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31/05/2018 | FRANCE | N°16MA03183

France | France, Cour administrative d'appel de Marseille, 2ème chambre - formation à 3, 31 mai 2018, 16MA03183


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La société Generali Assurances IARD a demandé au tribunal administratif de Bastia de condamner solidairement la commune de Bastia, la société mutuelle d'assurance des collectivités locales (SMACL), la société d'économie mixte (SEM) Bastia Aménagement, la société CNA Assurances, la collectivité territoriale de Corse et la société Axa Assurances à lui verser la somme de 2 300 000 euros en réparation du préjudice qu'elle a subi correspondant aux indemnités versées à son assuré, la société Basti

a Discount, à la suite d'inondations survenues le 4 novembre 2008.

Par un jugement n°...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La société Generali Assurances IARD a demandé au tribunal administratif de Bastia de condamner solidairement la commune de Bastia, la société mutuelle d'assurance des collectivités locales (SMACL), la société d'économie mixte (SEM) Bastia Aménagement, la société CNA Assurances, la collectivité territoriale de Corse et la société Axa Assurances à lui verser la somme de 2 300 000 euros en réparation du préjudice qu'elle a subi correspondant aux indemnités versées à son assuré, la société Bastia Discount, à la suite d'inondations survenues le 4 novembre 2008.

Par un jugement n° 1300353 du 9 juin 2016, le tribunal administratif de Bastia a condamné la commune de Bastia à payer la somme de 1 425 552,35 euros à la société Generali Assurances IARD.

Procédure devant la cour :

Par une requête et un mémoire, enregistrés le 3 août 2016 et le 22 décembre 2017, la commune de Bastia, représentée par la SCP Roma - Clada - Maroselli - Armani, demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Bastia du 9 juin 2016 ;

2°) de rejeter la demande présentée par la société Generali Assurances IARD devant le tribunal administratif de Bastia ;

3°) de mettre à la charge de la société Generali Assurances IARD la somme de 4 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- le lien de causalité entre, d'une part, un ouvrage public lui appartenant ou des travaux publics effectués pour son propre compte et, d'autre part, le préjudice subi par la société Bastia Discount n'est pas établi ;

- les investigations de l'expert désigné par le président du tribunal administratif de Bastia sont insuffisantes pour établir que le sinistre est dû au défaut d'entretien des ruisseaux de Corbaja et de Montesoro entraînant la formation d'un embâcle et non aux travaux publics nécessitant la déviation provisoire de la route départementale n° 464.

Par un mémoire en défense, enregistré le 14 septembre 2017, la SEM Bastia Aménagement, représentée par la SELARL Lazare Avocats, demande à la cour :

1°) de rejeter la requête ;

2°) à titre subsidiaire, de ramener le montant de l'indemnité due à la société Generali Assurances IARD à la somme de 273 535 euros ;

3°) de mettre à la charge de toute partie perdante la somme de 10 000 euros à lui verser en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- elle est une personne morale de droit privé et la juridiction administrative n'est pas compétente pour connaître des conclusions tendant à sa condamnation en tant que maître d'ouvrage des travaux au sein de la zone d'aménagement concerté ;

- les dommages subis par l'assuré de la société Generali Assurances IARD ne sont pas dus à ces travaux ;

- aucun dommage direct des bâtiments de l'hypermarché exploité par la société Bastia Discount ne peut être regardé comme établi ;

- les pertes de marchandises n'excèdent pas la somme de 273 535 euros ;

- la perte d'exploitation en raison de l'inondation n'est pas établie.

Par des mémoires en défense, enregistrés le 4 janvier 2018, le 24 janvier 2018 et le 16 février 2018, la société Generali Assurances IARD, représentée par MeC..., demande à la cour :

1°) de rejeter la requête ;

2°) par la voie de l'appel incident, de réformer le jugement par lequel le tribunal administratif de Bastia a limité à la somme de 1 425 552,35 euros l'indemnité au versement de laquelle il a condamné la commune de Bastia en réparation du préjudice subi ;

3°) à titre principal, de porter à la somme de 2 107 180 euros le montant de l'indemnité due par la commune de Bastia, ainsi que les intérêts au taux légal à compter du 26 avril 2013 ;

4°) à titre subsidiaire, par la voie de l'appel provoqué, de condamner solidairement la commune de Bastia et la collectivité de Corse ou la commune de Bastia, la collectivité de Corse et la SEM Bastia Aménagement à lui payer la somme de 2 107 180 euros, ainsi que les intérêts au taux légal à compter du 26 avril 2013 ;

