La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

17/10/2017 | FRANCE | N°15MA04501

France | France, Cour administrative d'appel de Marseille, 4ème chambre - formation à 3, 17 octobre 2017, 15MA04501


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La société par actions simplifiée (SAS) Résidence La Martegale a demandé au tribunal administratif de Montpellier de surseoir à statuer et de renvoyer devant la Cour de justice de l'Union européenne la question du caractère mixte des dépenses afférentes aux prestations de dépendance et d'hébergement, au regard du deuxième alinéa du 2 de l'article 1er de la directive modifiée 77/388/CEE du Conseil du 17 mai 1977 et de prononcer la restitution des montants de taxe sur la valeur ajoutée qu'elle a acqui

ttés entre le 1er janvier 2011 et le 31 décembre 2012, à hauteur respectivemen...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La société par actions simplifiée (SAS) Résidence La Martegale a demandé au tribunal administratif de Montpellier de surseoir à statuer et de renvoyer devant la Cour de justice de l'Union européenne la question du caractère mixte des dépenses afférentes aux prestations de dépendance et d'hébergement, au regard du deuxième alinéa du 2 de l'article 1er de la directive modifiée 77/388/CEE du Conseil du 17 mai 1977 et de prononcer la restitution des montants de taxe sur la valeur ajoutée qu'elle a acquittés entre le 1er janvier 2011 et le 31 décembre 2012, à hauteur respectivement de 28 526 euros et de 30 740 euros.

Par un jugement n° 1401240 du 28 septembre 2015, le tribunal administratif de Montpellier a rejeté sa demande.

Procédure devant la Cour :

Par une requête et un mémoire, enregistrés les 27 novembre 2015 et 10 novembre 2016, la société Résidence La Martegale, représentée par Me A..., demande à la Cour :

1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Montpellier du 28 septembre 2015 ;

2°) à titre principal, de prononcer la restitution des montants de taxe sur la valeur ajoutée qu'elle a acquittés entre le 1er janvier 2011 et le 31 décembre 2012, à hauteur respectivement de 28 526 euros et de 30 740 euros ;

3°) à titre subsidiaire, de surseoir à statuer et de renvoyer devant la Cour de justice de l'Union européenne la question du caractère mixte des dépenses afférentes aux prestations de dépendance et d'hébergement, au regard du deuxième alinéa du 2 de l'article 1er de la directive modifiée 77/388/CEE du Conseil du 17 mai 1977 ;

4°) de mettre à la charge de l'Etat le versement de la somme de 7 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- les dépenses afférentes aux prestations de dépendance et d'hébergement n'ont pas, en prenant compte l'affectation financière des biens et services, un caractère mixte ;

- le forfait soins, qui s'apparente à une dotation de fonctionnement et qui ne peut être regardé comme un complément de prix, ne relève pas du champ de la taxe sur la valeur ajoutée ;

- il s'agit d'une subvention dépourvue de lien direct avec la prestation exonérée ;

- les dispositions du 1° ter du 4 de l'article 261 du code général des impôts sont contraires à l'article 11 de la sixième directive, repris à l'article 73 de la directive 2006/112/CE et transposé par le 1 a) de l'article 266 du code général des impôts.

- le coût de ses dépenses d'amont était nécessairement répercuté dans le tarif des opérations d'aval taxables.

Par un mémoire en défense, enregistré le 14 avril 2016, le ministre des finances et des comptes publics conclut au rejet de la requête.

Il soutient que :

- la demande de restitution de la société requérante n'est recevable qu'à hauteur des seuls montants déclarés et payés sur les périodes, soit 24 461 euros pour 2011 et 7 000 euros pour 2012 ;

- les moyens soulevés par la requérante ne sont pas fondés.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la directive n° 2006/112/CE du 28 novembre 2006 ;

- le code de l'action sociale et des familles ;

- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme Chevalier-Aubert,

- et les conclusions de M. Ringeval, rapporteur public.

