La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

29/11/2016 | FRANCE | N°15MA02616

France | France, Cour administrative d'appel de Marseille, 8ème chambre - formation à 3, 29 novembre 2016, 15MA02616


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. C... B...a demandé au tribunal administratif de Nice d'annuler l'arrêté du 26 janvier 2015 par lequel le préfet des Alpes-Maritimes a rejeté sa demande de titre de séjour, l'a obligé à quitter le territoire français et a fixé le pays de renvoi, d'enjoindre au préfet des Alpes-Maritimes de procéder à un nouvel examen complet de sa demande de titre de séjour dans le délai d'un mois à compter du jugement, sous astreinte de 200 euros par jour de retard, et de mettre à la charge de l'Etat la somme de

1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. C... B...a demandé au tribunal administratif de Nice d'annuler l'arrêté du 26 janvier 2015 par lequel le préfet des Alpes-Maritimes a rejeté sa demande de titre de séjour, l'a obligé à quitter le territoire français et a fixé le pays de renvoi, d'enjoindre au préfet des Alpes-Maritimes de procéder à un nouvel examen complet de sa demande de titre de séjour dans le délai d'un mois à compter du jugement, sous astreinte de 200 euros par jour de retard, et de mettre à la charge de l'Etat la somme de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Par un jugement n° 1500801 du 19 mai 2015, le tribunal administratif de Nice a rejeté sa requête.

Procédure devant la Cour :

Par une requête enregistrée le 29 juin 2015, sous le n° 15MA02616, M. B..., représenté par la SCP Mary et Paulus, demande à la Cour :

1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Nice du 19 mai 2015 ;

2°) d'annuler l'arrêté du 26 janvier 2015 par lequel le préfet des Alpes-Maritimes a rejeté sa demande de titre de séjour, l'a obligé à quitter le territoire français et a fixé le pays de renvoi ;

3°) d'enjoindre au préfet des Alpes-Maritimes de procéder à un nouvel examen complet de sa demande de titre de séjour dans le délai d'un mois à compter du jugement à intervenir, sous astreinte de 200 euros par jour de retard ;

4°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 1 500 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que :

- le tribunal a statué sur la base d'une pièce du dossier, à savoir un arrêté de délégation de signature en date du 30 juin 2014, qui ne lui a pas été communiquée ;

- l'arrêté est illégal car il est frappé d'incompétence de son signataire, l'administration n'ayant pas justifié en première instance de l'existence d'une délégation régulière en sa faveur à la date de la décision attaquée ;

- le préfet s'est abstenu de mettre en oeuvre la circulaire du 28 novembre 2012 pour apprécier sa situation ;

- le préfet aurait dû faire application des dispositions de l'article L 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, compte tenu de l'ancienneté de son séjour en France et de la haute spécificité de l'emploi qui lui est proposé.

Par une mise en demeure en date du 30 août 2016, le préfet du Var a été invité à produire ses observations en application de l'article R. 612-3 du code de justice administrative.

Par ordonnance du 6 septembre 2016, la clôture d'instruction a été fixée au 6 octobre 2016.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- l'accord franco-marocain du 9 octobre 1987 en matière de séjour et d'emploi ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- le code du travail ;

- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;

- le code de justice administrative.

Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

A été entendu au cours de l'audience publique le rapport de Mme Schaegis.

1. Considérant que M. B..., de nationalité marocaine, demande à la Cour d'annuler le jugement du tribunal administratif de Nice du 19 mai 2015 rejetant son recours contre l'arrêté du 26 janvier 2015 par lequel le préfet des Alpes-Maritimes a rejeté sa demande de titre de séjour, l'a obligé à quitter le territoire français et a fixé le pays de renvoi, d'annuler cette décision, et d'enjoindre au préfet des Alpes-Maritimes de procéder à un nouvel examen complet de sa demande de titre de séjour dans un délai d'un mois à compter du jugement à intervenir, sous astreinte de 200 euros par jour de retard ;

Sur la régularité du jugement attaqué :

2. Considérant que pour écarter le moyen tiré de l'incompétence du signataire de l'arrêté attaqué, le tribunal administratif de Nice s'est fondé sur l'article 4 de l'arrêté n° 2014-500 du 30 juin 2014 portant délégation de signature en faveur de ce signataire ; que si les écritures en défense du préfet en première instance faisaient état d'une délégation de signature consentie par arrêté du 16 mars 2015, produite à l'appui du mémoire en défense, celle-ci était postérieure à la décision attaquée ; que c'est donc à bon droit que le tribunal s'est fondé sur l'acte de délégation du 30 juin 2014, applicable à la date de la décision attaquée ; que si l'arrêté du 30 juin 2014 n'a pas été versé aux débats, il s'agit d'un acte réglementaire, qui, comme le rappelle le jugement querellé, a fait l'objet d'une publication au recueil des actes administratifs spécial n° 75-2014 du 30 juin 2014 ; que, par suite, le moyen d'appel tiré de ce que cet acte n'aurait pas été pris au terme d'une procédure contradictoire ne peut qu'être écarté comme inopérant ;

