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10/07/2017 | FRANCE | N°15MA02943

France | France, Cour administrative d'appel de Marseille, 6ème chambre - formation à 3, 10 juillet 2017, 15MA02943


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La Société du port de Cap-d'Ail a demandé au tribunal administratif de Nice d'ordonner, avant-dire-droit, la communication par la Société immobilière du port de Cap-d'Ail de tous les contrats de cessions, sous-amodiations et baux qu'elle aurait consentis à des tiers, exploitants ou voisins, de prononcer la résiliation pour faute de la convention d'amodiation du 28 décembre 1984 modifiée, de prononcer la résiliation ou la résolution de toutes les conventions conclues par la Société immobilière du port

de Cap-d'Ail pour l'occupation du domaine public, d'ordonner l'expulsion de ...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La Société du port de Cap-d'Ail a demandé au tribunal administratif de Nice d'ordonner, avant-dire-droit, la communication par la Société immobilière du port de Cap-d'Ail de tous les contrats de cessions, sous-amodiations et baux qu'elle aurait consentis à des tiers, exploitants ou voisins, de prononcer la résiliation pour faute de la convention d'amodiation du 28 décembre 1984 modifiée, de prononcer la résiliation ou la résolution de toutes les conventions conclues par la Société immobilière du port de Cap-d'Ail pour l'occupation du domaine public, d'ordonner l'expulsion de la même société et de tous occupants de son chef des biens concernés, au besoin avec le concours de la force publique, passé le délai de 15 jours suivant la notification du jugement à intervenir sous astreinte de 10 000 euros par jour de retard, de condamner la Société immobilière du port de Cap-d'Ail à lui verser la somme de 50 000 euros en réparation du préjudice causé.

Par un jugement n° 1402943 du 19 mai 2015, le tribunal administratif de Nice a décidé qu'il n'y avait pas lieu de statuer sur les conclusions de la requête tendant à la résiliation de la convention du 28 décembre 1984 modifiée et que la Société immobilière du port de Cap-d'Ail devrait libérer les terrains du domaine public portuaire qu'elle occupe sans droit ni titre dans un délai de quatre mois à compter de la notification de son jugement, sous astreinte de 500 euros par jour de retard passé ce délai, a rejeté les conclusions présentées par la Société du port de Cap-d'Ail tendant à la résiliation ou à la résolution de toutes les conventions conclues par la Société immobilière du port de Cap-d'Ail pour l'occupation du domaine public comme portées devant un ordre de juridiction incompétent pour en connaître.

Procédure devant la Cour :

Par une requête et des mémoires complémentaires, enregistrés les 20 juillet et 2 septembre 2015 et les 16 juin et 16 septembre 2016, la Société immobilière du port de Cap-d'Ail, représentée par la SCP d'avocats Le Maux-Campestrini et la SCP d'avocats aux Conseils Piwnica etB..., demande à la Cour :

1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Nice du 19 mai 2015 ;

2°) de rejeter la demande de la Société du port de Cap-d'Ail tendant d'une part, à la résiliation de la convention d'amodiation du 28 décembre 1984 et de son avenant et d'autre part, à son expulsion, ainsi que tous occupants de son chef, du domaine public.

Elle soutient que :

- le jugement attaqué est irrégulier au regard de l'article R. 741-2 du code de justice administrative ;

- les premiers juges ont dénaturé les termes de la demande dont ils étaient saisis ;

- ils ont relevé à tort le moyen tiré de la nullité de la convention d'amodiation du 28 décembre 1984 et de son avenant du 13 février 1985, comme comportant une stipulation incompatible avec les principes de la domanialité publique ;

- cette stipulation, qui n'était pas déterminante pour la conclusion de cette convention, en est divisible ;

- la nullité éventuelle de la convention litigieuse n'implique pas automatiquement son expulsion du domaine public et il appartenait aux premiers juges de rechercher si elle n'était pas fondée à l'occuper à un autre titre ;

