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16/03/2017 | FRANCE | N°15MA00605

France | France, Cour administrative d'appel de Marseille, 2ème chambre - formation à 3, 16 mars 2017, 15MA00605


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme D... C...a demandé au tribunal administratif de Nîmes d'enjoindre à la commune de Lauris de réaliser les travaux de confortement nécessaires à la protection de la cavité attenante à la maison d'habitation qu'elle possède, dans un délai de six mois et sous astreinte de 150 euros par jour de retard, et de condamner la commune à lui payer la somme de 15 000 euros en réparation du préjudice de jouissance subi.

Par un jugement n° 1203077 du 4 décembre 2014, le tribunal administratif de Nîmes

a condamné la commune de Lauris à payer à Mme C... la somme de 2 500 euros et a reje...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme D... C...a demandé au tribunal administratif de Nîmes d'enjoindre à la commune de Lauris de réaliser les travaux de confortement nécessaires à la protection de la cavité attenante à la maison d'habitation qu'elle possède, dans un délai de six mois et sous astreinte de 150 euros par jour de retard, et de condamner la commune à lui payer la somme de 15 000 euros en réparation du préjudice de jouissance subi.

Par un jugement n° 1203077 du 4 décembre 2014, le tribunal administratif de Nîmes a condamné la commune de Lauris à payer à Mme C... la somme de 2 500 euros et a rejeté le surplus de sa demande.

Procédure devant la Cour :

Par une requête et un mémoire, enregistrés le 6 février 2015 et le 11 septembre 2016, la commune de Lauris, représentée par Me B..., demande à la Cour :

1°) d'annuler ce jugement du 4 décembre 2014 du tribunal administratif de Nîmes ;

2°) de rejeter la demande de Mme C... présentée devant le tribunal administratif de Nîmes ;

3°) de mettre à la charge de Mme C... la somme de 2 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- le lien de causalité entre les vibrations émises par le passage des véhicules sur la rue Saint-Joseph et les dégradations du toit de la cavité propriété de Mme C... n'est pas établi ;

- la réalité du préjudice subi, qui ne présente pas de caractère anormal et spécial, n'est pas démontrée ;

- les conclusions incidentes ne sont pas motivées ;

- celles qui sont fondées sur la responsabilité pour faute de la commune, dirigées contre un motif du jugement et non son dispositif, sont irrecevables ;

- elles sont également irrecevables pour défaut de demande préalable ;

- la demande tendant à lui enjoindre de faire réaliser les travaux est irrecevable en ce qu'elle soulève un litige distinct de celui résultant de son appel et parce qu'elle n'entre pas dans les prévisions de l'article L. 911-1 du code de justice administrative.

Par un mémoire en défense, enregistré le 16 mars 2015, Mme C... conclut :

1°) au rejet de la requête ;

2°) par la voie de l'appel incident :

- à la réformation du jugement du 4 décembre 2014 par lequel le tribunal administratif de Nîmes a limité à la somme de 2 500 euros l'indemnité au versement de laquelle il a condamné la commune de Lauris en réparation des préjudices qu'elle subit et rejeté sa demande d'injonction ;

- à la condamnation de la commune de Lauris à lui verser la somme de 15 000 euros en réparation des préjudices subis ;

- à ce qu'il soit enjoint à la commune de réaliser les travaux prescrits par l'expert dans un délai de six mois à compter de la notification de l'arrêt à intervenir, sous astreinte de 150 euros par jour de retard ;

3°) à ce que la somme de 2 000 euros soit mise à la charge de la commune au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle fait valoir que :

- les vibrations dues au passage de véhicules sur la route Saint-Joseph sont à l'origine des dégradations du toit de la cavité ;

- la responsabilité de la commune est engagée pour carence dans l'exercice des pouvoirs de police du maire ;

- les dommages subis présentent un caractère anormal et spécial et engagent également la responsabilité sans faute de la commune.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme Duran-Gottschalk, rapporteure,

- les conclusions de Mme Chamot, rapporteure publique,

- et les observations de Me B... pour la commune de Lauris.

