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25/09/2017 | FRANCE | N°16MA02202

France | France, Cour administrative d'appel de Marseille, 6ème chambre - formation à 3, 25 septembre 2017, 16MA02202


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La commune de Tallone a demandé au tribunal administratif de Bastia :

- d'ordonner une expertise en vue de déterminer la nature et la cause des désordres affectant l'église Saint-Césaire et les travaux nécessaires pour y remédier ;

- de condamner solidairement la société Monte TP, la société mutuelle des assurances des bâtiments et travaux publics (SMABTP) et M. A...à lui verser la somme de 187 004,40 euros en réparation des préjudices résultant de ces désordres.

Par un jugemen

t n° 1300578 du 16 décembre 2014, le tribunal administratif de Bastia a rejeté les conclusions di...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La commune de Tallone a demandé au tribunal administratif de Bastia :

- d'ordonner une expertise en vue de déterminer la nature et la cause des désordres affectant l'église Saint-Césaire et les travaux nécessaires pour y remédier ;

- de condamner solidairement la société Monte TP, la société mutuelle des assurances des bâtiments et travaux publics (SMABTP) et M. A...à lui verser la somme de 187 004,40 euros en réparation des préjudices résultant de ces désordres.

Par un jugement n° 1300578 du 16 décembre 2014, le tribunal administratif de Bastia a rejeté les conclusions dirigées contre la SMABTP comme portées devant une juridiction incompétente pour en connaître et, avant de statuer sur le surplus des conclusions de la demande, a ordonné une expertise.

Par un jugement n° 1300578 du 12 mai 2016, le tribunal administratif de Bastia a :

- condamné solidairement la société Monte TP et M. A...à verser la somme de 94 454,55 euros toutes taxes comprises à la commune de Tallone ;

- mis les frais d'expertise d'un montant total de 29 617,86 euros à la charge solidaire et définitive de la société Monte TP et de M.A... ;

- condamné la société Monte TP à garantir M. A...à hauteur de 20 % des condamnations prononcées à son encontre.

Procédure devant la Cour :

Par une requête, enregistrée le 7 juin 2016, M.A..., représenté par la SCP Tomasi-Santini-Vaccarezza-Bronzini-De Caraffa-Taboureau, demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement du tribunal administratif de Bastia du 12 mai 2016 ;

A titre principal :

2°) de rejeter la demande de la commune de Tallone ;

3°) de mettre une somme de 2 000 euros à la charge de la commune de Tallone au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

A titre subsidiaire :

4°) de ramener l'indemnité due à la commune de Tallone à la somme de 74 463,57 euros toutes taxes comprises ;

5°) de condamner la société Monte TP à le garantir intégralement de toute condamnation ;

6°) de le décharger des dépens de l'instance ;

7°) de mettre une somme de 2 000 euros à la charge de la société Monte TP au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que :

- le jugement est insuffisamment motivé ;

- les infiltrations constatées sont sans rapport avec la chute des lauzes de la toiture car seules les plaques de sous-toiture ont vocation à assurer son étanchéité ;

- sa responsabilité ne peut être engagée au motif de l'inadaptation de la colle prévue par le cahier des clauses techniques particulières à la fixation des lauzes ;

- seule la responsabilité de la société Monte TP doit être retenue en raison des fautes d'exécution qu'elle a commises ;

- la réparation des désordres n'impose pas de recourir à la méthode de pose sur platelage continu retenue par les premiers juges, qui apporterait une plus-value à l'ouvrage.

Par un mémoire en défense, enregistré le 19 mars 2017, la commune de Tallone conclut :

- à titre principal, au rejet de la requête ;

- à titre subsidiaire, à la condamnation solidaire de la société Monte TP et de M. A...à lui verser la somme de 73 726,31 euros toutes taxes comprises ou la somme de 22 500 euros ;

- à ce qu'une somme de 3 500 euros soit mise à la charge des parties perdantes au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que les moyens soulevés par M. A...ne sont pas fondés.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code des marchés publics ;

- le code de justice administrative.