1. Considérant que la société Résidence La Martegale exploite un établissement d'hébergement pour personnes âgées dépendantes (EHPAD) , relevant du 6° de l'article L. 312-1 du code de l'action sociale et des familles, dans lequel sont rendues, d'une part, des prestations de soins, exonérées de taxe sur la valeur ajoutée en application du 1 ter du 4 de l'article 261 du code général des impôts et, d'autre part, des prestations d'hébergement et de restauration, ainsi que des prestations liées à la dépendance, imposables à la taxe sur la valeur ajoutée ; que l'administration a refusé de lui rembourser, le 28 septembre 2015, un crédit de taxe sur la valeur ajoutée de 28 526 euros au titre de 2011 et 30 740 euros en 2012 ; que la société Résidence La Martegale relève appel du jugement, en date du 14 mars 2014, par lequel le tribunal administratif de Montpellier a rejeté sa demande de restitution des crédits susmentionnés ;

Sur la fin de non-recevoir opposée par le ministre :

2. Considérant qu'aux termes de l'article L. 190 du livre des procédures fiscales, dans sa version alors applicable : " Les réclamations relatives aux impôts, contributions, droits, taxes, redevances, soultes et pénalités de toute nature, établis ou recouvrés par les agents de l'administration, relèvent de la juridiction contentieuse lorsqu'elles tendent à obtenir soit la réparation d'erreurs commises dans l'assiette ou le calcul des impositions, soit le bénéfice d'un droit résultant d'une disposition législative ou réglementaire. / Relèvent de la même juridiction les réclamations qui tendent à obtenir la réparation d'erreurs commises par l'administration dans la détermination d'un résultat déficitaire ou d'un excédent de taxe sur la valeur ajoutée déductible sur la taxe sur la valeur ajoutée collectée au titre d'une période donnée, même lorsque ces erreurs n'entraînent pas la mise en recouvrement d'une imposition supplémentaire. Les réclamations peuvent être présentées à compter de la réception de la réponse aux observations du contribuable mentionnée à l'article L. 57, ou à compter d'un délai de 30 jours après la notification prévue à l'article L. 76 ou, en cas de saisine de la commission départementale des impôts directs et des taxes sur le chiffre d'affaires, à compter de la notification de l'avis rendu par cette commission. / Sont instruites et jugées selon les règles du présent chapitre toutes actions tendant à la décharge ou à la réduction d'une imposition ou à l'exercice de droits à déduction, fondées sur la non-conformité de la règle de droit dont il a été fait application à une règle de droit supérieure (...) " ;

3. Considérant qu'aux termes de l'article 271 du code général des impôts : " I. 1. La taxe sur la valeur ajoutée qui a grevé les éléments du prix d'une opération imposable est déductible de la taxe sur la valeur ajoutée applicable à cette opération. / (...) 3. La déduction de la taxe ayant grevé les biens et les services est opérée par imputation sur la taxe due par le redevable au titre du mois pendant lequel le droit à déduction a pris naissance. / IV. La taxe déductible dont l'imputation n'a pu être opérée peut faire l'objet d'un remboursement dans les conditions, selon les modalités et dans les limites fixées par décret en Conseil d'Etat (...) " ; qu'aux termes de l'article 242-0 A de l'annexe II au code général des impôts, pris sur le fondement de l'article 271 précité : " Le remboursement de la taxe sur la valeur ajoutée déductible dont l'imputation n'a pu être opérée doit faire l'objet d'une demande des assujettis. Le remboursement porte sur le crédit de taxe déductible constaté au terme de chaque année civile " ; qu'aux termes de l'article 242-0 C de la même annexe, dans sa rédaction alors applicable : " I. 1. Les demandes de remboursement doivent être déposées au cours du mois de janvier (...) / II. - Par dérogation aux dispositions du I, les assujettis soumis de plein droit ou sur option au régime normal d'imposition peuvent demander un remboursement au titre d'un trimestre civil lorsque chacune des déclarations de ce trimestre fait apparaître un crédit de taxe déductible. La demande de remboursement est déposée au cours du mois suivant le trimestre considéré (...) " ;

