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23/01/2017 | FRANCE | N°15MA02444

France | France, Cour administrative d'appel de Marseille, 6ème chambre - formation à 3, 23 janvier 2017, 15MA02444


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La société Electricité Réseau Distribution de France (ERDF) a demandé au tribunal administratif de Montpellier de condamner solidairement la société Solldev Ingénierie, la société Axa France et la société RRTP à lui verser la somme de 1 543 887,07 euros au titre de leur responsabilité décennale et de mettre les frais d'expertise à leur charge définitive et solidaire.

Par un jugement n° 1103172 du 17 avril 2015, le tribunal administratif de Montpellier a :

- rejeté les conclusions di

rigées contre la société Axa France comme portées devant une juridiction incompétente pour en...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La société Electricité Réseau Distribution de France (ERDF) a demandé au tribunal administratif de Montpellier de condamner solidairement la société Solldev Ingénierie, la société Axa France et la société RRTP à lui verser la somme de 1 543 887,07 euros au titre de leur responsabilité décennale et de mettre les frais d'expertise à leur charge définitive et solidaire.

Par un jugement n° 1103172 du 17 avril 2015, le tribunal administratif de Montpellier a :

- rejeté les conclusions dirigées contre la société Axa France comme portées devant une juridiction incompétente pour en connaître ;

- condamné solidairement les sociétés Solldev Ingénierie et RRTP à verser la somme de 586 477,49 euros hors taxes à la société ERDF ;

- mis à la charge définitive et solidaire de ces deux sociétés la somme de 138 577,82 euros au titre des frais d'expertise ;

- condamné la société RRTP à garantir la société Solldev Ingénierie à hauteur de 60 % des condamnations prononcées.

Procédure devant la Cour :

I. Par une requête, enregistrée le 16 juin 2015 sous le n° 15MA02444, la société RRTP, représentée par Me A...D..., demande à la Cour :

1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Montpellier du 17 avril 2015 ;

2°) de rejeter la demande de la société ERDF ;

3°) de mettre une somme de 3 000 euros à la charge de la société ERDF au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- la juridiction administrative est incompétente pour statuer sur le litige ;

- les désordres en cause ne revêtent pas un caractère décennal ;

- elle n'a commis aucune faute dans l'exécution des travaux ;

- les désordres subis ne sont pas justifiés dans leur intégralité ;

- la société ERDF ne justifie pas du montant des sommes demandées.

Par des mémoires en défense, enregistrés les 21 avril 2016 et 3 janvier 2017, la société Enedis, anciennement dénommée ERDF, conclut :

- au rejet de la requête ;

- par la voie de l'appel incident, à la réformation du jugement du tribunal administratif de Montpellier du 17 avril 2015 en tant qu'il n'a pas fait droit à l'intégralité de sa demande ;

- à ce qu'une somme de 3 500 euros soit mise à la charge de la société RRTP au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- la requête est irrecevable comme méconnaissant les dispositions de l'article R. 411-1 du code de justice administrative ;

- les moyens soulevés par la société RRTP ne sont pas fondés ;

- elle justifie du coût horaire des frais d'intervention ;

- le remplacement du câble de la partie basse a été rendu nécessaire par les incidents intervenus en partie haute.

Par un mémoire, enregistré le 23 décembre 2016, la société Solldev Ingénierie conclut :

- à l'annulation du jugement du tribunal administratif de Montpellier du 17 avril 2015 ;

- au rejet de la demande de la société ERDF ;

- à la condamnation de la société Solldev Ingénierie à la garantir de toute condamnation prononcée à son encontre ;

- à ce qu'une somme de 1 500 euros soit mise à la charge de la société ERDF au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- la juridiction administrative est incompétente pour statuer sur le litige ;

- les désordres ne revêtent pas un caractère décennal ;

- elle n'a commis aucune faute ;

- seuls les dommages en lien direct avec les travaux sont susceptibles d'être indemnisés.

Vu les autres pièces du dossier.