- aucune faute ne peut lui être reprochée dans le cadre de l'exécution de ladite convention ;

- la Société du port de Cap-d'Ail ne justifie ni de la réalité, ni de l'étendue de son préjudice ;

- elle ne soutient ni utilement, ni sérieusement que la convention du 26 décembre 1989, par laquelle la Société du centre touristique et commercial s'est substituée à l'exposante, serait entachée de nullité ;

- la juridiction administrative est incompétente pour statuer sur les conclusions de la Société du port de Cap-d'Ail tendant à l'annulation des conventions conclues le 11 avril 1997 avec la société civile immobilière Cap-d'Ail Méditerranée ;

- la demande de la Société du port de Cap-d'Ail tendant à ce que la Cour constate la nullité du bail emphytéotique conclu le 7 avril 2000 par la société Duminvest avec l'association foncière urbaine libre du " Club de la Mer " est irrecevable car nouvelle en appel ;

- sa demande tendant à résiliation de la convention du 29 décembre 1984 est irrecevable, en l'absence de mise en demeure préalable régulièrement adressée à l'exposante.

Par des mémoires en défense, enregistrés les 16 octobre 2015 et 28 juillet 2016, la Société du port de Cap-d'Ail, représentée par Me A..., conclut au rejet de la requête et, par la voie de l'appel incident, à la résiliation pour faute de la convention d'amodiation du 28 décembre 1984 modifiée, à la résiliation ou à la résolution de l'ensemble des conventions conclues sur le domaine public maritime par la Société immobilière du port de Cap-d'Ail et ses ayants droit, à ce que soit constatée la nullité du bail emphytéotique conclu le 7 avril 2000 par la société Duminvest sur ledit domaine, à l'expulsion de la Société immobilière du port de Cap-d'Ail ainsi que celle de tous occupants de son chef des biens concernés, au besoin avec le concours de la force publique, passé le délai de 15 jours suivant la notification de l'arrêt à intervenir, sous astreinte de 10 000 euros par jour de retard, de condamner la Société immobilière du port de Cap-d'Ail à lui verser la somme de 50 000 euros en réparation du préjudice causé et de mettre à sa charge une somme de 10 000 euros sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- le jugement attaqué n'est pas irrégulier ;

- l'article 7 § 4 de la convention du 28 décembre 1984 modifiée, indivisible des autres stipulations, méconnaît les articles L. 3111-1, R. 2122-19, R. 2122-20 et R. 2122-21 du code général de la propriété des personnes publiques ;

- la convention du 26 décembre 1989 modifiée est entachée de nullité ;

- la nullité de la convention du 28 décembre 1984 modifiée entraîne automatiquement l'occupation sans droit ni titre, par la Société immobilière du port de Cap-d'Ail et ses ayants droit, des dépendances domaniales concernées ;

- les premièrs juges devaient nécessairement ordonner leur expulsion sans avoir être saisis de conclusions en ce sens ;

- la résiliation de cette convention est justifiée par les fautes commises par la Société immobilière du port de Cap-d'Ail dans l'exécution de ses obligations contractuelles ;

- la juridiction administrative est compétente pour connaître de la légalité de l'ensemble des conventions conclues par la Société du centre touristique et commercial et la Société immobilière du port de Cap-d'Ail, portant occupation des dépendances domaniales concernées, lesquelles occasionnent, en outre, un trouble manifeste à l'ordre public ;

- ces conventions et notamment le bail emphytéotique consenti par la société Duminvest, le 7 avril 2000, sont nulles.

Par ordonnance du 17 octobre 2016, l'instruction a été close à effet immédiat.

Par un arrêt n° 15MA02940 du 14 décembre 2015, la cour administrative d'appel de Marseille a ordonné qu'il soit sursis à l'exécution du jugement n° 1402943 du tribunal administratif de Nice, jusqu'à ce qu'il soit statué sur la requête de la SICAP tendant à son annulation.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code du domaine de l'Etat ;

- le code général de la propriété des personnes publiques ;

- le code de l'urbanisme ;

- le code de justice administrative.

