Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
M. F... D...a demandé au tribunal administratif de Montpellier d'annuler la décision du 19 juillet 2013 par laquelle le maire de Lunel a rejeté sa demande de reprise du bail de location consenti à son père le 20 mars 1980.
Par un jugement n° 1304395 du 6 mars 2015, le tribunal administratif de Montpellier a rejeté la demande de M. D....
Procédure devant la Cour :
Par une requête et un mémoire, enregistrés le 6 mai 2015 et le 11 mai 2016, M. D..., représenté par Me G..., SCPB..., Lang-Cheymol, G..., Le Fraper du Hellen-Bras, demande à la Cour :
1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Montpellier du 6 mars 2015 ;
2°) d'annuler, pour excès de pouvoir, la décision du maire de Lunel en date du 19 juillet 2013 ;
3°) d'enjoindre à la commune de Lunel de lui accorder la reprise du bail ;
4°) de mettre à la charge de la commune de Lunel les entiers dépens de l'instance ainsi que la somme de 2 500 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Il soutient que :
- le juge administratif est compétent pour statuer sur le litige ;
- le jugement, qui ne répond pas au moyen tiré du caractère disproportionné de la différence de traitement instituée par la commune dans la reprise d'un bail de location, est irrégulier ;
- le signataire de la décision du 19 juillet 2013 ne bénéficiait pas d'une délégation de signature régulière ;
- la décision est insuffisamment motivée ;
- elle méconnaît le principe d'égalité ;
- le maire de Lunel a commis une erreur de fait sur l'acquittement d'impôts locaux ;
- la décision est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation.
Par des mémoires en défense, enregistrés le 13 août 2015 et le 27 mai 2016, la commune de Lunel, représentée par Me H..., SCP Coulombie - Gras - Cretin -H...- Rosier - Soland - Gilliocq, conclut au rejet de la requête et à ce que la somme de 3 000 euros soit mise à la charge de M. D... sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle fait valoir que :
- le juge administratif est incompétent pour statuer sur le litige ;
- les moyens soulevés par M. D... ne sont pas fondés.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code général des collectivités territoriales ;
- la loi n° 79-587 du 11 juillet 1979 ;
- le code de justice administrative.
Le président de la Cour a désigné M. Georges Guidal, président assesseur, pour présider la formation de jugement en application de l'article R. 222-26 du code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de M. Chanon, premier conseiller,
- les conclusions de M. Salvage, rapporteur public,
- et les observations de Me E..., représentant M. D..., et de Me C..., représentant la commune de Lunel.
1. Considérant que, par jugement du 6 mars 2015, le tribunal administratif de Montpellier a rejeté la demande de M. D... tendant à l'annulation de la décision du 19 juillet 2013 par laquelle le maire de Lunel a refusé de faire droit à sa demande de reprise du bail consenti à son père le 20 mars 1980 pour la location d'un terrain d'une superficie de 30 m² sur les francs-bords d'un canal ; que M. D... relève appel de ce jugement ;
2. Considérant que le tribunal n'a pas répondu au moyen qui était soulevé devant lui et qui n'était pas inopérant, tiré de ce que la commune avait appliqué à M. D... une différence de traitement manifestement disproportionnée par rapport aux décisions accordant la reprise de contrats d'occupation de son domaine privé à des héritiers de personnes décédées, fondée sur son lieu de résidence en dehors de Lunel et l'absence d'assujettissement aux impôts locaux ; que, par suite, M. D... est fondé à soutenir que le jugement est entaché d'irrégularité et doit, pour ce motif, être annulé ;
3. Considérant qu'il y a lieu pour la Cour d'évoquer l'affaire et de statuer immédiatement sur la demande présentée par M. D... devant le tribunal administratif de Montpellier ;
Sur l'exception d'incompétence de la juridiction administrative opposée par la commune de Lunel :
4. Considérant que la contestation par une personne privée de l'acte par lequel une personne morale de droit public ou son représentant, gestionnaire du domaine privé, entame avec cette personne privée, conduit ou termine une relation contractuelle, quelle qu'en soit la forme, dont l'objet est la valorisation ou la protection de ce domaine et qui n'affecte ni son périmètre ni sa consistance, ne met en cause que des rapports de droit privé et relève, à ce titre, de la compétence du juge judiciaire ; qu'en revanche, la juridiction administrative est compétente pour connaître de la contestation par l'intéressé de l'acte administratif par lequel une personne morale de droit public refuse d'engager avec lui une relation contractuelle ayant un tel objet ;
5. Considérant que le litige qui oppose M. D... à la commune de Lunel porte sur le refus de cette collectivité de conclure un bail rural portant sur des terres appartenant à son domaine privé ; qu'il relève ainsi de la compétence des juridictions de l'ordre administratif ;
Sur la légalité de la décision du 19 juillet 2013 :
6. Considérant, en premier lieu, qu'aux termes de l'article L. 2122-18 du code général des collectivités territoriales : " Le maire est seul chargé de l'administration, mais il peut, sous sa surveillance et sa responsabilité, déléguer par arrêté une partie de ses fonctions à un ou plusieurs de ses adjoints (...) " ; qu'aux termes de l'article L. 2122-22 du même code : " Le maire peut, en outre, par délégation du conseil municipal, être chargé, en tout ou partie, et pour la durée de son mandat (...) 5° De décider de la conclusion et de la révision du louage de choses pour une durée n'excédant pas douze ans (...) " ;
