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12/07/2016 | FRANCE | N°15MA03646

France | France, Cour administrative d'appel de Marseille, 7ème chambre - formation à 3, 12 juillet 2016, 15MA03646


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Le préfet des Alpes-Maritimes a déféré au tribunal administratif de Nice, comme prévenue d'une contravention de grande voirie, la SCI Villakulla.

Par un jugement n° 1102179 du 16 juillet 2015, le magistrat désigné du tribunal administratif de Nice, après avoir décidé que l'action publique était prescrite, a condamné la SCI Villakulla, au titre de l'action domaniale, à libérer la parcelle cadastrée section AI n° 38 et à procéder à la démolition des ouvrages visés dans le procès-verbal d

u 21 décembre 2010, à la remise en état du domaine public maritime et à l'évacuation des gr...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Le préfet des Alpes-Maritimes a déféré au tribunal administratif de Nice, comme prévenue d'une contravention de grande voirie, la SCI Villakulla.

Par un jugement n° 1102179 du 16 juillet 2015, le magistrat désigné du tribunal administratif de Nice, après avoir décidé que l'action publique était prescrite, a condamné la SCI Villakulla, au titre de l'action domaniale, à libérer la parcelle cadastrée section AI n° 38 et à procéder à la démolition des ouvrages visés dans le procès-verbal du 21 décembre 2010, à la remise en état du domaine public maritime et à l'évacuation des gravats hors de ce domaine vers un centre de traitement agréé dans le délai de deux mois à compter de la notification du présent jugement, sous astreinte de 300 euros par jour de retard, l'administration étant autorisée, à l'expiration de ce délai et à défaut d'exécution par la contrevenante, à procéder d'office à la libération de la parcelle cadastrée section AI n° 38 ainsi qu'à l'enlèvement et à l'évacuation des ouvrages implantés illégalement sur le domaine public maritime.

Procédure devant la Cour :

Par une requête et des mémoires, enregistrés le 31 août 2015, le 1er décembre 2015 et le 3 mai 2016, la SCI Villakulla, représentée par Me A..., de la Selarl " Cabinet A...-Sauvan-Baudin ", demande à la Cour :

1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Nice du 16 juillet 2015 en tant qu'il porte condamnation au titre de l'action domaniale ;

2°) de la relaxer des poursuites pour contravention de grande voirie engagées à son encontre ;

3°) de désigner un expert en vue de rechercher si la parcelle cadastrée AI n° 38 appartient ou non au domaine public maritime ;

4°) de lui donner acte de l'existence d'une procédure civile en annulation de l'acte notarié du 10 janvier 2002 et de sa contestation de la compétence des juridictions administratives pour apprécier la domanialité privée d'un bien.

Elle soutient que :

- la notification du procès-verbal, qui excède le délai de dix jours et ne comporte pas la mention de ce que qu'elle pouvait présenter des explications écrites dans le délai de quinze jours, en méconnaissance des dispositions de l'article L. 774-2 du code de justice administrative, a porté atteinte aux droits de la défense ;

- la parcelle cadastrée section AI n° 38 ne relève ni du domaine public maritime, ni du domaine public de l'Etat mais appartenait au domaine privé de l'Etat avant de faire l'objet d'usucapion ;

- le juge judicaire est compétent pour apprécier si un bien constitue ou non une dépendance du domaine privé de l'administration, ce dont il est saisi ;

- contrairement à ce qu'a retenu le premier juge, la parcelle AI n° 38, qui n'a jamais été couverte par les plus hautes mers en l'absence de perturbations météorologiques exceptionnelles, n'a pas été soustraite au domaine public maritime par voie d'exondation ;

- cette parcelle ne constituait pas davantage des lais et relais de la mer antérieurement au 1er décembre 1963 ;

- elle n'a pas réalisé les ouvrages faisant l'objet du procès-verbal de contravention de grande voirie, mais seulement effectué des travaux de mise en sécurité des ouvrages ;

- la condamnation à la remise en état du domaine public maritime est imprécise ;

- l'Etat doit rapporter la preuve de la consistance du bien avant 1901 ;

- elle doit être exonérée de sa responsabilité d'occupant sans titre du domaine public en raison de la faute lourde résultant des affectations successives de la parcelle et de la carence des services fonciers de l'Etat depuis quarante ans.