Le président de la Cour a désigné Mme Marie-Pierre Steinmetz-Schies, président assesseur, en application de l'article R. 222-26 du code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. C... Grimaud,

- et les conclusions de M. B... Thiele, rapporteur public.

1. Considérant que la commune de Tallone a conclu le 6 mai 2002 avec la société Monte TP un marché de travaux publics portant sur la réfection de la toiture de l'église SaintCésaire, la maîtrise d'oeuvre de l'opération ayant été confiée à M.A..., architecte ; que la réception définitive des travaux a été prononcée le 11 février 2003 ; que, par ordonnance du 4 juin 2010, le juge des référés du tribunal administratif de Bastia a désigné un expert à la demande de la commune de Tallone aux fins notamment de constater les désordres affectant la toiture de l'église et de se prononcer sur leurs causes ; que le rapport d'expertise a été déposé en décembre 2010 ; que le tribunal administratif a, par un jugement avant dire droit du 16 décembre 2014, retenu la responsabilité solidaire de M. A...et de la société Monte TP du fait des infiltrations d'eau causées par ces désordres et ordonné un complément d'expertise portant sur la conformité aux règles de l'art du procédé de collage des lauzes employées dans le cadre du marché ainsi que sur la nature et le coût des travaux à effectuer ; que M. A...relève appel du jugement du 12 mai 2016 par lequel le tribunal administratif, statuant sur la demande de la commune de Tallone après le dépôt de ce second rapport d'expertise, l'a condamné solidairement avec la société Monte TP à lui verser la somme de 94 454,55 euros toutes taxes comprises en réparation de ses préjudices ainsi que celle de 29 617,86 euros au titre des dépens et a condamné la société Monte TP à le garantir à hauteur de 20 % des condamnations ainsi prononcées ;

Sur la régularité du jugement :

2. Considérant qu'aux termes de l'article L. 9 du code de justice administrative : " Les jugements sont motivés " ;

3. Considérant, en premier lieu, que le jugement mentionne en son point 7 que M. A... " a manqué à ses obligations en choisissant un mode de pose des lauzes inadapté qui est la cause principale des dommages " et que " les conséquences de son choix ont été aggravées par la pose des lauzes qui n'a pas été effectuée dans les règles de l'art par la société Monte TP " ; que les premiers juges avaient auparavant précisé dans le jugement avant dire droit du 16 décembre 2014 les motifs pour lesquels les désordres survenus sur la toiture de l'église rendaient l'ouvrage impropre à sa destination et étaient ainsi de nature à engager la responsabilité décennale des constructeurs ; qu'ainsi, le tribunal a motivé son jugement tant en ce qui concerne le fondement de la condamnation de M. A...que son quantum ;

4. Considérant, en second lieu, que contrairement à ce que soutient le requérant, les premiers juges ont répondu à l'ensemble des moyens soulevés par M.A... ;

5. Considérant qu'il résulte de ce qui précède que M. A...n'est pas fondé à soutenir que le jugement est insuffisamment motivé ;

Sur le bien-fondé du jugement attaqué :

En ce qui concerne le principe de la responsabilité décennale :

6. Considérant que, contrairement à ce que soutient M.A..., il résulte de l'instruction et notamment des deux rapports d'expertise, lesquels ne sont pas contradictoires sur ce point, que des fuites d'eau sont apparues sous les combles au niveau du faîtage ainsi qu'au pied des noues postérieurement à la réception définitive des travaux ; que si le second expert commis par le tribunal administratif a rappelé que la couche de plaques sous toiture avait pour fonction d'assurer l'étanchéité de l'ouvrage, son rapport ne remet pas en cause les conclusions du premier expert désigné par la juridiction, lequel avait relevé que ces infiltrations ont pour origine le percement des feuilles de plomb par les lauzes du fait de leur glissement dû à un collage défaillant ; que par suite M. A...n'est fondé à soutenir ni que l'ouvrage ne serait affecté d'aucun désordre, ni que ceux-ci n'auraient aucun lien de causalité avec les travaux objets du marché ; qu'il n'est par ailleurs plus contesté que ces désordres, qui n'étaient pas apparents lors de la réception des travaux, sont de nature à rendre l'ouvrage impropre à sa destination ; qu'ils engagent dès lors la responsabilité de M. A...et de la société Monte TP sur le fondement de la garantie décennale, ainsi que l'ont retenu les premiers juges ;

