Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
L'EURL Hosteria a demandé au tribunal administratif de Marseille de prononcer la décharge des cotisations supplémentaires d'impôt sur les sociétés auxquelles elle a été assujettie au titre des années 2008 et 2009 et du rappel de taxe sur la valeur ajoutée qui lui a été réclamé au titre de la période correspondant aux années 2008 et 2009 ainsi que des pénalités correspondantes.
Par un jugement n° 1304129 du 3 mars 2015, le tribunal administratif de Marseille a rejeté sa demande.
Procédure devant la Cour :
Par une requête enregistrée le 12 mai 2015, l'EURL Hosteria, représentée par Me A..., demande à la Cour :
1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Marseille du 3 mars 2015 ;
2°) de prononcer la décharge demandée.
Elle soutient que :
- la procédure d'imposition est irrégulière à défaut de débat oral et contradictoire entre son gérant et l'administration ;
- le rejet de sa comptabilité, regardée comme non probante, n'est pas justifié ;
- la méthode de reconstitution de son chiffre d'affaires retenue par le service ne prend pas en compte ses conditions d'exploitation ;
- l'application des pénalités pour manquement délibéré n'est pas justifiée.
Par un mémoire en défense, enregistré le 14 septembre 2015, le ministre des finances et des comptes publics conclut au rejet de la requête.
Il soutient que les moyens soulevés par l'EURL Hosteria ne sont pas fondés.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;
- le code de justice administrative.
Le président de la Cour a désigné Mme Evelyne Paix, président assesseur, pour présider la formation de jugement en cas d'absence ou d'empêchement de M. Bédier, président de la 3ème chambre, en application de l'article R. 222-26 du code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de M. Ouillon,
- et les conclusions de M. Maury, rapporteur public.
1. Considérant que l'EURL Hosteria relève appel du jugement du 3 mars 2015 par lequel le tribunal administratif de Marseille a rejeté sa demande tendant à la décharge du rappel de taxe sur la valeur ajoutée qui lui a été réclamé au titre de la période correspond aux années 2008 et 2009 et des cotisations supplémentaires d'impôt sur les sociétés auxquelles elle a été assujettie au titre des années 2008 et 2009, à la suite d'une vérification de comptabilité de son activité de restauration ;
Sur la régularité de la procédure d'imposition :
2. Considérant qu'aux termes de l'article L. 13 du livre des procédures fiscales, dans sa rédaction alors en vigueur : " Les agents de l'administration des impôts vérifient sur place, en suivant les règles prévues par le présent livre, la comptabilité des contribuables astreints à tenir et à présenter des documents comptables. / (...) " ; que si, en vertu de ces dispositions, toute vérification de comptabilité doit, en principe, se dérouler dans les locaux de l'entreprise vérifiée, la vérification n'est toutefois pas nécessairement entachée d'irrégularité du seul fait qu'elle ne s'est pas déroulée dans ces locaux ; qu'il en va ainsi lorsque d'un commun accord entre le vérificateur et les représentants de l'entreprise, les opérations de vérification se déroulent dans le lieu choisi par le contribuable, dès lors que cette circonstance ne fait, par elle-même, pas obstacle à ce que la possibilité d'engager avec le vérificateur un débat oral et contradictoire demeure offerte aux représentants de l'entreprise vérifiée ;
3. Considérant qu'il est constant qu'après une première intervention au siège de l'entreprise le 8 février 2011 au cours de laquelle les conditions de fonctionnement du restaurant ont été exposées au vérificateur, la requérante a demandé à ce que la suite du contrôle se déroule dans les locaux de l'administration ; qu'il ressort des mentions détaillées de la proposition de rectification du 27 avril 2011, non contredites par la requérante, que quatre entretiens ont eu lieu dans les locaux de l'administration, les 17 février, 14 mars, 28 mars et 18 avril 2011, en présence du gérant de l'EURL ; que le ministre indique, sans être démenti, que ces entretiens ont donné lieu à un échange sur les conditions particulières de l'exploitation de l'entreprise ; que, par suite, le moyen tiré de ce que la vérification de comptabilité serait irrégulière en ce qu'elle se serait déroulée en partie dans les locaux de l'administration, privant ainsi les représentants de l'EURL Hosteria de la possibilité d'engager avec le vérificateur un débat oral et contradictoire doit être écarté ;
