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01/06/2017 | FRANCE | N°14MA04603

France | France, Cour administrative d'appel de Marseille, 2ème chambre - formation à 3, 01 juin 2017, 14MA04603


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. et Mme A...C...ont demandé au tribunal administratif de Toulon de condamner l'Office national d'indemnisation des accidents médicaux, des affections iatrogènes et des infections nosocomiales (ONIAM) à réparer les préjudices subis par M. C... résultant de sa contamination par le virus de l'hépatite C, d'ordonner avant dire droit une expertise pour évaluer ces préjudices et de condamner l'office à verser à M. C... une provision de 50 000 euros.

Par un jugement n° 1202008 du 2 octobre 2014, le t

ribunal administratif de Toulon a rejeté la requête de M. et Mme C....

Procédure...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. et Mme A...C...ont demandé au tribunal administratif de Toulon de condamner l'Office national d'indemnisation des accidents médicaux, des affections iatrogènes et des infections nosocomiales (ONIAM) à réparer les préjudices subis par M. C... résultant de sa contamination par le virus de l'hépatite C, d'ordonner avant dire droit une expertise pour évaluer ces préjudices et de condamner l'office à verser à M. C... une provision de 50 000 euros.

Par un jugement n° 1202008 du 2 octobre 2014, le tribunal administratif de Toulon a rejeté la requête de M. et Mme C....

Procédure devant la Cour :

Par un arrêt n° 14MA04603 du 16 juin 2016, la Cour, après avoir annulé le jugement n° 1202008 du 2 octobre 2014 du tribunal administratif de Toulon, a ordonné une expertise médicale avant de statuer sur les conclusions indemnitaires de M. et Mme C...et a mis à la charge de l'ONIAM une provision de 15 000 euros à verser à M.C....

Par deux mémoires, enregistrés le 23 février 2017 et 24 mars 2017, M. et Mme C..., représentés par Me D..., demandent à la Cour :

1°) de condamner l'ONIAM à verser à M. C...la somme de 183 538 euros et à Mme C...la somme de 15 000 euros, ainsi que les intérêts au taux légal à compter du 29 avril 2011 et la capitalisation de ces intérêts, en réparation des préjudices subis ;

2°) de mettre les frais de l'expertise à la charge de l'ONIAM ;

3°) de mettre à la charge de l'ONIAM la somme de 5 000 euros au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative à verser à M.C....

Ils soutiennent que :

- le rapport de l'expert est entaché de partialité ;

- M. C... a eu besoin de l'aide de son épouse durant une heure par jour pendant la durée des deux premiers traitements et trois heures par jour lors du dernier traitement sur la base d'un coût horaire de 15 euros ;

- l'aide apportée pour l'entretien d'oliviers représente 30 journées de 6 heures à raison d'un coût horaire de 20 euros ;

- l'état de santé de M. C... lui a fait perdre une chance de retrouver du travail après son licenciement ;

- le déficit fonctionnel temporaire partiel fixé par l'expert à 75 % pour la période du 2 au 15 janvier 2003 doit aller jusqu'au 2 mars 2003 compte tenu de l'importance des effets secondaires du dernier traitement ;

- les souffrances endurées, fixées par l'expert à 3 sur une échelle de 7, doivent également être réévaluées du fait de leur intensité lors de ce traitement ;

- M. C... a subi un préjudice d'agrément et sexuel ;

- M. C... a également subi un préjudice spécifique de contamination.

Par un mémoire, enregistré le 30 mars 2017, l'ONIAM, représenté par Mes Saumon et Roquelle-Meyer de la SCP Vatier et associés, demande à la Cour de limiter les condamnations susceptibles d'être prononcées à son encontre aux sommes de 18 766,50 euros et de 2 000 euros, à titre d'indemnité en réparation des préjudices subis respectivement par M. C... et par Mme C....

Vu :

- les autres pièces du dossier ;

- l'ordonnance en date du 16 décembre 2011 par laquelle le président de la Cour a liquidé et taxé à la somme de 960 euros les honoraires et frais de l'expertise.

Vu :

- le code civil ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. Laso ;

- les conclusions de Mme Chamot, rapporteure publique ;

- et les observations de Me D...représentant les consortsC....

1. Considérant, que par un arrêt du 16 juin 2016, la Cour a annulé le jugement du 2 octobre 2014 par lequel le tribunal administratif de Toulon a rejeté les demandes de M. et Mme C...tendant à la condamnation de l'ONIAM à réparer les préjudices subis en raison de la contamination de M. C...par le virus de l'hépatite C ; que, par le même arrêt, la Cour a condamné l'ONIAM à verser une provision de 15 000 euros à M. C...et a ordonné une expertise médicale en vue de déterminer la nature et l'étendue des préjudices subis par la victime ;

Sur la régularité de l'expertise :