En ce qui concerne la responsabilité de M.A... :

7. Considérant que la méthode de conception retenue par le maître d'oeuvre consistait en la pose de plaques sous toiture, sur lesquelles étaient collées les lauzes constituant la couverture ; qu'il résulte de l'instruction, et notamment du rapport du second expert commis par le tribunal, que la technique ainsi choisie par M. A...est inadaptée aux toitures présentant des pentes dont la déclivité est supérieure à 40 % et que la rupture d'adhérence du collage sur les pans de toiture de l'église, dont les pentes atteignent 70 % par endroits, est la cause du glissement des lauzes ; que dès lors, M. A...n'est pas fondé à soutenir qu'il serait totalement étranger à la survenance des désordres ; que, par suite, la circonstance que la colle préconisée par le cahier des clauses techniques particulières possédait les propriétés requises et que l'entreprise a commis des erreurs d'exécution n'est pas de nature à l'exonérer de sa responsabilité ;

En ce qui concerne l'étendue du préjudice :

8. Considérant que dans le cas où des travaux sont nécessaires pour rendre un ouvrage conforme à sa destination, il n'y a lieu d'opérer un abattement sur les indemnités mises à la charge des entrepreneurs responsables des désordres auxquels lesdits travaux doivent mettre fin que si ceux-ci ont apporté à l'ouvrage une plus-value par rapport à la valeur des ouvrages et installations prévues au contrat ; que dans le cas où le montant d'un marché serait inférieur à son coût réel de réalisation et que les entrepreneurs n'ont pas exécuté le marché conformément à ses stipulations, les travaux nécessaires pour rendre l'ouvrage conforme à ses caractéristiques contractuelles ne peuvent être regardés comme lui conférant une plus-value dont bénéficierait le maître de l'ouvrage ;

9. Considérant qu'il résulte de l'instruction que les désordres subis par la couverture de l'église nécessitent sa reprise intégrale ; que le second expert désigné par le tribunal a proposé trois techniques de réfection impliquant des coûts supérieurs à celui du marché initial, excluant en revanche un nouveau recours à la technique du collage des lauzes en raison de son inadaptation aux pentes constatées sur la couverture de l'église ; que, toutefois, les stipulations de l'article 2.3.01 du cahier des clauses techniques particulières du lot n° 2 " toiture / charpente et couvertures lauzes " du marché prescrivait la fixation des lauzes " par mastic colle polyuréthane " ; qu'il résulterait dès lors et en tout état de cause du recours à l'une des trois techniques préconisées par l'expert une plus-value par rapport à l'ouvrage et au mode de construction objet du contrat initial, conclu pour un prix de 73 726,31 euros toutes taxes comprises, dont l'expert a réévalué le coût dans son rapport à la somme de 74 463,57 euros toutes taxes comprises ; que l'indemnité due à la commune en réparation des désordres résultant du glissement des lauzes doit dès lors être fixée à ce montant, auquel doit être ajoutée la somme de 952,35 euros toutes taxes comprises correspondant au coût de la reprise d'une pièce de bois endommagée par les désordres ;

En ce qui concerne la charge de la réparation :

