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12/07/2016 | FRANCE | N°16MA00072

France | France, Cour administrative d'appel de Marseille, 7ème chambre - formation à 3, 12 juillet 2016, 16MA00072


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

L'association Société nationale de protection de la nature et d'acclimatation de France, l'association Éthique environnement, M. C... A...et M. D... B...ont demandé au tribunal administratif de Toulon l'annulation pour excès de pouvoir de l'arrêté du 21 mars 2008 par lequel le préfet du Var a accordé à la société Sovatram une autorisation de déplacement de spécimens des espèces animales protégées, la tortue d'Hermann et la cistude d'Europe, et de destruction de spécimens des espèces végétales p

rotégées, le glaïeul douteux et la canche de Provence, au lieu-dit Balançan sur le ...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

L'association Société nationale de protection de la nature et d'acclimatation de France, l'association Éthique environnement, M. C... A...et M. D... B...ont demandé au tribunal administratif de Toulon l'annulation pour excès de pouvoir de l'arrêté du 21 mars 2008 par lequel le préfet du Var a accordé à la société Sovatram une autorisation de déplacement de spécimens des espèces animales protégées, la tortue d'Hermann et la cistude d'Europe, et de destruction de spécimens des espèces végétales protégées, le glaïeul douteux et la canche de Provence, au lieu-dit Balançan sur le territoire de la commune du Cannet-des-Maures.

Par les articles 2 et 3 d'un jugement n° 0805213 du 26 août 2010, le tribunal administratif de Toulon a fait droit à leur demande et a mis la somme de 1 000 euros à la charge de l'Etat au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, à verser aux associations SNPN et Ethique environnement, à M. B... et à M. A... pris solidairement.

Par un arrêt n° 10MA03936, 10MA04568 du 25 juin 2013, la cour administrative d'appel de Marseille a rejeté, après les avoir joints, la requête de la SAS Sovatram et le recours du ministre de l'écologie, du développement durable et de l'énergie tendant à l'annulation du jugement du tribunal administratif et mis à la charge de la SAS Sovatram la somme de 500 euros, à verser à la Société nationale de protection de la nature et d'acclimatation de France, à l'association Ethique environnement, à M. B... et à M. A....

Par une décision n° 371748 du 30 décembre 2015, le Conseil d'Etat, saisi d'un pourvoi par le ministre de l'écologie, du développement durable et de l'énergie a annulé cet arrêt et renvoyé l'affaire à la cour administrative d'appel de Marseille.

Procédure devant la Cour après renvoi :

I) sous le n° 16MA00071, par un mémoire enregistré le 17 mars 2016, la société Valteo conclut au " rejet de la requête présentée par la commune du Cannet-des-Maures " et à ce qu'une somme de 3 000 euros soit mise à la charge de cette dernière au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- le projet répond à des raisons impératives d'intérêt public majeur justifiant la dérogation accordée par l'arrêté du 21 mars 2008 ;

- le projet correspond à un impératif de santé publique compte tenu de l'insuffisance des installations de stockage de déchets dans le département du Var ;

- la dérogation présente un caractère géographiquement très limité et porte sur des terrains dépourvus d'intérêt écologique ;

- l'intérêt public doit également être apprécié au regard des mesures compensatoires et d'accompagnement mises en oeuvre.

II) sous le n° 16MA00072, les parties ont été mises à même de produire de nouveaux mémoires pour adapter leurs prétentions et argumentations en fonction des motifs et du dispositif de la décision du Conseil d'Etat ; la seule production présentée devant la Cour est le recours du ministre, enregistré le 20 décembre 2010 ; le ministre demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 0805213 du 26 août 2010 du tribunal administratif de Toulon ;

2°) de rejeter la requête de la SNPN, de l'association Ethique Environnement, de M. B..., de M. A... et de l'association Environnement Var ;

Il soutient que :

