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28/09/2016 | FRANCE | N°14MA04384

France | France, Cour administrative d'appel de Marseille, 8ème chambre - formation à 3, 28 septembre 2016, 14MA04384


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme F... A...a demandé au tribunal administratif de Nice de condamner le centre hospitalier de Grasse à lui verser la somme de 50 000 euros en réparation des préjudices liés à l'accident de service dont elle a été victime le 31 mars 2010.

Par un jugement n° 1102999 du 10 octobre 2014, le tribunal administratif de Nice a condamné le centre hospitalier de Grasse à verser à Mme A... la somme de 25 000 euros et rejeté le surplus des conclusions de la requête.

Procédure devant la Cour :>
Par une requête et des mémoires enregistrés les 31 octobre 2014, 4 août 2015 et 20 juillet...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme F... A...a demandé au tribunal administratif de Nice de condamner le centre hospitalier de Grasse à lui verser la somme de 50 000 euros en réparation des préjudices liés à l'accident de service dont elle a été victime le 31 mars 2010.

Par un jugement n° 1102999 du 10 octobre 2014, le tribunal administratif de Nice a condamné le centre hospitalier de Grasse à verser à Mme A... la somme de 25 000 euros et rejeté le surplus des conclusions de la requête.

Procédure devant la Cour :

Par une requête et des mémoires enregistrés les 31 octobre 2014, 4 août 2015 et 20 juillet 2016, le centre hospitalier de Grasse, représenté par Me C...B..., demande à la Cour :

1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Nice du 10 octobre 2014 ;

2°) de rejeter les conclusions de Mme A... ;

3°) de mettre à la charge de Mme A... le paiement des dépens en appel.

Il soutient que :

- le tribunal a statué alors que, d'une part, aucun rapport d'expertise après consolidation de l'état de santé de l'intéressée n'avait été déposé et que, d'autre part, il n'avait pas appelé dans la cause la caisse des dépôts et consignations ;

- il n'a commis aucune faute ;

- la réalité des préjudices allégués est insuffisamment établie ;

- le tribunal a évalué de manière imprécise les préjudices de Mme A... ;

- l'incapacité partielle permanente est indemnisée par la rente d'invalidité que perçoit l'intéressée.

Par des mémoires, enregistrés les 30 avril 2015 et 20 mai 2016, Mme A..., représentée par Me G...E..., demande à la Cour par la voie de l'appel incident de réformer le jugement en tant qu'il n'a pas fait droit à l'intégralité de ses prétentions indemnitaires, de condamner, par suite, le centre hospitalier de Grasse à lui verser la somme de 50 000 euros et de mettre à la charge de cet établissement public le paiement de la somme de 2 500 euros en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- les moyens de la requête sont infondés ;

- les préjudices effectivement subis justifient que l'indemnisation accordée par le tribunal soit, par la voie de l'appel incident, portée à la somme de 50 000 euros.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la loi n° 86-33 du 9 janvier 1986 ;

- le code des pensions civiles et militaires de retraite ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. Renouf,

- les conclusions de M. Angéniol, rapporteur public,

- et les observations de Me J..., substituant MeB..., représentant le centre hospitalier de Grasse.

1. Considérant que Mme A..., affectée à l'accueil du centre hospitalier de Grasse, a fait une chute, le 31 mars 2010, qui a occasionné une fracture du col du fémur ; que cet accident a été reconnu comme étant imputable au service par décision du 20 avril 2010 ; que Mme A... a demandé à son administration de l'indemniser intégralement des préjudices subis à la suite de cet accident ; qu'un refus lui a été opposé par décision du 24 mai 2011 ; que, par un jugement en date du 10 octobre 2014, le tribunal administratif de Nice a reconnu la responsabilité pour faute du centre hospitalier de Grasse et condamné ce dernier à verser à Mme A... la somme de 25 000 euros ; que cet établissement public demande à la Cour d'annuler ce jugement ; que, pour sa part, Mme A... formule un appel incident et demande à la Cour de réformer ledit jugement en ce qu'il n'a pas fait droit à l'intégralité de ses prétentions indemnitaires ;