Le président de la Cour a désigné Mme Marie-Pierre Steinmetz-Schies, président assesseur, pour présider les formations de jugement en cas d'absence ou d'empêchement de M. Moussaron, président de la 6ème chambre en application de l'article R. 222-26 du code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. Gautron,

- les conclusions de M. Thiele, rapporteur public,

- et les observations de Me B..., représentant la Société immobilière du port de Cap-d'Ail et de Me A... représentant la Société du port de Cap-d'Ail.

1. Considérant que, par un arrêté et une convention du 29 décembre 1977, le préfet des Alpes-Maritimes a confié à la Société du port de Cap d'Ail (SPCA), à partir du 1er janvier 1978, la concession et l'aménagement d'un port de plaisance sur le territoire de la commune de Cap-d'Ail (Alpes-Maritimes), pour une durée de 50 ans ; que l'article 26-2°-b) du cahier des charges annexé à la convention prévoyait notamment la réalisation d'aménagements à usage de stationnement, de commerce, ainsi que de tourisme et d'hôtellerie, au sein d'une zone longeant la frontière franco-monégasque ; que, par une convention du 6 août 1981, la SPCA a confié à la Société du port de plaisance de Cap-d'Ail (SPPC) l'entretien et l'exploitation de l'emprise concédée, à l'exception de la zone précitée ; que la réalisation des aménagements prévus dans cette zone a fait l'objet d'une convention d'amodiation du 28 décembre 1984 et d'un avenant du 13 février 1985, conclus entre la SPCA et la Société du centre touristique et commercial (SCTC) ; que, par une convention du 26 décembre 1989 et un avenant du 14 février 1997, la Société immobilière du port de Cap-d'Ail (SICAP) s'est substituée à la SCTC pour l'exécution de cette convention d'amodiation, pour la durée de la concession ; que, par une convention du 11 avril 1997, la SICAP, conservant la partie Nord de la même zone, d'une contenance de 2 824 m², a confié à la société civile immobilière Cap-d'Ail Méditerranée (SCICAM) la réalisation des aménagements prévus dans sa partie Sud, d'une contenance de 2 651 m² ; qu'un différend s'étant élevé entre, d'une part, la SPCA et l'autorité concédante et d'autre part, la SICAP, la SPCA a saisi le tribunal administratif de Nice d'une demande tendant notamment à la résiliation pour faute de la convention d'amodiation du 28 décembre 1984 et à la résiliation ou la résolution de l'ensemble des conventions conclues, à sa suite, par la SICAP ; que la SICAP relève appel du jugement du même tribunal du 19 mai 2015 ayant prononcé un non-lieu à statuer sur la demande de résiliation de la convention du 28 décembre 1984, rejeté comme portée devant une juridiction incompétente pour en connaître de la demande de la SPCA dirigée contre les conventions conclues subséquemment par la SICAP et ordonné l'expulsion de cette dernière des dépendances domaniales concernées, sous astreinte de 500 euros par jour de retard passé un délai de quinze jours suivant la notification de ce jugement ; que, par la voie de l'appel incident, la SPCA conclut à son annulation, en tant qu'il a rejeté le surplus de ses demandes de première instance et à ce qu'il y soit intégralement fait droit ;

Sur la régularité du jugement attaqué :

2. Considérant, en premier lieu, qu'aux termes de l'article L. 2331-1 du code général de la propriété des personnes publiques : " Sont portés devant la juridiction administrative les litiges relatifs : / 1° Aux autorisations ou contrats comportant occupation du domaine public, quelle que soit leur forme ou leur dénomination, accordées ou conclus par les personnes publiques ou leurs concessionnaires ; (...) " ; qu'il résulte de ces dispositions qu'un litige né de l'exécution du contrat de droit privé passé entre une personne privée occupante du domaine public, qui n'agissait pas pour le compte d'une personne publique et une autre personne privée, relève de la compétence des juridictions judiciaires, même si cette convention comportait occupation du domaine public ;

