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13/07/2017 | FRANCE | N°16MA01258

France | France, Cour administrative d'appel de Marseille, 2ème chambre - formation à 3, 13 juillet 2017, 16MA01258


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La société SIEC Le Régent a demandé au tribunal administratif de Bastia de condamner la commune de Bastia à lui verser, à titre principal, la somme de 458 735,05 euros ou, à titre subsidiaire, la somme de 460 355,34 euros, en réparation des préjudices qu'elle estime avoir subis à la suite des inondations survenues les 4 et 5 novembre 2011.

Par un jugement n° 1300611 du 4 février 2016, le tribunal administratif de Bastia a rejeté sa demande.

Procédure devant la Cour :

Par une requ

te enregistrée le 1er avril 2016, la société SIEC Le Régent, représentée par Me A..., demande ...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La société SIEC Le Régent a demandé au tribunal administratif de Bastia de condamner la commune de Bastia à lui verser, à titre principal, la somme de 458 735,05 euros ou, à titre subsidiaire, la somme de 460 355,34 euros, en réparation des préjudices qu'elle estime avoir subis à la suite des inondations survenues les 4 et 5 novembre 2011.

Par un jugement n° 1300611 du 4 février 2016, le tribunal administratif de Bastia a rejeté sa demande.

Procédure devant la Cour :

Par une requête enregistrée le 1er avril 2016, la société SIEC Le Régent, représentée par Me A..., demande à la Cour :

1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Bastia du 4 février 2016 ;

2°) de condamner la commune de Bastia à lui verser, à titre principal, la somme de 458 735,05 euros ou, à titre subsidiaire, la somme de 460 355,34 euros, ainsi que les intérêts au taux légal à compter du 29 décembre 2011 et la capitalisation de ces intérêts ;

3°) de mettre les dépens à la charge de la commune de Bastia ;

4°) de mettre à la charge de la commune de Bastia une somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- les dommages sont imputables au défaut d'entretien des avaloirs du réseau communal d'évacuation des eaux pluviales ;

- son droit à indemnisation est indépendant de la résiliation de la convention de délégation de service public conclue avec la commune.

Par un mémoire en défense, enregistré le 8 février 2017, la commune de Bastia conclut au rejet de la requête et, en outre, à ce que la société SIEC Le Régent lui verse une somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- la responsabilité de la commune ne peut être recherchée que sur le fondement contractuel ;

- la société requérante ne justifie pas ne pas avoir été indemnisée par son assureur ;

- les préjudices allégués au titre des travaux effectués, des frais d'expertise et des indemnités liées au retard et au constat, résultent de la défaillance de la requérante à faire valoir les droits qu'elle tient de son contrat d'assurance ;

- la requérante ne justifie pas des travaux qui auraient été effectués ni d'une perte d'exploitation ;

- la commune ne peut être tenue au paiement d'indemnités de retard ni de frais de constat, qui relèvent de la garantie d'assurance.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu le code de justice administrative ;

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. Vanhullebus, président-rapporteur,

- les conclusions de Mme Chamot, rapporteure publique,

- et les observations de MeD... représentant la SARL SIEC Le Régent.

1. Considérant que la commune de Bastia a acquis de la SARL Le Régent, par un acte du 3 août 2011, un fonds de commerce d'exploitation de trois salles de cinéma, dans des locaux dont la SCI Le Régent est propriétaire dans un ensemble immobilier situé rues Favalelli, Saint François et César Campinchi à Bastia ; que la SCI a donné en location, à la commune de Bastia, la partie de ce lot composée des salles de cinéma et des locaux nécessaires à leur exploitation, par un bail à loyer du 3 août 2011, et, à la société SIEC Le Régent, le hall du rez-de-chaussée, par un bail commercial du 5 septembre 2011 ; que la commune a confié à la société SIEC Le Régent l'exploitation du cinéma et la réalisation de travaux de rénovation et de mise aux normes du cinéma, par une convention de délégation de service public, conclue le 10 août 2011, pour une durée de sept années ; qu'à la suite de l'inondation, consécutive à l'épisode pluvieux des 4 et 5 novembre 2011, du lot appartenant à la SCI, le conseil municipal de Bastia a, par délibération du 28 février 2012, prise à la demande de la société SIEC Le Régent, décidé de mettre fin, avec effet au 1er avril 2012, à la convention du 10 août 2011 ; que cette société, qui avait demandé au tribunal administratif de Bastia de condamner la commune à lui verser la somme de 458 735,05 euros à titre principal ou celle de 460 355,34 euros, à titre subsidiaire, en réparation des préjudices qu'elle estime avoir subis, fait appel du jugement du 4 février 2016 par lequel le tribunal administratif de Bastia a rejeté sa demande ;

Sur la responsabilité pour dommage de travaux publics :