Sur la régularité du jugement :

2. Considérant, en premier lieu, qu'aux termes de l'article 1er de l'ordonnance n° 59-76 du 7 janvier 1959 relative aux actions en réparation civile de l'État et de certaines autres actions publiques : " I. - Lorsque le décès, l'infirmité ou la maladie d'un agent de l'État est imputable à un tiers, l'Etat dispose de plein droit contre ce tiers, par subrogation aux droits de la victime ou de ses ayants droit, d'une action en remboursement de toutes les prestations versées ou maintenues à la victime ou à ses ayants droit à la suite du décès, de l'infirmité ou de la maladie. / II. - Cette action concerne notamment : / Le traitement ou la solde et les indemnités accessoires pendant la période d'interruption du service ; Les frais médicaux et pharmaceutiques ; Le capital-décès ; Les arrérages des pensions et rentes viagères d'invalidité ainsi que les allocations et majorations accessoires ; Les arrérages des pensions de retraite et de réversion prématurées, jusqu'à la date à laquelle la victime aurait pu normalement faire valoir ses droits à pension, ainsi que les allocations et majorations accessoires. / Les arrérages des pensions d'orphelin. / III. - Le remboursement par le tiers responsable des arrérages de pensions ou rentes ayant fait l'objet d'une concession définitive est effectué par le versement d'une somme liquidée en calculant le capital représentatif de la pension ou de la rente " ; que, par ailleurs aux termes de l'article 7 de ladite ordonnance : " Les dispositions de la présente ordonnance sont applicables aux recours exercés par : (...) 3° La caisse des dépôts et consignations agissant tant pour son propre compte, que comme gérante du fonds spécial de retraite des ouvriers des établissements industriels de l'État et comme gérante de la caisse nationale des retraites des agents des collectivités locales " ;

3. Considérant que si ces articles ouvrent à la caisse des dépôts et consignations agissant comme gérante de la caisse nationale des retraites des agents des collectivités locales, à l'encontre du tiers responsable d'un accident de service ou d'une maladie professionnelle, une action en remboursement des prestations versées à la victime, la collectivité publique employeur de l'agent n'a pas, pour l'application de ces dispositions, la qualité de tiers vis à vis de l'agent et de la caisse débitrice des prestations ; que Mme A... imputant au centre hospitalier qui l'emploie la responsabilité des dommages qu'elle a subis, la caisse des dépôts et consignations n'avait pas, contrairement à ce que soutient le centre hospitalier requérant, à être mise en cause par le tribunal ;

4. Considérant, en second lieu, qu'il résulte de l'instruction que, par une ordonnance en date du 28 septembre 2011, la présidente du tribunal administratif de Nice statuant en référé a ordonné une expertise aux fins de décrire les affections de Mme A... résultant de l'accident de service du 31 mars 2010, de fixer la date de consolidation et de déterminer l'étendue des préjudices de l'intéressée et désigné, en qualité d'expert, le DrI... ; que le centre hospitalier de Grasse fait valoir que le tribunal ne pouvait statuer alors que l'expert n'avait pas déposé de rapport après la consolidation de l'état de santé de Mme A... ; que, cependant, en se fondant à la fois sur le rapport établi le 22 février 2012 par le Dr I...et celui daté du 15 janvier 2014 établi par le DrD..., après consolidation, à la demande du centre hospitalier lui-même, le tribunal qui, en tout état de cause, n'était pas tenu de se prononcer au vu d'un rapport d'expertise, était en mesure de répondre aux conclusions indemnitaires de la requérante ;

Sur le bien-fondé du jugement :

En ce qui concerne la faute :