3. Considérant, d'une part, qu'il ne résulte d'aucune stipulation de la convention d'amodiation en litige et notamment pas de son article 4, relatif à ses conditions financières et de son article 7, relatif aux obligations de l'amodiataire, que le concessionnaire aurait entendu y transmettre à l'amodiataire tout ou partie des obligations pesant sur lui en vertu de la convention précitée du 29 décembre 1977 et du cahier des charge qui lui est annexé ; qu'au demeurant, l'article 25 de ce cahier des charges précise que " Le concessionnaire pourra (...) confier à des sociétés ou à des entreprises (...) l'exploitation de tout ou partie de ses installations et appareils et la perception des redevances fixées par le tarif. Mais dans ce cas, il demeurera personnellement responsable, tant envers l'Etat qu'envers les tiers, de l'accomplissement de toutes les obligations que lui impose le présent cahier des charges. " ; que la même convention n'organise pas davantage de contrôle de l'autorité concédante ou du concessionnaire sur les activités de l'amodiataire, dont le caractère d'intérêt général n'est, en tout état de cause, ni établi, ni même allégué ; qu'ainsi, la convention d'amodiation en litige ne peut être regardée, contrairement à ce qui est soutenu, comme ayant eu pour objet ou pour effet de confier la gestion déléguée d'un service public à la SCTC ;

4. Considérant, d'autre part, qu'il ne résulte pas de l'instruction que la SPCA aurait eu la qualité de mandataire de l'autorité concédante lors de la conclusion de la même convention ; que dans ces conditions, les contrats ultérieurement conclus par la SCTC et d'autres personnes privées, de même que ceux conclus par leurs ayants droit, doivent être regardés comme des conventions de droit privé relevant de la compétence exclusive des juridictions judiciaires, alors même qu'elles emportent occupation du domaine public maritime ;

5. Considérant qu'il résulte de ce qui précède que la SPCA n'est pas fondée à soutenir qu'en rejetant ses conclusions à fin de résiliation ou de résolution de l'ensemble des conventions dont s'agit comme portées devant une juridiction incompétente pour en connaître, les premiers juges auraient entaché leur jugement d'irrégularité ;

6. Considérant, en deuxième lieu, qu'il résulte des écritures de la SPCA devant le tribunal administratif que celle-ci avait notamment demandé l'expulsion des dépendances domaniales en litige, sous astreinte de 10 000 euros par jour de retard, passé un délai de 15 jours suivant la notification du jugement à intervenir, de la SICAP et de tous occupants de son chef ; qu'alors même que cette demande était associée à la demande de résiliation pour faute de la convention en litige également présentée par SPCA, les premiers juges, en y faisant partiellement droit, malgré le non-lieu à statuer prononcé sur cette dernière demande, n'ont pas dénaturé les conclusions de la société ; que le moyen tiré de l'irrégularité, dans cette mesure, de leur jugement, doit être écarté ;

7. Considérant, toutefois, en dernier lieu, qu'aux termes de l'article R. 611-7 du code de justice administrative : " Lorsque la décision lui paraît susceptible d'être fondée sur un moyen relevé d'office, le président de la formation de jugement ou, au Conseil d'Etat, la sous-section chargée de l'instruction en informe les parties avant la séance de jugement et fixe le délai dans lequel elles peuvent, sans qu'y fasse obstacle la clôture éventuelle de l'instruction, présenter leurs observations sur le moyen communiqué. (...) " ; qu'aux termes de l'article R. 741-2 du même code : " La décision (...) contient le nom des parties, l'analyse des conclusions et mémoires ainsi que les visas des dispositions législatives ou réglementaires dont elle fait application. (...) " ;

