Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
M. A... C...a demandé au tribunal administratif de Marseille, à titre principal, d'annuler la décision du 19 septembre 2014 par laquelle le directeur général de l'Office français de l'immigration et de l'intégration a mis à sa charge la somme de 17 450 euros au titre de la contribution spéciale prévue à raison de l'emploi irrégulier d'un travailleur étranger et, à titre subsidiaire, de réduire le montant de cette contribution.
Par un jugement n° 1408349 du 31 mai 2016, le tribunal administratif de Marseille a rejeté sa demande.
Procédure devant la Cour :
Par une requête et un mémoire, enregistrés le 4 juillet 2016 et le 12 août 2016, M. C..., représenté par Me B..., demande à la Cour :
1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Marseille du 31 mai 2016 ;
2°) d'annuler, à titre principal, la décision du 19 septembre 2014 du directeur général de l'Office français de l'immigration et de l'intégration et à titre subsidiaire de réduire le montant de la contribution mise à sa charge.
Il soutient que :
- le salarié employé séjournait régulièrement sur le territoire français ;
- seul un rappel à la loi a été prononcé à son encontre dans l'instance pénale ;
- il a toujours exploité son commerce dans des conditions régulières ;
- le salarié employé est désormais titulaire d'un contrat de travail ;
- en raison du caractère isolé de l'infraction constatée le montant de la contribution doit être limité à mille fois le taux horaire du minimum garanti.
Par un mémoire en défense, enregistré le 21 décembre 2017, l'Office français de l'immigration et de l'intégration, représenté par Me D..., conclut au rejet de la requête et à ce que soit mise à la charge de M. C... la somme de 2 800 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Il soutient que les moyens soulevés par M. C... ne sont pas fondés.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code du travail ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de M. Guidal, président,
- et les conclusions de M. Chanon, rapporteur public.
1. Considérant que M. C... exploite une pizzeria à Marseille ; que le 15 avril 2013 des officiers de police judiciaire de la compagnie de gendarmerie départementale d'Aubagne, en résidence à Marseille, ont constaté la présence, en situation de travail pour le compte de M. C..., d'un ressortissant égyptien dépourvu d'autorisation de travail qui distribuait des prospectus publicitaires au nom du restaurant dans les boites à lettre de la caserne de gendarmerie ; que le directeur général de l'Office français de l'immigration et de l'intégration (OFII) a, par une décision du 19 septembre 2014 et au vu des procès-verbaux établis à cette occasion, mis à la charge de M. C... la contribution spéciale prévue à l'article L. 8253-1 du code du travail pour un montant de 17 450 euros ; que M. C... relève appel du jugement du 31 mai 2016 par lequel le tribunal administratif de Marseille a rejeté sa demande tendant à l'annulation de cette décision ;
Sur le bien-fondé de la sanction :
2. Considérant qu'aux termes de l'article L. 8251-1 du code du travail : " Nul ne peut, directement ou indirectement, embaucher, conserver à son service ou employer pour quelque durée que ce soit un étranger non muni du titre l'autorisant à exercer une activité salariée en France (...) " ; qu'aux termes de l'article L. 8253-1 du même code, dans sa rédaction issue de l'article 42 de la loi n° 2012-1509 du 29 décembre 2012, applicable à la date de la constatation de l'infraction : " Sans préjudice des poursuites judiciaires pouvant être intentées à son encontre, l'employeur qui a employé un travailleur étranger en méconnaissance des dispositions du premier alinéa de l'article L. 8251-1 acquitte, pour chaque travailleur étranger non autorisé à travailler, une contribution spéciale. Le montant de cette contribution spéciale est déterminé dans des conditions fixées par décret en Conseil d'Etat. Il est, au plus, égal à 5 000 fois le taux horaire du minimum garanti prévu à l'article L. 3231-12. Ce montant peut être minoré en cas de non-cumul d'infractions ou en cas de paiement spontané par l'employeur des salaires et indemnités dus au salarié étranger non autorisé à travailler mentionné à l'article R. 8252-6. Il est alors, au plus, égal à 2 000 fois ce même taux. Il peut être majoré en cas de réitération et est alors, au plus, égal à 15 000 fois ce même taux " ; qu'aux termes de l'article R. 8253-2 du code du travail pris pour l'application de ces dispositions : " I. - Le montant de la contribution spéciale prévue à l'article L. 8253-1 est égal à 5 000 fois le taux horaire, à la date de la constatation de l'infraction, du minimum garanti prévu à l'article L. 3231-12. II. - Ce montant est réduit à 2 000 fois le taux horaire du minimum garanti dans l'un ou l'autre des cas suivants : 1° Lorsque le procès-verbal d'infraction ne mentionne pas d'autre infraction commise à l'occasion de l'emploi du salarié étranger en cause que la méconnaissance des dispositions du premier alinéa de l'article L. 8251-1 ; 2° Lorsque l'employeur s'est acquitté des salaires et indemnités mentionnés à l' article L. 8252-2 dans les conditions prévues par les articles R. 8252-6 et R. 8252-7. III. - Dans l'hypothèse mentionnée au 2° du II, le montant de la contribution spéciale est réduit à 1 000 fois le taux horaire du minimum garanti lorsque le procès-verbal d'infraction ne mentionne l'emploi que d'un seul étranger sans titre l'autorisant à exercer une activité salariée en France. (...) " ;