7. Considérant que la décision contestée est signée " pour le maire et par délégation, par l'adjoint délégué, M. A... B... " ; qu'il ressort des pièces du dossier que, par délibération du 7 avril 2008, le conseil municipal de Lunel a donné délégation au maire afin, notamment, de décider de la conclusion et de la révision du louage de choses pour une durée n'excédant pas douze ans ; que, par arrêté du 26 mars 2008, le maire avait auparavant donné délégation à M. B..., premier adjoint, pour signer en particulier toutes les décisions relatives aux " affaires immobilières liées à la gestion du patrimoine communal " ; que cette délégation, qui est suffisamment précise, donnait compétence à l'intéressé pour signer, à la date de celle-ci, la décision en litige ;
8. Considérant, en deuxième lieu, qu'aux termes de l'article 1er de la loi du 11 juillet 1979 : " Les personnes physiques ou morales ont le droit d'être informées sans délai des motifs des décisions administratives individuelles défavorables qui les concernent. / A cet effet, doivent être motivées les décisions qui : / -restreignent l'exercice des libertés publiques ou, de manière générale, constituent une mesure de police ; / - infligent une sanction ; / - subordonnent l'octroi d'une autorisation à des conditions restrictives ou imposent des sujétions ; / - retirent ou abrogent une décision créatrice de droits ; / - opposent une prescription, une forclusion ou une déchéance ; / - refusent un avantage dont l'attribution constitue un droit pour les personnes qui remplissent les conditions légales pour l'obtenir ; / - refusent une autorisation (...) " ;
9. Considérant que le contrat de bail en cause stipule que, en cas de décès du preneur, " le bail cessera de plein droit, mais la ville se réserve le droit d'accepter les propositions de renouvellement du bail qui pourront lui être faites par le conjoint ou les héritiers en ligne directe ou au profit d'une personne acquittant des impôts locaux à Lunel (...) " ; que la reprise d'un contrat de bail portant sur une parcelle du domaine privé communal n'est pas au nombre des décisions qui doivent être motivées en application de ces dispositions, et, en particulier, ne constitue pas en l'espèce, en vertu des stipulations contractuelles, un droit pour la personne qui en fait la demande ; que, par suite, le moyen tiré d'une insuffisante motivation de la décision contestée est inopérant et ne peut qu'être écarté ;
10. Considérant, en troisième lieu, qu'il ressort des pièces du dossier que le refus opposé à M. D... repose sur un motif tiré de ce que la commune a décidé de favoriser, lors du renouvellement des baux portant sur des terrains lui appartenant, les personnes résidant sur le territoire communal ou acquittant des impôts locaux au bénéfice de la commune ; que la différence de traitement instituée par ce critère, qui relève de l'intérêt général, est en rapport avec l'objet de la décision contestée dès lors que la gestion du domaine privé d'une commune a nécessairement une incidence sur les finances communales ; que cette différence de traitement n'est pas manifestement disproportionnée par rapport à la différence qui sépare les résidents ou les contribuables locaux de la commune de Lunel et les personnes qui n'habitent pas sur le territoire communal et qui s'acquittent d'impôts locaux au bénéfice d'autres communes ;
11. Considérant, en quatrième lieu, qu'il résulte des pièces versées au débat que le terrain qui fait l'objet du contrat de bail est implanté sur le territoire de la commune de Marsillargues ; qu'en produisant des avis d'imposition à la taxe d'habitation et à la taxe foncière délivrés pour des locaux situés sur le territoire de cette commune, à supposer même établi qu'ils correspondraient au bien en cause, M. D... n'apporte pas la justification de son inscription au rôle des contributions directes de la commune de Lunel ; que, par conséquent, le moyen tiré de l'erreur de fait, au motif que M. D... s'acquitterait d'impôts locaux " sur la commune de Lunel ", ne peut être accueilli ;
12. Considérant, en cinquième et dernier lieu, que la circonstance que les stipulations du contrat de bail ne prévoient pas pour les héritiers en ligne directe la distinction retenue en l'espèce, citée au point 10, ne faisait pas obstacle à ce que la commune retienne un tel critère ; que, compte tenu de tout ce qui a été dit précédemment, il ne ressort pas des pièces du dossier que le maire de Lunel aurait entaché la décision contestée d'une erreur manifeste d'appréciation dans la gestion du domaine privé communal ;
13. Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que M. D... n'est pas fondé à demander l'annulation de la décision du maire de Lunel en date du 19 juillet 2013 ; que, par suite, les conclusions aux fins d'injonction doivent être rejetées ;
Sur l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :
14. Considérant que ces dispositions font obstacle à ce qu'une somme soit mise à la charge de la commune de Lunel, qui n'a pas la qualité de partie perdante dans la présente instance, au titre des frais exposés par M. D... et non compris dans les dépens ; que, dans les circonstances de l'espèce, les conclusions de la commune présentées sur le même fondement doivent être rejetées ;
D É C I D E :
Article 1er : Le jugement du tribunal administratif de Montpellier du 6 mars 2015 est annulé.
Article 2 : La demande présentée par M. D... devant le tribunal administratif de Montpellier et le surplus des conclusions de la requête sont rejetés.
Article 3 : Les conclusions de la commune de Lunel présentées sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.
Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à M. F... D...et à la commune de Lunel.
Délibéré après l'audience du 14 décembre 2016, à laquelle siégeaient :
- M. Guidal, président assesseur, président de la formation de jugement,
- M. Chanon, premier conseiller,
- Mme I..., première conseillère.
Lu en audience publique, le 23 décembre 2016.
N° 15MA01966 2
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