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27/02/2018 | FRANCE | N°16MA04444

France | France, Cour administrative d'appel de Marseille, 4ème chambre - formation à 3, 27 février 2018, 16MA04444


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La SARL Crevette a demandé au tribunal administratif de Nice de prononcer la décharge des cotisations supplémentaires d'impôt sur les sociétés auxquelles elle a été assujettie au titre des exercices clos en 2010 et 2011, des rappels de taxe sur la valeur ajoutée qui lui ont été réclamés au titre de la période du 1er janvier 2010 au 30 novembre 2012, ainsi que des pénalités correspondantes.

Par l'article 1er du jugement n° 1403412 du 29 septembre 2016, le tribunal administratif de Nice a pron

oncé un non-lieu à statuer sur les conclusions de la demande tendant à la décharge à ...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La SARL Crevette a demandé au tribunal administratif de Nice de prononcer la décharge des cotisations supplémentaires d'impôt sur les sociétés auxquelles elle a été assujettie au titre des exercices clos en 2010 et 2011, des rappels de taxe sur la valeur ajoutée qui lui ont été réclamés au titre de la période du 1er janvier 2010 au 30 novembre 2012, ainsi que des pénalités correspondantes.

Par l'article 1er du jugement n° 1403412 du 29 septembre 2016, le tribunal administratif de Nice a prononcé un non-lieu à statuer sur les conclusions de la demande tendant à la décharge à hauteur de 926 euros, par les articles 2 et 3 a prononcé la réduction des bases imposables à l'impôt sur les sociétés d'une somme de 18 200 euros au titre de l'exercice 2010 et d'une somme de 19 961 euros au titre de l'exercice 2011 et la décharge des droits et pénalités correspondants, par l'article 4 a prononcé la décharge des rappels de taxe sur la valeur ajoutée au titre de l'année 2011 à concurrence d'une somme de 124,49 euros ainsi que des pénalités y afférentes, et par l'article 5 a rejeté le surplus des conclusions de la demande.

Procédure devant la Cour :

Par une requête, enregistrée le 2 décembre 2016, la SARL Crevette, représentée par Me B..., demande à la Cour :

1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Nice du 29 septembre 2016 en tant qu'il a rejeté le surplus de sa demande ;

2°) de prononcer la décharge des impositions restant en litige et des pénalités y afférentes ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 3 000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- la vérification de comptabilité s'est étendue sur une durée supérieure à trois mois, en méconnaissance de l'article L. 52 du livre des procédures fiscales ;

- c'est à tort que le vérificateur a rejeté sa comptabilité ;

- le vérificateur a reconstitué son chiffre d'affaires en déterminant un pourcentage du chiffre d'affaires des boissons par rapport au chiffre d'affaires total sans tenir compte de l'ensemble des boissons vendues ;

- les vins utilisés en cuisine et consommés par le personnel n'ont pas été suffisamment pris en compte pour la reconstitution de son chiffre d'affaires ;

- les achats non comptabilisés doivent être pris en compte pour la détermination des résultats reconstitués à hauteur de 45 377 euros au titre de l'année 2010 et 28 265 euros au titre de l'année 2011 ;

- l'administration ne pouvait regarder comme un passif injustifié les sommes de 10 000 euros, 19 000 euros et 2 714 euros portées au crédit du compte ouvert au nom de M. C... au cours de l'année 2010 ;

- c'est à tort que les sommes portées au crédit ouvert au nom de M. C... entre le 5 janvier et le 15 avril 2011, pour un montant global de 35 000 euros, ont été regardées comme un passif injustifié ;

- l'administration ne pouvait faire application de la majoration pour manquement délibéré.

Par un mémoire en défense, enregistré le 30 mars 2017, le ministre de l'économie et des finances conclut au rejet de la requête.

Il soutient que les moyens soulevés par la SARL Crevette ne sont pas fondés.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme Mastrantuono,

- et les conclusions de M. Ringeval, rapporteur public.