- le comité permanent du conseil national de protection de la nature avait reçu régulièrement délégation par délibération du 22 mars 2007 pour formuler un avis sur les demandes de dérogation prévues à l'article L. 411-2 du code de l'environnement, ce que permettent les dispositions de l'article R. 133-17 du code de l'environnement même lorsque la décision soumise à consultation relève de la compétence du préfet ;

- la condition tenant à l'existence d'une raison impérative d'intérêt public majeur était satisfaite ;

- en vertu du principe d'indépendance des législations, la circonstance que le projet n'ait été autorisé au titre des installations classées pour la protection de l'environnement que le 12 juin 2009 était sans incidence sur la légalité de l'arrêté ;

- le dossier de demande de dérogation était complet et n'avait pas, s'agissant des espèces végétales devant être détruites, à préciser le mode d'intervention ;

- il n'y avait pas d'autre solution satisfaisante ;

- cette dérogation ne nuisait pas au maintien, dans un état de conservation favorable, des populations des espèces concernées dans leur aire de répartition naturelle.

Le 16 avril 2013, l'association Environnement méditerranée a présenté un mémoire sans le ministère d'un avocat.

Vu les autres pièces des dossiers y compris celles visées par l'arrêt de la Cour du 25 juin 2013.

Vu :

- la directive 92/43/CEE du 21 mai 1992 ;

- le code de l'environnement ;

- l'arrêté du 19 février 2007 fixant les conditions de demande et d'instruction des dérogations définies au 4° de l'article L. 411-2 du code de l'environnement portant sur des espèces de faune et de flore sauvages protégées ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme Anne Menasseyre, première conseillère,

- les conclusions de Mme Céline Chamot, rapporteure publique,

- et les observations de Me E..., représentant la société Valteo.

1. Considérant qu'il y a lieu de joindre les affaires n° 16MA00071 et 16MA00072, enregistrées à la suite de l'annulation du même arrêt par le Conseil d'Etat ;

2. Considérant que, par arrêté du 21 mars 2008, le préfet du département du Var a autorisé le groupe Pizzorno Environnement-Sovatram à procéder, dans le cadre de l'aménagement du quatrième casier de l'installation de stockage de déchets non dangereux du Balançan, sur le territoire de la commune du Cannet-des-Maures, à la destruction des espèces végétales protégées Gladiolus dubius (glaïeul douteux) et Aira provincialis (canche de Provence) et au sauvetage des individus des espèces Testudo hermanni (tortue d'Hermann) et Emys orbicularis (cistude d'Europe) ; que, par un jugement du 26 août 2010, le tribunal administratif de Toulon a annulé cet arrêté ; que par un arrêt du 25 juin 2013, la cour administrative d'appel de Marseille, saisie d'une requête de la SAS Sovatram et d'un recours du ministre de l'écologie, du développement durable et de l'énergie, a rejeté cette requête et ce recours tendant à l'annulation du jugement du tribunal administratif ; que, sur pourvoi du ministre, le Conseil d'Etat a annulé l'arrêt du 25 juin 2013 au motif qu'en se fondant sur la seule circonstance que l'extension de l'installation de stockage de déchets non dangereux obligeait à procéder à la destruction des populations de deux espèces végétales protégées et au déplacement de deux espèces animales protégées pour en déduire que l'intérêt public s'attachant à la continuité du traitement des déchets dans le centre du département du Var ne pouvait être regardé comme revêtant le caractère d'une raison impérative d'intérêt public majeur, au sens des articles L. 411-1 et suivants du code de l'environnement, la cour, qui n'avait pas recherché si la dérogation à l'interdiction de destruction et de déplacement des espèces concernées pouvait être justifiée par un tel motif, avait entaché son arrêt d'erreur de droit ; qu'il a renvoyé l'affaire à la cour administrative d'appel de Marseille ;

Sur le périmètre du litige après cassation :

