La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

19/10/2017 | FRANCE | N°16MA01427

France | France, Cour administrative d'appel de Marseille, 2ème chambre - formation à 3, 19 octobre 2017, 16MA01427


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. AhmedBOUNIFa demandé au tribunal administratif de Marseille d'annuler l'arrêté du 19 novembre 2015 du préfet des Bouches-du-Rhône refusant un certificat de résidence, l'obligeant à quitter le territoire français dans un délai de trente jours et fixant le pays à destination duquel il pourrait être éloigné d'office.

Par une ordonnance n° 1509800 du 25 janvier 2016, le président de la 2ème chambre du tribunal administratif de Marseille a rejeté sa demande.

Procédure devant la Cour :



Par une requête, enregistrée le 13 avril 2016, M.BOUNIF, représenté par Me Mahjoub, demand...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. AhmedBOUNIFa demandé au tribunal administratif de Marseille d'annuler l'arrêté du 19 novembre 2015 du préfet des Bouches-du-Rhône refusant un certificat de résidence, l'obligeant à quitter le territoire français dans un délai de trente jours et fixant le pays à destination duquel il pourrait être éloigné d'office.

Par une ordonnance n° 1509800 du 25 janvier 2016, le président de la 2ème chambre du tribunal administratif de Marseille a rejeté sa demande.

Procédure devant la Cour :

Par une requête, enregistrée le 13 avril 2016, M.BOUNIF, représenté par Me Mahjoub, demande à la Cour :

1°) d'annuler l'ordonnance du président de la 2ème chambre du tribunal administratif de Marseille du 25 janvier 2016 ;

2°) d'annuler l'arrêté du préfet des Bouches-du-Rhône du 19 novembre 2015 ;

3°) d'enjoindre au préfet des Bouches-du-Rhône, sur le fondement de l'article L. 911-1 du code de justice administrative, de lui délivrer à compter de la décision à intervenir le certificat de résidence demandé ou, sur le fondement de l'article L. 911-2 du même code, de réexaminer sa situation.

Il soutient que :

- l'avis du médecin de l'agence régionale de santé ne lui a pas été communiqué, en violation du principe du contradictoire ;

- il ne peut bénéficier en Algérie de manière effective des soins appropriés à son état de santé ;

- un retour dans son pays d'origine peut avoir des conséquences graves sur son état de santé ;

- il est hébergé par une personne qui subvient à ses besoins ;

- il peut justifier d'une promesse d'embauche.

Par un mémoire en défense enregistré le 20 février 2017, le préfet des Bouches-du-Rhône conclut au rejet de la requête.

Il soutient que les moyens soulevés par M. BOUNIFne sont pas fondés.

Les parties ont été informées, en application des dispositions de l'article R. 611-7 du code de justice administrative, de ce que l'arrêt était susceptible d'être fondé sur un moyen relevé d'office.

M. BOUNIFa été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 10 octobre 2016.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968 ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;

- l'arrêté du 9 novembre 2011 relatif aux conditions d'établissement et de transmission des avis rendus par les agences régionales de santé en application de l'article R. 313-22 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile en vue de la délivrance d'un titre de séjour pour raison de santé ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Le président de la formation de jugement a dispensé la rapporteure publique, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Le rapport de Mme Bourjade-Mascarenhas a été entendu au cours de l'audience publique.

1. Considérant que M. AhmedBOUNIF, ressortissant algérien, né le 12 février 1989 à Jdiouia (Algérie), relève appel de l'ordonnance du 25 janvier 2016 par laquelle le président de la 2ème chambre du tribunal administratif de Marseille a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du 19 novembre 2015 du préfet des Bouches-du-Rhône refusant de lui délivrer un certificat de résidence sur le fondement de l'article 6, 7) de l'accord franco-algérien, l'obligeant à quitter le territoire français dans un délai de trente jours et fixant le pays à destination duquel il pourrait être éloigné d'office ;

Sur la régularité de l'ordonnance attaquée :

2. Considérant qu'aux termes de l'article R. 222-1 du code de justice administrative : " (...) les présidents de formation de jugement des tribunaux (...) peuvent, par ordonnance : (...) / 7° Rejeter, après l'expiration du délai de recours ou, lorsqu'un mémoire complémentaire a été annoncé, après la production de ce mémoire, les requêtes ne comportant que des moyens de légalité externe manifestement infondés, des moyens irrecevables, des moyens inopérants ou des moyens qui ne sont assortis que de faits manifestement insusceptibles de venir à leur soutien ou ne sont manifestement pas assortis des précisions permettant d'en apprécier le bien-fondé (...) " ;