1. Considérant qu'il résulte de l'instruction que la SARL Crevette, qui exploite un restaurant situé à Villeneuve-Loubet (Alpes-Maritimes), a fait l'objet d'une vérification de comptabilité portant sur la période allant du 1er janvier 2010 au 31 décembre 2011, étendue en matière de taxe sur la valeur ajoutée jusqu'au 30 novembre 2012 ; qu'à l'issue de ce contrôle, l'administration fiscale, après avoir notamment écarté la comptabilité de la société, procédé à la reconstitution du chiffre d'affaires et remis en cause la constatation de dettes dans les écritures, a mis en recouvrement des rappels de taxe sur la valeur ajoutée au titre de la période vérifiée et des cotisations supplémentaires d'impôt sur les sociétés au titre des exercices clos en 2010 et 2011, assortis de pénalités ; que la SARL Crevette a contesté ces impositions devant le tribunal administratif de Nice, qui par jugement en date du 29 septembre 2016 a réduit les bases imposables à l'impôt sur les sociétés des exercices clos en 2010 et 2011 de 18 200 euros et 19 961 euros, prononcé la décharge des cotisations supplémentaires d'impôt sur les sociétés et des pénalités correspondant à ces réductions, ainsi que celle des rappels de taxe sur la valeur ajoutée à concurrence d'une somme de 124,29 euros, et des pénalités correspondantes ; que la SARL Crevette relève appel de ce jugement en tant qu'il n'a que partiellement accueilli ses conclusions ;

Sur la régularité de la procédure d'imposition :

2. Considérant qu'aux termes de l'article L. 13 du livre des procédures fiscales, dans sa rédaction applicable : " Les agents de l'administration des impôts vérifient sur place, en suivant les règles prévues par le présent livre, la comptabilité des contribuables astreints à tenir et à présenter des documents comptables. / Lorsque la comptabilité est tenue au moyen de systèmes informatisés, le contrôle porte sur l'ensemble des informations, données et traitements informatiques qui concourent directement ou indirectement à la formation des résultats comptables ou fiscaux et à l'élaboration des déclarations rendues obligatoires par le code général des impôts ainsi que sur la documentation relative aux analyses, à la programmation et à l'exécution des traitements (...) " ; qu'aux termes du I de l'article L. 47 A du même livre, dans sa rédaction applicable au litige : " Lorsque la comptabilité est tenue au moyen de systèmes informatisés, le contribuable peut satisfaire à l'obligation de représentation des documents comptables mentionnés au premier alinéa de l'article 54 du code général des impôts en remettant, sous forme dématérialisée répondant à des normes fixées par arrêté du ministre chargé du budget, une copie des fichiers des écritures comptables définies aux articles 420-1 et suivants du plan comptable général (...) " ; et qu'aux termes de l'article L. 52 de ce livre : " I.- Sous peine de nullité de l'imposition, la vérification sur place des livres ou documents comptables ne peut s'étendre sur une durée supérieure à trois mois en ce qui concerne : / 1° Les entreprises industrielles et commerciales ou les contribuables se livrant à une activité non commerciale dont le chiffre d'affaires ou le montant annuel des recettes brutes n'excède pas les limites prévues au I de l'article 302 septies A du code général des impôts ; / (...) II.- Par dérogation au I, l'expiration du délai de trois mois n'est pas opposable à l'administration : / (...) 4° En cas de graves irrégularités privant de valeur probante la comptabilité. Dans ce cas, la vérification sur place ne peut s'étendre sur une durée supérieure à six mois (...) " ;