3. Considérant que la société Sovatram ne s'est pas pourvue contre le rejet, par l'arrêt du 26 juin 2013, de l'appel qu'elle avait introduit sous le n° 10MA03936 contre le jugement du tribunal administratif de Toulon ; que le rejet de son appel est devenu définitif, sans que l'introduction d'un pourvoi par le seul ministre de l'écologie, qui n'avait pas produit dans l'instance d'appel introduite par la Sovatram, n'ait pu offrir à cette dernière la possibilité d'un nouveau jugement de l'appel qu'elle avait introduit ; que dans ces conditions, les productions enregistrées au greffe de la Cour sous le n° 16MA00071 doivent être rayées des registres du greffe de la cour et versées à l'affaire n° 16MA00072 ; que la Cour ne se trouve saisie, par l'effet de la décision de renvoi, que des conclusions du ministre tendant à l'annulation du jugement ;

Sur l'intervention de la société Valteo :

4. Considérant que la société Valteo a succédé à la société Sovatram pour l'exploitation de l'installation en cause ; qu'en dépit de l'erreur de plume affectant la rédaction de la partie finale de son mémoire, elle doit être regardée, compte tenu de l'argumentation qu'elle développe et qui porte sur la légalité de l'arrêté du 21 mars 2008, comme intervenant au soutien des conclusions d'appel du ministre ; qu'elle présente un intérêt suffisant pour intervenir au soutien du recours ; qu'ainsi, son intervention est recevable ;

Sur les motifs d'annulation retenus par les premiers juges :

5. Considérant qu'aux termes de l'article L. 411-1 du code de l'environnement, dans sa rédaction applicable à la date du litige : " I. - Lorsqu'un intérêt scientifique particulier ou que les nécessités de la préservation du patrimoine biologique justifient la conservation d'espèces animales non domestiques ou végétales non cultivées, sont interdits : / 1° La destruction ou l'enlèvement des oeufs ou des nids, la mutilation, la destruction, la capture ou l'enlèvement, la perturbation intentionnelle, la naturalisation d'animaux de ces espèces ou, qu'ils soient vivants ou morts, leur transport, leur colportage, leur utilisation, leur détention, leur mise en vente, leur vente ou leur achat ; / 2° La destruction, la coupe, la mutilation, l'arrachage, la cueillette ou l'enlèvement de végétaux de ces espèces, de leurs fructifications ou de toute autre forme prise par ces espèces au cours de leur cycle biologique, leur transport, leur colportage, leur utilisation, leur mise en vente, leur vente ou leur achat, la détention de spécimens prélevés dans le milieu naturel ; / 3° La destruction, l'altération ou la dégradation du milieu particulier à ces espèces animales ou végétales ; / 4° La destruction des sites contenant des fossiles permettant d'étudier l'histoire du monde vivant ainsi que les premières activités humaines et la destruction ou l'enlèvement des fossiles présents sur ces sites. / II. - Les interdictions de détention édictées en application du 1° ou du 2° du I ne portent pas sur les spécimens détenus régulièrement lors de l'entrée en vigueur de l'interdiction relative à l'espèce à laquelle ils appartiennent " ; que l'article L. 411-2 du même code, dans sa rédaction applicable à la date du litige, dispose : " Un décret en Conseil d'État détermine les conditions dans lesquelles sont fixées : / 1° La liste limitative des espèces animales non domestiques ou végétales non cultivées ainsi protégées ; / (...) / 4° La délivrance de dérogation aux interdictions mentionnées aux 1°, 2° et 3° de l'article L. 411-1, à condition qu'il n'existe pas d'autre solution satisfaisante et que la dérogation ne nuise pas au maintien, dans un état de conservation favorable, des populations des espèces concernées dans leur aire de répartition naturelle : / (...) / c) Dans l'intérêt de la santé et de la sécurité publiques ou pour d'autres raisons impératives d'intérêt public majeur, y compris de nature sociale ou économique, et pour des motifs qui comporteraient des conséquences bénéfiques primordiales pour l'environnement ; / (...) " ;