Sur le bien-fondé de l'imposition :
En ce qui concerne le rejet de la comptabilité :
4. Considérant qu'aux termes de l'article 54 du code général des impôts : " Les contribuables mentionnés à l'article 53 A sont tenus de représenter à toute réquisition de l'administration tous documents comptables, inventaires, copies de lettres, pièces de recettes et de dépenses de nature à justifier l'exactitude des résultats indiqués dans leur déclaration (...) " ; que l'article 286 du même code prévoit que : " I. Toute personne assujettie à la taxe sur la valeur ajoutée doit : / (...) 3° Si elle ne tient pas habituellement une comptabilité permettant de déterminer son chiffre d'affaires tel qu'il est défini par le présent chapitre, avoir un livre aux pages numérotées sur lequel elle inscrit, jour par jour, sans blanc ni rature, le montant de chacune de ses opérations, en distinguant, au besoin, ses opérations taxables et celles qui ne le sont pas (...) " ;
5. Considérant qu'il résulte de l'instruction qu'au cours des exercices en litige, l'EURL Hosteria enregistrait globalement ses recettes journalières en fin de journée ; qu'elle n'a pas été en mesure de produire des pièces justifiant du montant de ces recettes telles qu'un brouillard de caisse ou des bandes de caisse enregistreuse ; que les notes clients fournies étaient incomplètes sur les deux exercices, et parfois totalement absentes sur certains mois ; que les tableaux produits qui mentionnaient globalement le montant des recettes en opérant une simple répartition entre les recettes " solides " et celles " liquides " ne justifiaient pas des quantités vendues et ne permettaient pas un contrôle des recettes déclarées ; que si la requérante entend se prévaloir des dispositions précitées du 3° du I de l'article 286 du code général des impôts, applicable en matière de taxe sur la valeur ajoutée, celles-ci n'exonèrent pas le contribuable de l'obligation de produire des justifications de nature à établir le détail de ses recettes ; que l'EURL Hosteria ne peut se prévaloir, sur le fondement de l'article L. 80 A du livre des procédures fiscales, des énonciations d'une note du 21 octobre 1954 ou de la documentation de base référencée 4 G-3334 du 25 juin 1998, qui autorisent, pour les commerces de détail réalisant un grand nombre de ventes de faible montant, une comptabilisation globale en fin de journée, dès lors qu'elles n'exonèrent pas le contribuable de l'obligation de produire des justifications de nature à établir la consistance des recettes globalisées portées en comptabilité ; qu'ainsi, en se fondant sur ces constatations, l'administration a pu à bon droit regarder la comptabilité de l'EURL Hosteria comme entachée de graves irrégularités et dépourvue de valeur probante et procéder à la reconstitution de son chiffre d'affaires ;
En ce qui concerne la reconstitution du chiffre d'affaires :
6. Considérant que les impositions en litige ont été établies conformément à l'avis rendu le 8 décembre 2011 par la commission départementale des impôts directs et des taxes sur le chiffre d'affaires ; qu'eu égard aux graves irrégularités entachant la comptabilité, il appartient à l'entreprise requérante, conformément aux dispositions de l'article L. 192 du livre des procédures fiscales, d'établir l'exagération des impositions en litige ;
7. Considérant que l'administration a reconstitué le chiffre d'affaires du restaurant par application de la méthode des vins ; qu'elle a déterminé le montant des ventes de vin sur la période vérifiée à partir des achats, de la variation des stocks et des prix unitaires, puis le ratio entre ces ventes et les recettes totales du restaurant, calculé à partir des notes produites par l'EURL Hosteria, et enfin a appliqué le coefficient ainsi déterminé aux recettes afférentes aux ventes de vins pour obtenir le montant des recettes totales du restaurant ; qu'une réfaction de 12,37 % pour l'exercice clos en 2008 et de 13,18 % au titre de l'exercice clos en 2009 a, en outre, été appliquée au montant des recettes ainsi reconstituées pour tenir compte des consommations du personnel et du gérant, des offerts et des pertes ; que suivant l'avis de la commission départementale des impôts directs et des taxes sur les chiffres d'affaires, le service a réduit le chiffre d'affaires reconstitué en retenant un nombre de couverts servis par jours ouvrés, sur une durée annuelle de deux cent vingt jours, fixé à cinquante au titre de l'exercice clos en 2008 et à cinquante-cinq pour l'exercice clos en 2009 ;
