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12/04/2018 | FRANCE | N°15MA04623

France | France, Cour administrative d'appel de Marseille, 2ème chambre - formation à 3, 12 avril 2018, 15MA04623


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. A...B...a demandé au tribunal administratif de Toulon de condamner le centre hospitalier de Saint-Tropez à lui verser la somme globale de 601 485,36 euros en réparation des préjudices qu'il estime avoir subis du fait de sa prise en charge dans cet établissement à compter du 27 septembre 2009.

Le Régime social des indépendants (RSI) a demandé au tribunal de condamner le centre hospitalier de Saint-Tropez à lui verser la somme de 23 903,06 euros au titre de ses débours et la somme de 1 015 euros

en application de l'article L. 376-1 du code de la sécurité sociale.

La Caisse...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. A...B...a demandé au tribunal administratif de Toulon de condamner le centre hospitalier de Saint-Tropez à lui verser la somme globale de 601 485,36 euros en réparation des préjudices qu'il estime avoir subis du fait de sa prise en charge dans cet établissement à compter du 27 septembre 2009.

Le Régime social des indépendants (RSI) a demandé au tribunal de condamner le centre hospitalier de Saint-Tropez à lui verser la somme de 23 903,06 euros au titre de ses débours et la somme de 1 015 euros en application de l'article L. 376-1 du code de la sécurité sociale.

La Caisse autonome de retraite des médecins de France (CARMF) a demandé au tribunal de condamner le centre hospitalier de Saint-Tropez à lui verser la somme de

8 026,56 euros au titre des indemnités journalières servies du 26 décembre 2009 au 31 mars 2010.

Par un jugement n° 1303183 du 22 octobre 2015, le tribunal administratif de Toulon a rejeté leurs demandes.

Procédure devant la Cour :

Par une requête, enregistrée le 3 décembre 2015, M.B..., représenté par MeC..., demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Toulon du 22 octobre 2015 ;

2°) de condamner le centre hospitalier de Saint-Tropez à lui verser la somme globale de 593 458,80 euros ;

3°) de mettre à la charge du centre hospitalier de Saint-Tropez la somme de

5 000 euros en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que :

- le diagnostic de l'accident vasculaire cérébral a été posé avec retard ;

- les soins apportés ne sont pas conformes aux règles de l'art ;

- le centre hospitalier de Saint-Tropez n'a pas mis en place de filière d'unité d'urgences neurovasculaires ;

- les fautes commises par l'établissement de soins sont à l'origine d'une perte de chance.

Par un mémoire en défense, enregistré le 15 février 2016, la CARMF, représentée par MeE..., demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement du tribunal administratif de Toulon du 22 octobre 2015 ;

2°) de condamner le centre hospitalier de Saint-Tropez à lui verser la somme de 8 026,56 euros au titre des indemnités journalières servies à M. B...;

3) de mettre à la charge du centre hospitalier de Saint-Tropez la somme de

1 500 euros en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et les dépens.

Elle soutient qu'elle est fondée à exercer un recours subrogatoire à l'encontre du tiers responsable du dommage causé à son assuré social.

Par des mémoires en défense, enregistrés le 3 mars 2017 et le 21 février 2018, le centre hospitalier de Saint-Tropez, représenté par MeD..., conclut au rejet de la requête et des conclusions présentées par la CARMF.

Il soutient que :

- il n'y a pas eu de retard de diagnostic ;

- il était impossible de réaliser une thrombolyse dans le délai imparti par les recommandations applicables à la date de l'accident vasculaire cérébral ;

- il n'y a pas de lien de causalité direct et certain entre le dommage subi et les fautes imputées au centre hospitalier de Saint-Tropez ;

- la responsabilité de l'établissement de soins ne peut être engagée que sur le fondement de la perte de chance à hauteur de 5% ;

- les sommes demandées au titre des préjudices subis ne sont pas établies ou sont excessives.

La requête a été communiquée au RSI qui n'a pas produit de mémoire.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code de la santé publique ;

- le code de la sécurité sociale ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme Bourjade-Mascarenhas,

- et les conclusions de Mme Chamot, rapporteure publique.

1. Considérant qu'aux termes de l'article L. 1142-1 I du code de la santé publique : " Hors le cas où leur responsabilité est encourue en raison d'un défaut d'un produit de santé, les professionnels de santé mentionnés à la quatrième partie du présent code, ainsi que tout établissement, service ou organisme dans lesquels sont réalisés des actes individuels de prévention, de diagnostic ou de soins ne sont responsables des conséquences dommageables d'actes de prévention, de diagnostic ou de soins qu'en cas de faute " ;

2. Considérant que M. B..., qui a présenté les premiers symptômes d'un accident vasculaire cérébral entre 8 h 30 et 9 h 00 le 27 septembre 2009, a été admis aux urgences du centre hospitalier de Saint-Tropez à 11 h 07 ; qu'il résulte de l'instruction, et notamment du rapport de l'expertise diligentée par la commission régionale de conciliation et d'indemnisation, que l'examen clinique de M. B...réalisé aux services des urgences a mis en évidence des dysesthésies de l'hémicorps droit et que la tomodensitométrie a révélé des signes d'occlusion segmentaire de l'artère vertébrale gauche ; que les symptômes graves présentés par l'intéressé auraient dû conduire les équipes médicales à envisager la survenue probable d'un accident vasculaire cérébral eu égard aux bonnes pratiques médicales à la date des faits et à l'orienter en urgence vers un centre d'urgences neuro-vasculaires, afin de tenter une thrombolyse ; que, toutefois, l'établissement de soins, qui n'avait d'ailleurs pas mis en oeuvre les recommandations de la Haute autorité de santé, publiées au mois de mai 2009, relatives à l'organisation d'une filière intra-hospitalière neuro-vasculaire et d'un protocole de prise en charge des patients suspects d'accident vasculaire cérébral, s'est borné à laisser des messages téléphoniques au neurologue de garde de l'hôpital Sainte-Anne de Toulon vers 15 h 00 puis à prendre l'avis du service de neurologie de l'hôpital de La Timone à Marseille ; qu'ainsi, M. B... n'a pas été pris en charge dans les règles de l'art lors de son admission dans les services des urgences du centre hospitalier de Saint-Tropez ; qu'il suit de là qu'en n'organisant pas dans les meilleurs délais le transfert de M. B...vers une structure où auraient pu être réalisés les examens complémentaires qui s'imposaient et administré le traitement curatif nécessaire, le centre hospitalier de Saint-Tropez a commis une faute de nature à engager sa responsabilité ;