6. Considérant que, pour annuler l'arrêté du 21 mars 2008, le tribunal a jugé, d'une part, que l'arrêté avait été pris à l'issue d'une procédure irrégulière en l'absence de délégation régulièrement donnée au comité permanent du Conseil national de la protection de la nature pour émettre un avis destiné au préfet du Var et, d'autre part, que l'autorisation d'exploiter l'installation de stockage de déchets n'ayant pas encore été délivrée, la condition tenant à l'existence d'une raison impérative d'intérêt public majeur exigée par les dispositions précitées n'était pas remplie ;

En ce qui concerne le vice de procédure retenu par le tribunal :

7. Considérant qu'en vertu de l'article R. 411-6 du code de l'environnement, les dérogations définies au 4° de l'article L. 411-2 sont, en principe, accordées par le préfet ; que selon l'article 3 de l'arrêté du 19 février 2007 fixant les conditions de demande et d'instruction des dérogations définies au 4° de l'article L. 411-2 du code de l'environnement portant sur des espèces de faune et de flore sauvages protégées : " La décision est prise après avis du Conseil national de la protection de la nature (...) " ; qu'il résulte de ces dispositions que les dérogations aux interdictions de destruction ou de déplacement des espèces protégées correspondant à l'autorisation en litige sont accordées par le préfet après avis du Conseil national de la protection de la nature (CNPN) ; qu'en l'espèce, l'arrêté attaqué a été pris après avis donné le 12 septembre 2007, non par le CNPN mais par son comité permanent ;

8. Considérant qu'aux termes de l'article R. 133-1 du code de l'environnement : " Le Conseil national de la protection de la nature, placé auprès du ministre chargé de la protection de la nature, a pour mission : / 1° De donner au ministre son avis (...) " ; que la combinaison des dispositions évoquée au point précédent imposant que ce conseil soit consulté sur les demandes de dérogations définies au 4° de l'article L. 411-2 du même code, les dispositions de l'article R. 133-1 de ce code doivent nécessairement s'entendre comme confiant à cet organisme la mission de donner son avis non seulement préalablement aux décisions ministérielles mais également préalablement aux décisions préfectorales ; qu'en toute hypothèse, la saisine de ce conseil est opérée par les services ministériels dès lors que, selon l'article 2 de l'arrêté du 19 février 2007, dans sa rédaction applicable en l'espèce : " (...) Aux fins de consultation du Conseil national de la protection de la nature, deux copies de la demande sont adressées par le préfet au ministère chargé de la protection de la nature. (...) " ; qu'ainsi, s'il n'est pas nécessairement le destinataire exclusif des avis rendus par le CNPN, le ministre est toujours l'auteur de la saisine de ce conseil ;

9. Considérant que les dispositions de l'article R. 133-17 du code de l'environnement, aux termes desquelles : " Le comité peut recevoir délégation du conseil pour formuler un avis au ministre sur tout dossier (...) " doivent également être comprises comme donnant au CNPN la faculté de donner à son comité permanent délégation pour formuler un avis sur les demandes de dérogations prévues au 4° de l'article L. 411-2 du code de l'environnement, qu'elles relèvent de la compétence du préfet ou de celle du ministre ; qu'enfin, dès lors que la référence aux avis rendus au ministre par le CNPN ou son comité permanent renvoie à l'autorité qui a saisi l'organe consultatif sans exclure les décisions préfectorales de son champ, la délégation de compétence du 22 mars 2007, par laquelle le CNPN a donné délégation au comité permanent pour formuler des avis au ministre notamment sur les demandes de dérogations définies au 4° de l'article L. 411-2 du code de l'environnement a valablement habilité le comité permanent, dont la saisine par les services ministériels n'est pas en cause, à donner son avis préalablement à la décision attaquée ;

10. Considérant qu'il résulte de ce qui précède que le ministre est fondé à soutenir que c'est à tort que le tribunal a jugé qu'en présence d'un avis donné par le comité permanent du CNPN et non par le CNPN, l'arrêté contesté avait été pris à l'issue d'une procédure irrégulière ;

En ce qui concerne l'autre motif d'annulation retenu par le tribunal :