5°) de mettre à la charge de la commune de Bastia ou, à titre subsidiaire, solidairement de la commune de Bastia, de la collectivité de Corse et de la SEM Bastia Aménagement la somme de 2 500 euros à lui payer en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- l'inondation est due à un embâcle obstruant le pont du chemin de l'Agliani et cette cause certaine entraîne la responsabilité de la commune de Bastia ;

- la société Bastia Discount a la qualité de tiers par rapport à l'ouvrage public, le pont de l'Agliani, à l'origine du préjudice ;

- cet ouvrage appartient à la commune de Bastia dont la responsabilité sans faute est, par suite, engagée ;

- s'il était jugé que l'ouvrage appartient à la collectivité de Corse, sa responsabilité serait engagée ;

- s'il était jugé que le préjudice est dû aux travaux publics de la zone d'aménagement concerté et d'aménagement hydraulique des ruisseaux de Corbaja et de Montesoro, la responsabilité solidaire de la commune de Bastia et de la SEM Bastia Aménagement serait engagée ;

- elle justifie du paiement de sommes d'un montant total de 2 107 180 euros au titre des garanties dues à son assuré ;

- ce montant total, qui est en grande partie conforme aux conclusions de l'expert judiciaire, est établi.

Par un mémoire en défense, enregistré le 4 janvier 2018, la collectivité de Corse, représentée par MeB..., demande à la cour :

1°) de rejeter la requête ;

2°) de rejeter les conclusions tendant à sa condamnation ;

3°) de mettre à la charge de toute partie perdante la somme de 3 000 euros à lui verser en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- elle ne peut être responsable du sinistre survenu, quelle qu'en soit la cause ;

- la société Generali Assurances IARD surévalue le préjudice que son assuré a subi, les pertes de marchandises et d'exploitation n'étant pas établies.

Par des mémoires en défense, enregistrés le 25 janvier 2018, le 9 mars 2018, le 19 avril 2018 et le 2 mai 2018, la SEM Bastia Aménagement, représentée par la SELARL Lazare Avocats, conclut aux mêmes fins que son précédent mémoire par les mêmes moyens. Elle demande à la cour, en outre et à titre subsidiaire, de rejeter les conclusions formées par la société Generali Assurances IARD par la voie de l'appel provoqué.

Elle soutient que les dommages subis par l'assuré de la société Generali Assurances IARD ne sont pas dus aux travaux de déviation de la route départementale n° 464.

Par des mémoires, enregistrés le 16 février 2018 et le 30 mars 2018, la commune de Bastia, représentée par la SCP Roma - Clada - Maroselli - Armani, conclut aux mêmes fins que ses précédents mémoires par les mêmes moyens. Elle demande, en outre, à la cour :

1°) à titre subsidiaire, de condamner la SMACL à la garantir des condamnations qui pourraient être prononcées à son encontre ;

2°) ou de prescrire une enquête sur les rédacteurs des attestations produites en cours d'expertise par la SEM Bastia Aménagement et d'ordonner une expertise relative aux conclusions de la société Generali Assurances IARD formées par la voie de l'appel incident.

Elle soutient que :

- les pièces produites établissent que la cause exclusive du sinistre est le remblai édifié dans le cadre des travaux publics nécessitant la déviation provisoire de la route départementale n° 464 et l'insuffisance des buses situées sous le pont ;

- une enquête peut être nécessaire afin de confirmer que les témoins, M. E...et M.F..., étaient des employés de la SNC Vendasi, qui est intervenue pour le compte de la SEM Bastia Aménagement dans la réalisation des travaux publics, lorsqu'ils ont établi les attestations ;

- la victime a commis des fautes, notamment en matière d'urbanisme ;

- le préjudice de la société Generali Assurances IARD n'a pas été sous-évalué par l'expert judiciaire ;

- une expertise complémentaire serait nécessaire pour examiner les prétentions de la société Generali Assurances IARD contenues dans son dernier dire dans le cadre de l'expertise judiciaire ;

- la SMACL doit la garantir des condamnations prononcées à son encontre dès lors que la cause exclusive du sinistre est la déviation provisoire de la route départementale n° 464.

Par des mémoires, enregistrés le 16 février 2018 et le 30 mars 2018, la collectivité de Corse, représentée par MeB..., conclut aux mêmes fins que son précédent mémoire par les mêmes moyens. Elle demande, en outre et à titre subsidiaire, à la Cour :

1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Bastia du 9 juin 2016 ;

2°) de rejeter la demande présentée par la société Generali Assurances IARD devant le tribunal administratif de Bastia.

