Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
La SARL Pharmacie Gruchet a notamment demandé au tribunal administratif de Montpellier d'annuler les décisions du 16 janvier 2013 et du 16 mai 2014 par lesquelles le directeur général de l'agence régionale de santé du Languedoc-Roussillon a autorisé la SELAS Pharmacie du village à transférer son officine sur le territoire de la commune de Pérols.
Par un jugement n° 1301234, n° 130829, n° 1403288 du 6 octobre 2015, le tribunal administratif de Montpellier a, d'une part, décidé qu'il n'y avait pas lieu de statuer sur les conclusions dirigées contre la décision du 16 janvier 2013 et, d'autre part, rejeté la demande de la SARL Pharmacie Gruchet tendant à l'annulation de la décision du 16 mai 2014.
Procédure devant la Cour :
Par une requête et des mémoires, enregistrés le 26 novembre 2015, le 14 avril 2016 et le 27 juin 2016, la SARL Pharmacie Gruchet, représentée par la SELARL A...Blaesi, avocat, demande à la Cour :
1°) d'annuler le jugement du tribunal administratif de Montpellier du 6 octobre 2015 ;
2°) d'annuler, pour excès de pouvoir, les décisions du 16 janvier 2013 et du 16 mai 2014 ;
3°) d'enjoindre à l'administration de procéder à la fermeture de l'officine de la SELAS Pharmacie du Village ;
4°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 10 000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
- la demande de première instance était recevable ;
- les premiers juges ont commis une erreur de droit sur la nature de leur contrôle ;
- en ne procédant pas à la démonstration de l'optimisation de la desserte en médicaments de la population, le tribunal a entaché le jugement d'une seconde erreur de droit ;
- le jugement est entaché d'une erreur manifeste d'appréciation quant au caractère optimal de cette desserte ;
- les premiers juges ont commis une erreur de fait sur la distance séparant les deux officines du centre du village ;
- en se fondant sur une condition non prévue par l'article L. 5125-3 du code de la santé publique, le directeur général de l'agence régionale de santé a commis une erreur de droit ;
- il a aussi apprécié de façon manifestement erronée le caractère optimal de la desserte en médicaments de la population, lequel ne peut légalement résulter des conditions d'exploitation du local d'origine ou de la nouvelle officine.
Par des mémoires en défense, enregistrés le 15 février 2016 et le 12 mai 2016, la SELAS Pharmacie du village, représentée par Me B...C..., conclut au rejet de la requête et à ce que la somme de 7 000 euros soit mise à la charge de la SARL Pharmacie Gruchet sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle fait valoir que :
- la SARL Pharmacie Gruchet ne justifie pas d'un intérêt pour agir à l'encontre de la décision du 16 mai 2014 ;
- les moyens soulevés par la SARL Pharmacie Gruchet ne sont pas fondés.
Les parties ont été informées, en application des dispositions de l'article R. 611-7 du code de justice administrative, de ce que l'arrêt était susceptible d'être fondé sur un moyen relevé d'office, tiré de ce qu'il n'y a pas lieu de statuer sur les conclusions à fin d'annulation de la décision du 16 janvier 2013 dès lors que celle-ci n'a pas été mise en oeuvre dans le délai d'un an prévu par l'article L. 5125-7 du code de la santé publique.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code de la santé publique ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de M. Chanon, premier conseiller,
- les conclusions de M. Salvage, rapporteur public,
- et les observations de Me A..., représentant la SARL Pharmacie Gruchet, et de Me B... -C..., représentant la SELAS Pharmacie du village.
1. Considérant que la SARL Pharmacie Gruchet a notamment demandé au tribunal administratif de Montpellier d'annuler les décisions du 16 janvier 2013 et du 16 mai 2014 par lesquelles le directeur général de l'agence régionale de santé du Languedoc-Roussillon a autorisé la SELAS Pharmacie du village à transférer son officine sur le territoire de la commune de Pérols ; que, par jugement du 6 octobre 2015, le tribunal administratif de Montpellier a, d'une part, décidé qu'il n'y avait pas lieu de statuer sur les conclusions dirigées contre la décision du 16 janvier 2013 et, d'autre part, rejeté les conclusions tendant à l'annulation de la décision du 16 mai 2014 ; que la SARL Pharmacie Gruchet relève appel de ce jugement ;
Sur la recevabilité de la demande de première instance :
2. Considérant que la SARL Pharmacie Gruchet a été autorisée à exploiter une officine à proximité du nouvel emplacement prévu pour celle de la SELAS Pharmacie du village ; qu'elle justifie de ce fait d'un intérêt lui donnant qualité pour agir contre l'autorisation accordée à cette dernière, alors même qu'elle défendrait seulement des intérêts économiques ;
Sur les conclusions à fin d'annulation de la décision du 16 mai 2013 :
3. Considérant qu'aux termes de l'article L. 5125-7 du code de la santé publique : " L'officine dont la création, le transfert ou le regroupement a été autorisé doit être effectivement ouverte au public au plus tard à l'issue d'un délai d'un an, qui court à partir du jour de la notification de l'arrêté de licence, sauf prolongation en cas de force majeure (...) " ;
4. Considérant qu'il ressort des pièces du dossier, et n'est d'ailleurs pas contesté, que l'autorisation de transfert délivrée à la SELAS Pharmacie du Village le 16 janvier 2013 n'a pas été mise en oeuvre dans le délai d'un an fixé par les dispositions de l'article L. 5125-7 du code de la santé publique ; que l'autorisation de transfert du 16 mai 2014 ne vaut pas prolongation de la première autorisation, en application des mêmes dispositions ; que, dans ces conditions, les conclusions de la requête tendant à l'annulation de la décision du directeur général de l'agence régionale de santé du Languedoc-Roussillon en date du 16 janvier 2013 sont devenues sans objet ;