3. Considérant qu'il résulte de l'instruction que la SARL Crevette utilisait, au cours des années vérifiées, une caisse enregistreuse de marque Sharp dotée d'un logiciel dénommé Chablis, permettant notamment l'acquisition des données correspondant aux commandes des clients, leur traitement, à savoir l'édition des éléments de facturation et d'états statistiques ; que, d'une part, la seule circonstance que le logiciel de gestion ne soit pas connecté à un logiciel de comptabilité centralisant les recettes de l'entreprise ne fait pas obstacle à ce que la comptabilité de la société soit regardée comme étant tenue au moyen de systèmes informatisés au sens des dispositions citées de l'article L. 47 A du livre des procédures fiscales ; que, d'autre part, il n'est pas sérieusement contesté par la société que les données de caisse, établies sur support informatique et communiquées au vérificateur faisaient apparaître une absence de numérotation chronologique ininterrompue ; qu'enfin, le contrôle de la comptabilité matière a révélé une minoration importante et systématique des ventes comptabilisées par rapport aux achats revendus, et l'existence de ventes de marchandises dont les achats n'ont pas été comptabilisés, ce que la société a d'ailleurs reconnu en revendiquant la déduction de ses résultats des achats non comptabilisés ; que, compte tenu de la gravité de ces irrégularités, c'est à bon droit que le vérificateur a rejeté comme non probante la comptabilité de la SARL Crevette ; que, par suite, les opérations de contrôle ont pu légalement, sur le fondement des dispositions précitées du II de l'article L. 52 du livre des procédures fiscales, être prolongées au-delà du délai de trois mois prévu au I de cet article ;

Sur le bien-fondé des impositions :

En ce qui concerne la reconstitution du chiffre d'affaires :

4. Considérant, en premier lieu, qu'il résulte de ce qui vient d'être dit que, compte tenu des graves irrégularités affectant la comptabilité de la SARL Crevette, c'est à bon droit que le vérificateur l'a rejetée et a procédé à la reconstitution du chiffre d'affaires ;

5. Considérant, en second lieu, qu'aux termes de l'article R. 194-1 du livre des procédures fiscales : " Lorsque, ayant donné son accord à la rectification ou s'étant abstenu de répondre dans le délai légal à la proposition de rectification, le contribuable présente cependant une réclamation faisant suite à une procédure contradictoire de rectification, il peut obtenir la décharge ou la réduction de l'imposition, en démontrant son caractère exagéré " ; que la SARL Crevette ne conteste plus en appel ne pas avoir répondu à la proposition de rectification du 20 septembre 2013 dans le délai de trente jours, prorogé de trente jours supplémentaires, qui lui était imparti ; que, par suite, la SARL Crevette, qui a tacitement accepté les rectifications, supporte, en application des dispositions précitées de l'article R. 194-1 du livre des procédures fiscales, la charge de démontrer le caractère exagéré des impositions supplémentaires en litige ;

6. Considérant que le vérificateur a déterminé pour chacun des exercices vérifiés le montant du chiffre d'affaires résultant de la vente des boissons les plus significatives ; qu'a été alors pris en compte le montant constaté des achats revendus comptabilisés majoré du montant des achats dissimulés auquel ont été appliqués les tarifs et dosages en vigueur ; qu'enfin ont été pris en compte les correctifs constitués par les pertes et offerts, la consommation du personnel, et l'utilisation du vin en cuisine ; qu'a été calculé ensuite le rapport existant entre le chiffre d'affaires des boissons et le chiffre d'affaires global de l'entreprise ; que l'application de ce rapport au chiffre d'affaires partiel a permis de reconstituer le chiffre d'affaires global de chacun des exercices concernés ; que la requérante, qui supporte la charge de la preuve, ne justifie pas que le choix des boissons retenues n'était pas représentatif ; qu'elle ne justifie pas davantage l'insuffisance des montants retenus au titre des correctifs appliqués aux chiffres d'affaires partiels ; qu'enfin elle ne justifie pas non plus le bien-fondé du montant des déductions à opérer à raison des achats dissimulés dont elle se prévaut devant la Cour ; qu'il suit, de là, qu'elle ne rapporte pas la preuve de l'exagération de ses bases d'imposition ;

En ce qui concerne le passif injustifié :

7. Considérant qu'aux termes du 2 de l'article 38 du code général des impôts : " Le bénéfice net est constitué par la différence entre les valeurs de l'actif net à la clôture et à l'ouverture de la période dont les résultats doivent servir de base à l'impôt diminuée des suppléments d'apport et augmentée des prélèvements effectués au cours de cette période par l'exploitant ou par les associés. L'actif net s'entend de l'excédent des valeurs d'actif sur le total formé au passif par les créances des tiers, les amortissements et les provisions justifiés " ;