5. Considérant qu'il ressort de l'enquête effectuée par le comité d'hygiène, de sécurité et des conditions de travail, qu'en se levant pour se rendre dans le local du standard situé à proximité, Mme A... s'est pris le pied droit dans le câble antivol de son ordinateur, lequel, initialement serré autour du pied du bureau, s'était desserré au fil du temps ; qu'il résulte de l'instruction et, notamment, de ladite enquête, qu'un accident similaire s'était déjà produit dans le service ; que, par ailleurs, il résulte également de l'instruction et notamment du procès-verbal de la séance du comité d'hygiène, de sécurité et des conditions de travail du 8 juin 2010 ainsi que de deux témoignages, que Mme A... avait, avant son accident, signalé que ces fils étaient gênants et alerté son administration pour qu'il soit remédié à ces désordres ; que s'il ressort des pièces du dossier qu'à la suite de l'accident dont a été victime Mme A..., le centre hospitalier a procédé, dans tous les locaux dans lesquels cela s'avérait nécessaire, à la mise en place de goulottes ou gaines pour l'installation d'appareils électriques, informatiques et téléphoniques, il est constant qu'il n'avait, avant ledit accident, pas procédé aux travaux nécessaires, commettant ainsi une faute de nature à engager sa responsabilité ;

6. Considérant qu'il résulte de ce qui précède que le centre hospitalier de Grasse n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Nice a retenu sa responsabilité ;

En ce qui concerne les préjudices :

Quant aux souffrances endurées :

7. Considérant qu'il résulte du rapport réalisé par le Dr I...que les souffrances endurées par Mme A... sont évaluées entre 3,5 et 4,5 ; qu'eu égard aux deux interventions chirurgicales qu'elle a dû subir, d'une part, le 1er avril 2010, pour réduction de sa fracture et, d'autre part, le 1er décembre 2011 pour ablation du matériel, aux hospitalisations dont elle a fait l'objet y compris en centre de rééducation entre le 8 avril 2010 et le 6 août 2010 et aux traitements subis, il sera fait une juste appréciation de ce chef de préjudice en l'évaluant à la somme de 7 000 euros ;

Quant au déficit fonctionnel permanent :

8. Considérant que Mme A..., née en janvier 1962, souffre, après consolidation fixée à la date du 15 janvier 2014, d'un déficit fonctionnel permanent de 18% ; que, contrairement à ce que soutient l'appelant, la circonstance que Mme A... perçoit une rente d'invalidité dont l'objet exclusif est de réparer les préjudices professionnels de l'intéressée ne fait pas obstacle à ce que Mme A... bénéficie de l'indemnisation des préjudices personnels résultant du déficit fonctionnel permanent qu'elle subit ; qu'il sera fait une juste appréciation de ce chef de préjudice en l'évaluant à la somme de 28 000 euros ;

Quant au préjudice esthétique :

9. Considérant qu'il ressort des pièces du dossier, d'une part, que Mme A... présente, du fait des interventions chirurgicales subies, trois cicatrices de 6 cm, 3 cm et 2 cm ; que, d'autre part, il résulte de l'expertise réalisée par le DrD..., rhumatologue mandaté par l'administration, que Mme A... présente une claudication nette à la marche avec déhanchement ; qu'elle doit se déplacer avec une canne et porter des chaussures orthopédiques ; qu'elle présente, par ailleurs, une amyotrophie de la cuisse droite ; qu'eu égard à ces éléments, il sera fait une juste appréciation du préjudice esthétique de Mme A... en l'évaluant à la somme de 3 000 euros ;

Quant au préjudice sexuel :

10. Considérant qu'il sera fait une juste appréciation du préjudice sexuel subi dans les circonstances de l'espèce par Mme A... en l'évaluant à la somme de 1 500 euros ;

Quant au préjudice d'agrément :

11. Considérant qu'il résulte de l'expertise du Dr I...que le préjudice d'agrément est certain, Mme A... ne pouvant plus pratiquer la randonnée, la marche sur de longues distances ou voyager comme elle le faisait auparavant ; qu'il sera fait une juste appréciation de ce chef de préjudice en l'évaluant à la somme de 1 500 euros ;