1. Considérant que Mme C... est propriétaire d'une maison à usage d'habitation qu'elle occupe, située sur la commune de Lauris, en bordure de la rue Saint-Joseph ; que le plafond d'une des grottes lui appartenant, attenante à cette maison et située sous la rue Saint-Joseph, s'est délité ; que la commune de Lauris fait appel du jugement du 4 décembre 2014 par lequel le tribunal administratif de Nîmes l'a condamnée à payer la somme de 2 500 euros en réparation du préjudice de jouissance subi par Mme C... ; que cette dernière demande, par la voie de l'appel incident, qu'il soit enjoint à la commune de faire réaliser les travaux prescrits par l'expert et la condamnation de cette dernière à lui payer la somme de 15 000 euros en réparation du préjudice qu'elle estime avoir subi ;

Sur la recevabilité des conclusions d'appel incident de Mme C... :

2. Considérant que, dans son mémoire du 16 mars 2015, Mme C... ne se borne pas à reproduire ses écritures de première instance ; qu'ainsi, contrairement à ce que fait valoir la commune de Lauris, les conclusions de l'appel incident de Mme C... sont suffisamment motivées ;

3. Considérant, en revanche, que les conclusions tendant à ce qu'il soit enjoint à la commune de procéder aux travaux prescrits par l'expert soulèvent un litige distinct de celui qui résulte de l'appel principal de la commune de Lauris contestant le principe et le montant de l'indemnisation accordée à Mme C... ; qu'ayant été enregistrées après l'expiration du délai d'appel, ces conclusions sont, par suite, irrecevables ;

Sur le bien-fondé du jugement :

En ce qui concerne la responsabilité pour dommages de travaux publics :

4. Considérant que le maître d'ouvrage est responsable, même en l'absence de faute, des dommages que les ouvrages publics dont il a la garde peuvent causer aux tiers tant en raison de leur existence que de leur fonctionnement ; qu'il ne peut dégager sa responsabilité que s'il établit que ces dommages résultent de la faute de la victime ou d'un cas de force majeure ; qu'il appartient toutefois préalablement à la victime de démontrer tant le caractère anormal et spécial de son préjudice que l'existence d'un lien de causalité entre le préjudice subi et le ou les ouvrages incriminés ; que, dans le cas d'un dommage causé à un immeuble, la fragilité ou la vulnérabilité de celui-ci ne peuvent être prises en compte pour atténuer la responsabilité du maître de l'ouvrage, sauf lorsqu'elles sont elles-mêmes imputables à une faute de la victime ; qu'en dehors de cette hypothèse, de tels éléments ne peuvent être retenus que pour évaluer le montant du préjudice indemnisable ;

5. Considérant qu'il résulte de l'instruction, et notamment du rapport de l'expertise ordonnée par le juge des référés du tribunal administratif de Nîmes, que la dégradation de la voûte de la grotte, située à 1,20 - 1,50 mètre de la surface de la route, résulte des vibrations dues au passage des véhicules sur la route Saint-Joseph ; que la commune, en se bornant à soutenir que ces vibrations n'ont été ni constatées ni mesurées et que la rue n'est accessible qu'aux riverains et interdite aux véhicules de plus de 3,5 tonnes sans apporter aucun élément technique, ne conteste pas utilement les constatations faites par le sapiteur géologue qui a assisté l'expert ; que le lien de causalité entre l'ouvrage public et les dommages subis par Mme C... sur la voûte de la grotte doit donc être regardé comme établi ; qu'il résulte en outre de l'instruction et de l'ensemble des pièces versées au dossier que des migrations d'eau provenant des fonds supérieurs et notamment de la rue Saint-Joseph, exposée à un fort ruissellement, sont également à l'origine des dégâts constatés sur le plafond de la cavité ; qu'a en effet été décrite, au-dessus du plafond de la cavité, l'existence d'une fissuration et d'un affaissement important du trottoir en béton de la rue Saint-Joseph, d'où résulte un décollement d'amplitude pluricentimétrique à la jonction avec le mur de la propriété ; que dans ces conditions, la responsabilité sans faute de la commune de Lauris est engagée pour les dégradations du plafond de la cavité résultant tant des vibrations dues au passage des véhicules sur la route que des eaux de ruissellement qui en proviennent ;