Elle soutient que :

- la cause du préjudice est incertaine et, notamment, l'existence d'un embâcle causé par le pont du chemin de l'Agliani n'est pas établie ;

- la société Generali Assurances IARD n'établit pas le préjudice subi par la société Bastia Discount.

Par un mémoire, enregistré le 19 avril 2018, la commune de Bastia, représentée par la SCP Roma - Clada - Maroselli - Armani, conclut aux mêmes fins, à l'exception de celle tendant à ce qu'une enquête soit prescrite sur les rédacteurs des attestations produites en cours d'expertise par la SEM Bastia Aménagement, que ses précédents mémoires par les mêmes moyens. Elle demande, en outre et à titre subsidiaire, à la cour :

- d'ordonner une expertise sur les causes des désordres et leur part d'imputabilité ;

- de mettre à la charge de la société Generali Assurances IARD la somme de 7 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que les éléments nouveaux produits en appel justifient qu'une nouvelle expertise soit ordonnée.

Par des mémoires, enregistrés le 19 avril 2018 et le 2 mai 2018, la société Generali Assurances IARD, représentée par MeC..., conclut aux mêmes fins que ses précédents mémoires et demande, en outre, à la cour d'annuler le jugement du tribunal administratif de Bastia en tant qu'il a mis à sa charge les sommes de 750 euros à verser à la SEM Bastia Aménagement, à la collectivité territoriale de Corse et à la société Axa Assurances.

Elle soutient, en outre, que :

- les nouveaux éléments sont produits tardivement par la commune de Bastia et ne peuvent être pris en compte ;

- une nouvelle expertise est inutile.

Par un mémoire, enregistré le 4 mai 2018, la société SMACL Assurances, représentée par Me H..., demande à la cour de rejeter la requête et de mettre à la charge de la commune de Bastia la somme de 1 500 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que le contrat d'assurance conclu avec la commune exclut les dommages causés par les débordements de cours d'eau.

Les parties ont été informées, en application des dispositions de l'article R. 611-7 du code de justice administrative, de ce que l'arrêt était susceptible d'être fondé sur des moyens relevés d'office tirés de :

- l'irrecevabilité des conclusions d'appel de la SEM Bastia Aménagement qui n'a pas intérêt à agir contre les motifs du jugement en tant qu'il rejette l'exception d'incompétence de la juridiction administrative qu'elle avait invoquée et qui ne peut, après l'expiration du délai d'appel, présenter un appel d'intimé à intimé pour demander la réduction des indemnités accordées à la société Generali Assurances IARD ;

- l'irrecevabilité des conclusions, qui sont tardives, de la société Generali Assurances IARD tendant à l'annulation du jugement du tribunal administratif de Bastia en tant qu'il a mis à sa charge la somme de 750 euros à verser à la société Axa Assurances en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Par des mémoires enregistrés le 4 mai 2018 et le 16 mai 2018, la SEM Bastia Aménagement, représentée par la SELARL Lazare Avocats, a présenté des observations en réponse à cette mesure d'information.

Par un mémoire enregistré le 9 mai 2018, la société Generali Assurances IARD, représentée par MeC..., a présenté des observations en réponse à cette mesure d'information.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code général des collectivités territoriales ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. Barthez,

- les conclusions de Mme Chamot, rapporteure publique,

- et les observations de MeD..., substituant la SCP Roma - Clada - Maroselli - Armani, représentant la commune de Bastia, de MeC..., représentant la société Generali Assurances IARD, de MeB..., représentant la collectivité de Corse, et de MeA..., représentant la SEM Bastia Aménagement.

Une note en délibéré présentée par la société Generali Assurances IARD, représentée par MeC..., a été enregistrée le 17 mai 2018.

Une note en délibéré présentée par la commune de Bastia, représentée par la SCP Roma - Clada - Maroselli - Armani, a été enregistrée le 23 mai 2018.

Considérant ce qui suit :

1. Par un jugement du 9 juin 2016, le tribunal administratif de Bastia a estimé que l'inondation des locaux de l'hypermarché exploité par la société Bastia discount assurée par la société Generali Assurances IARD avait pour origine un pont appartenant à la commune de Bastia et a condamné celle-ci à verser à la société d'assurances la somme de 1 425 552,35 euros en réparation du préjudice subi. La commune de Bastia relève appel de ce jugement et, par la voie de l'appel incident, la société Generali Assurances IARD demande à la cour de porter le montant de l'indemnité à la somme de 2 107 180 euros.

