Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
Mme E... C...a demandé au tribunal administratif de Toulon de condamner le centre hospitalier intercommunal de Toulon - La Seyne-sur-Mer à lui verser la somme de 84 320 euros en réparation des préjudices résultant des conditions de sa prise en charge à la suite de l'accident de la circulation dont elle a été victime le 10 août 2008.
Par un jugement n° 1203342 du 27 novembre 2014, le tribunal administratif de Toulon a rejeté la requête de Mme C....
Procédure devant la Cour :
Par une requête, enregistrée le 26 janvier 2015, Mme C..., représentée par Me D..., demande à la Cour :
1°) d'annuler le jugement n° 1203342 du 27 novembre 2014 par lequel le tribunal administratif de Toulon a rejeté sa requête ;
2°) à titre principal, de condamner le centre hospitalier intercommunal de Toulon - La Seyne-sur-Mer à lui verser une indemnité de 84 320 euros en réparation des préjudices qu'elle estime avoir subis ;
3°) à titre subsidiaire, d'ordonner une expertise médicale ;
4°) de mettre à la charge de cet établissement hospitalier la somme de 2 000 euros au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
- elle n'a pas fait l'objet de soins diligents à la suite des chutes dont elle a été victime lors de son hospitalisation ;
- la rupture du tendon de l'épaule gauche n'a pas été diagnostiquée ;
- aucun diagnostic de son état psychologique et psychiatrique n'a été effectué.
Par deux mémoires, enregistrés les 2 avril 2015 et 14 février 2017, le centre hospitalier intercommunal de Toulon - La Seyne-sur-Mer, représenté par Me A..., demande à la Cour :
1°) de rejeter la requête ;
2°) de mettre à la charge de Mme C... la somme de 4 000 euros au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Il soutient que :
- aucune faute dans la prise en charge de la requérante ne peut être retenue ;
- Mme C... a été indemnisée de l'intégralité des préjudices subis par le jugement du tribunal de grande instance de Toulon du 22 octobre 2012 ;
- une expertise médicale ne serait pas utile.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code de la santé publique ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de M. Laso ;
- les conclusions de Mme Chamot, rapporteure publique ;
- les observations de Me B... représentant le centre hospitalier intercommunal de Toulon -La Seyne-sur-Mer.
1. Considérant qu'à la suite d'un grave accident de la circulation survenu le 10 août 2008, Mme C..., victime de multiples fractures ainsi que d'une contusion cérébrale, a été prise en charge au centre hospitalier intercommunal de Toulon - La Seyne-sur-Mer où elle a notamment bénéficié d'une ostéosynthèse pour une fracture du cubitus droit ; qu'elle a regagné son domicile le 3 septembre 2008 ; qu'une intervention chirurgicale a été réalisée le 9 janvier 2009 en raison d'un déplacement secondaire d'une fracture au niveau de l'épaule gauche ; que, se plaignant notamment de douleurs au niveau du bassin et à l'épaule gauche ainsi que de troubles de la mémoire qu'elle impute à des manquements commis par l'établissement hospitalier lors de sa prise en charge, Mme C... a saisi le tribunal administratif de Toulon d'une demande de condamnation du centre hospitalier à lui verser la somme de 84 320 euros à titre de réparation et, à titre subsidiaire, de désignation d'un expert médical ; qu'elle relève appel du jugement du 27 novembre 2014 par lequel le tribunal a rejeté sa demande ;
2. Considérant que la nature et l'étendue des réparations incombant à un établissement public ne dépendent pas de l'évaluation du dommage faite par l'autorité judiciaire dans un litige auquel il n'a pas été partie, mais doivent être déterminées par le juge administratif compte tenu des règles relatives à la responsabilité des personnes morales de droit public, et indépendamment des sommes qui ont pu être exposées par l'auteur du dommage à titre de provision, d'indemnités ou d'intérêts ; qu'il appartient toutefois au juge administratif, s'il estime qu'il y a une faute de nature à engager la responsabilité de la personne publique, de prendre, en déterminant la quotité et la forme de l'indemnité par lui allouée, les mesures nécessaires, en vue d'empêcher que sa décision n'ait pour effet de procurer à la victime ou, le cas échéant, à la personne qui lui est subrogée, par suite des indemnités qu'elle a pu ou peut obtenir devant d'autres juridictions à raison des mêmes faits, une réparation supérieure à la valeur totale du préjudice subi ;
