée en 1939 au profit de l'Etat ;

6°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 3 000 euros en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- l'administration était tenue de fixer la limite du domaine public aéronautique ;

- l'administration ne peut se prévaloir du plan de bornage du 7 juillet 1949 qui est dépourvue de valeur probante et n'emporte aucune présomption irréfragable de délimitation du domaine public ;

- ce plan n'a pas eu pour objet de borner au nord-ouest la parcelle G 85p ;

- l'Etat occupant illégalement sa propriété, elle a droit à être indemnisée de cette dépossession et de son préjudice moral.

Par un mémoire en défense, enregistré le 5 février 2018, le ministre de la transition écologique et solidaire conclut au rejet de la requête.

Il soutient que les moyens soulevés par la SCF Château de Campredon ne sont pas fondés.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code général de la propriété des personnes publique ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. Guidal, président,

- les conclusions de M. Chanon, rapporteur public,

- et les observations de Me A..., substituant Me C..., représentant la SCF Château de Campredon.

1. Considérant que par ordonnance du 21 octobre 1939, le juge de l'expropriation du tribunal civil d'Aix-en-Provence a prononcé, au bénéfice de l'Etat, alors représenté par le ministre de l'air, l'expropriation pour cause d'utilité publique de terrains situés sur la commune d'Aix-en-Provence (13) au lieu dit Les Milles, d'une surface de 3 ha 00 a 00 ca sur le domaine de Camp Redon et une surface de 4 ha 38 a 00 ca sur le domaine de Miquelet, prises sur la parcelle alors cadastrée G 85p d'une contenance totale de 13 ha 31 a 50 ca, en vue de la création d'une base aérienne ; que par acte notarié du 3 août 1971, M. et Mme B... ont acquis de Mme E..., veuveF..., la surface résiduelle de la parcelle G 85p, qui n'avait pas été expropriée, soit 5 ha 93 a 50 ca ; qu'au décès de M. B..., ses héritiers ont constitué en 2010 la société civile familiale (SCF) Château de Campredon et lui ont fait apport de biens immobiliers dont notamment cette parcelle de 5 ha 93 a 50 ca ; que M. B... puis la SCF Château de Campredon ont entendu contester les limites du domaine public aéronautique soutenant que les limites de la base aérienne empiétaient sur leur propriété ; que la SCF relève appel du jugement du 21 avril 2016 par lequel le tribunal administratif de Marseille a rejeté sa demande tendant, d'une part, à ce qu'il soit procédé à la délimitation du domaine public au droit de la parcelle anciennement cadastrée G 85p, ainsi qu'à la suppression d'ouvrages selon elle irrégulièrement édifiés par l'Etat sur leur propriété, d'autre part, à ce qu'il soit enjoint à l'administration de supprimer ces ouvrages et enfin à la condamnation de l'Etat à lui verser la somme de 50 000 euros en réparation du préjudice lié à cette occupation irrégulière ;

Sur la légalité de la décision implicite et la responsabilité de l'Etat :

2. Considérant, d'une part, qu'aux termes de l'article L. 2111-16 du code général de la propriété des personnes publiques : " Le domaine public aéronautique est constitué des biens immobiliers appartenant à une personne publique (...) et affectés aux besoins de la circulation aérienne publique. Il comprend notamment les emprises des aérodromes (...) " ; qu'ainsi, les parcelles comprises dans l'emprise d'un aérodrome ou acquises en vue de son aménagement sont réputées faire partie du domaine public aéronautique ;

3. Considérant, d'autre part, qu'il appartient au juge administratif de se prononcer sur l'existence, l'étendue et les limites du domaine public, sauf à renvoyer à l'autorité judiciaire une question préjudicielle en cas de contestation sur la propriété du bien litigieux dont l'examen soulève une difficulté sérieuse ; que le caractère sérieux de la contestation s'apprécie au regard des prétentions contraires des parties et au vu de l'ensemble des pièces du dossier ; que le juge doit prendre en compte tant les éléments de fait que les titres privés invoqués par les parties ;