Sur la recevabilité des conclusions :

2. Le jugement du tribunal administratif de Bastia a rejeté les conclusions dirigées contre la SEM Bastia Aménagement. Il ne lui fait donc pas grief. En contestant la compétence, retenue par le tribunal administratif de Bastia, pour connaître de la demande de condamnation formée son encontre, la SEM Bastia Aménagement critique les motifs du jugement et non son dispositif. Elle est donc dépourvue d'intérêt pour agir et de telles conclusions sont irrecevables.

3. Les conclusions d'appel de la société Generali Assurances IARD tendant à l'annulation du jugement du tribunal administratif de Bastia mettant à sa charge la somme de 750 euros à verser à la société Axa Assurances ont été formées après l'expiration du délai d'appel. La société Axa Assurances n'a présenté aucune conclusion dans le cadre de la présente instance. Par suite, ces conclusions de la société Generali Assurances IARD, qui ne sont donc pas présentées par la voie de l'appel provoqué, sont irrecevables.

Sur le bien fondé du jugement :

4. Le maître d'ouvrage est responsable, même en l'absence de faute, des dommages que les ouvrages publics dont il a la garde peuvent causer aux tiers tant en raison de leur existence que de leur fonctionnement. Il ne peut dégager sa responsabilité que s'il établit que ces dommages, qui doivent revêtir un caractère anormal et spécial pour ouvrir droit à réparation, résultent de la faute de la victime ou d'un cas de force majeure.

5. L'hypermarché qu'exploite la société Bastia discount a subi, lors d'un épisode pluvieux le 4 novembre 2008, des inondations constituées d'eau et de boue. Celles-ci ont dépassé un remblai de terre provisoirement édifié dans le cadre de travaux de réalisation d'une zone d'aménagement concerté à l'égard desquels la SEM Bastia Aménagement a la qualité de concessionnaire et, par un processus rapide de ravinement, ont entraîné son effondrement.

6. Selon le rapport du 9 février 2009 de l'expertise réalisée par la société Saretec à la demande de la société Generali Assurances IARD, la destruction du remblai de terre peut être due, soit à la rupture d'un embâcle formé en amont au niveau du pont du chemin de l'Agliani dont le maître d'ouvrage est la commune de Bastia entraînant une vague soudaine submergeant le remblai, soit aux travaux de déviation de la route départementale n° 464 à proximité du parking de l'hypermarché en raison de l'obstruction créée par ces travaux notamment du fait de l'insuffisance des buses placées pour permettre l'écoulement des eaux. Le rapport du 27 mai 2011 de l'expert désigné par le président du tribunal administratif de Bastia afin de déterminer l'origine de l'inondation estime que l'effondrement a pour seule cause une vague importante due à la rupture de l'embâcle formé en amont au niveau du pont du chemin de l'Agliani. Cette analyse s'appuie, notamment, sur les attestations de deux habitants d'un immeuble situé à proximité indiquant que ce pont était obstrué par une masse très importante de roseaux, ces témoignages étant l'élément le plus précis justifiant l'existence de l'embâcle.

7. Il résulte cependant de l'instruction que, lorsqu'ils ont établi leurs attestations les 3 février 2009 et 9 février 2009, les deux témoins étaient des salariés de la SNC Vendasi qui était, au moment des faits, mandataire du groupement d'entreprises chargées de ces travaux d'aménagement dont le rôle causal possible dans les désordres subis par la société Generali Assurances IARD était déjà mentionné dans le rapport de l'expertise réalisée par la société Saretec. Par suite, une confirmation de l'existence d'un embâcle paraît utile.

8. En outre, le rapport du 27 mai 2011 ne contient aucune explication technique précisant, après la rupture alléguée de l'embâcle, le parcours de la vague d'eau, eu égard aux caractéristiques du terrain et aux cotes d'altitude, sur une distance de plusieurs centaines de mètres entre le pont du chemin de l'Agliani et les travaux de déviation de la route départementale n° 464. Le rapport du 28 mars 2018 de l'expertise réalisée par M. G...à la demande de la commune de Bastia contient des éléments d'analyse, qui ne sont pas utilement contredits à l'instance, critiquant les conclusions du rapport du 27 mai 2011.

9. Enfin, la commune de Bastia produit également des enregistrements vidéos montrant le déroulement de l'inondation. Ces enregistrements, effectués après le début de la submersion, ne permettent pas d'exclure l'existence d'une vague soudaine résultant de la rupture d'un bouchon d'embâcle. Ils tendent cependant à montrer l'existence d'une retenue d'eau en amont des travaux de déviation de la route départementale n° 464.