Par des mémoires en défense, enregistrés le 7 décembre 2015 et le 10 février 2016, le ministre de l'écologie, du développement durable et de l'énergie conclut au rejet de la requête.

Il fait valoir que les moyens soulevés par la SCI Villakulla ne sont pas fondés.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code général de la propriété des personnes publiques ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. Chanon, premier conseiller,

- les conclusions de M. Deliancourt, rapporteur public,

- et les observations de Me B..., représentant la SCI Villakulla.

Une note en délibéré présentée par MeA..., pour la SCI Villakulla, a été enregistrée le 11 juillet 2016.

1. Considérant qu'un procès-verbal de contravention de grande voirie a été dressé le 21 décembre 2010 à l'encontre de la SCI Villakulla à raison de l'occupation sans titre du domaine public maritime sur le territoire de la commune de Cap d'Ail, lieu-dit " Cap Mala " ; que ce procès-verbal est relatif à des ouvrages situés au droit de la villa " Cap Vik ", d'une emprise totale de 2 030,50 m², à savoir une parcelle cadastrée section AI n° 38 d'une superficie de 1 953 m², supportant notamment une piscine, aménagée derrière un mur de soutènement en moellons et pierres, doublé dans sa partie intérieure par un voile en béton, une terrasse de 39,42 m² construite en encorbellement au dessus du sentier piétonnier, un escalier de 10,50 m² permettant l'accès de la terrasse au débarcadère, un débarcadère de 16, 16 m², une grille et un portail métallique condamnant l'accès du public au bord de mer, deux caméras de surveillance vidéo, deux fourreaux métalliques scellés dans la dalle permettant la mise en place d'une potence métallique destinée à hisser les embarcations hors de l'eau, un local carré de 1,20 mètre de côté fermé par une porte métallique, une canalisation de nature inconnue de 6,50 mètres de longueur recouverte d'un massif en maçonnerie sortant de la falaise située sous la terrasse en encorbellement et débouchant dans la mer, une canalisation de pompage d'eau de mer de 6 mètres de longueur protégée par un massif en maçonnerie se terminant par un puits de pompage de 0,70 mètre x 0,70 mètre, et une canalisation de rejet des eaux de piscine de 8,50 mètres de longueur protégée par un massif de maçonnerie ; que, par jugement du 16 juillet 2015, le magistrat désigné du tribunal administratif de Nice a condamné la SCI Villakulla à libérer la parcelle cadastrée section AI n° 38 et à procéder à la démolition des ouvrages visés dans le procès-verbal, à la remise en état du domaine public maritime et à l'évacuation des gravats hors de ce domaine vers un centre de traitement agréé dans le délai de deux mois à compter de la notification du présent jugement, sous astreinte de 300 euros par jour de retard, l'administration étant autorisée, à l'expiration de ce délai et à défaut d'exécution par la contrevenante, à procéder d'office à la libération de la parcelle AI n° 38 ainsi qu'à l'enlèvement et à l'évacuation des ouvrages implantés illégalement sur le domaine public maritime ; que la SCI Villakulla relève appel de ce jugement en tant qu'il porte condamnation au titre de l'action domaniale ;

Sur les conclusions à fin de " donner acte " :

2. Considérant qu'il appartient au juge administratif, saisi d'un litige pour lequel une contravention de grande voirie a été dressée par procès-verbal, de reconnaître les limites du domaine public naturel ; que, par suite, les circonstances que la juridiction administrative est incompétente pour se prononcer sur la propriété privée d'un bien immobilier ou que la SCI Villakulla a engagé une procédure civile en vue de l'annulation d'un acte notarié du 10 janvier 2002 rectifiant un acte du 5 avril 1961 relatif à la parcelle cadastrée section AI n° 38 sont dépourvues d'incidence dans la présente instance ; qu'il n'appartient pas à la Cour de donner acte de ces éléments à la SCI Villakulla ;

Sur la contravention de grande voirie :