8. Considérant que les dispositions précitées de l'article R. 611-7 du code de justice administrative sont destinées à provoquer un débat contradictoire sur les moyens que le juge doit relever de sa propre initiative ; qu'il résulte de l'instruction que le mémoire complémentaire présenté par la société requérante, enregistré au greffe du tribunal administratif le 17 avril 2015, qui avait notamment pour objet de répondre au moyen d'ordre public soumis au débat contradictoire par la même juridiction le 13 précédent, tiré de la nullité de la convention d'amodiation en litige et de son avenant du 13 février 1985, contenait des éléments nouveaux ; qu'au moins l'un des moyens en défense soulevés dans ce mémoire, tiré de ce que le seul droit transféré à l'amodiataire aurait été non un droit réel, mais seulement un droit de jouissance, n'étant pas inopérant ; que le jugement attaqué ne l'a ni visé, ni analysé et ne répond pas davantage aux observations en défense de la société ; que dans ces conditions, cette dernière est fondée à soutenir que ce jugement, en tant qu'à son article 1er, il a prononcé un non-lieu à statuer sur les conclusions de la SPCA à fin de résiliation pour faute de la même convention et qu'à son article 2, il a prescrit, par voie de conséquence, que la Société immobilière du port de Cap-d'Ail devrait libérer les terrains du domaine public portuaire qu'elle occupe sans droit ni titre dans un délai de quatre mois à compter de la notification de son jugement, sous astreinte de 500 euros par jour de retard passé ce délai, est irrégulier ; qu'elle est également fondée, par suite, à demander son annulation dans la même mesure ;

9. Considérant qu'il y a lieu pour la Cour d'évoquer et de statuer immédiatement sur la demande de la SPCA devant le tribunal administratif à fin de résiliation de la convention du 28 décembre 1984 modifiée et à fin d'expulsion d'occupants sans droit ni titre du domaine public ;

Sur la demande de la SPCA devant le tribunal administratif à fin de résiliation de la convention du 28 décembre 1984 modifiée et à fin d'expulsion d'occupants sans droit ni titre du domaine public :

En ce qui concerne les conclusions à fin de résiliation de la convention en litige :

10. Considérant que les parties à un contrat administratif peuvent saisir le juge d'un recours de plein contentieux contestant la validité du contrat qui les lie ; qu'il appartient alors au juge, lorsqu'il constate l'existence d'irrégularités, d'en apprécier l'importance et les conséquences, après avoir vérifié que les irrégularités dont se prévalent les parties sont de celles qu'elles peuvent, eu égard à l'exigence de loyauté des relations contractuelles, invoquer devant lui ; qu'il lui revient, après avoir pris en considération la nature de l'illégalité commise et en tenant compte de l'objectif de stabilité des relations contractuelles, soit de décider que la poursuite de l'exécution du contrat est possible, éventuellement sous réserve de mesures de régularisation prises par la personne publique ou convenues entre les parties, soit de prononcer, le cas échéant avec un effet différé, après avoir vérifié que sa décision ne portera pas une atteinte excessive à l'intérêt général, la résiliation du contrat ou, en raison seulement d'une irrégularité invoquée par une partie ou relevée d'office par lui, tenant au caractère illicite du contenu du contrat ou à un vice d'une particulière gravité relatif notamment aux conditions dans lesquelles les parties ont donné leur consentement, son annulation ;

11. Considérant qu'il ne peut y avoir transfert d'une autorisation ou d'une convention d'occupation du domaine public à un nouveau bénéficiaire que si le gestionnaire de ce domaine a donné son accord écrit ;