II. Par une requête, enregistrée le 17 juin 2015 sous le n° 15MA02467, la société Solldev Ingénierie, représentée par la SCP Scheuer-Vernhet et associés, demande à la Cour :

1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Montpellier du 17 avril 2015 ;

2°) de rejeter la demande de la société ERDF ;

3°) de condamner la société RRTP à la relever et la garantir de toute condamnation prononcée à son encontre ;

4°) de mettre une somme de 1 500 euros à la charge de la société ERDF au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- la juridiction administrative est incompétente ;

- le jugement, qui méconnaît les dispositions des articles L. 9 et R. 741-2 du code de justice administrative, est irrégulier ;

- les désordres en cause ne revêtent pas un caractère décennal ;

- elle n'a commis aucune faute en tant que maître d'oeuvre, dans le choix du procédé Syltex ;

- la responsabilité de la société RRTP est seule susceptible d'être recherchée à raison des fautes commises durant l'exécution des travaux ;

- les préjudices dont se prévaut la société ERDF ne sont pas justifiés.

Par des mémoires en défense, enregistrés les 21 avril 2016, 22 juillet 2016 et 3 janvier 2017, la société Enedis, anciennement dénommée ERDF, conclut :

- au rejet de la requête ;

- par la voie de l'appel incident, à la réformation du jugement du tribunal administratif de Montpellier du 17 avril 2015 en tant qu'il n'a pas fait droit à l'intégralité de sa demande ;

- à ce qu'une somme de 3 500 euros soit mise à la charge de la société Solldev Ingenierie au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- la requête est irrecevable dès lors qu'elle méconnaît les dispositions de l'article R. 411-1 du code de justice administrative ;

- les moyens soulevés par la société Solldev Ingénierie ne sont pas fondés ;

- elle justifie du coût horaire des frais d'intervention ;

- le remplacement du câble de la partie basse a été rendu nécessaire à raison des incidents intervenus en partie haute.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code de l'énergie ;

- la loi n° 2000-108 du 10 février 2000 relative à la modernisation et au développement du service public de l'électricité ;

- le décret n° 2001-410 du 10 mai 2001 relatif aux conditions d'achat de l'électricité produite par des producteurs bénéficiant de l'obligation d'achat ;

- le code de justice administrative.

Le président de la Cour a désigné Mme Marie-Pierre Steinmetz-Schies, président assesseur, pour présider les formations de jugement en cas d'absence ou d'empêchement de M. Moussaron, président de la 6e chambre en application de l'article R. 222-26 du code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme Héry,

- les conclusions de M. Thiele, rapporteur public,

- et les observations de Me A...D..., représentant la société RRTP, de Me B..., représentant la société Enedis et de MeC..., représentant la société Solldev Ingénierie.

Une note en délibéré présentée pour la société RRTP a été enregistrée le 10 janvier 2017.

Une note en délibéré présentée pour la société Solldev Ingénierie a été enregistrée le 10 janvier 2017.

1. Considérant que les requêtes n° 15MA02444 et n° 15MA02467 sont dirigées contre un même jugement et ont fait l'objet d'une instruction commune ; qu'il y a lieu de les joindre pour y statuer par un même arrêt ;

2. Considérant que la société Electricité Réseau Distribution de France (ERDF), devenue Enedis, a demandé au tribunal administratif de Montpellier, dans le dernier état de ses écritures, de condamner les sociétés RRTP et Solldev Ingénierie à l'indemniser, sur le fondement de la responsabilité décennale, des désordres survenus sur les câbles électriques de raccordement au réseau de distribution électrique de la centrale éolienne située à Tuchan ; que par un jugement du 17 avril 2015, le tribunal administratif de Montpellier, après avoir donné acte à la société ERDF du désistement de ses conclusions dirigées contre d'autres sociétés et rejeté les conclusions dirigées contre la société d'assurances Axa France comme portées devant une juridiction incompétente pour en connaître, a fait partiellement droit à sa demande en condamnant solidairement les sociétés RRTP et Solldev Ingénierie à lui verser la somme de 586 477,49 euros et en mettant à leur charge solidaire les frais d'expertise, d'un montant de 138 577,82 euros, la société RRTP étant condamnée par le même jugement à garantir la société Solldev Ingénierie à hauteur de 60 % des condamnations ainsi prononcées ; que les sociétés RRTP et Solldev Ingénierie relèvent appel de ce jugement ; que par la voie de l'appel incident, la société Enedis demande qu'il soit fait droit à l'intégralité de ses conclusions indemnitaires de première instance ;