3. Considérant, en premier lieu, qu'aux termes de l'article L. 774-2 du code de justice administrative : " Dans les dix jours qui suivent la rédaction d'un procès-verbal de contravention, le préfet fait faire au contrevenant notification de la copie du procès-verbal. / La notification est faite dans la forme administrative, mais elle peut également être effectuée par lettre recommandée avec demande d'avis de réception. / La notification indique à la personne poursuivie qu'elle est tenue, si elle veut fournir des défenses écrites, de les déposer dans le délai de quinzaine à partir de la notification qui lui est faite. / Il est dressé acte de la notification ; cet acte doit être adressé au tribunal administratif et y être enregistré comme les requêtes introductives d'instance " ;

4. Considérant que si le procès-verbal du 21 décembre 2010 n'a été notifié à la SCI Villakulla que le 3 mai 2011, le délai de dix jours prévu à l'article L. 774-2 du code de justice administrative n'est pas prescrit à peine de nullité ; que la lettre du préfet notifiant ce procès-verbal à la SCI Villakulla ne mentionne pas que cette dernière pouvait présenter des explications écrites dans le délai de quinze jours ; que, toutefois, cette omission n'a pas, dans les circonstances de l'espèce, porté atteinte aux droits de la défense dès lors, d'une part, que la lettre de notification fait référence à l'article L. 774-2 du code de justice administrative et porte expressément citation à comparaitre devant le tribunal administratif de Nice, d'autre part, que la lettre du 3 juin 2011 par laquelle le greffe a communiqué le déféré préfectoral au contrevenant mentionne ce délai de quinze jours, et, enfin, que la SCI Villakulla a présenté des observations en défense au cours de l'instance ; que, dès lors, la société n'est pas fondée à soutenir que la procédure engagée à son encontre aurait été entachée d'irrégularité ;

5. Considérant, en deuxième lieu, qu'aux termes de l'article L. 2111-4 du code général de la propriété des personnes publiques : " Le domaine public maritime naturel de L'Etat comprend : / 1° Le sol et le sous-sol de la mer entre la limite extérieure de la mer territoriale et, côté terre, le rivage de la mer. / Le rivage de la mer est constitué par tout ce qu'elle couvre et découvre jusqu'où les plus hautes mers peuvent s'étendre en l'absence de perturbations météorologiques exceptionnelles (...) ; / Les terrains soustraits artificiellement à l'action du flot demeurent... " ; qu'aux termes de l'article L. 2122-1 du même code : " Nul ne peut, sans disposer d'un titre l'y habilitant, occuper une dépendance du domaine public d'une personne publique mentionnée à l'article L. 1 ou l'utiliser dans des limites dépassant le droit d'usage qui appartient à tous " ;

6. Considérant qu'il résulte de l'instruction, notamment des plans, des photographies, des cartes postales anciennes datées de 1902, d'un rapport de l'administration établi au mois de septembre 1901 et d'un " rapport du subdivisionnaire " des Ponts et Chaussées en date du 3 juillet 1921, que le cap Mala sur lequel est implantée la parcelle cadastrée section AI n° 38 faisait antérieurement à 1901 partie du domaine public maritime pour être régulièrement submergé par les plus hauts flots en l'absence de perturbations météorologiques exceptionnelles ; que la parcelle est entourée d'un mur de soutènement destiné à la défendre contre l'action des flots, qui aurait été construit en 1902 en vue de la création d'un tir aux pigeons ; qu'à cette fin, la parcelle a été remblayée et ainsi artificiellement soustraite à l'action des flots sur le fondement d'autorisations temporaires d'occupation du domaine public, sans qu'aucun acte de concession n'ait été pris par l'administration ; que le rapport établi le 22 septembre 2015 par un géomètre-expert à la demande de la SCI Villakulla, principalement fondé sur la circonstance que la parcelle figure au cadastre, n'est pas de nature à rapporter la preuve contraire ; que, dès lors et en application des dispositions de l'article L. 2111-4 du code général de la propriété des personnes publiques, cette parcelle n'a jamais cessé d'appartenir au domaine public maritime ; que les autres ouvrages en cause sont implantés en contrebas du mur de soutènement, sur les rochers en surplomb du rivage de la mer ; qu'ils sont atteints par les plus hauts flots en l'absence de perturbations météorologiques exceptionnelles, ce qui n'est au demeurant pas discuté, et appartiennent ainsi également au domaine public maritime ;