8. Considérant, d'une part, qu'il résulte de l'instruction que les ventes de vins représentaient une part significative du chiffre d'affaires de l'EURL Hosteria, malgré une baisse de la consommation d'alcool par la clientèle ; que l'application de la méthode des vins qui prend en compte les conditions particulières d'exploitation du restaurant, n'est pas radicalement viciée dans son principe ; que l'administration n'était pas tenue de mettre en oeuvre d'autres méthodes pour corroborer les résultats ainsi obtenus ; que la requérante, qui se borne à indiquer qu'une reconstitution pourrait être faite à partir du pain ou des gressins, n'établit pas qu'une telle méthode serait plus précise que celle suivie par l'administration ;
9. Considérant, d'autre part, que contrairement à ce qu'allègue la requérante, il ressort des mentions de la proposition de rectification du 27 avril 2011 que le montant des recettes de vente de vin déterminé par le service a été corrigé par la prise en compte du vin utilisé en cuisine ; que l'EURL Hosteria n'établit pas que la quantité du vin retenue à ce titre serait insuffisante ; que si elle fait valoir qu'une partie du vin était consommée au comptoir en apéritif ou vendue à emporter, elle n'apporte à l'appui de ses critiques énoncées en des termes généraux aucun élément tiré de l'activité de l'entreprise propre à permettre d'en apprécier la pertinence, alors que les éléments servant de base à la reconstitution de recettes par le service sont issus de la comptabilité et des notes de restaurant produites au titre de la période en litige ; que si l'EURL Hosteria indique également que le nombre de couverts retenu serait excessif, eu égard aux places assises, qu'elle chiffre à vingt-quatre pour l'année 2008 et trente-deux pour l'année 2009, elle ne conteste pas que le restaurant était ouvert à midi et le soir et disposait de tables en extérieur ; que le nombre de couverts quotidien finalement retenu, respectivement de cinquante et cinquante-cinq, conformément à l'avis de la commission départementale des impôts directs et des taxes sur le chiffre d'affaire n'apparait donc pas excessif ;
10. Considérant qu'il résulte de ce qui précède que la société requérante, qui ne propose aucune autre méthode pertinente de reconstitution de son chiffre d'affaires, n'apporte la preuve, ni du caractère sommaire de la méthode suivie par l'administration, ni de l'exagération des rehaussements d'impôt sur les sociétés et des rappels de taxe sur la valeur ajoutée qui lui ont été notifiés à raison de la reconstitution de son chiffre d'affaires ;
Sur les pénalités pour manquement délibéré :
11. Considérant qu'aux termes de l'article 1729 du code général des impôts : " Les inexactitudes ou les omissions relevées dans une déclaration ou un acte comportant l'indication d'éléments à retenir pour l'assiette ou la liquidation de l'impôt ainsi que la restitution d'une créance de nature fiscale dont le versement a été indûment obtenu de l'Etat entraînent l'application d'une majoration de : / a. 40 % en cas de manquement délibéré ; (...) " ;
12. Considérant qu'en faisant état du défaut de justifications par l'EURL Hosteria de ses recettes, de la gravité des anomalies constatées dans sa comptabilité ainsi que de l'importance et du caractère systématique des minorations de recettes répétées sur l'ensemble de la période vérifiée, l'administration apporte la preuve qui lui incombe de la volonté délibérée de l'entreprise d'éluder l'impôt justifiant l'application de la majoration prévue par les dispositions précitées ;
13. Considérant qu'il résulte de ce qui précède que l'EURL Hosteria n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Marseille a rejeté sa demande ;
D É C I D E :
Article 1er : La requête de l'EURL Hosteria est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à l'EURL Hosteria et au ministre de l'économie et des finances.
Copie en sera adressée à la direction de contrôle fiscal Sud-Est.
Délibéré après l'audience du 17 novembre 2016, où siégeaient :
- Mme Paix, président-assesseur, président de la formation de jugement en application de l'article R. 222-26 du code de justice administrative,
- M. Haïli, premier conseiller,
- M. Ouillon, premier conseiller.
Lu en audience publique, le 1er décembre 2016.
N° 15MA01935 2