6. Considérant qu'il résulte de l'instruction, notamment de la visite des lieux effectuée le 3 mai 2010, que la grotte est à usage de remise ; que la cavité ne pouvant plus être utilisée depuis le début de l'année 2010, le préjudice de jouissance subi par l'intéressée, qui revêt un caractère anormal et spécial, doit être évalué à la date du présent arrêt à la somme de 3 750 euros ; que, compte tenu de la vétusté de la cavité, laquelle, de par sa situation et son mode constructif, est exposée à des circulations d'eau provenant de fonds supérieurs et affectant son intégrité, dont le taux peut être évalué à un tiers, il sera fait une juste appréciation de ce chef de préjudice en allouant à Mme C... la somme de 2 500 euros ;

En ce qui concerne la responsabilité pour faute :

7. Considérant que Mme C... ne conteste pas le motif d'irrecevabilité opposé par les premiers juges à sa demande de réparation fondée sur la responsabilité pour faute et tiré de défaut de demande préalable ; que, par suite, sans qu'il soit besoin de statuer sur la fin de non recevoir opposée aux conclusions d'appel incident de Mme C... présentées sur ce fondement, celles-ci ne peuvent qu'être rejetées ;

8. Considérant qu'il résulte de ce qui précède que d'une part, la commune de Lauris n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Nîmes a retenu le principe de sa responsabilité et l'a condamnée à verser une somme de 2 500 euros à Mme C... ; que, d'autre part, cette dernière n'est pas fondée, par la voie de l'appel incident, à demander que cette somme soit portée à 15 000 euros ;

Sur les conclusions présentées au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

9. Considérant que les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de Mme C..., qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante, la somme que la commune de Lauris demande au titre des frais non compris dans les dépens qu'elle a exposés ; qu'il y a lieu, en application des mêmes dispositions, de mettre à la charge de la commune de Lauris une somme de 2 000 euros au titre des frais exposés et non compris dans les dépens exposés par Mme C... ;

D É C I D E :

Article 1er : La requête de la commune de Lauris est rejetée.

Article 2 : Les conclusions de Mme C... présentées par la voie de l'appel incident sont rejetées.

Article 3 : La commune de Lauris versera à Mme C... la somme de 2 000 euros en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à la commune de Lauris, à la société Groupama Sud et à Mme D...C....

Copie en sera adressée à M. A..., expert.

Délibéré après l'audience du 2 mars 2017, où siégeaient :

- M. Laso, président assesseur, présidant la formation du jugement en application de l'article R. 222-26 du code de justice administrative,

- M. Lafay, premier conseiller,

- Mme Duran-Gottschalk, première conseillère.

Lu en audience publique, le 16 mars 2017.

2

N° 15MA00605


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Marseille
Formation : 2ème chambre - formation à 3
Numéro d'arrêt : 15MA00605
Date de la décision : 16/03/2017
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Analyses

67-03-03 Travaux publics. Différentes catégories de dommages. Dommages causés par l'existence ou le fonctionnement d'ouvrages publics.


Composition du Tribunal
Président : M. LASO
Rapporteur ?: Mme Karine DURAN-GOTTSCHALK
Rapporteur public ?: Mme CHAMOT
Avocat(s) : LEGIER

Origine de la décision
Date de l'import : 28/03/2017
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.marseille;arret;2017-03-16;15ma00605 ?
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