10. Aucune règle ne fait obstacle à ce qu'avant la clôture de l'instruction, la commune de Bastia produise dans le cadre de la présente procédure tous éléments en faveur de ses prétentions, alors même qu'elle aurait été en mesure de les présenter précédemment. Ainsi, l'état du dossier, étant donné notamment les nouvelles pièces produites en appel, ne permet pas de déterminer l'origine des désordres subis par la société Generali Assurances IARD. Dès lors, il y a lieu, avant dire droit, d'ordonner une expertise sur ce point qui, malgré les modifications intervenues depuis l'inondation, présente un caractère utile, l'expert pouvant effectuer une analyse technique des documents existants ainsi que des caractéristiques géographiques des lieux.

D E C I D E :

Article 1er : Il sera, avant de statuer sur la requête de la commune de Bastia, procédé à une expertise contradictoire en présence de la société Generali Assurances IARD, de la commune de Bastia, de la SEM Bastia Aménagement, de la collectivité de Corse et de la SMACL.

Article 2 : L'expert sera désigné par la présidente de la Cour. Il aura pour mission :

- de se faire remettre par les parties tous éléments, notamment les témoignages ou les enregistrements, relatifs à l'inondation de l'hypermarché survenue le 4 novembre 2008 ;

- de dire si l'inondation est due à des ouvrages ou travaux publics ou à l'importance des précipitations ;

- de fournir toutes preuves complémentaires confirmant l'existence d'une obstruction du cours d'eau au niveau du pont du chemin de l'Agliani et précisant l'ampleur de la retenue d'eau que cette obstruction aurait provoquée le 4 novembre 2008 ;

- de dire si la rupture du bouchon d'embâcle a pu causer, plusieurs centaines de mètres en aval, une vague soudaine submergeant et détruisant le remblai de terre provisoirement édifié dans le cadre de travaux de réalisation d'une zone d'aménagement concerté ;

- de dire si les travaux de déviation temporaire de la route départementale n° 464 ont joué un rôle causal dans la survenance de l'inondation du 4 novembre 2008 ;

- dans le cas où les deux causes seraient à l'origine de l'inondation, d'évaluer les proportions relevant de chacune d'elles.

Article 3 : L'expert accomplira sa mission dans les conditions prévues par les articles R. 621-2 à R. 621-14 du code de justice administrative. Il prêtera serment par écrit devant la greffière en chef de la Cour. L'expert déposera son rapport au greffe de la Cour en deux exemplaires et en notifiera copie aux parties dans le délai fixé par la présidente de la Cour dans sa décision le désignant. Avec leur accord, cette notification pourra s'opérer sous forme électronique. L'expert justifiera auprès de la Cour de la date de réception de son rapport par les parties.

Article 4 : Les frais d'expertise sont réservés pour y être statué en fin d'instance.

Article 5 : Tous droits et moyens des parties sur lesquels il n'est pas expressément statué par le présent arrêt sont réservés jusqu'en fin d'instance.

Article 6 : Le présent arrêt sera notifié à la commune de Bastia, à la société Generali Assurances IARD, à la société d'économie mixte Bastia Aménagement, à la collectivité de Corse et à la société mutuelle d'assurance des collectivités locales (SMACL).

Délibéré après l'audience du 17 mai 2018, où siégeaient :

- M. Vanhullebus, président,

- M. Barthez, président assesseur,

- M. Argoud, premier conseiller.

Lu en audience publique le 31 mai 2018.

2

N°16MA03183


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Marseille
Formation : 2ème chambre - formation à 3
Numéro d'arrêt : 16MA03183
Date de la décision : 31/05/2018
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Analyses

Procédure - Instruction - Moyens d'investigation - Expertise - Recours à l'expertise.

Responsabilité de la puissance publique - Faits susceptibles ou non d'ouvrir une action en responsabilité - Fondement de la responsabilité - Responsabilité sans faute - Responsabilité encourue du fait de l'exécution - de l'existence ou du fonctionnement de travaux ou d'ouvrages publics - Victimes autres que les usagers de l'ouvrage public - Tiers.


Composition du Tribunal
Président : M. VANHULLEBUS
Rapporteur ?: M. Alain BARTHEZ
Rapporteur public ?: Mme CHAMOT
Avocat(s) : ISRAËL

Origine de la décision
Date de l'import : 26/06/2018
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.marseille;arret;2018-05-31;16ma03183 ?
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