3. Considérant qu'à l'appui de sa demande présentée devant le tribunal administratif de Marseille, M. BOUNIFa invoqué notamment à l'encontre de la décision refusant de lui délivrer un certificat de résidence des moyens tirés de ce qu'il ne pourrait pas bénéficier de soins appropriés en Algérie et de la méconnaissance de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ; que ces moyens, qui étaient assortis de faits susceptibles de venir à leur soutien et n'étaient pas dépourvus des précisions nécessaires à l'appréciation de leur bien-fondé, n'étaient ni inopérants, ni irrecevables ; que les termes dans lesquels ils étaient exprimés, qui permettaient d'en saisir le sens et la portée, les rendaient suffisamment intelligibles pour que le juge exerçât son office en en appréciant le bien-fondé au regard des pièces produites ; que, dès lors, la demande de M. BOUNIFn'entrait pas dans le champ d'application du 7° de l'article R. 222-1 du code de justice administrative et relevait de la seule compétence du tribunal administratif statuant en formation collégiale ; qu'il suit de là que l'ordonnance du président de la 2ème chambre du tribunal administratif de Marseille du 25 janvier 2016 est entachée d'irrégularité et doit être annulée ;

4. Considérant qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, d'évoquer et de statuer immédiatement sur la demande présentée par M. BOUNIF;

Sur la légalité de l'arrêté contesté :

5. Considérant qu'aux termes de l'article 4 de l'arrêté du 9 novembre 2011 : " (...) le médecin de l'agence régionale de santé émet un avis précisant : / - si l'état de santé de l'étranger nécessite ou non une prise en charge médicale ; / - si le défaut de cette prise en charge peut ou non entraîner des conséquences d'une exceptionnelle gravité sur son état de santé ; / - s'il existe dans le pays dont il est originaire, un traitement approprié pour sa prise en charge médicale ; / - la durée prévisible du traitement. / Dans le cas où un traitement approprié existe dans le pays d'origine, il peut, au vu des éléments du dossier du demandeur, indiquer si l'état de santé de l'étranger lui permet de voyager sans risque vers ce pays. / (...) / Cet avis est transmis au préfet sous couvert du directeur général de l'agence régionale de santé. Celui-ci, s'il estime, sur la base des informations dont il dispose, qu'il y a lieu de prendre en compte des circonstances humanitaires exceptionnelles susceptibles de fonder une décision d'admission au séjour, transmet au préfet un avis complémentaire motivé. Par ailleurs, dès lors que l'intéressé porterait à la connaissance du préfet des circonstances humanitaires exceptionnelles susceptibles de fonder une décision d'admission au séjour, le préfet saisit pour avis le directeur général de l'agence régionale de santé, qui lui communique son avis motivé dans un délai d'un mois. " ;

6. Considérant qu'aucune disposition législative ou réglementaire n'impose la communication de l'avis de médecin de l'agence régionale de santé à l'étranger qui demande une admission au séjour au titre de son état de santé ;

7. Considérant qu'aux termes de l'article 6 de l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968 : " Le certificat de résidence d'un an portant la mention " vie privée et familiale" est délivré de plein droit : (...) 7. au ressortissant algérien, résidant habituellement en France, dont l'état de santé nécessite une prise en charge médicale dont le défaut pourrait entraîner pour lui des conséquences d'une exceptionnelle gravité, sous réserve qu'il ne puisse pas effectivement bénéficier d'un traitement approprié dans son pays. " ; qu'aux termes de l'article R. 313-22 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, applicable aux demandes de certificat de résidence formées par les ressortissants algériens sur le fondement des stipulations du 7) de l'article 6 de l'accord franco-algérien, dans sa rédaction applicable à la date de l'arrêté contesté : " (...) Pour l'application du 11° de l'article L. 313-11, le préfet délivre la carte de séjour temporaire au vu d'un avis émis par le médecin de l'agence régionale de santé compétente au regard du lieu de résidence de l'intéressé, désigné par le directeur général. (...) " ; qu'il appartient à l'autorité administrative, lorsqu'elle envisage de refuser la délivrance ou le renouvellement d'un certificat de résident à un ressortissant algérien qui se prévaut de ces stipulations de vérifier que cette décision ne peut avoir de conséquences d'une exceptionnelle gravité sur l'état de santé de l'intéressé et, en particulier, d'apprécier, sous le contrôle du juge de l'excès de pouvoir, la nature et la gravité des risques qu'entraînerait un défaut de prise en charge médicale dans le pays d'origine ; que lorsque le défaut de prise en charge risque d'avoir des conséquences d'une exceptionnelle gravité sur la santé de l'intéressé, l'autorité administrative ne peut légalement refuser le titre de séjour sollicité que s'il existe des possibilités de traitement approprié de l'affection en cause dans son pays d'origine ; que si de telles possibilités existent mais que l'étranger fait valoir qu'il ne peut en bénéficier, soit parce qu'elles ne sont pas accessibles à la généralité de la population, eu égard notamment aux coûts du traitement ou à l'absence de modes de prise en charge adaptés, soit parce qu'en dépit de leur accessibilité, des circonstances exceptionnelles tirées des particularités de sa situation personnelle l'empêcheraient d'y accéder effectivement, il appartient à cette même autorité, au vu de l'ensemble des informations dont elle dispose, d'apprécier si l'intéressé peut ou non bénéficier effectivement d'un traitement approprié en Algérie ;