3. Considérant qu'il résulte de l'instruction que, par jugement du tribunal de grande instance de Toulon du 22 octobre 2012, le conducteur du véhicule impliqué dans l'accident du 10 août 2008 et son assureur ont été condamnés à verser à Mme C... la somme totale de 80 250 euros en réparation de son préjudice corporel ; que, cependant, cette circonstance ne fait pas par elle-même obstacle à ce que Mme C... saisisse une autre juridiction, notamment administrative, d'une action dirigée contre un autre tiers responsable, aux fins notamment d'obtenir une indemnisation supplémentaire ou la réparation d'autres chefs de préjudice ; qu'il incombe seulement au juge administratif, en application des principes rappelés au point précédent de prendre en compte l'indemnisation de Mme C... déjà allouée par le tribunal de grande instance de Toulon afin d'éviter que la victime n'obtienne une réparation supérieure à celle qui lui est due ; qu'ainsi, le centre hospitalier intercommunal de Toulon - La Seyne-sur-Mer ne saurait se prévaloir de la seule existence du jugement du 22 octobre 2012 pour soutenir que la requérante a déjà été indemnisée intégralement des préjudices dont elle demande aujourd'hui réparation ; qu'au demeurant, il résulte du jugement du tribunal de grande instance de Toulon que Mme C... n'a été indemnisée que de préjudices personnels alors qu'elle demande la condamnation du centre hospitalier à réparer des préjudices patrimoniaux non couverts par les organismes sociaux ;
Sur la responsabilité du centre hospitalier intercommunal de Toulon - La Seyne-sur-Mer :
4. Considérant qu'aux termes de l'article L. 1142-1 du code de la santé publique : " I. - Hors le cas où leur responsabilité est encourue en raison d'un défaut d'un produit de santé, les professionnels de santé mentionnés à la quatrième partie du présent code, ainsi que tout établissement, service ou organisme dans lesquels sont réalisés des actes individuels de prévention, de diagnostic ou de soins ne sont responsables des conséquences dommageables d'actes de prévention, de diagnostic ou de soins qu'en cas de faute. (... ) " ;
5. Considérant qu'il résulte de l'instruction et notamment du rapport de l'expertise diligentée par la commission régionale de conciliation et d'indemnisation des accidents médicaux Provence-Alpes-Côte d'Azur, que si le bilan neurologique effectué le 3 septembre 2008, qui a conclu à l'absence de symptôme pouvant être lié à une lésion du corps calleux, ne rendait pas compte de la gravité du traumatisme crânien et du syndrome post commotionnel sévère subis par Mme C... à la suite de l'accident de la circulation dont elle a été victime, cette circonstance n'a eu aucune conséquence sur l'état neurologique définitif de l'intéressée dès lors qu'aucune prise en charge spécifique n'était à envisager ; qu'en outre, le compte rendu de sortie du service de neurologie du 3 septembre 2008 indique que les épisodes de confusion et d'agitation qu'elle a présentés lors de son hospitalisation ont été spontanément régressifs et qu'il n'y a pas eu de retentissement sur le plan cognitif ou signe de focalisation neurologique ; qu'enfin, les troubles de la mémoire invoqués et l'état dépressif pour lequel l'intéressée a été hospitalisée à deux reprises en 2009 ne présentent pas de lien de causalité direct et certain avec la prise en charge dont elle a fait l'objet au centre hospitalier intercommunal de Toulon - La Seyne-sur-Mer ; que Mme C... n'est, dès lors, pas fondée à soutenir qu'elle a été renvoyée prématurément à son domicile en l'absence de diagnostic et d'évaluation correcte de son état psychique ;
6. Considérant qu'il résulte de l'instruction et notamment du rapport du sapiteur de l'expert que Mme C... présentait une fracture du trochiter au niveau de l'extrémité proximale de l'humérus gauche à faible déplacement ; que cette fracture a été traitée par une immobilisation coude au corps par bandage de type Dujarrier pendant trois semaines conformément aux règles de la science médicale, afin d'éviter un risque de raideur ; que le cliché radiographique de contrôle ne montrait pas de déplacement secondaire ; que l'ostéosynthèse par plaque vissée de la diaphyse ulnaire a été réalisée de façon conforme aux règles de l'art et a été satisfaisante selon la radiographie de contrôle ; que les fractures étagées des apophyses transverses gauche de L1, L2, L3 et celle du coin antéro inférieur de L4 ainsi que la fracture de l'anneau pelvien, traitées de manière adaptée par un corset lombaire, ne justifiaient pas de traitement chirurgical ;