2. Considérant que le dommage dont la société SIEC Le Régent demande la réparation a pour origine le fonctionnement défectueux d'un ouvrage public communal extérieur aux biens mis à sa disposition pour l'exploitation du cinéma ; que la commune de Bastia n'est dès lors pas fondée à soutenir que sa responsabilité ne pourrait pas être recherchée sur le fondement de la responsabilité sans faute pour dommage de travaux publics ;

3. Considérant que le maître d'ouvrage est responsable, même en l'absence de faute, des dommages que les ouvrages publics dont il a la garde peuvent causer aux tiers tant en raison de leur existence que de leur fonctionnement ; qu'il ne peut dégager sa responsabilité que s'il établit que ces dommages, qui doivent revêtir un caractère anormal et spécial pour ouvrir droit à réparation, résultent de la faute de la victime ou d'un cas de force majeure ;

4. Considérant qu'il résulte de l'instruction et notamment du rapport de l'expertise ordonnée par le juge des référés du tribunal administratif de Bastia, que l'inondation des locaux dans lesquels la société SIEC Le Régent exerçait son activité est consécutive au fonctionnement défectueux du réseau communal d'eaux pluviales, à l'égard duquel la société requérante a la qualité de tiers, les eaux de ruissellement n'ayant pas été évacuées par les avaloirs bordant ou traversant les voies publiques situées en amont de la copropriété ; qu'il suit de là que la commune de Bastia est responsable des dommages que le délégataire a subis et qui sont en lien de causalité direct avec l'ouvrage public ;

Sur les préjudices :

5. Considérant que la circonstance que le coût des travaux, prévus par la convention de délégation de service public, de rénovation et de mise aux normes du cinéma, pour un montant allégué de 353 653,52 euros, aurait été supporté en pure perte par la société requérante, a pour seule origine la résiliation de la convention, prononcée à sa propre demande, et non le dommage de travaux publics, avec lequel elle est sans lien de causalité direct ; que ces travaux, s'ils étaient nécessaires au fonctionnement du service public délégué, n'ont pas été réalisés sur la propriété de la commune mais sur celle de la SCI Le Régent, et n'ont dès lors pas vocation à faire retour au délégant ; qu'ainsi, la société requérante n'est pas fondée à demander l'indemnisation du préjudice qu'elle estime avoir subi ;

6. Considérant que les dégradations des salles de cinéma et de leurs équipements ont été causées par le fonctionnement défectueux du réseau public communal d'évacuation des eaux pluviales ; que ces détériorations ont, par leur nature et leur ampleur, rendu impossible l'exploitation du cinéma jusqu'à la date à laquelle, la cause des dommages ayant pris fin et leur étendue étant connue, le délégataire aurait été en mesure d'y remédier ; qu'en l'espèce cette date est celle à laquelle a pris effet la résiliation de la convention de délégation de service public, le 1er avril 2012, qui est antérieure au dépôt, le 9 juillet 2012, par l'expert nommé par le juge des référés du tribunal administratif de Bastia, d'un rapport définissant avec une précision suffisante la nature et l'étendue des travaux nécessaires ; qu'il résulte de l'instruction et notamment de ce rapport que, les travaux de rénovation et de mise aux normes réalisés en exécution de la délégation de service public ayant été achevés, l'exploitation du cinéma était susceptible de débuter le 30 novembre 2011 ; qu'il suit de là que la SIEC Le Régent est fondée à demander une indemnité au titre des pertes d'exploitation qu'elle a subies pour la période courant du 1er décembre 2011 au 31 mars 2012, qu'il y a lieu de fixer à la somme de 29 800 euros ; qu'il résulte de l'instruction que l'assureur de la société requérante ne lui a versé aucune somme à ce titre, la commune indiquant d'ailleurs elle-même que les pertes d'exploitation ne sont pas garanties par le contrat d'assurance souscrit par le délégataire ;

7. Considérant que la SIEC Le Régent demande la condamnation de la commune à lui verser une somme de 19 040,79 euros correspondant aux frais et honoraires des opérations de constat, ordonnées par le juge des référés du tribunal administratif, portant sur l'état d'une cloison, du sol et des murs de l'une des salles de cinéma, aux dépenses supplémentaires de travaux pour y remédier et à la perte d'exploitation résultant du report d'un mois de l'ouverture du cinéma ; que toutefois, les préjudices invoqués par la société requérante, consécutifs à des infiltrations d'eau survenues au mois de septembre 2011, sont sans lien avec le mauvais fonctionnement de l'ouvrage public communal lors du phénomène pluvieux 4 et 5 novembre 2011 ; que ces conclusions ne peuvent dès lors qu'être rejetées ;

8. Considérant que l'obligation que Pôle Emploi a faite à la société SIEC Le Régent de procéder au règlement des contrats de sécurisation professionnelle est la conséquence directe, non du dommage de travaux publics mais de la cessation de l'exploitation du cinéma à la suite de la résiliation de la convention de délégation de service public ; qu'il suit de là que la requérante n'est pas fondée à réclamer à ce titre une somme de 12 405 euros à la commune ;

