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30/03/2017 | FRANCE | N°14MA04492

France | France, Cour administrative d'appel de Marseille, 2ème chambre - formation à 3, 30 mars 2017, 14MA04492


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La société anonyme à responsabilité limitée Vêtements Pipito a demandé au tribunal administratif de Montpellier de condamner solidairement la société anonyme d'économie mixte Transports de l'agglomération de Montpellier et la communauté d'agglomération de Montpellier à lui payer la somme de 210 863,90 euros en réparation des préjudices qu'elle estime avoir subis en raison des travaux de construction des 3ème et 4ème lignes de tramway de Montpellier et de l'installation d'un ouvrage au droit du loc

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Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La société anonyme à responsabilité limitée Vêtements Pipito a demandé au tribunal administratif de Montpellier de condamner solidairement la société anonyme d'économie mixte Transports de l'agglomération de Montpellier et la communauté d'agglomération de Montpellier à lui payer la somme de 210 863,90 euros en réparation des préjudices qu'elle estime avoir subis en raison des travaux de construction des 3ème et 4ème lignes de tramway de Montpellier et de l'installation d'un ouvrage au droit du local commercial qu'elle occupe, et de leur enjoindre de déplacer cet ouvrage.

Par un jugement n° 1301694 du 22 septembre 2014, le tribunal administratif de Montpellier a rejeté sa demande.

Procédure devant la Cour :

Par une requête enregistrée le 13 novembre 2014, la société anonyme à responsabilité limitée Vêtements Pipito, représentée par la SCP d'avocats Scheuer - Vernet et associés, demande à la Cour :

1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Montpellier du 22 septembre 2014 ;

2°) de condamner solidairement la société d'économie mixte Transports de l'agglomération de Montpellier et la communauté d'agglomération de Montpellier à lui payer, d'une part, la somme de 22 788 euros en réparation du préjudice résultant de l'exécution des travaux publics, ainsi que les intérêts au taux légal à compter du 26 novembre 2012 et la capitalisation des intérêts, et, d'autre part, la somme de 200 758,69 euros en réparation du préjudice résultant de la présence d'un ouvrage public au droit du local commercial qu'elle occupe, ainsi que les intérêts au taux légal à compter du 9 février 2012 et la capitalisation de ces intérêts ;

3°) de mettre à la charge de la société Transports de l'agglomération de Montpellier et de la communauté d'agglomération de Montpellier la somme de 2 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- l'implantation d'un ouvrage devant une vitrine commerciale lui cause un préjudice permanent de travaux publics, grave et spécial ;

- la réalisation des travaux de construction des 3ème et 4ème lignes de tramway est à l'origine d'un dommage accidentel de travaux publics, grave et spécial.

Par deux mémoires en défense, enregistrés le 25 septembre 2015 et le 26 septembre 2016, Montpellier Méditerranée Métropole et la société Transports de l'agglomération de Montpellier concluent :

1°) au rejet de la requête ;

2°) par la voie de l'appel incident :

- à la réformation du jugement du 22 septembre 2014 du tribunal administratif de Montpellier en tant que celui-ci a rejeté leur demande reconventionnelle tendant à la condamnation de la société Vêtements Pipito à leur rembourser la somme de 65 527 euros ;

- à la condamnation de la société Vêtements Pipito à leur rembourser la somme de 65 527 euros ;

3°) à ce qu'une somme de 3 000 euros soit mise à la charge de la société requérante au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elles soutiennent que :

- les dommages permanents de travaux publics ne sont pas établis, en l'absence de perte de visibilité du local commercial et de caractère anormal et spécial de la perte d'exploitation et du préjudice de jouissance invoqués ;

- les demandes d'indemnisation du coût d'installation d'une nouvelle enseigne et d'un dispositif d'éclairage ne sont pas justifiées ;

- la situation antérieure n'a pas été modifiée par l'implantation du nouvel ouvrage public ;

- il n'existe pas de lien de causalité entre la présence de l'ouvrage public et la perte de chiffre d'affaires ;

- l'indemnisation préalable par une commission amiable ne vaut pas reconnaissance de responsabilité ;

- il n'y a pas de lien de causalité entre les travaux et la perte du chiffre d'affaires subie ;

- le préjudice allégué en raison du dommage accidentel de travaux publics n'est ni anormal ni spécial.