3. Considérant qu'il appartient au juge administratif, saisi d'un recours contre une décision du directeur général de l'Office français de l'immigration et de l'intégration mettant à la charge d'un employeur la contribution spéciale prévue à l'article L. 8253-1 du code du travail et la contribution forfaitaire mentionnée à l'article L. 626-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, de vérifier la matérialité des faits reprochés à l'intéressé et leur qualification juridique au regard de ces dispositions ; qu'il lui appartient, également, de décider, après avoir exercé son plein contrôle sur les faits invoqués et la qualification retenue par l'administration, soit de maintenir la sanction prononcée, soit d'en diminuer le montant selon les dispositions applicables au litige, soit d'en décharger l'employeur ;
4. Considérant, par ailleurs, que l'emploi d'un travailleur étranger suppose l'existence d'un travail subordonné, lequel est caractérisé par l'exécution d'un travail sous l'autorité d'un employeur qui a le pouvoir de donner des ordres et des directives, d'en contrôler l'exécution et d'en sanctionner les manquements ; qu'un tel emploi ne dépend ni de la volonté exprimée par les parties, ni, le cas échéant, de la dénomination qu'elles auraient pu donner à leur convention, mais seulement des conditions de fait dans lesquelles est exercée l'activité du travailleur étranger ;
5. Considérant qu'il résulte de l'instruction, notamment des procès-verbaux de constat et d'audition de M. E... du 15 avril 2013, qui font foi jusqu'à preuve contraire, que l'intéressé, de nationalité égyptienne, distribuait des prospectus publicitaires pour le compte de M. C... à raison de quatre jours par semaine ; que selon ses déclarations, il travaillait depuis neuf jours pour le compte de M. C... et percevait une rémunération de dix-sept euros par lots de mille prospectus distribués ; que si M. E... était alors titulaire d'un récépissé de demande d'asile en cours de validité l'autorisant à séjourner en France, ce document ne l'autorisait pas à exercer une activité salariée sur le territoire national, ainsi d'ailleurs que le précisait la mention explicite qui y était apposée ; qu'il résulte de l'ensemble de ces circonstances que M. E... exécutait un travail en échange d'une rémunération sous l'autorité et selon les directives de M. C..., qui en contrôlait l'exécution ; que M. C... doit, par suite, être regardé comme l'employeur de ce ressortissant étranger au sens et pour l'application des dispositions précitées des articles L. 8253-1 du code du travail ; qu'il résulte de ce qui précède que c'est à bon droit qu'il a été assujetti à la contribution spéciale prévues par ces dispositions ;
6. Considérant que si M. C... soutient avoir toujours exploité son commerce dans des conditions régulières, cette circonstance est sans incidence sur le bien fondé de la sanction qui lui a été infligée ; que s'il résulte de l'instruction qu'un contrat de travail a été conclu le 2 septembre 2013 avec M. E..., cette circonstance est également sans incidence, dès lors qu'elle est postérieure de plusieurs mois à la date de l'infraction constatée le 15 avril 2013 ; qu'est également inopérant le moyen tiré de ce que dans l'instance pénale aucune condamnation n'aurait été prononcée à l'encontre de M. C... qui n'a fait l'objet que d'un rappel à la loi, dès lors que les constatations de fait à l'origine de la sanction ressortent, ainsi qu'il a été dit précédemment, des procès-verbaux du 15 avril 2013 ;
Sur le montant de la sanction :
7. Considérant que les dispositions précitées des articles L. 8253-1 et R. 8253-2 du code du travail aménagent une possibilité de minoration du montant de la contribution spéciale, au plus égal à 5 000 fois le taux horaire du minimum garanti, en cas de non-cumul d'infractions ou en cas de paiement spontané des salaires et indemnités mentionnés à l'article L. 8252-2 par l'employeur ; que M. C... ne soutient pas qu'il se trouverait dans la seconde hypothèse visée par ces dispositions ; qu'il résulte, par ailleurs, de l'instruction que le procès verbal d'infraction du 15 avril 2013 mentionne, outre l'emploi d'un étranger sans autorisation de travail, l'infraction de travail dissimulé ; qu'il fait ainsi état d'une autre infraction commise à l'occasion de l'emploi du salarié étranger en cause que la seule méconnaissance des dispositions du premier alinéa de l'article L. 8251-1 du code du travail ; que si ce procès-verbal d'infraction ne mentionne l'emploi que d'un seul étranger sans titre, il ne résulte pas de l'instruction et il n'est d'ailleurs pas soutenu que l'employeur se serait acquitté des salaires et indemnités mentionnés à l'article L. 8252-2 du code du travail dans les conditions prévues par les articles R. 8252-6 et R. 8252-7 du même code ; qu'il suit de là que le directeur général de l'Office français de l'immigration et de l'intégration a pu légalement fixer le montant de la contribution à 5 000 fois le taux horaire du minimum garanti au titre des deux infractions relevées pour l'emploi de M. E... sans en minorer le montant à 2 000 fois ou 1 000 fois le taux horaire du minimum garanti ;
8. Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que M. C... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Marseille a rejeté sa demande ;
Sur les conclusions présentées au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :
9. Considérant que, dans les circonstances de l'espèce, il y a lieu de mettre à la charge de M. C... la somme de 2 000 euros au titre des frais engagés par l'Office français de l'immigration et de l'intégration en application de ces dispositions ;
D É C I D E :
Article 1er : La requête M. C... est rejetée.
Article 2 : M. C... versera à l'Office français de l'immigration et de l'intégration la somme de 2 000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à M. A... C...et à l'Office français de l'immigration et de l'intégration.
Délibéré après l'audience du 23 février 2018, où siégeaient :
- M. Pocheron, président de chambre,
- M. Guidal, président assesseur,
- M. Maury, premier conseiller.
Lu en audience publique, le 9 mars 2018.
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N° 16MA02640
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