Sur la recevabilité des requêtes :

3. Considérant qu'aux termes de l'article R. 411-1 du code de justice administrative : " (...) La requête indique les nom et domicile des parties (...) " ;

4. Considérant que l'article R. 123-53 du code de commerce fait obligation aux sociétés d'indiquer dans leur demande d'immatriculation au registre du commerce et des sociétés l'adresse de leur siège social ; que la requête de la société RRTP a été régularisée par la production d'un extrait du registre du commerce et des sociétés du 17 avril 2016 sur lequel figure l'adresse de son siège social ; que la société Solldev Ingénierie justifie également, ainsi qu'il ressort de l'extrait d'immatriculation au registre du commerce et des sociétés du 10 mai 2016, de l'adresse de son siège social, telle que mentionnée sur sa requête ; que la circonstance que l'huissier chargé par la société Enedis du recouvrement des condamnations prononcées en première instance n'a pas trouvé mention du nom de ces sociétés à l'adresse de leur siège social ne saurait à elle seule conduire à considérer que les adresses mentionnées par ces sociétés seraient erronées ;

5. Considérant que, dès lors, les fins de non recevoir opposées par la société Enedis et tirées de la méconnaissance des dispositions précitées de l'article R. 411-1 du code de justice administrative ne peuvent être accueillies ;

Sur la compétence de la juridiction administrative :

6. Considérant que les contrats conclus entre personnes privées sont en principe des contrats de droit privé, hormis le cas où l'une des parties agit pour le compte d'une personne publique ou celui dans lequel ils constituent l'accessoire d'un contrat de droit public ; que, d'une part, par le contrat de raccordement d'une installation de production d'électricité d'origine éolienne au réseau de transport et de distribution de l'électricité en vue de l'achat par la société EDF de l'énergie produite, conclu entre un producteur indépendant et la société ERDF, cette dernière n'exerce aucune mission pour le compte d'un personne publique ; que, d'autre part, si ce raccordement constitue un préalable technique à la délivrance de l'électricité à EDF et si l'article 5 du décret n° 2001-410 du 10 mai 2001 dispose que " la prise d'effet du contrat d'achat est subordonnée au raccordement de l'installation au réseau ", il n'en résulte pas que le contrat de raccordement soit l'accessoire du contrat d'achat de sorte que la qualification de contrat administratif conférée à ce dernier par l'article 10 de la loi du 10 février 2000 ne s'étend pas au premier ;

7. Considérant que la société Solldev, en sa qualité de producteur d'électricité, et Electricité de France ont conclu le 18 septembre 2001 une convention pour le raccordement du parc éolien au réseau d'électricité ; que cette convention prévoit dans son article 4.1. que la liaison en câble souterrain entre le poste de livraison et le poste " Solldev " sera réalisée par le producteur puis remise gratuitement à EDF ; que l'article 5.2.3. de la convention du 30 août 2002, qui précise les modalités techniques, juridiques et financières de raccordement de l'installation au réseau, dispose que les ouvrages de raccordement réalisés sous maîtrise d'ouvrage du propriétaire feront l'objet d'une remise gratuite à EDF avant le début de leur exploitation ; que ces dispositions, qui prévoient expressément la rétrocession gratuite des ouvrages réalisés par le propriétaire à EDF, peuvent être regardées comme étant de nature à conférer aux conventions de raccordement un caractère administratif ;