4. Considérant qu'il résulte de ces dispositions que lorsqu'un contribuable est en situation de crédit permanent de taxe sur la valeur ajoutée, il lui appartient de reporter sur les déclarations suivantes l'excédent de crédit de taxe déductible constaté pour en permettre l'imputation ultérieure sur la taxe sur la valeur ajoutée à collecter puis, le cas échéant, de formuler une demande de remboursement de l'excédent de taxe sur la valeur ajoutée déductible dans les conditions fixées par les articles 242-0 A et suivants de l'annexe II au code général des impôts ; que ces dispositions font obstacle à ce que le contribuable demande la restitution d'un excédent de taxe sur la valeur ajoutée déductible par une réclamation sur le fondement de l'article L. 190 du livre des procédures fiscales ;

5. Considérant qu'il est constant que les soldes nets de taxe sur la valeur ajoutée versés au Trésor public par la société requérante s'élèvent respectivement pour l'année 2011 à la somme de 24 461 euros et pour l'année 2012 à 7 000 euros ; que ces montants sont inférieurs aux montants totaux de taxe dont la société a demandé la restitution, à savoir respectivement 28 526 euros et 30 740 euros ; qu'il appartenait à la société Résidence La Martegale de présenter une réclamation, non pas sur le fondement du premier alinéa de l'article L. 190 du livre des procédures fiscales, mais dans les formes prévues aux articles 242-0 A et suivants de l'annexe II au code général des impôts ; que par suite sa demande de restitution n'est recevable qu'à hauteur de 24 461 euros pour l'année 2011 et 7 000 euros pour l'année 2012 ; que ministre, est par suite fondé à soutenir que le surplus des conclusions de la requête de la société La Martegale est irrecevable ;

Sur le bien-fondé du surplus de la demande de restitution :

6. Considérant qu'aux termes du 1 du I de l'article 271 du code général des impôts : " La taxe sur la valeur ajoutée qui a grevé les éléments du prix d'une opération imposable est déductible de la taxe sur la valeur ajoutée applicable à cette opération " ; qu'aux termes du 1 de l'article 273 du même code : " Des décrets en Conseil d'Etat déterminent les conditions d'application de l'article 271. / Ils fixent notamment : / (...) - les modalités suivant lesquelles la déduction de la taxe ayant grevé les biens ou services qui ne sont pas utilisés exclusivement pour la réalisation d'opérations imposables doit être limitée ou réduite " ; qu'aux termes de l'article 205 de l'annexe II au code général des impôts : " La taxe sur la valeur ajoutée grevant un bien ou un service qu'un assujetti à cette taxe acquiert, importe ou se livre à lui-même est déductible à proportion de son coefficient de déduction " ; qu'aux termes de l'article 206 de cette même annexe : " I. - Le coefficient de déduction mentionné à l'article 205 égal au produit des coefficients d'assujettissement, de taxation et d'admission. / II. - Le coefficient d'assujettissement d'un bien ou d'un service est égal à sa proportion d'utilisation pour la réalisation d'opérations imposables. Les opérations imposables s'entendent des opérations situées dans le champ d'application de la taxe sur la valeur ajoutée en vertu des articles 256 et suivants du code général des impôts, qu'elles soient imposées ou légalement exonérées (...) " ;

7. Considérant qu'il résulte des dispositions visées au point 2, à la lumière, notamment, de la décision de la Cour de justice de l'Union européenne du 29 octobre 2009, Skatteverket c/ AB SKF, C-29/08, relative aux dispositions communautaires dont elles assurent la transposition et qui figurent, pour la période litigieuse, aux articles 1er, 168 et 173 de la directive 2006/112/CE du 28 novembre 2006 relative au système commun de taxe sur la valeur ajoutée, en premier lieu, que le droit à déduction existe dans le cas où l'opération en amont soumise à cette taxe se trouve en lien direct et immédiat avec une ou plusieurs opérations en aval ouvrant droit à déduction, en deuxième lieu, que si tel n'est pas le cas, il y a lieu d'examiner si les dépenses effectuées pour acquérir des biens ou des services en amont font partie des frais généraux liés à l'ensemble de l'activité économique de l'assujetti, et, en dernier lieu, que dans l'un ou l'autre cas, l'existence d'un lien direct et immédiat présuppose que le coût des prestations en amont est incorporé respectivement dans le prix des opérations particulières en aval ou dans le prix des biens ou des services fournis par l'assujetti dans le cadre de ses activités économiques ; qu'ainsi, si en règle générale, la déductibilité n'est, que partielle, à hauteur du prorata de déduction, lorsque les biens ou services sont utilisés concurremment pour la réalisation d'opérations taxées et pour la réalisation d'opérations exonérées, elle est intégrale dans l'hypothèse particulière où l'assujetti est tenu de répercuter l'intégralité du coût de ces dépenses dans le prix de ses seules opérations taxées, alors même que les dépenses seraient aussi utilisées pour les opérations exonérées ;

