Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
M. B... A...a demandé au tribunal administratif de Nice d'annuler l'arrêté du 23 mai 2016 par lequel le préfet des Alpes-Maritimes a refusé de lui délivrer un titre de séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans le délai de trente jours et a fixé le pays de destination.
Par un jugement n° 1602714 en date du 11 octobre 2016, le tribunal administratif de Nice a rejeté cette demande.
Procédure devant la Cour :
I. Par une requête, enregistrée le 18 juin 2017 sous le n° 17MA02590, et un mémoire enregistré le 26 février 2018, M. A..., représenté par Me C..., demande à la Cour :
1°) d'annuler le jugement du tribunal administratif de Nice du 11 octobre 2016 ;
2°) d'annuler les décisions portant refus de séjour et obligation de quitter le territoire français du préfet des Alpes-Maritimes du 23 mai 2016 ;
3°) d'enjoindre au préfet des Alpes-Maritimes de lui délivrer un titre de séjour dans un délai de huit jours à compter de la notification de l'arrêt à intervenir, sous astreinte de 200 euros par jour de retard, ou, à défaut, de réexaminer sa situation dans un délai d'un mois suivant la notification de l'arrêt à intervenir et, dans l'attente, de lui délivrer une autorisation provisoire de séjour l'autorisant à travailler ;
4°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 2 500 euros sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991.
Il soutient que :
- l'audience devant le tribunal administratif de Nice n'a pas été publique ;
- l'article L. 111-2 du code des relations entre le public et l'administration a été méconnu ;
- la décision portant refus de séjour a été prise en méconnaissance de l'article L. 313-11-7° du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- les décisions portant refus de séjour et obligation de quitter le territoire français ont été prises en méconnaissance de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- les décisions portant refus de séjour et obligation de quitter le territoire français sont entachées d'une erreur manifeste dans l'appréciation de leurs conséquences sur sa situation personnelle ;
- le préfet a méconnu l'article 64 § 1 de l'accord euro-méditerranéen signé à Bruxelles le 17 juillet 1995 ;
- le préfet a entaché la décision de refus de séjour d'une erreur manifeste d'appréciation au regard de l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile.
M. A... a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle partielle par une décision du 16 janvier 2017.
II. Par une requête, enregistrée le 18 juin 2017 sous le n° 17MA02591, et un mémoire enregistré le 26 février 2018, M. A..., représenté par Me C..., demande à la Cour :
1°) de prononcer le sursis à l'exécution du jugement du 11 octobre 2016 par lequel le tribunal administratif de Nice a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du 23 mai 2016 par lequel le préfet des Alpes-Maritimes a refusé de lui délivrer un titre de séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans le délai de trente jours et a fixé le pays de destination ;
2°) d'enjoindre au préfet des Alpes-Maritimes de lui délivrer une autorisation provisoire de séjour dans le délai de quinze jours à compter de la notification de l'arrêt à intervenir, sous astreinte de 200 euros par jour de retard ;
3°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 2 500 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Il soutient que :
- il est fondé à demander le sursis à l'exécution du jugement en cause ;
- l'exécution de ce jugement risque d'entraîner pour lui des conséquences difficilement réparables ;
- les moyens d'annulation sur lesquels est fondée sa requête au fond présentent un caractère sérieux.
Vu les autres pièces des dossiers.
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- l'accord euro-méditerranéen signé à Bruxelles le 17 juillet 1995 établissant une association entre la Communauté européenne et ses Etats membres, d'une part, et la République tunisienne, d'autre part ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- le code des relations entre le public et l'administration ;
- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique ;
- le code de justice administrative.
Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Le rapport de Mme Mastrantuono a été entendu au cours de l'audience publique.