Sur la légalité de la décision du 16 mai 2014 :
5. Considérant qu'aux termes du premier alinéa de l'article L. 5125-3 du code de la santé publique : " Les créations, les transferts et les regroupements d'officines de pharmacie doivent permettre de répondre de façon optimale aux besoins en médicaments de la population résidant dans les quartiers d'accueil de ces officines. Les transferts et les regroupements ne peuvent être accordés que s'ils n'ont pas pour effet de compromettre l'approvisionnement nécessaire en médicaments de la population résidente de la commune ou du quartier d'origine " ; qu'aux termes du premier alinéa de l'article L. 5125-14 du même code : " Le transfert d'une officine de pharmacie peut s'effectuer, conformément à l'article L. 5125-3, au sein de la même commune, dans une autre commune du même département ou vers toute autre commune de tout autre département " ; qu'il résulte de ces dispositions que le transfert d'une officine au sein de la même commune ne peut être autorisé que si la nouvelle implantation répond de façon optimale aux besoins de la population du quartier d'accueil, alors même que l'implantation précédente de cette officine aurait été située dans le même quartier ;
6. Considérant qu'il ressort des pièces du dossier que, pour prendre la décision contestée, le directeur général de l'agence régionale de santé s'est fondé, de façon déterminante, sur les circonstances " qu'il ne peut être différencié de zones dans le centre village de la commune de Pérols " et que " la nouvelle implantation en se transposant de l'autre côté de l'avenue Marcel Pagnol ne déséquilibre pas le service pharmaceutique apporté à la population municipale " ;
7. Considérant qu'en se bornant à constater que le transfert de l'officine se faisait à l'intérieur d'un même quartier et ne déséquilibrait pas le " service pharmaceutique " apporté à la population alors qu'il lui appartenait, en application des dispositions du premier alinéa de l'article L. 5125-3 du code de la santé publique, de rechercher si la nouvelle implantation de l'officine de la SELAS Pharmacie du Village répondait de façon optimale aux besoins de la population du quartier d'accueil, le directeur général de l'agence régionale de santé a entaché sa décision d'une erreur de droit ;
8. Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède, sans qu'il soit besoin d'examiner les autres moyens de la requête, que la SARL Pharmacie Gruchet est seulement fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Montpellier a rejeté sa demande d'annulation de la décision du 16 mai 2014 ; que, par suite cette décision et, dans cette mesure, le jugement doivent être annulés ;
Sur les conclusions à fin d'injonction :
9. Considérant qu'aux termes de l'article L. 911-1 du code de justice administrative : " Lorsque sa décision implique nécessairement qu'une personne morale de droit public ou un organisme de droit privé chargé de la gestion d'un service public prenne une mesure d'exécution dans un sens déterminé, la juridiction, saisie de conclusions en ce sens, prescrit, par la même décision, cette mesure assortie, le cas échéant, d'un délai d'exécution " ;
10. Considérant que le présent arrêt, qui annule la décision du 16 mai 2014 pour erreur de droit, n'implique pas nécessairement, en tout état de cause, qu'il soit enjoint à l'agence régionale de santé de procéder à la fermeture de l'officine de la SELAS Pharmacie du Village ; que, par suite, les conclusions à fin d'injonction doivent être rejetées ;
Sur l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :
11. Considérant qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de faire application de ces dispositions et de mettre à la charge de l'Etat, qui a la qualité de partie perdante dans la présente instance, la somme de 2 000 euros au titre des frais exposés par la SARL Pharmacie Gruchet et non compris dans les dépens ; que ces mêmes dispositions font obstacle à ce que soit mise à la charge de la SARL Pharmacie Gruchet la somme que la SELAS Pharmacie du Village demande au même titre ;
D É C I D E :
Article 1er : Il n'y a pas lieu de statuer sur les conclusions de la requête tendant à l'annulation de la décision du directeur général de l'agence régionale de santé du Languedoc-Roussillon en date du 16 janvier 2013.
Article 2 : La décision du directeur général de l'agence régionale de santé du Languedoc-Roussillon en date du 16 mai 2014 est annulée.
Article 3 : Le jugement du tribunal administratif de Montpellier en date du 6 octobre 2015 est réformé en ce qu'il a de contraire au présent arrêt.
Article 4 : L'Etat versera à la SARL Pharmacie Gruchet la somme de 2 000 euros sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.
Article 5 : Le surplus des conclusions des parties est rejeté.
Article 6 : Le présent arrêt sera notifié à la SARL Pharmacie Gruchet, à la ministre des affaires sociales et de la santé et à la SELAS Pharmacie du village.
Copie en sera adressée au directeur général de l'agence régionale de santé du Languedoc-Roussillon.
Délibéré après l'audience du 20 septembre 2016, à laquelle siégeaient :
- M. Lascar, président de chambre,
- M. Guidal, président assesseur,
- M. Chanon, premier conseiller.
Lu en audience publique, le 6 octobre 2016.
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N° 15MA04486
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