12. Considérant, en premier lieu, que, d'une part, que le quatrième paragraphe de l'article 7 de la convention en litige, dans sa rédaction initiale, stipule que " L'amodiataire pourra céder tout ou partie de ses droits à une société ayant pour objet la construction d'immeubles en vue de leur division par fractions destinées à être attribuées aux actionnaires en jouissance (loi du 16 juillet 1971). A cet effet, il s'engage expressément à insérer dans les actes de cession l'engagement par cette dernière société de respecter les stipulations du cahier des charges de la concession portuaire, les prescriptions contenues dans le présent contrat et les documents auxquels il se réfère. " ; qu'en vertu de sa rédaction issue du quatrième alinéa de l'article 3 de l'avenant précité du 13 février 1985 : " L'amodiataire pourra céder tout ou partie de ses droits à une société ayant pour objet la construction d'immeubles non destinés à l'habitat privatif en vue de leur division par fractions destinées à être attribuées aux actionnaires en jouissance (loi du 16 juillet 1971). A cet effet, il s'engage expressément à insérer dans les actes de cession l'engagement par cette dernière société de respecter les stipulations du cahier des charges de la concession portuaire, les prescriptions contenues dans le présent contrat et les documents auxquels il se réfère. " ;

13. Considérant, d'autre part, qu'aux termes de l'article 13 de la convention en litige : " La parcelle objet de la présente amodiation fait partie du domaine public maritime et ce statut n'est pas modifié par le présent contrat. / Il en résulte que : / - le contrat d'amodiation est exclusif de tout droit d'acquisition de la propriété commercial ou de droits au maintien dans les lieux ; / - aucune prescription ne pourra être invoquée. / Toutes les constructions et installations de caractère immobilier qui deviendront la propriété de l'Etat, à l'expiration de la concession, devront être remises en bon état d'entretien. (...) " ;

14. Considérant que les stipulations précitées du quatrième paragraphe de l'article 7 de la convention du 28 décembre 1984, dans leur rédaction initiale et dans celle résultant de l'avenant précité, permettent à l'amodiataire de céder tout ou partie de ses droits à une société constituée en vue de l'attribution d'immeubles aux associés par fractions divises, sans désigner précisément cette société et sans subordonner la cession dont s'agit à l'agrément préalable du concessionnaire et de l'autorité concédante ; que la SPCA ne saurait sérieusement soutenir qu'un tel agrément lequel doit, notamment, être nominatif, aurait été délivré, par avance, par l'autorité concédante et le concessionnaires des dépendances domaniales en cause, du seul fait qu'ils seraient signataires de la convention en litige ; que cette clause est, ainsi, incompatible avec les principes de la domanialité publique ; que, par ailleurs, eu égard à la liberté qu'elle octroie à l'amodiataire de céder tout ou partie de ses droits à des tiers, elle doit être regardée, contrairement à ce qui est soutenu, comme déterminante dans la conclusion, par la SPCA, de cette convention et de son avenant ; qu'ainsi, elle n'en est pas divisible ; qu'elle les entache, dès lors, d'irrégularité dans leur totalité ;

15. Considérant, en second lieu, qu'eu égard à la nature du vice précité entachant son contenu, la convention modifiée du 28 décembre 1984 n'est pas susceptible d'être régularisée ; qu'il ne résulte pas de l'instruction que la résiliation de cette convention porterait une atteinte disproportionnée à l'intérêt général, eu égard notamment à la date de son terme, fixé au 31 décembre 2027, ainsi qu'à la non-réalisation, non contestée, par la SICAP des aménagements lui incombant ; que dans ces conditions, cette résiliation doit être prononcée à effet immédiat ;

En ce qui concerne les conclusions à fin d'expulsion d'occupants sans droit ni titre du domaine public :

16. Considérant, en premier lieu, que relèvent de la compétence des juridictions administratives, sous réserve de dispositions législatives spéciales et sauf dans le cas de voie de fait ou dans celui où s'élève une contestation sérieuse en matière de propriété, les litiges nés de l'occupation sans titre du domaine public que celle-ci résulte de l'absence de tout titre d'occupation ou de l'expiration, pour quelque cause que ce soit, du titre précédemment détenu ;