1. Considérant que par un arrêté en date du 23 mai 2016, le préfet des Alpes-Maritimes a rejeté la demande de titre de séjour présentée par M. A..., né en 1985, de nationalité tunisienne, et a obligé l'intéressé à quitter le territoire français dans un délai de trente jours ; que par requête enregistrée sous le n° 17MA02590, M. A... relève appel du jugement du 11 octobre 2016 par lequel le tribunal administratif de Nice a rejeté sa demande tendant à l'annulation de ces décisions ; que par requête enregistrée sous le n° 17MA02591, il demande qu'il soit sursis à l'exécution du même jugement ;
Sur la jonction :
2. Considérant que les requêtes n° 17MA02590 et 17MA02591 sont dirigées contre le même jugement et ont fait l'objet d'une instruction commune ; qu'il y a lieu de les joindre pour qu'elles fassent l'objet d'un seul arrêt ;
Sur la requête n° 17MA02590 :
En ce qui concerne la régularité du jugement :
3. Considérant que le jugement attaqué indique que les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience et que les débats ont eu lieu en audience publique ; que ces mentions font foi jusqu'à preuve du contraire ; qu'alors en outre que le jugement fait état de ce que Me Pérez, avocat de M. A..., a été entendu au cours de l'audience qui s'est tenue le 13 septembre 2016, le requérant, en se bornant à alléguer que la porte de la salle d'audience aurait été maintenue fermée sans produire aucun élément à cet égard, et à faire état des mesures de sécurité mises en place pour l'accès au tribunal, ne rapporte pas la preuve que cette audience n'aurait pas été publique ; que le moyen tiré de l'absence de publicité de l'audience ne peut dès lors qu'être écarté ;
En ce qui concerne le bien-fondé du jugement :
4. Considérant, en premier lieu, qu'aux termes de l'article L. 111-2 du code des relations entre le public et l'administration : " Toute personne a le droit de connaître le prénom, le nom, la qualité et l'adresse administratives de l'agent chargé d'instruire sa demande ou de traiter l'affaire qui la concerne ; ces éléments figurent sur les correspondances qui lui sont adressées (...) " ; que la méconnaissance de ces dispositions, qui intéressent uniquement les correspondances échangées durant le déroulement de l'instruction d'un dossier et non la forme des décisions, ne peut dès lors être utilement invoquée à l'encontre d'une décision prise au terme de cette instruction ;
5. Considérant, en deuxième lieu, qu'aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1. Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance. / 2. Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui (...) " ; et qu'aux termes de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, la carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " est délivrée de plein droit : / (...) 7° A l'étranger ne vivant pas en état de polygamie, qui n'entre pas dans les catégories précédentes ou dans celles qui ouvrent droit au regroupement familial, dont les liens personnels et familiaux en France, appréciés notamment au regard de leur intensité, de leur ancienneté et de leur stabilité, des conditions d'existence de l'intéressé, de son insertion dans la société française ainsi que de la nature de ses liens avec la famille restée dans le pays d'origine, sont tels que le refus d'autoriser son séjour porterait à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée au regard des motifs du refus (...) " ;
6. Considérant que si M. A... vit en France depuis le mois d'avril 2012, où il a rejoint son épouse de nationalité française, il est constant qu'il est séparé de cette dernière et sans charge de famille ; qu'il ne justifie d'aucune autre attache familiale en France et ne démontre pas non plus être dépourvu d'attaches familiales dans son pays d'origine où il a vécu jusqu'à l'âge de vingt-six ans ; qu'ainsi, eu égard notamment à la durée et aux conditions du séjour sur le territoire français de M. A..., qui a d'ailleurs fait l'objet d'une précédente mesure d'éloignement le 17 avril 2014, et en dépit de la circonstance qu'il dispose d'un emploi depuis le mois d'octobre 2013, l'arrêté contesté n'a pas porté à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée aux buts en vue desquels il a été pris et ne méconnaît donc ni les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, ni les dispositions de l'article L. 313-11-7° du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ; que, pour les mêmes motifs, le préfet n'a pas commis d'erreur manifeste dans l'appréciation des conséquences de cet arrêté sur sa situation personnelle ;