3. Considérant que, dans le cas où la faute commise lors de la prise en charge ou le traitement d'un patient dans un établissement public hospitalier a compromis ses chances d'obtenir une amélioration de son état de santé ou d'échapper à son aggravation, le préjudice résultant directement de la faute commise par l'établissement et qui doit être intégralement réparé n'est pas le dommage corporel constaté, mais la perte de chance d'éviter que ce dommage soit advenu ; que la réparation qui incombe à l'hôpital doit alors être évaluée à une fraction du dommage corporel déterminée en fonction de l'ampleur de la chance perdue ;

4. Considérant qu'aux termes de l'article R. 621-1 du code de justice administrative : " La juridiction peut, soit d'office, soit sur la demande des parties ou de l'une d'elles, ordonner, avant dire droit, qu'il soit procédé à une expertise sur les points déterminés par sa décision (...) " ;

5. Considérant qu'en ne diagnostiquant pas l'accident vasculaire cérébral dont a été victime M. B...et en ne le transférant pas dans les plus brefs délais vers un établissement disposant des moyens d'investigation neurologique et de soins appropriés, le centre hospitalier de Saint-Tropez a privé l'intéressé de la possibilité de bénéficier d'un traitement anti-thrombotique ; que, toutefois, eu égard notamment à l'heure d'apparition des premiers symptômes et à l'heure d'admission de M. B... au centre hospitalier de Saint-Tropez, l'état du dossier ne permet à la Cour ni de savoir quelle eût été l'efficacité du traitement qui aurait pu être administré au patient s'il avait été transféré sans retard depuis cet hôpital vers un établissement de santé équipé en moyens d'imagerie et de traitement de l'affection qu'il présentait, ni de dire si l'intéressé a perdu une chance de conserver des séquelles moindres que celles dont il reste atteint ; que, dès lors, il y a lieu, avant de statuer sur la requête de M. B..., d'ordonner une expertise sur ces points ;

D É C I D E :

Article 1er : Il sera, avant de statuer sur la requête de M. B..., procédé par un expert, désigné par le président de la Cour, à une expertise avec pour mission de :

1°) se faire communiquer tous documents relatifs à l'état de santé de M. B... et, notamment, tous documents relatifs au suivi médical, aux actes de soins et aux diagnostics pratiqués sur lui lors de sa prise en charge par le centre hospitalier de Saint-Tropez ; convoquer et entendre les parties et tous sachants ; procéder à l'examen sur pièces du dossier médical de M. B... ainsi qu'éventuellement à son examen clinique ;

2°) donner son avis sur le point de savoir si les manquements du centre hospitalier de Saint-Tropez ont fait perdre à M. B... une chance de bénéficier d'un traitement par thrombolyse et, d'une manière générale, de conserver des séquelles moindres que celles dont il reste atteint.

Article 2 : L'expert accomplira sa mission dans les conditions prévues par les articles R. 621-2 à R. 621-14 du code de justice administrative. Il prêtera serment par écrit devant le greffier en chef de la Cour. L'expert déposera son rapport au greffe de la Cour en deux exemplaires et en notifiera copie aux parties dans le délai fixé par le président de la Cour dans sa décision le désignant.

Article 3 : Les frais d'expertise sont réservés pour y être statué en fin d'instance.

Article 4 : Tous droits et moyens des parties, sur lesquels il n'est pas expressément statué par le présent arrêt, sont réservés jusqu'en fin d'instance.

Article 5 : Le présent arrêt sera notifié à M. A...B..., au centre hospitalier de Saint-Tropez, au Régime social des indépendants du Limousin et à la Caisse autonome de retraite des médecins de France.

Délibéré après l'audience du 29 mars 2018 où siégeaient :

- M. Vanhullebus, président de chambre,

- M. Barthez, président assesseur,

- Mme Bourjade-Mascarenhas, première conseillère.

Lu en audience publique, le 12 avril 2018.

2

N° 15MA04623


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Marseille
Formation : 2ème chambre - formation à 3
Numéro d'arrêt : 15MA04623
Date de la décision : 12/04/2018
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Analyses

60-02-01-01-01-01 Responsabilité de la puissance publique. Responsabilité en raison des différentes activités des services publics. Service public de santé. Établissements publics d'hospitalisation. Responsabilité pour faute simple : organisation et fonctionnement du service hospitalier. Existence d'une faute.


Composition du Tribunal
Président : M. VANHULLEBUS
Rapporteur ?: Mme Agnes BOURJADE
Rapporteur public ?: Mme CHAMOT
Avocat(s) : SOLER

Origine de la décision
Date de l'import : 24/04/2018
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.marseille;arret;2018-04-12;15ma04623 ?
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