8. Considérant que les dépenses d'administration générale d'un EHPAD et de fonctionnement et d'entretien général de ses bâtiments concourent tant à la réalisation des prestations de soins qu'à la réalisation des prestations d'hébergement et de restauration et des prestations liées à la dépendance ; que toutefois, en vertu des articles R. 314-158 à R. 314-163 du code de l'action sociale et des familles et de l'annexe 3-2 à ce code, l'ensemble de ces dépenses est obligatoirement incorporé dans les tarifs afférents à l'hébergement et à la dépendance, lesquels sont imposés à la taxe sur la valeur ajoutée, et non dans le tarif afférent aux soins, qui n'incorpore que les charges relatives aux prestations de soins, à l'emploi du personnel assurant les soins et au matériel médical ; que, dès lors, ces dépenses ne peuvent être regardées comme faisant partie des éléments constitutifs du prix des prestations de soins, qui sont les seules à être exonérées de la taxe ; qu'il n'est pas contesté que les frais et charges d'administration générale, de fonctionnement et d'entretien général des bâtiments de la société La Martegale, pour lesquels elle sollicite le remboursement d'un crédit de taxe sur la valeur ajoutée au titre de la période du 1er janvier 2011 au 31 décembre 2012, ont été intégralement incorporés dans le prix des prestations relatives à l'hébergement et à la dépendance ; qu'ainsi, la société La Martegale est fondée à demander le remboursement des crédits de taxe sur la valeur ajoutée de 24 461 euros pour l'année 2011 et 7 000 euros pour l'année 2012 ;

9. Considérant qu'il résulte de ce qui précède que, sans qu'il soit besoin ni de se prononcer sur les autres moyens de la requête ni de saisir la Cour de justice de l'Union européenne d'une question préjudicielle, la société La Martegale est fondée à soutenir que c'est à tort que le tribunal administratif de Montpellier a, par le jugement attaqué, rejeté sa demande sur les sommes susmentionnées ;

Sur l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

10. Considérant qu'aux termes de l'article L. 761-1 du code de justice administrative : " Dans toutes les instances, le juge condamne la partie tenue aux dépens ou, à défaut, la partie perdante, à payer à l'autre partie la somme qu'il détermine, au titre des frais exposés et non compris dans les dépens. Le juge tient compte de l'équité ou de la situation économique de la partie condamnée. Il peut, même d'office, pour des raisons tirées des mêmes considérations, dire qu'il n'y a pas lieu à cette condamnation " ;

11. Considérant qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'Etat une somme de 2 000 euros au titre des frais exposés par la société La Martegale et non compris dans les dépens ;

D É C I D E :

Article 1er : Il est accordé à la société La Martegale le remboursement des crédits de taxe sur la valeur ajoutée de 24 461 euros pour l'année 2011 et 7 000 euros pour l'année 2012 qu'elle avait versés.

Article 2 : Le jugement n° 1401240 du 28 septembre 2015 du tribunal administratif de Montpellier est réformé en ce qu'il a de contraire au présent arrêt.

Article 3 : L'Etat versera à la société La Martegale la somme de 2 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 4 : Le surplus des conclusions de la requête de la société La Martegale est rejeté.

Article 5 : Le présent arrêt sera notifié à la société La Martegale et au ministre de l'action et des comptes publics.

Copie en sera adressée à la direction de contrôle fiscal sud-est.

Délibéré après l'audience du 2 octobre 2017, où siégeaient :

- M. Antonetti, président,

- Mme Chevalier-Aubert, président assesseur,

- Mme Boyer, premier conseiller.

Lu en audience publique, le 17 octobre 2017.

7

N° 15MA04501


Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award