Sur le bien-fondé du jugement attaqué :

3. Considérant, en premier lieu, qu'ainsi qu'il a été dit au point précédent, il ressort des pièces du dossier que le préfet des Alpes-Maritimes a consenti une délégation de signature en faveur de M. A..., signataire de l'arrêté du 26 janvier 2015, par un arrêté n° 2014-500 du 30 juin 2014 dûment publié, aux fins de signer des décisions relatives aux affaires relevant de la direction de la réglementation et des libertés publiques ; que, par suite, c'est à bon droit que le tribunal a jugé que le moyen tiré de l'incompétence du signataire de l'arrêté attaqué manque en fait et doit être écarté ;

4. Considérant, en deuxième lieu, que si un étranger peut, à l'appui d'un recours pour excès de pouvoir formé contre une décision préfectorale refusant de régulariser sa situation par la délivrance d'un titre de séjour, soutenir que, compte tenu de l'ensemble des éléments de sa situation personnelle, la décision du préfet serait entachée d'une erreur manifeste d'appréciation, il ne peut utilement se prévaloir des orientations générales que le ministre de l'intérieur a pu, dans le cadre de la politique du Gouvernement en matière d'immigration, adresser aux préfets, sans les priver de leur pouvoir d'appréciation de chaque cas particulier, pour les éclairer dans la mise en oeuvre de leur pouvoir de régularisation ; que, par suite, le moyen tiré de ce que les énonciations de la circulaire du 28 novembre 2012 relatives à l'examen des demandes d'admission exceptionnelle au séjour des ressortissants étrangers en situation irrégulière n'auraient pas été prises en compte est inopérant ;

5. Considérant, en troisième lieu, qu'aux termes de l'article 9 de l'accord entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement du Royaume du Maroc en matière de séjour et d'emploi du 9 octobre 1987 : " Les dispositions du présent accord ne font pas obstacle à l'application de la législation des deux Etats sur le séjour des étrangers sur tous les points non traités par l'accord (...) " ; que l'article 3 du même accord stipule : " Les ressortissants marocains désireux d'exercer une activité professionnelle salariée en France, pour une durée d'un an au minimum, et qui ne relèvent pas des dispositions de l'article 1er du présent accord, reçoivent après contrôle médical et sur présentation d'un contrat de travail visé par les autorités compétentes, un titre de séjour valable un an renouvelable et portant la mention " salarié " (...) " ; qu'aux termes de l'article L. 311-7 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Sous réserve des engagements internationaux de la France et des exceptions prévues par les dispositions législatives du présent code, l'octroi de la carte de séjour temporaire et celui de la carte de séjour " compétences et talents " sont subordonnés à la production par l'étranger d'un visa pour un séjour d'une durée supérieure à trois mois " ; qu'il résulte de la combinaison des textes précités que, si la situation des ressortissants marocains souhaitant bénéficier d'un titre de séjour portant la mention " salarié " est régie par les stipulations de l'accord franco-marocain du 9 octobre 1987, la délivrance à un ressortissant marocain du titre de séjour " salarié " prévu à l'article 3 de ce texte est subordonnée, en vertu de son article 9, à la condition, prévue à l'article L. 311-7 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, de la production par ce ressortissant d'un visa pour un séjour d'une durée supérieure à trois mois ; que, dès lors, le préfet des Alpes-Maritimes a pu légalement opposer au requérant l'absence de production de visa de long séjour, motif suffisant à lui refuser la délivrance d'un titre de séjour " salarié " ;