7. Considérant, toutefois, que la survenue de déplacements secondaires constatés en octobre 2008 tant au niveau de la fracture de l'aileron sacré gauche qu'en ce qui concerne l'épaule gauche, en haut et en arrière du massif trochitérien avec désinsertion de la coiffe des rotateurs au niveau supra et infra épineux, qui a justifié une intervention chirurgicale le 9 janvier 2009, résulte des épisodes d'agitation avec désorientation et de levers intempestifs de Mme C... liés à l'état confusionnel secondaire au traumatisme crânien, consécutif à l'accident initial, à l'origine de trois chutes de l'intéressée de son lit les 19, 20 et 21 août 2008 malgré la pose d'une sangle abdominale après la première chute ; qu'en l'absence de toute indication sur la nécessité de réaliser des examens radiologiques après ces chutes et sur les éventuelles conséquences du retard de diagnostic susceptible de résulter de l'absence de réalisation immédiate de radiographies de contrôle, sur les déplacements secondaires au niveau du sacrum et de l'épaule gauche et de l'évolution de celui-ci vers une capsulite rétractile, la Cour n'est pas en mesure de statuer sur l'existence d'une faute éventuelle qui aurait été commise par le centre hospitalier intercommunal de Toulon - La Seyne-sur-Mer lors de l'hospitalisation de Mme C... et sur l'évaluation des préjudices subis par la requérante directement imputables à cet établissement hospitalier ; qu'il y a lieu, par suite, d'ordonner une expertise médicale aux fins indiquées ci-dessous ;
D É C I D E :
Article 1er : Il sera, avant de statuer sur les conclusions de la requête de Mme C..., procédé à une expertise médicale contradictoire avec le centre hospitalier intercommunal de Toulon - La Seyne-sur-Mer, la caisse primaire d'assurance maladie du Var, le régime social des indépendants du Var et la mutualité sociale agricole du Var en vue de :
1°) se faire communiquer tous documents relatifs à l'état de santé de Mme C... et à sa prise en charge au centre hospitalier intercommunal de Toulon - La Seyne-sur-Mer ; convoquer et entendre les parties et tous sachants ; procéder à l'examen du dossier médical de Mme C... et, si besoin, à l'examen clinique de l'intéressée ;
2°) dire si les soins dont Mme C... a fait l'objet lors de son hospitalisation, notamment à la suite des chutes dont elle a été victime, ont été conformes aux règles de l'art et, dans la négative, décrire le ou les manquements fautifs ainsi que leurs conséquences sur son état de santé en précisant notamment si ce ou ces manquements présentent un lien de causalité direct et certain avec les déplacements secondaires du sacrum et de l'épaule gauche et la survenance de la capsulite rétractile, en dehors de toute évolution naturelle ;
3°) de dire si les chutes dont elle a été victime ont pu contribuer de manière directe et certaine au déplacement de la fracture et, dans l'affirmative, dans quelle proportion ; dans cette dernière hypothèse, donner un avis sur le point de savoir si le ou les manquements éventuellement constatés ont fait perdre à Mme C... une chance de bénéficier d'une prise en charge différente et plus précoce qui aurait limité ses séquelles ; donner son avis, le cas échéant, sur l'ampleur de la chance perdue par l'intéressée de limiter ses séquelles en la quantifiant ;
4°) de préciser, éventuellement, si l'état de santé de Mme C... peut être considéré comme consolidé et dans l'affirmative, en fixer la date ;
5°) le cas échéant, décrire l'ensemble des préjudices pouvant être regardés comme directement et exclusivement imputables aux manquements commis par le centre hospitalier intercommunal de Toulon - La Seyne-sur-Mer lors de l'hospitalisation de Mme C... ;
6°) de fournir toutes précisions complémentaires que l'expert jugera utile à la solution du litige et de nature à permettre d'apprécier l'étendue du préjudice.
Article 2 : L'expert sera désigné par le président de la Cour. Il accomplira sa mission dans les conditions prévues par les articles R. 621-2 à R. 621-14 du code de justice administrative. En application des dispositions de l'article R. 621-9 du code de justice administrative, il déposera son rapport au greffe en deux exemplaires dans un délai de trois mois à compter de la prestation de serment et en notifiera une copie aux parties intéressées.
Article 3 : Les frais d'expertise sont réservés pour y être statué en fin d'instance.
Article 4 : Tous droits, moyens et conclusions des parties sur lesquels il n'est pas statué par le présent arrêt sont réservés jusqu'en fin d'instance.
Article 5 : Le présent arrêt sera notifié à Mme E...C..., au centre hospitalier intercommunal de Toulon - La Seyne-sur-Mer, à la caisse primaire d'assurance-maladie du Var, au régime social des indépendants et à la mutualité sociale agricole du Var.
Délibéré après l'audience du 20 avril 2017, où siégeaient :
- M. Vanhullebus, président de chambre,
- M. Laso, président assesseur,
- M. Lafay, premier conseiller,
Lu en audience publique, le 4 mai 2017.
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N°15MA00323