11. Considérant que la délivrance des dérogations prévues par les dispositions du 4° de l'article L. 411-2 du code de l'environnement n'implique pas la mise à exécution immédiate de ces dérogations qui, en vertu du 2° de l'article R. 411-10 du même code, sont accordées pour une durée limitée et dont le bénéficiaire peut demander le renouvellement lorsqu'il n'a pu la mettre en oeuvre ; que l'appréciation de la condition, prévue au c) du 4° de l'article L. 411-2 du code de l'environnement, tenant au motif légitimant qu'il soit porté atteinte à la conservation des habitats naturels ainsi que de la faune et de la flore sauvages du site concerné n'est pas tributaire de considérations tenant au respect d'autres législations ; qu'il en résulte que, si l'examen d'éventuelles raisons impératives d'intérêt public majeur requérait une mise en balance entre les atteintes portées au site par le projet considéré et l'intérêt public poursuivi, la circonstance que l'autorisation d'exploitation de l'extension de l'installation de stockage de déchets non dangereux du Balançan n'avait pas encore été accordée au moment où le préfet a délivré au futur exploitant la dérogation critiquée ne pouvait, par elle-même, faire obstacle à ce que puisse être admise l'existence d'une raison d'intérêt public majeur justifiant l'octroi de la dérogation sollicitée ; que le ministre est donc fondé à soutenir que c'est également à tort que, pour juger que le préfet du Var ne justifiait d'aucune raison impérative d'intérêt public majeur, le tribunal s'est fondé sur la circonstance qu'à la date de l'arrêté l'autorisation d'exploitation, réduite à cinq ans et reconductible sous conditions pour six années, n'avait pas encore été délivrée ;

12. Considérant qu'il résulte de ce qui précède que c'est à tort que le tribunal administratif s'est fondé sur les deux motifs exposés ci-dessus pour annuler l'arrêté du 21 mars 2008 ;

13. Considérant, toutefois, qu'il appartient à la Cour, saisie de l'ensemble du litige par l'effet dévolutif de l'appel, d'examiner les autres moyens soulevés par les requérants de première instance devant le tribunal administratif de Toulon ;

Sur la légalité externe :

14. Considérant, en premier lieu, qu'il ressort des pièces du dossier que la demande de dérogation répondait aux prescriptions de l'article 2 de l'arrêté du 19 février 2007 qui fixe les conditions de présentation et d'instruction de ce type de demande, le rapport de présentation au comité permanent du Conseil national de protection de la nature relevant d'ailleurs que le dossier est complet et comporte des analyses scientifiques de qualité, encore complétées à la suite de demandes de précisions ;

15. Considérant, en deuxième lieu, qu'aux termes de l'article L. 414-4 du code de l'environnement, dans sa rédaction alors applicable : " I. - Les programmes ou projets de travaux, d'ouvrage ou d'aménagement soumis à un régime d'autorisation ou d'approbation administrative, et dont la réalisation est de nature à affecter de façon notable un site Natura 2000, font l'objet d'une évaluation de leurs incidences au regard des objectifs de conservation du site. Pour ceux de ces programmes qui sont prévus par des dispositions législatives et réglementaires et qui ne sont pas soumis à étude d'impact, l'évaluation est conduite selon la procédure prévue aux articles L. 122-4 et suivants du présent code (...) " ;

16. Considérant que, par elle-même, une dérogation à l'interdiction posée par les dispositions de l'article L. 411-1 du code de l'environnement ne confère à son titulaire aucun droit à la réalisation du projet en vue de la réalisation duquel cette autorisation a été sollicité ; que la circonstance que ce dernier entre dans le champ des dispositions précitées ne saurait conférer à une demande de dérogation présentée sur le fondement du 4° de l'article L. 411-2 du code de l'environnement la qualité de programme ou projet de travaux, d'ouvrage ou d'aménagement au sens des dispositions de l'article L. 414-4 du même code ; qu'en outre, et en toute hypothèse, il ne ressort pas des pièces du dossier que le déplacement de spécimens des espèces animales protégées et la destruction de spécimens des espèces végétales protégées en cause au cas d'espèce seraient susceptible d'affecter de façon notable ce site ; que, dès lors, la dérogation contestée n'avait pas à être précédée de l'évaluation prévue par les dispositions précitées du I de l'article L. 414-4 du code de l'environnement ;