8. Considérant, toutefois, que la société Enedis recherche la responsabilité des sociétés RRTP et Solldev Ingénierie, en leur qualité respective d'entrepreneur et de maître d'oeuvre, du fait des travaux de réalisation des réseaux électriques permettant le raccordement de la centrale éolienne ; qu'aucune des conventions précitées ne porte sur l'exécution de ces travaux et ne désigne les sociétés qui en auront la charge ; qu'il ressort en effet des pièces du dossier que ces travaux ont été précédemment confiés par le responsable de la société FEMT, alors propriétaire de la centrale éolienne, à la société RRTP par contrat conclu le 23 juin 1998, antérieurement aux conventions de raccordement liant EDF et le producteur d'électricité ; que ce contrat porte sur la réalisation du réseau électrique moyenne tension entre le poste EDF situé au village de Tuchan et le poste EDF 63/20 kV de Tautavel, la société Solldev étant désignée comme " ingénieur " ; qu'aucun des termes de ce contrat ne fait état de la rétrocession des câbles ainsi réalisés à EDF ; que le procès-verbal de réception des travaux dressé le 6 juillet 2001 est signé par la société Solldev, devenue entretemps propriétaire de la centrale éolienne, en sa double qualité de maître d'ouvrage et de maître d'oeuvre ainsi que par la société RRTP, en sa qualité d'entrepreneur ; qu'ainsi, à la date à laquelle ce contrat a été conclu, il ne pouvait être regardé comme l'accessoire des conventions de raccordement précitées ni comme comportant des clauses de nature à lui conférer le caractère de contrat administratif ; que, par suite, la juridiction administrative n'est pas compétente pour en connaître ;

9. Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que les sociétés RRTP et Solldev Ingénierie sont fondées à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Montpellier les a condamnées solidairement à verser la somme de 586 477,49 euros à ERDF et a mis à leur charge définitive les frais d'expertise ; qu'il y a lieu, par voie de conséquence, de rejeter les conclusions d'appel incident formées par la société Enedis ;

Sur les conclusions tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

10. Considérant qu'il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge des parties les sommes demandées au titre des frais exposées par elles et non compris dans les dépens ;

D É C I D E :

Article 1er : Les articles 3, 4, 5 et 6 du jugement du tribunal administratif de Montpellier du 17 avril 2015 sont annulés.

Article 2 : La demande de la société ERDF est rejetée comme portée devant une juridiction incompétente pour en connaître.

Article 3 : Les conclusions d'appel incident de la société Enedis sont rejetées.

Article 4 : Les conclusions des parties tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.

Article 5 : Le présent arrêt sera notifié aux sociétés RRTP et Solldev Ingénierie et à la société Enedis.

Délibéré après l'audience du 9 janvier 2017, où siégeaient :

- Mme Steinmetz-Schies, président assesseur,

- Mme Héry, premier conseiller,

- M. Gautron, conseiller,

Lu en audience publique, le 23 janvier 2017.

7

Nos 15MA02444, 15MA02467


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Marseille
Formation : 6ème chambre - formation à 3
Numéro d'arrêt : 15MA02444
Date de la décision : 23/01/2017
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Analyses

Compétence - Répartition des compétences entre les deux ordres de juridiction - Compétence déterminée par un critère jurisprudentiel - Contrats.

Marchés et contrats administratifs - Rapports entre l'architecte - l'entrepreneur et le maître de l'ouvrage - Responsabilité des constructeurs à l'égard du maître de l'ouvrage - Responsabilité décennale.


Composition du Tribunal
Président : Mme Steinmetz-Schies
Rapporteur ?: Mme Florence HERY
Rapporteur public ?: M. THIELE
Avocat(s) : SCP SCHEUER - VERNHET ET ASSOCIES

Origine de la décision
Date de l'import : 09/05/2017
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.marseille;arret;2017-01-23;15ma02444 ?
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