Par des mémoires, enregistrés le 12 septembre 2016 et le 23 janvier 2017, la société Vêtements Pipito, représentée par Me E...A..., mandataire judiciaire, conclut aux mêmes fins que la requête et demande en outre à la Cour :

1°) de porter à 247 971 euros le montant de l'indemnité demandée au titre du seul dommage permanent ;

2°) de rejeter les conclusions reconventionnelles présentées par Montpellier Méditerranée Métropole et la société Transports de l'agglomération de Montpellier.

Elle soutient que :

- les conclusions reconventionnelles ne sont pas fondées ;

- aucune clause ne permet de revenir sur les transactions amiables signées ;

- les décisions lui accordant une indemnité sont créatrices de droits et ne peuvent plus être retirées ;

- il n'appartient pas au juge d'ordonner le remboursement de sommes déjà versées à titre amiable par une commission d'indemnisation.

Les parties ont été informées, en application des dispositions de l'article R. 611-7 du code de justice administrative, de ce que l'arrêt était susceptible d'être fondé sur un moyen relevé d'office tiré de l'irrecevabilité de la communauté d'agglomération à demander à la Cour de prononcer une mesure qu'elle a le pouvoir de prendre.

Par une ordonnance du 27 janvier 2017, la clôture de l'instruction a été fixée au 13 février 2017.

Un mémoire présenté pour Montpellier Méditerranée Métropole et la société d'économie mixte Transports de l'agglomération de Montpellier a été enregistré le 15 février 2017.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme Duran-Gottschalk, rapporteure,

- les conclusions de Mme Chamot, rapporteure publique,

- et les observations de Me B... de la SCP Scheuer-Verhnet et associés pour Me E...A..., mandataire de la Sarl Vêtements Pipito, et de Me D... substituant Me C... représentant la SAEM Transports de l'agglomération de Montpellier et Montpellier Méditerranée Métropole.

1. Considérant que la société anonyme à responsabilité limitée Vêtements Pipito exploitait deux commerces d'habillement de prêt-à-porter situés 7 et 9 boulevard de l'Observatoire à Montpellier ; qu'elle relève appel du jugement du 22 septembre 2014 par lequel le tribunal administratif de Montpellier a rejeté sa demande de condamnation solidaire de Montpellier Méditerranée Métropole, venant aux droits de la communauté d'agglomération de Montpellier, et de la société d'économie mixte Transports de l'agglomération de Montpellier à réparer les préjudices qu'elle estime avoir subis résultant d'une part, de la réalisation des travaux de construction des 3ème et 4ème lignes de tramway et d'autre part, de la présence d'un distributeur automatique de tickets de tramway devant une vitrine commerciale ;

Sur le bien-fondé du jugement :

2. Considérant que la société requérante a la qualité de tiers par rapport à l'ouvrage et aux travaux publics litigieux ; que la responsabilité du maître de l'ouvrage public est susceptible d'être engagée, même sans faute, à l'égard des demandeurs tiers par rapport à cet ouvrage ; qu'il appartient toutefois à l'appelant d'apporter la preuve de la réalité des préjudices qu'il allègue avoir subis et de l'existence d'un lien de causalité direct entre l'ouvrage et les travaux publics et les préjudices, qui doivent en outre présenter un caractère anormal et spécial ;

En ce qui concerne la réparation des dommages accidentels de travaux publics :

3. Considérant qu'il résulte de l'instruction et notamment des photographies produites, que la réalisation des 3ème et 4ème lignes de tramway de Montpellier, qui a commencé en janvier 2010 rue de la République et pris fin en décembre 2011, s'est accompagnée notamment de travaux sur les réseaux et les trottoirs, d'aménagement de la plate-forme ferroviaire et de revêtement de la voirie, qui ont été à l'origine de nuisances sonores et de difficultés sérieuses d'accès aux locaux commerciaux, résultant tout particulièrement de l'ouverture de tranchées en trottoir ou d'une moindre largeur de celui-ci du fait de la présence de clôtures de chantier ou de divers matériels, pendant la période allant de janvier 2011 à novembre 2011 ;

4. Considérant qu'eu égard à la perte de chiffre d'affaires de l'exercice 2011, dont le montant a été inférieur de 31 % et de presque 20 % à ceux, respectivement, des années 2009 et 2010, les travaux réalisés pour le compte de Montpellier Méditerranée Métropole ont comporté, pour la société Vêtements Pipito, des conséquences qui ont excédé les sujétions normales susceptibles d'être imposées aux riverains d'une voie publique ; que, par suite, le préjudice qui en est résulté présente le caractère d'un préjudice grave et spécial lui ouvrant droit à réparation ;