10. Considérant que la mission confiée au maître d'oeuvre par la commune de Tallone était une mission de base comprenant, notamment, la conception du projet et la direction de l'exécution des travaux ; qu'ainsi qu'il a été dit au point 7, le choix fait par M. A...de la fixation de lauzes sur des plaques de sous-toiture au moyen de colle n'était pas adapté à la configuration de la toiture de l'église, du fait de la déclivité de certains de ses pans ; qu'il résulte toutefois également de l'instruction que les désordres ont été aggravés dans leur ampleur par la mauvaise qualité des lauzes employées et les malfaçons ayant entaché leur pose, conduite sans préparation des supports par l'entreprise, qui a ainsi méconnu les règles de l'art ; qu'eu égard aux fautes respectivement commises par les constructeurs, M. A...est fondé à soutenir que la part de responsabilité de la société Monte TP doit être portée à 60 % ;

Sur les dépens de première instance :

11. Considérant qu'aux termes de l'article R. 761-1 du code de justice administrative : " Les dépens comprennent les frais d'expertise, d'enquête et de toute autre mesure d'instruction dont les frais ne sont pas à la charge de l'Etat./ Sous réserve de dispositions particulières, ils sont mis à la charge de toute partie perdante sauf si les circonstances particulières de l'affaire justifie qu'ils soient mis à la charge d'une autre partie ou partagés entre les parties. " ;

12. Considérant que dès lors que M. A...était partie perdante à l'instance et en l'absence de circonstances particulières, les premiers juges étaient fondés à mettre les dépens à la charge solidaire de M. A...et de la société Monte TP ;

13. Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que M. A...est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Bastia a fixé l'indemnité due à la commune de Tallone à la somme de 94 454,55 euros toutes taxes comprises et condamné la société Monte TP à le garantir à hauteur de 20 % seulement des condamnations qu'il a prononcées ; qu'il y a lieu, par suite, de réformer ce jugement en ce qu'il a de contraire au présent arrêt ;

Sur les conclusions tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

14. Considérant qu'il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de la commune de Tallone et de la société Monte TP la somme que M. A...demande au titre des frais exposés et non compris dans les dépens ; que les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font par ailleurs obstacle à ce que les sommes demandées à ce titre par la commune de Tallone soient mises à la charge de M. A...et de la société Monte TP, qui ne sont pas parties perdantes dans la présente instance ;

D É C I D E :

Article 1er : Le montant de la condamnation prononcée par l'article 1er du jugement du 12 mai 2016 est ramené à la somme de 75 415,92 euros toutes taxes comprises.

Article 2 : La société Monte TP est condamnée à garantir M. A...à hauteur de 60 % des condamnations prononcées à son encontre par le jugement du 12 mai 2016.

Article 3 : Le jugement du 12 mai 2016 est annulé en ce qu'il a de contraire au présent arrêt.

Article 4 : Les conclusions des parties tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.

Article 5 : Le présent arrêt sera notifié à M. C...A..., à la société Monte TP et à la commune de Tallone.

Délibéré après l'audience du 11 septembre 2017, où siégeaient :

- Mme Marie-Pierre Steinmetz-Schies, président,

- M. C...Grimaud, premier conseiller,

- M. Allan Gautron, premier conseiller.

Lu en audience publique, le 25 septembre 2017.

2

N° 16MA02202


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Marseille
Formation : 6ème chambre - formation à 3
Numéro d'arrêt : 16MA02202
Date de la décision : 25/09/2017
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Analyses

39-06-01-04 Marchés et contrats administratifs. Rapports entre l'architecte, l'entrepreneur et le maître de l'ouvrage. Responsabilité des constructeurs à l'égard du maître de l'ouvrage. Responsabilité décennale.


Composition du Tribunal
Président : Mme Steinmetz-Schies
Rapporteur ?: M. Philippe GRIMAUD
Rapporteur public ?: M. THIELÉ
Avocat(s) : SCP TOMASI SANTINI VACCAREZZA BRONZINI DE CARAFFA

Origine de la décision
Date de l'import : 03/10/2017
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.marseille;arret;2017-09-25;16ma02202 ?
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