8. Considérant qu'il ressort des pièces du dossier que le préfet a pris l'arrêté contesté en se fondant sur l'avis du médecin de l'agence régionale de santé du 27 mai 2015 indiquant que l'état de santé de M. BOUNIFnécessite une prise en charge médicale mais dont le défaut ne peut entraîner de conséquences d'une exceptionnelle gravité, qu'il peut bénéficier effectivement d'un traitement approprié dans son pays d'origine et qu'il peut voyager sans risque vers ce pays ; que pour justifier, contrairement aux indications de cet avis, de l'existence de conséquences d'une exceptionnelle gravité qu'entraînerait une interruption des traitements que nécessite son état, M.BOUNIF, qui prétend souffrir d'un stress psychosomatique grave, ne produit qu'un certificat médical d'un médecin généraliste se bornant à faire état d'une anxiété et ne comportant aucune précision ni sur l'état de l'intéressé, ni sur l'évolution de cet état, ni sur le degré de gravité de la pathologie dont il souffre ; qu'il ne fournit aucune indication sur le traitement médical qu'il suit ; qu'en revanche, il ressort de l'annuaire des établissements de santé établi par le ministère de la Santé, de la Population et de la Réforme Hospitalière algérien produit par le préfet des Bouches-du-Rhône que les pathologies psychiatriques sont traitées en Algérie dans des hôpitaux psychiatriques publics situés dans plusieurs grandes villes ; qu'il ressort par ailleurs d'une présentation du système de santé et de la couverture sociale versée aux débats par le préfet que le système de sécurité sociale algérien prend en charge la plus grande partie de la population ; que M. BOUNIFne produit aucun élément de nature à justifier qu'il ne pourrait accéder à l'une de ces structures hospitalières du fait de leur éloignement par rapport à son lieu de résidence ni que son traitement médicamenteux ne serait pas disponible ; qu'il n'établit ni même n'allègue qu'il ne disposerait pas de ressources financières suffisantes pour accéder aux soins qui lui seraient indispensables ; que M. BOUNIFne justifie pas non plus qu'en raison de son état dépressif, il serait susceptible d'attenter à ses jours en cas de retour dans son pays d'origine ni que son frère résidant en France lui assurerait un soutien psychologique indispensable ; que, par suite, en refusant de lui délivrer un titre de séjour en qualité d'étranger malade, le préfet des Bouches-du-Rhône n'a pas méconnu les dispositions précitées de l'accord franco-algérien ;

9. Considérant qu'aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance. Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui. " ;

10. Considérant que M. BOUNIFentré en France selon ses indications en 2014 à l'âge de 25 ans a passé la majeure partie de sa vie dans son pays d'origine ; qu'il est célibataire et sans enfant et réside chez Mme Abdelazizépouse BOUNIFqui subvient à ses besoins ; qu'il n'établit pas son insertion professionnelle dans la société française par la production d'une promesse d'embauche ; que dans ces conditions, le requérant n'est pas fondé à soutenir que l'arrêté contesté a été pris en violation des stipulations précitées ;

11. Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que M. BOUNIFn'est pas fondé à demander l'annulation de l'arrêté préfectoral du 19 novembre 2015 ; que, par voie de conséquence, ses conclusions accessoires à fin d'injonction doivent être rejetées ;

D É C I D E :

Article 1 : L'ordonnance du 25 janvier 2016 du président de la 2ème chambre du tribunal administratif de Marseille est annulée.

Article 2 : La demande présentée par M. BOUNIFdevant le tribunal administratif de Marseille et le surplus des conclusions de sa requête sont rejetés.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à M. AhmedBOUNIFet au ministre de l'intérieur.

Copie en sera adressée au préfet des Bouches-du-Rhône.

Délibéré après l'audience du 5 octobre 2017 où siégeaient :

- M. Vanhullebus, président de chambre,

- M. Barthez, président assesseur,

- Mme Bourjade-Mascarenhas, première conseillère.

Lu en audience publique, le 19 octobre 2017.

2

N° 16MA01427


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Marseille
Formation : 2ème chambre - formation à 3
Numéro d'arrêt : 16MA01427
Date de la décision : 19/10/2017
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : M. VANHULLEBUS
Rapporteur ?: Mme Agnes BOURJADE
Rapporteur public ?: Mme CHAMOT
Avocat(s) : MAHJOUB

Origine de la décision
Date de l'import : 31/10/2017
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.marseille;arret;2017-10-19;16ma01427 ?
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award