5. Considérant que compte tenu de la perte de chiffre d'affaires, qu'il y a lieu d'évaluer à une somme de 85 000 euros, et du taux de marge brute appliqué par la commission d'indemnisation amiable et non contesté en défense, il y a lieu d'évaluer à 38 500 euros le préjudice commercial subi par la société requérante ; que cette somme étant inférieure à celle de 65 527 euros correspondant au total des indemnités qui lui ont été allouées par la commission d'indemnisation amiable, les conclusions présentées par la société Vêtements Pipito, tendant à ce que lui soit accordée une indemnité au titre des dommages consécutifs à l'exécution des travaux publics, doivent être rejetées ;

En ce qui concerne la réparation des dommages permanents de travaux publics :

6. Considérant qu'il résulte de l'instruction que le 13 décembre 2011, un distributeur automatique de tickets de tramway a été installé devant la vitrine de l'un des deux commerces exploités par la société requérante ; que toutefois, la devanture du local commercial, située à 3,72 mètres de l'ouvrage, reste nettement visible des usagers du boulevard de l'Observatoire, le distributeur étant d'ailleurs bordé de parois vitrées ; qu'ainsi, et alors même que l'implantation de cet équipement pourrait entraîner une perte de luminosité, c'est à bon droit que le tribunal administratif a estimé que l'ouvrage litigieux, réalisé dans un but d'intérêt général, ne constituait pas une sujétion anormale ne pouvant être supportée sans indemnité par le riverain d'une voie publique ;

7. Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que la société Vêtements Pipito n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Montpellier a rejeté ses demandes tendant à la réparation des dommages accidentels et permanents de travaux publics qu'elle estimait avoir subis ;

Sur les conclusions tendant à la condamnation de la société Pipito à la restitution des sommes versées dans le cadre de la procédure amiable :

8. Considérant qu'en application du principe selon lequel une collectivité publique est irrecevable à demander au juge administratif de prononcer une mesure qu'elle a le pouvoir de prendre, les collectivités territoriales, qui peuvent émettre des titres exécutoires à l'encontre de leurs débiteurs, ne peuvent saisir directement ce juge d'une demande tendant au recouvrement de leurs créances ; qu'il en résulte que les conclusions présentées par Montpellier Méditerranée Métropole tendant à la condamnation de la société Vêtements Pipito à lui restituer les sommes perçues dans le cadre de la procédure d'indemnisation amiable sont irrecevables ; que la société Transports de l'agglomération de Montpellier, qui verse les indemnités à titre amiable pour le compte de Montpellier Méditerranée Métropole, n'est pas fondée à présenter de telles conclusions en son nom propre ;

Sur l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

9. Considérant que les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de Montpellier Méditerranée Métropole et de la société Transports de l'agglomération de Montpellier, qui ne sont pas, dans la présente instance, les parties perdantes, la somme que la société Vêtements Pipito demande au titre des frais, non compris dans les dépens, qu'elle a exposés ; que dans les circonstances de l'espèce, il n'y a pas lieu de faire droit aux conclusions de Montpellier Méditerranée Métropole et de la société Transports de l'agglomération de Montpellier présentées sur le même fondement ;

D É C I D E :

Article 1er : La requête de la société Vêtements Pipito est rejetée.

Article 2 : Les conclusions de Montpellier Méditerranée Métropole et de la société d'économie mixte Transports de l'agglomération de Montpellier présentées par la voie de l'appel incident et leurs conclusions tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à Me E...A..., en qualité de liquidateur de la société Vêtements Pipito, à la société Transports de l'agglomération de Montpellier et à Montpellier Méditerranée Métropole.

Délibéré après l'audience du 16 mars 2017, où siégeaient :

- M. Vanhullebus, président,

- M. Laso, premier conseiller,

- Mme Duran-Gottschalk, première conseillère.

Lu en audience publique, le 30 mars 2017

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N° 14MA04492

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Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Marseille
Formation : 2ème chambre - formation à 3
Numéro d'arrêt : 14MA04492
Date de la décision : 30/03/2017
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Analyses

Travaux publics - Différentes catégories de dommages - Dommages causés par l'existence ou le fonctionnement d'ouvrages publics.

Travaux publics - Différentes catégories de dommages - Dommages créés par l'exécution des travaux publics - Travaux publics de voirie.


Composition du Tribunal
Président : M. VANHULLEBUS
Rapporteur ?: Mme Karine DURAN-GOTTSCHALK
Rapporteur public ?: Mme CHAMOT
Avocat(s) : SCP SCHEUER - VERNHET ET ASSOCIES

Origine de la décision
Date de l'import : 11/04/2017
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.marseille;arret;2017-03-30;14ma04492 ?
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