17. Considérant, en second lieu, qu'il résulte de ce qui a été dit au point 15 que la SICAP ne saurait se prévaloir de la convention du 28 décembre 1984 modifiée pour revendiquer un titre l'autorisant à occuper les dépendances domaniales en litige, constituant la zone définie à l'article 26-2°-b) du cahier des charges annexé à la convention précitée du 29 décembre 1977 ; qu'il résulte, en outre, du principe d'indépendance des législations que le seul permis de construire délivré à cette société par le maire de Cap-d'Ail sur la partie Nord de cette zone, d'une contenance de 2 824 m² le 21 octobre 2005, ainsi qu'il a été dit, ne peut être regardé comme constituant un tel titre ; que la société n'établit ni même n'allègue bénéficier d'un autre titre ;

18. Considérant que, dans ces conditions, la SPCA est fondée à demander que soit ordonnée l'expulsion de la SICAP desdites dépendances domaniales, ainsi que celle de tous occupants de son chef ; que, dans les circonstances de l'espèce, le délai accordé aux intéressés pour s'exécuter doit être fixé à six mois, à défaut duquel une astreinte de 500 euros par jour de retard courra à leur encontre ;

Sur les conclusions indemnitaires :

19. Considérant que les conclusions indemnitaires de la SPCA doivent être rejetées par adoption des motifs, non discutés devant la Cour, par lesquels les premiers juges les ont, à bon droit, rejetées ;

20. Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que, d'une part, la SPCA est fondée à demander la résiliation immédiate de la convention du 28 décembre 1984 modifiée et à ce qu'il soit prescrit à la SICAP et à tous occupants de son chef de libérer les terrains du domaine public portuaire qu'elle occupe sans droit ni titre dans un délai de six mois à compter de la notification du présent arrêt, sous astreinte de 500 euros par jour de retard passé ce délai ; que, d'autre part, la SPCA n'est pas fondée à soutenir, par la voie de l'appel incident, que c'est à tort que les premiers juges ont rejeté sa demande à fin de résiliation ou de résolution de l'ensemble des conventions conclues par la SICAP portant occupation du domaine public maritime et rejeté sa demande indemnitaire ; que ses conclusions devant la Cour tendant à ce que le bail emphytéotique consenti par la société Duminvest le 7 avril 2000 doivent être rejetées comme portées devant une juridiction incompétente pour en connaître ;

Sur les conclusions tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

21. Considérant que, dans les circonstances de l'espèce, il n'y a pas lieu de mettre à la charge de la SPCA la somme réclamée par la SICAP au titre des frais exposés par elle et non compris dans les dépens ; que les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative s'opposent, en outre, à ce que la somme réclamée au même titre par la SPCA soit mise à la charge de la SICAP, qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance ;

D É C I D E :

Article 1er : Les articles 1 et 2 du jugement n° 1402943 du tribunal administratif de Nice du 19 mai 2015 sont annulés.

Article 2 : La convention du 28 décembre 1984 modifiée est résiliée.

Article 3 : La SICAP et tous occupants de son chef devront libérer les dépendances domaniales visées par l'article 26-2°-b) du cahier des charges annexé à la convention conclue le 29 décembre 1977 entre le préfet des Alpes-Maritimes et la SPCA, dans un délai de six mois à compter de la notification du présent arrêt, sous astreinte de 500 euros par jour de retard passé ce délai.

Article 4 : Le surplus des conclusions des parties est rejeté.

Article 5 : Le présent arrêt sera notifié à la Société immobilière du port de Cap-d'Ail et à la Société du port de Cap-d'Ail.

Copie pour information en sera adressée au préfet des Alpes-Maritimes.

Délibéré après l'audience du 26 juin 2017 où siégeaient :

- Mme Steinmetz-Schies, président assesseur,

- Mme Héry, premier conseiller,

- M. Gautron, premier conseiller,

Lu en audience publique, le 10 juillet 2017.

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N° 15MA02943


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