2. Considérant que, contrairement à ce qu'allèguent les requérants, il ne résulte pas de l'instruction, notamment du contenu de son rapport, que l'expert aurait fait preuve de partialité en faveur de l'ONIAM ; qu'en se bornant à indiquer, s'agissant des périodes de déficit fonctionnel temporaire partiel, qu'aucun document médical issu de consultation ou d'hospitalisation n'atteste d'effets secondaires, l'expert n'a fait que constater l'absence de tels documents ; que rien n'établit qu'il ait écarté par principe les certificats du docteur Sicardi du 6 août 2010, hématologue qui a suivi M.C..., et du docteur Haute du 17 novembre 2010, médecin généraliste traitant du requérant ; que, par suite, M. et Mme C...ne sont pas fondés à soutenir que le rapport de l'expert est entaché d'irrégularité ;

Sur l'évaluation des préjudices :

En ce qui concerne le préjudice de M.C... :

S'agissant des préjudices à caractère patrimonial :

Quant à l'assistance par tierce personne :

3. Considérant qu'il résulte de l'instruction, notamment du rapport de l'expertise, que M. C... a subi trois traitements antiviraux, le premier de juin à décembre 1991, le deuxième d'avril 1992 à mai 1993 et le dernier de janvier 2003 à janvier 2004 ; que les certificats médicaux du 6 août 2010 et du 17 novembre 2010 produits par l'intéressé indiquent que, pendant ces périodes, les effets secondaires se sont manifestés notamment par de l'asthénie, de l'anémie accompagnée de dyspnée et d'une perte de poids ; que, lors du dernier traitement, ces effets ont été plus importants que durant les deux premiers ; qu'il résulte de l'attestation circonstanciée de Mme C...du 12 avril 2016 que l'état de santé de son époux a nécessité, pendant ces périodes, une assistance pour les gestes de la vie quotidienne, qu'elle a assurée ; que lorsque, au nombre des conséquences dommageables d'un accident engageant la responsabilité d'une personne publique, figure la nécessité pour la victime de recourir à l'assistance d'une tierce personne à domicile pour les actes de la vie courante, la circonstance que cette assistance serait assurée par un membre de sa famille est, par elle-même, sans incidence sur le droit de la victime à en être indemnisée ; que, dès lors, quand bien même l'expert n'a pas retenu de besoin d'aide par une tierce personne, il y a lieu d'indemniser le requérant de cette assistance à hauteur d'une heure par jour pendant la période de vingt-cinq mois correspondant aux deux premiers traitements et de deux heures par jour pendant un an correspondant au dernier traitement ; que, compte tenu du taux du salaire minimum interprofessionnel de croissance pendant ces périodes augmenté des charges sociales, qui peut être fixé respectivement à 5 et 7,50 euros, il sera fait une juste appréciation du préjudice subi en l'évaluant à la somme totale de 9 150 euros ;

Quant à l'incidence professionnelle :

4. Considérant que si les effets secondaires des deux premiers traitements dont M. C... a bénéficié ont réduit ses capacités professionnelles, ils ne le rendait pas inapte à l'exercice de toute activité professionnelle ; que le requérant a été licencié de son emploi de chargé de mission au sein d'une entreprise à compter du 31 janvier 1999 en raison de désaccords avec sa hiérarchie ; que M. C...ne produit aucune pièce de nature à établir qu'il aurait entrepris des recherches en vue de retrouver un emploi avant sa mise à la retraite le 4 février 2002 ; que, dans ces conditions, l'intéressé n'est pas fondé à demander une indemnisation pour cette période au titre de l'incidence professionnelle ;

Quant aux autres dépenses :

5. Considérant que M. C...ne justifiant pas avoir exposé des frais d'entretien des parcelles d'oliviers dont il est propriétaire, il n'y a pas lieu de lui en accorder le remboursement ;

S'agissant des préjudices extra patrimoniaux :

6. Considérant qu'il résulte de l'instruction que M. C...a subi une période de déficit fonctionnel temporaire total de cinq jours correspondant à son hospitalisation lors du premier traitement contre le virus de l'hépatite C, puis une période de déficit temporaire partiel, à 50 % du 1er juin au 1er août 1991 et à 25 % du 2 août au 1er décembre 1991 ; que, pour le second traitement, il a subi une période de déficit temporaire partiel à 50 % du 1er avril au 1er juillet 1992, à 25 % du 2 juillet au 1er octobre 1992 et à 10 % du 2 octobre 1992 au 15 mai 1993 ; que, s'agissant du dernier traitement dont les effets secondaires ont été plus importants, il y a lieu de retenir, comme le demandent les requérants, une période de déficit temporaire partiel à 75 % du 2 janvier au 2 mars 2003 ; que l'intéressé a également souffert d'un déficit fonctionnel temporaire à 50 % du 3 mars au 3 octobre 2003, à 25 % du 4 octobre 2003 au 1er janvier 2004 et à 10 % du 2 janvier au 30 juin 2004 ; qu'il sera fait une juste appréciation du déficit fonctionnel temporaire en l'évaluant à la somme de 5 000 euros, y compris les préjudices sexuel et d'agrément subis pendant ces périodes ;

7. Considérant que l'intensité des souffrances physiques endurées par l'intéressé a été fixée par l'expert à 3 sur une échelle de 7 ; qu'en raison de l'importance des effets secondaires subis lors du dernier traitement, il y a lieu de réévaluer à 4 ces souffrances ; qu'il sera fait une juste appréciation de l'indemnité due en réparation de ce préjudice en la fixant à la somme de 7 200 euros ;