4. Considérant qu'il ressort des pièces du dossier que la partie de la parcelle alors cadastrée G 85p acquise par l'Etat a été affectée, après son expropriation en 1939, au service des bases aériennes en vue de la création de l'aérodrome d'Aix-les-Milles ; qu'à la suite de cette procédure d'expropriation un plan de bornage des parcelles riveraines de cette base aérienne a été établi le 7 juillet 1949 ; qu'il ressort sans aucune ambiguïté de ce plan produit par l'administration et établi par le service du génie de l'armée que la limite du domaine public a été fixée en en partie nord de l'aérodrome des Milles, selon un tracé reliant les bornes n° 6 à n° 17 en bordure de l'Arc, et non au sud de la parcelle G 85p comme le soutient la requérante ; que ce plan comporte l'ensemble des cotes et autres données spatiales permettant d'établir la limite entre la base aérienne et les propriétés privées riveraines dont notamment celle de la SCF ; qu'il ressort par ailleurs des documents produits par le ministre que cette limite a été acceptée en 1949 sans aucune réserve, après visite des lieux, par les neuf propriétaires riverains concernés et notamment par M. F..., alors propriétaire de la parcelle G 85p, ainsi qu'en atteste sa signature manuscrite portée sur le document original, sans qu'aucun élément ne permette de douter de son authenticité ; que si la SCF Château de Campredon se prévaut d'un plan établi le 24 septembre 1941 par les autorités militaires, ce document ne comporte aucune indication précise sur les limites du domaine public et n'est pas de nature à remettre en cause les éléments circonstanciés figurant sur le plan dressé le 7 juillet 1949 ;

5. Considérant qu'il résulte ainsi de ce qui précède que la limite entre le domaine public aéronautique et la propriété de la SCF Château de Campredon est précisément définie depuis 1949 ; qu'en l'absence de toute circonstance nouvelle depuis cette date, en refusant implicitement de donner suite à la demande de délimitation qui lui avait été adressée le 2 septembre 2013, alors qu'elle avait un objet identique à celle déjà effectuée, le ministre chargé des transports n'a commis aucune illégalité ;

6. Considérant que les parcelles en litige revendiquées par la requérante appartiennent au domaine public ; que, par suite, les conclusions tendant à ce que l'Etat soit condamné à enlever les ouvrages qui y seraient édifiés au motif qu'ils seraient illégalement implantés sur une propriété privée sont dépourvues d'objet et ne peuvent qu'être rejetées ; qu'en l'absence de toute emprise irrégulière sur sa propriété, la SCF Château de Campredon, n'est, en tout état de cause, pas fondée à solliciter l'indemnisation des conséquences dommageables d'ouvrages publics prétendument implantés sur sa propriété ;

7. Considérant qu'ainsi qu'il a été dit au point 3, il appartient au juge administratif de se prononcer sur l'existence, l'étendue et les limites du domaine public, même en l'absence d'acte administratif délimitant ce domaine ; que, par suite, il ne saurait être confiée à un expert le soin de fixer les limites du domaine public ; qu'ainsi, la mesure d'expertise sollicitée tendant à ce qu'un expert dresse un plan fixant les limites entre le domaine public aéronautique et la partie de l'ancienne parcelle cadastrée G 85 p propriété de la SCF Château de Campredon est dépourvue d'utilité et ne peut qu'être rejetée ;

8. Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que la SCF Château de Campredon n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Marseille a rejeté sa demande ;

Sur les frais liés au litige :

9. Considérant que les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce qu'une somme soit mise à la charge de l'Etat, qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante ;

D É C I D E :

Article 1er : La requête de la SCF Château de Campredon est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à la SCF Château de Campredon et au ministre de la transition écologique et solidaire.

Délibéré après l'audience du 18 mai 2018, où siégeaient :

- M. Pocheron, président de chambre,

- M. Guidal, président assesseur,

- Mme D..., première conseillère.

Lu en audience publique, le 1er juin 2018.

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Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Marseille
Formation : 7ème chambre - formation à 3
Numéro d'arrêt : 16MA02409
Date de la décision : 01/06/2018
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

24-01-01 Domaine. Domaine public. Consistance et délimitation.


Composition du Tribunal
Président : M. POCHERON
Rapporteur ?: M. Georges GUIDAL
Rapporteur public ?: M. CHANON
Avocat(s) : CABINET JEAN DEBEAURAIN

Origine de la décision
Date de l'import : 12/06/2018
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.marseille;arret;2018-06-01;16ma02409 ?
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