6. Considérant, en quatrième lieu, qu'aux termes de l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " La carte de séjour temporaire mentionnée à l'article L. 313-11 ou la carte de séjour temporaire mentionnée au 1° de l'article L. 313-10 (...) peut être délivrée, sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, à l'étranger ne vivant pas en état de polygamie dont l'admission au séjour répond à des considérations humanitaires ou se justifie au regard des motifs exceptionnels qu'il fait valoir, sans que soit opposable la condition prévue à l'article L. 311-7 (... ) " ; que, portant sur la délivrance des catégories de cartes de séjour temporaires prévues par les dispositions auxquelles il renvoie, l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile n'institue pas une catégorie de titres de séjour distincte, mais est relatif aux conditions dans lesquelles les étrangers peuvent être admis à séjourner en France, soit au titre de la vie privée et familiale, soit au titre d'une activité salariée ; que, dès lors que l'article 3 de l'accord franco-marocain prévoit la délivrance de titres de séjour au titre d'une activité salariée, un ressortissant marocain souhaitant obtenir un titre de séjour au titre d'une telle activité ne peut utilement invoquer les dispositions de l'article L. 313-14 à l'appui d'une demande d'admission au séjour sur le territoire national, s'agissant d'un point déjà traité par l'accord franco-marocain du 9 octobre 1987, au sens de l'article 9 de cet accord ; que, toutefois, les stipulations de cet accord n'interdisent pas au préfet, dans l'exercice du pouvoir discrétionnaire dont il dispose sur ce point d'apprécier, en fonction de l'ensemble des éléments de la situation personnelle de l'intéressé, l'opportunité d'une mesure de régularisation à un ressortissant marocain qui ne remplirait pas les conditions auxquelles est subordonnée la délivrance de plein droit d'un titre de séjour en qualité de salarié ; que la décision attaquée, prise à tort sur le fondement de l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et motivée par la circonstance qu'aucune considération humanitaire ni aucun motif exceptionnel ne justifiait la délivrance à M. B... d'un titre de séjour en qualité de salarié, trouve un fondement légal dans l'exercice par le préfet du pouvoir de régularisation discrétionnaire dont il dispose sur le fondement de l'accord franco-marocain ; que, précisément, ce fondement légal a également été retenu par le préfet dans l'arrêté du 26 janvier 2015 ; qu'ainsi, et pour ce seul motif, l'arrêté attaqué est fondé en droit ; qu'à cet égard, ni la durée du séjour de M. B... en France, ni la spécificité de son emploi, au demeurant non établies l'une et l'autre, ne sont de nature à révéler une erreur manifeste d'appréciation du préfet des Alpes-Maritimes dans l'exercice de son pouvoir discrétionnaire de régularisation ;

7. Considérant qu'il résulte de ce qui précède que le requérant n'est pas fondé à se plaindre que, par le jugement attaqué, les premiers juges ont rejeté ses conclusions aux fins d'annulation de l'arrêté du 26 janvier 2015 par lequel le préfet des Alpes-Maritimes a rejeté sa demande de titre de séjour, l'a obligé à quitter le territoire français et a fixé le pays de renvoi ; qu'il y a lieu de rejeter ses conclusions à fin d'annulation de ce jugement, et de l'arrêté attaqué ;

Sur les conclusions à fin d'injonction :

8. Considérant que l'article L. 911-1 du code de justice administrative dispose que : " Lorsque sa décision implique nécessairement qu'une personne morale de droit public ou un organisme de droit privé chargé de la gestion d'un service public prenne une mesure d'exécution dans un sens déterminé, la juridiction, saisie de conclusions en ce sens, prescrit, par la même décision, cette mesure assortie, le cas échéant, d'un délai d'exécution. " ;

9. Considérant que le rejet des conclusions à fin d'annulation de la requête n'implique aucune mesure d'exécution ; qu'il y a lieu en conséquence de prononcer le rejet des conclusions à fin d'injonction ;

Sur les conclusions à fin d'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

10. Considérant qu'aux termes des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative : " Dans toutes les instances, le juge condamne la partie tenue aux dépens ou, à défaut, la partie perdante, à payer à l'autre partie la somme qu'il détermine, au titre des frais exposés et non compris dans les dépens. Le juge tient compte de l'équité ou de la situation économique de la partie condamnée. Il peut, même d'office, pour des raisons tirées des mêmes considérations, dire qu'il n'y a pas lieu à cette condamnation " ;

11. Considérant qu'il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, de condamner l'Etat, qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance, au titre de ces dispositions ;

D É C I D E :

Article 1er : La requête de M. B... est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. C... B...et au ministre de l'intérieur.

Copie en sera adressée au préfet des Alpes-Maritimes.

Délibéré après l'audience du 15 novembre 2016, où siégeaient :

- M. Gonzales, président,

- M. Renouf, président-assesseur,

- Mme Schaegis, première conseillère.

Lu en audience publique, le 29 novembre 2016.

N° 15MA02616 2


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Marseille
Formation : 8ème chambre - formation à 3
Numéro d'arrêt : 15MA02616
Date de la décision : 29/11/2016
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

335-01-01-02 Étrangers. Séjour des étrangers. Textes applicables. Conventions internationales.


Composition du Tribunal
Président : M. GONZALES
Rapporteur ?: Mme Chrystelle Schaegis
Rapporteur public ?: M. ANGENIOL
Avocat(s) : SCP MARY et PAULUS

Origine de la décision
Date de l'import : 10/01/2017
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.marseille;arret;2016-11-29;15ma02616 ?
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award