8. Considérant qu'il appartient au contribuable qui s'en prévaut de justifier le bien-fondé des écritures de passif entrant dans la détermination de l'actif net d'un exercice ; que, s'agissant de la somme de 10 000 euros portée le 6 mars 2010 au crédit du compte 455 libellé " Ass C...J ", la requérante, en se bornant à produire la copie d'un bordereau de remise de chèque et du recto d'un chèque de 10 000 euros émis par l'EURL Marino et à faire valoir que la somme a été enregistrée par erreur au crédit du compte libellé au nom de M. C..., ne démontre pas l'existence de la dette alléguée à l'égard de la société émettrice du chèque ; que, pour les même motifs, la société requérante ne justifie pas de l'écriture relative à la somme de 19 000 euros portée au crédit du même compte le 24 juin 2010 en se bornant à produire la copie d'un bordereau de remise de chèque et du recto d'un chèque émis par Mme A... ; que la société ne justifie pas davantage l'existence de la dette alléguée à l'égard de M. C... correspondant à la somme de 10 000 euros portée au crédit de ce compte le 15 avril 2011 en se bornant à produire la copie d'un relevé du compte bancaire de l'intéressé faisant apparaître le débit d'un chèque de 10 000 euros à la même date, laquelle, en elle-même, ne permet ni de justifier que le chèque débité correspondrait à l'opération comptabilisée, ni, en tout état de cause, de justifier du motif du versement ; que, par ailleurs, en faisant valoir que la somme de 2 714 euros portée au crédit du compte le 31 décembre 2010 correspond à l'affectation du résultat comptable, sans apporter aucune précision à l'appui de son moyen, la société requérante n'établit pas la réalité de sa dette à l'égard de M. C... ; qu'en faisant valoir que l'inscription au crédit du compte des sommes de 5 000 euros, 10 000 euros et 10 000 euros au cours des mois de janvier et mars 2011 procède d'une erreur comptable, la requérante ne démontre pas davantage la réalité de sa dette à l'égard de l'intéressé ; que c'est, par suite, à bon droit que le service a réintégré la somme globale de 31 714 euros dans le résultat imposable de l'exercice clos en 2010 et celle de 35 000 euros dans le résultat imposable de l'exercice clos en 2011 ;

Sur les pénalités :

9. Considérant qu'aux termes de l'article 1729 du code général des impôts : " Les inexactitudes ou les omissions relevées dans une déclaration ou un acte comportant l'indication d'éléments à retenir pour l'assiette ou la liquidation de l'impôt (...) entraînent l'application d'une majoration de : / a. 40 % en cas de manquement délibéré (...) " ;

10. Considérant qu'il résulte de l'instruction que la SARL Crevette a entaché sa comptabilité d'insuffisances graves et a, de façon répétée, perçu des recettes non comptabilisées ; que l'ensemble de ces constatations traduit une volonté délibérée d'éluder l'impôt ; que, dès lors, l'administration doit être regardée comme apportant la preuve d'un manquement délibéré de la requérante ; que cette dernière n'est ainsi pas fondée à demander la décharge des majorations mises à sa charge ;

11. Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que la SARL Crevette n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que le tribunal administratif de Nice a rejeté le surplus des conclusions de sa demande ;

Sur les conclusions tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

12. Considérant que les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mis à la charge de l'Etat, qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance, le versement de quelque somme que ce soit au titre des frais exposés et non compris dans les dépens ;

D É C I D E :

Article 1er : La requête de la SARL Crevette est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à la SARL Crevette et au ministre de l'action et des comptes publics.

Copie en sera adressée à la direction de contrôle fiscal sud-est.

Délibéré après l'audience du 13 février 2018, où siégeaient :

- M. Antonetti, président,

- Mme Boyer, premier conseiller,

- Mme Mastrantuono, premier conseiller.

Lu en audience publique, le 27 février 2018.

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N° 16MA04444


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