7. Considérant, en troisième lieu, qu'aux termes du 1 de l'article 64 de l'accord euro-méditerranéen établissant une association entre les communautés européennes et leurs Etats membres, d'une part, et la République tunisienne, d'autre part, en date du 17 juillet 1995 : " Chaque Etat membre accorde aux travailleurs de nationalité tunisienne occupés sur son territoire un régime caractérisé par l'absence de toute discrimination fondée sur la nationalité par rapport à ses propres ressortissants, en ce qui concerne les conditions de travail, de rémunération et de licenciement " ; qu'il a été jugé par la Cour de justice des Communautés européennes, dans son arrêt du 14 décembre 2006, rendu dans l'affaire C-97/05, que ces stipulations, qui n'ont pas pour objet de réglementer le droit au séjour des ressortissants tunisiens dans les Etats membres, sont toutefois susceptibles d'exercer des effets sur le droit au séjour d'un ressortissant tunisien sur le territoire d'un Etat membre, dès lors que ce ressortissant a été dûment autorisé par cet Etat membre à exercer sur ledit territoire une activité professionnelle pour une période excédant la durée de son autorisation de séjour ;
8. Considérant que si le requérant a été autorisé à exercer une activité professionnelle en raison de la délivrance d'un titre de séjour en qualité de conjoint de ressortissant français, puis de récépissés de demande de renouvellement, dont le dernier a été délivré le 24 janvier 2014 pour une durée de trois mois, ces documents n'autorisaient pas l'intéressé à exercer une activité professionnelle au-delà de leur durée de validité ; que par suite, M. A..., qui ne dispose plus d'autorisation de travail, n'est pas fondé à soutenir que l'arrêté en litige méconnaît les stipulations précitées ;
9. Considérant, en quatrième lieu, qu'aux termes de l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, dans sa rédaction applicable au litige : " La carte de séjour temporaire mentionnée à l'article L. 313-11 ou la carte de séjour temporaire mentionnée au 1° de l'article L. 313-10 peut être délivrée, sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, à l'étranger ne vivant pas en état de polygamie dont l'admission au séjour répond à des considérations humanitaires ou se justifie au regard des motifs exceptionnels qu'il fait valoir, sans que soit opposable la condition prévue à l'article L. 311-7 (...) " ;
10. Considérant que les conditions du séjour en France de l'appelant, telles qu'analysées au point 6, ne font pas apparaître de circonstance exceptionnelle ou de motif humanitaire justifiant l'admission exceptionnelle au séjour de M. A... au sens des dispositions de l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ; qu'il suit de là que le préfet des Alpes-Maritimes n'a pas, en prenant la décision contestée, entaché sa décision d'une erreur manifeste d'appréciation au regard de ces dispositions ;
11. Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que M. A... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Nice a rejeté sa demande ; que, par voie de conséquence, ses conclusions accessoires aux fins d'injonction et d'astreinte doivent être rejetées ;
Sur la requête n° 17MA02591 :
12. Considérant que, dès lors qu'il est statué par le présent arrêt sur la requête de M. A... tendant à l'annulation du jugement n° 1602714 en date du 11 octobre 2016 du tribunal administratif de Nice, les conclusions de la requête n° 17MA02591 tendant à ce qu'il soit sursis à l'exécution dudit jugement sont devenues sans objet ; qu'il n'y a, par suite, plus lieu d'y statuer ;
Sur les conclusions tendant à l'application des dispositions combinées de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 :
13. Considérant que les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mis à la charge de l'Etat, qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance, le versement à M. A... de quelque somme que ce soit au titre des frais exposés et non compris dans les dépens ;
D É C I D E :
Article 1er : Il n'y a pas lieu de statuer sur les conclusions de la requête n° 17MA02591 tendant au sursis à l'exécution du jugement n° 1602714 du 11 octobre 2016 du tribunal administratif de Nice.
Article 2 : La requête n° 17MA02590 et le surplus des conclusions de la requête n° 17MA02591 sont rejetés.
Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à M. B... A..., à Me C... et au ministre d'Etat, ministre de l'intérieur.
Copie en sera adressée au préfet des Alpes-Maritimes.
Délibéré après l'audience du 20 mars 2018, où siégeaient :
- M. Antonetti, président,
- Mme Chevalier-Aubert, président assesseur,
- Mme Mastrantuono, premier conseiller.
Lu en audience publique, le 3 avril 2018.
6
N° 17MA02590, 17MA02591
nc