9. Considérant que les frais de l'expertise ordonnée par le juge des référés du tribunal administratif de Bastia, pour un montant de 40 106,07 euros, constituent des dépens au sens de l'article R. 761-1 du code de justice administrative et non un préjudice indemnisable ;

10. Considérant qu'il résulte de ce qui a été indiqué aux points 5 à 9 que l'indemnité due par la commune de Bastia à la société requérante s'élève à la somme de 29 800 euros ; que la société SIEC Le Régent a droit aux intérêts au taux légal à compter du 30 décembre 2011, date de réception en mairie de sa demande d'indemnisation des préjudices subis ; que la capitalisation de ces intérêts a été demandée le 23 juillet 2013 ; qu'à cette date, il était dû au moins une année d'intérêts ; que dès lors, conformément aux dispositions de l'article 1154 du code civil, il y a lieu de faire droit à cette demande ;

11. Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que la société SIEC Le Régent est fondée à soutenir que c'est à tort que, le tribunal administratif de Bastia a rejeté sa demande ;

12. Considérant que, dans les circonstances de l'espèce, il y a lieu de mettre les frais de l'expertise ordonnée par le juge des référés du tribunal administratif de Bastia à la charge de la commune de Bastia ;

13. Considérant que les dispositions de l'article L. 761-1 font obstacle à ce que soit mise à la charge de la société SIEC Le Régent qui n'est pas, dans la présente instance, la partie tenue aux dépens, une somme au titre des frais exposés par la commune de Bastia et non compris dans les dépens ; que dans les circonstances de l'espèce, il y a lieu de mettre à la charge de la commune de Bastia le versement à la société requérante d'une somme de 2 000 euros à ce même titre ;

DÉCIDE :

Article 1er : Le jugement du tribunal administratif de Bastia du 4 février 2016 est annulé.

Article 2 : La commune de Bastia est condamnée à verser à la société SIEC Le Régent la somme de 29 800 euros avec intérêts au taux légal à compter du 30 décembre 2011. Les intérêts échus à la date du 23 juillet 2013 puis à chaque échéance annuelle à compter de cette date seront capitalisés à chacune de ces dates pour produire eux-mêmes intérêts.

Article 3 : Les frais d'expertise, qui ont été liquidés et taxés à la somme de 40 106,07 euros par le président du tribunal administratif de Bastia, sont mis à la charge de la commune de Bastia.

Article 4 : Le surplus des conclusions de la requête de la société SIEC Le Régent est rejeté.

Article 5 : La commune de Bastia est condamnée à verser à la société SIEC Le Régent la somme de 2 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 6 : Les conclusions présentées par la commune de Bastia au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.

Article 7 : Le présent arrêt sera notifié à la société SIEC Le Régent et à la commune de Bastia.

Délibéré après l'audience du 29 juin 2017, où siégeaient :

- M. Vanhullebus, président-rapporteur,

- M. Lafay, premier conseiller,

- et Mme B..., première conseillère.

Lu en audience publique, le 13 juillet 2017.

Le président-rapporteur,

signé

T. VANHULLEBUSL'assesseur le plus ancien

dans l'ordre du tableau,

signé

L-N. LAFAY

La greffière,

signé

M. C...

La République mande et ordonne au préfet de Haute-Corse en ce qui le concerne ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.Pour expédition conforme,

La greffière

2

N° 16MA01258


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Marseille
Formation : 2ème chambre - formation à 3
Numéro d'arrêt : 16MA01258
Date de la décision : 13/07/2017
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Analyses

Responsabilité de la puissance publique - Faits susceptibles ou non d'ouvrir une action en responsabilité - Fondement de la responsabilité - Responsabilité sans faute - Responsabilité encourue du fait de l'exécution - de l'existence ou du fonctionnement de travaux ou d'ouvrages publics.

Responsabilité de la puissance publique - Réparation - Préjudice - Caractère direct du préjudice.

Responsabilité de la puissance publique - Réparation - Évaluation du préjudice.

Travaux publics - Règles communes à l'ensemble des dommages de travaux publics - Régime de la responsabilité - Qualité de tiers.

Travaux publics - Règles communes à l'ensemble des dommages de travaux publics - Causes d'exonération - Faute de la victime - Absence de faute.

Travaux publics - Différentes catégories de dommages - Dommages causés par l'existence ou le fonctionnement d'ouvrages publics - Conditions de fonctionnement de l'ouvrage.


Composition du Tribunal
Président : M. VANHULLEBUS
Rapporteur ?: M. Thierry VANHULLEBUS
Rapporteur public ?: Mme CHAMOT
Avocat(s) : NESA

Origine de la décision
Date de l'import : 01/08/2017
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.marseille;arret;2017-07-13;16ma01258 ?
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