Quant au préjudice moral :

12. Considérant que l'accident dont été victime Mme A... a eu un retentissement sur sa vie quotidienne et lui a occasionné un préjudice moral dont il sera fait une juste appréciation en l'évaluant à la somme de 1 000 euros ;

13. Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que les conclusions du centre hospitalier de Grasse doivent être rejetées et que Mme A...est seulement fondée à demander que l'indemnité, que le tribunal administratif a condamné ledit centre hospitalier à lui verser, soit portée à la somme de 41 000 euros ;

Sur les conclusions tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

14. Considérant qu'aux termes des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative : " Dans toutes les instances, le juge condamne la partie tenue aux dépens ou, à défaut, la partie perdante, à payer à l'autre partie la somme qu'il détermine, au titre des frais exposés et non compris dans les dépens. Le juge tient compte de l'équité ou de la situation économique de la partie condamnée. Il peut, même d'office, pour des raisons tirées des mêmes considérations, dire qu'il n'y a pas lieu à cette condamnation " ;

15. Considérant qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge du centre hospitalier de Grasse le paiement de la somme de 2 000 euros qui sera versée à Mme A... en application desdites dispositions ;

Sur les dépens :

16. Considérant qu'aux termes de l'article R. 761-1 du code de justice administrative : " Les dépens comprennent les frais d'expertise, d'enquête et de toute autre mesure d'instruction dont les frais ne sont pas à la charge de l'État. / Sous réserve de dispositions particulières, ils sont mis à la charge de toute partie perdante sauf si les circonstances particulières de l'affaire justifient qu'ils soient mis à la charge d'une autre partie ou partagés entre les parties. / L'État peut être condamné aux dépens " ; qu'il ne résulte pas de l'instruction que le centre hospitalier de Grasse aurait, en appel, exposé des dépens ; que, par suite, les conclusions présentées à ce titre par le requérant ne peuvent qu'être rejetées ;

DÉCIDE :

Article 1er : La somme de 25 000 euros que le centre hospitalier de Grasse a été condamné à verser à Mme A...par le jugement du 10 octobre 2014 est portée à 41 000 euros.

Article 2 : Le jugement du tribunal administratif de Nice du 10 octobre 2014 est réformé en ce qu'il a de contraire au présent arrêt.

Article 3 : L'appel principal du centre hospitalier de Grasse est rejeté.

Article 4 : Le surplus des conclusions de Mme A... est rejeté.

Article 5 : Le centre hospitalier de Grasse versera à Mme A... la somme de 2 000 euros en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 6 : Le présent arrêt sera notifié à Mme F... A...et au centre hospitalier de Grasse.

Délibéré après l'audience du 8 septembre 2016, où siégeaient :

- M. Gonzales, président,

- M. Renouf, président assesseur,

- MmeH..., première conseillère.

Lu en audience publique, le 28 septembre 2016.

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N° 14MA04384 2


Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Analyses

36-05-04-01-03 Fonctionnaires et agents publics. Positions. Congés. Congés de maladie. Accidents de service.


Références :

Publications
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Composition du Tribunal
Président : M. GONZALES
Rapporteur ?: Mme Aurélia VINCENT-DOMINGUEZ
Rapporteur public ?: M. ANGENIOL
Avocat(s) : CABINET MARTIN - VERGER - DEPO - GAYETTI

Origine de la décision
Tribunal : Cour administrative d'appel de Marseille
Formation : 8ème chambre - formation à 3
Date de la décision : 28/09/2016
Date de l'import : 29/10/2016

Fonds documentaire ?: Legifrance


Numérotation
Numéro d'arrêt : 14MA04384
Numéro NOR : CETATEXT000033314081 ?
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.marseille;arret;2016-09-28;14ma04384 ?
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