8. Considérant qu'il sera fait une juste évaluation de l'indemnité due au titre du déficit fonctionnel permanent évalué par l'expert au taux de 6 % et correspondant à une fibrose hépatique minime (F1) à modérée (F2) en la fixant, compte tenu de l'âge de M. C...à la date de la consolidation, à 6 500 euros ;

9. Considérant qu'il ne résulte pas de l'instruction que M. C... ait subi du fait de sa contamination des préjudices d'agrément et sexuel permanents ;

10. Considérant que, de la date de la révélation de sa contamination par le virus de l'hépatite C, en 1991, jusqu'à la date du constat par l'expert du caractère indétectable de la charge virale, à compter du 1er juillet 2004, M. C... a pu légitiment éprouver des inquiétudes, du fait de sa contamination et des conséquences graves qui pouvaient en résulter ; qu'il sera fait une juste appréciation du préjudice ainsi subi en lui allouant une somme de 5 000 euros ;

Sur le préjudice moral de MmeC... :

11. Considérant que les dispositions de l'article L. 1142-22 du code de la santé publique, qui mettent à la charge de l'ONIAM, l'indemnisation des victimes des dommages résultant notamment de la contamination par le virus de l'hépatite C, ne font pas obstacle à ce que les victimes indirectes de cette contamination puissent également être indemnisées au titre de la solidarité nationale ; que, dans les circonstances de l'espèce, le préjudice moral, y compris d'anxiété, et les troubles de toute nature dans les conditions d'existence subis par l'épouse de M.C..., consécutifs à la contamination de ce dernier mise en évidence en 1991, justifient une indemnisation de ces chefs de préjudice dont il sera fait une juste appréciation en allouant une somme de 3 000 euros à MmeC... ;

12. Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que l'ONIAM doit être condamné à verser à M. C... la somme totale de 32 850 euros, sous déduction de la provision de 15 000 euros, et à Mme C...la somme de 3 000 euros ;

Sur les intérêts et les intérêts des intérêts :

13. Considérant que M. et Mme C...ont droit au paiement des intérêts au taux légal sur les sommes allouées par le présent arrêt à compter du 2 mai 2011, date de réception par l'ONIAM de leurs réclamations préalables du 29 avril 2011 ;

14. Considérant que la capitalisation des intérêts a été demandée le 7 avril 2016 ; que, dès lors, conformément aux dispositions de l'article 1154 du code civil, il y a lieu de faire droit à cette demande de capitalisation des intérêts au 8 avril 2017, date à laquelle il était dû plus d'une année d'intérêts ;

Sur les frais d'expertise :

15. Considérant que les frais d'expertise, taxés et liquidés à la somme de 960 euros, par ordonnance du président de la cour administrative de Marseille du 6 février 2017, sont mis à la charge de l'ONIAM ;

Sur les conclusions tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

16. Considérant qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'ONIAM une somme de 2 000 euros au titre des frais exposés par M. C... et non compris dans les dépens ;

D É C I D E :

Article 1er : L'ONIAM est condamné à verser à M. C... la somme de 32 850 euros, sous déduction de la provision de 15 000 euros accordée par l'arrêt du 16 juin 2016, et à Mme C... la somme de 3 000 euros. Ces sommes porteront intérêt au taux légal à compter du 2 mai 2011. Les intérêts échus à la date du 8 avril 2017 seront capitalisés à cette date.

Article 2 : Les frais de l'expertise, taxés et liquidés à la somme de 960 euros, sont mis à la charge de l'ONIAM.

Article 3 : Le surplus des conclusions de la requête de M. et Mme C...est rejeté.

Article 4 : L'ONIAM versera à M. C... la somme de 2 000 euros en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 5 : Le présent arrêt sera notifié à M. A... C...et à Mme B...C..., à l'Office national d'indemnisation des accidents médicaux, des affections iatrogènes et des infections nosocomiales et à la caisse primaire d'assurance maladie du Var.

Délibéré après l'audience du 18 mai 2017, où siégeaient :

- M. Vanhullebus, président de chambre,

- M. Laso, président assesseur,

- M. Lafay, premier conseiller.

Lu en audience publique, le 1er juin 2017.

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N°14MA04603


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Marseille
Formation : 2ème chambre - formation à 3
Numéro d'arrêt : 14MA04603
Date de la décision : 01/06/2017
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Analyses

Responsabilité de la puissance publique - Réparation - Préjudice - Absence ou existence du préjudice - Absence.

Responsabilité de la puissance publique - Réparation - Préjudice - Absence ou existence du préjudice - Existence.


Composition du Tribunal
Président : M. VANHULLEBUS
Rapporteur ?: M. Jean-Michel LASO
Rapporteur public ?: Mme CHAMOT
Avocat(s) : FONTAINE-BERIOT

Origine de la décision
Date de l'import : 20/06/2017
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.marseille;arret;2017-06-01;14ma04603 ?
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