7. Considérant, en troisième lieu, que la personne qui peut être poursuivie pour contravention de grande voirie est soit celle qui a commis ou pour le compte de laquelle a été commise l'action qui est à l'origine de l'infraction, soit celle sous la garde de laquelle se trouvait l'objet qui a été la cause de la contravention ;

8. Considérant qu'il résulte également de l'instruction que la piscine de la villa appartenant à la SCI Villakulla est implantée sur la parcelle cadastrée section AI n° 38, et donc sur le domaine public maritime ; que les autres ouvrages sont installés au droit de cette parcelle qu'ils soutiennent ou relient à la mer, et ne sont utilisés que par la SCI Villakulla ; que si celle-ci n'a pas construit ces installations, elle a en tout état de cause effectué des travaux de mise en sécurité ; que, dans ces conditions, la SCI Villakulla doit être regardée comme ayant la garde des ouvrages faisant l'objet du procès-verbal du 21 décembre 2010 et pouvait par suite, en l'absence de tout titre l'autorisant à occuper le domaine public maritime, être poursuivie pour contravention de grande voirie ;

9. Considérant, en quatrième lieu, que lorsque le juge administratif est saisi d'un procès-verbal de contravention de grande voirie, il ne peut légalement décharger le contrevenant de l'obligation de réparer les atteintes portées au domaine public qu'au cas où le contrevenant produit des éléments de nature à établir que le dommage est imputable, de façon exclusive, à un cas de force majeure ou à un fait de l'administration assimilable à un cas de force majeure ;

10. Considérant que les circonstances que la parcelle cadastrée section AI n° 38 a fait légalement l'objet d'une occupation privative de 1902 à 1984 et que l'administration n'aurait fait rectifier qu'en 2002 un acte de propriété comportant depuis 1961 une erreur sur la propriété privée de la parcelle, laquelle n'a au demeurant pas été acquise par la contrevenante, ne sont pas constitutives d'un cas de force majeure ou d'un fait de l'administration assimilable à un cas de force majeure ; que, par conséquent, la SCI Villakulla ne saurait utilement s'en prévaloir ;

11. Considérant, en cinquième et dernier lieu, que, comme il a été dit au point 1, le premier juge a condamné la SCI Villakulla à libérer la parcelle cadastrée section AI n° 38, à procéder à la démolition des ouvrages visés dans le procès-verbal de contravention de grande voirie et à remettre en état le domaine public maritime ; que la SCI Villakulla ne saurait sérieusement prétendre que cette condamnation est insuffisamment précise ;

12. Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède, sans qu'il soit besoin d'ordonner une expertise, que la SCI Villakulla n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Nice l'a condamnée au titre de l'action domaniale pour contravention de grande voirie ; que, par suite, la requête doit être rejetée ;

D É C I D E :

Article 1er : La requête de la SCI Villakulla est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à la SCI Villakulla et à la ministre de l'environnement, de l'énergie et de la mer.

Délibéré après l'audience du 28 juin 2016, à laquelle siégeaient :

- M. Lascar, président de chambre,

- M. Guidal, président assesseur,

- M. Chanon, premier conseiller.

Lu en audience publique, le 12 juillet 2016.

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N° 15MA03646 6

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Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Marseille
Formation : 7ème chambre - formation à 3
Numéro d'arrêt : 15MA03646
Date de la décision : 12/07/2016
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Contentieux répressif

Analyses

24-01-03-01 Domaine. Domaine public. Protection du domaine. Contraventions de grande voirie.


Composition du Tribunal
Président : M. LASCAR
Rapporteur ?: M. René CHANON
Rapporteur public ?: M. DELIANCOURT
Avocat(s) : CABINET BERDAH-SAUVAN-BAUDIN

Origine de la décision
Date de l'import : 02/08/2016
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.marseille;arret;2016-07-12;15ma03646 ?
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