Sur la légalité interne :

17. Considérant que le 4° de l'article L. 411-2 du code de l'environnement permet de déroger aux interdictions prévues aux 1°, 2° et 3° de l'article L. 411-1 dès lors que sont remplies les trois conditions distinctes et cumulatives tenant, d'une part, à l'absence de solution alternative satisfaisante, d'autre part, à la condition de ne pas nuire au maintien, dans un état de conservation favorable, des populations des espèces concernées dans leur aire de répartition naturelle et, enfin, à la justification de la dérogation par l'un des motifs qu'il fixe ;

En ce qui concerne la condition tenant à l'absence d'alternative satisfaisante :

18. Considérant que la dérogation attaquée a été demandée en vue de la création d'un nouveau casier de stockage de déchets non dangereux permettant d'étendre la capacité de l'installation de stockage de déchets non dangereux implantée sur le site du Balançan ; que cette extension était rendue nécessaire par l'état de la saturation des installations départementales existantes ; qu'il ressort des pièces du dossier, et notamment de l'étude réalisée par la société nationale de protection de la nature produite par les requérants de première instance à l'appui de leur demande, qu'à la date à laquelle l'arrêté attaqué a été pris, il n'existait pas de site alternatif immédiatement disponible susceptible d'accueillir les déchets non dangereux que le quatrième casier du site du Balançan avait vocation à accueillir ;

En ce qui concerne la condition tenant au maintien dans un état de conservation favorable des populations des espèces concernées dans leur aire de répartition naturelle :

19. Considérant que la destruction autorisée concerne les seules espèces végétales ; qu'elle porte sur 200 spécimens de glaïeul douteux, dans l'estimation la plus élevée, sur un effectif total de 50 000 au niveau national et 15 000 au niveau local, à l'échelle de la plaine des Maures et 50 spécimens de la canche de Provence, dans l'estimation la plus élevée, sur un effectif de 250 000 au niveau national et 50 000 dans la plaine des Maures ; que les espèces animales, la tortue d'Hermann et la cistude d'Europe, n'ont pas vocation à être détruites mais déplacées ; qu'elle sont, de fait, peu présentes sur l'emprise directe du projet et doivent être installées sur un site d'une valeur écologique équivalente à la zone d'emprise du casier projeté, selon des modalités qui sont de nature à garantir le sauvetage des spécimens concernés et le maintien de ces espèces dans un état de conservation favorable ; que l'arrêté attaqué détaille les mesures de réduction, les mesures d'accompagnement et les mesures de compensation qui sont de nature à assurer ce maintien ; qu'ainsi, la dérogation en cause ne nuisait pas au maintien, dans un état de conservation favorable, des populations des espèces concernées dans leur aire de répartition naturelle ;

En ce qui concerne le motif justifiant la dérogation :

20. Considérant que la dérogation en cause a été sollicitée en vue de permettre d'assurer la continuité du service public de stockage et de traitement des déchets non dangereux dans le département du Var, compromise par l'arrivée à saturation des installations existantes et l'absence d'alternative immédiatement disponible ; que l'extension de capacité de l'installation existante qui motivait cette dérogation poursuivait, par suite, un objectif de salubrité publique ; qu'elle avait vocation à permettre d'éviter les conséquences inhérentes à l'insuffisante capacité des installations existantes, néfastes à court comme à long terme, pour la protection de l'environnement et la santé ; qu'une telle extension présentait un intérêt public majeur, qui pouvait être mis en balance avec l'objectif de conservation des habitats naturels et de la faune sauvage, poursuivi par la législation ; qu'eu égard à la pénurie d'alternative satisfaisante, aux atteintes limitées à la faune et à la flore naturelle telles qu'évoquées ci-dessus, les motifs qui ont présidé à la dérogation en cause présentaient le caractère d'une raison impérative d'intérêt public majeur constituant un motif de dérogation prévu par le c) du 4° de l'article L. 411-2 du code de l'environnement ;

En ce qui concerne le choix du site :

21. Considérant qu'il ressort des pièces du dossier qu'à la date de l'arrêté du 21 mars 2008, il n'existait pas d'alternative satisfaisante immédiatement disponible au choix du site envisagé ; que, dans ce contexte, le moyen tiré de ce que le choix du site serait entaché d'une erreur manifeste d'appréciation doit être écarté ;

En ce qui concerne la date de mise en oeuvre :

22. Considérant que l'article 2 de l'arrêté attaqué indique que la dérogation n'est accordée que dans le cadre de l'aménagement du quatrième casier de l'installation de stockage de déchets du Balançan ; que l'article 4 de cet arrêté précise que la dérogation n'est valable qu'un an à compter de sa notification ; qu'il s'en déduit que la mise à exécution des dérogations qu'il autorise est subordonnée à la réalisation effective de l'aménagement prévu et ne saurait s'effectuer indépendamment de sa réalisation, tout retard impliquant la caducité de la dérogation et la nécessité pour le futur exploitant, comme le prévoient les dispositions du 2 ° de l'article R. 411-10 du code de l'environnement, d'en demander le renouvellement ; que le moyen tiré de ce que l'arrêté serait entaché d'une erreur manifeste d'appréciation portant sur les dates de mise en oeuvre qu'il prévoit doit ainsi également être écarté ;

23. Considérant qu'il résulte de ce qui précède que le ministre de l'écologie, du développement durable et de l'énergie est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Toulon a annulé l'arrêté du 21 mars 2008 et l'a condamné à verser aux associations SNPN et Ethique environnement, à M. B..., à M. A..., pris solidairement, la somme globale de 1 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ; que, par voie de conséquence, les conclusions présentées en première instance par les intimés sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative doivent être rejetées ;

D E C I D E :

Article 1er : Les productions enregistrées sous le n° 16MA00071 seront rayées du registre du greffe de la cour pour être jointes à la requête n° 16MA00072.

Article 2 : L'intervention de la société Valteo est admise.

Article 3 : Les articles 2 et 3 du jugement du tribunal administratif de Toulon du 26 août 2010 sont annulés.

Article 4 : La demande présentée par l'association Société nationale de protection de la nature et d'acclimatation de France, l'association Éthique environnement, M. A... et M. B... est rejetée.

Article 5 : Le présent arrêt sera notifié à la ministre de l'environnement, de l'énergie et de la mer, à la Société nationale de protection de la nature et d'acclimatation de France, à l'association Ethique environnement, à M. D... B..., à M. C... A..., à l'association environnement méditerranée et à la société Valteo.

Délibéré après l'audience du 28 juin 2016, où siégeaient :

- M. Lascar, président de chambre,

- M. Guidal, président assesseur,

- Mme F..., première conseillère.

Lu en audience publique, le 12 juillet 2016.

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N° 16MA00071, 16MA00072 7

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Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Marseille
Formation : 7ème chambre - formation à 3
Numéro d'arrêt : 16MA00072
Date de la décision : 12/07/2016
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

Actes législatifs et administratifs - Validité des actes administratifs - Forme et procédure - Procédure consultative - Consultation obligatoire.

Nature et environnement.


Composition du Tribunal
Président : M. LASCAR
Rapporteur ?: Mme Anne MENASSEYRE
Rapporteur public ?: Mme CHAMOT
Avocat(s) : SEBAG ; SELARL PARME AVOCATS ; BACM AVOCATS ; SEBAG

Origine de la décision
Date de l'import : 02/08/2016
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.marseille;arret;2016-07-12;16ma00072 ?
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