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12/07/2016 | FRANCE | N°14MA05069

France | France, Cour administrative d'appel de Marseille, 7ème chambre - formation à 3, 12 juillet 2016, 14MA05069


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. F... a demandé au tribunal administratif de Montpellier d'annuler l'arrêté en date du 13 août 2014 par lequel le préfet des Pyrénées-Orientales a refusé de lui délivrer un titre de séjour, l'a obligé à quitter le territoire français et a fixé le pays de destination.

Par un jugement n° 1404180 du 2 décembre 2014, le tribunal administratif de Montpellier a rejeté sa demande.

Procédure devant la Cour :

Par une requête et un mémoire, enregistrés les 20 et 24 décembre 2014,

M. F..., représenté par Me D..., demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement du tribunal administra...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. F... a demandé au tribunal administratif de Montpellier d'annuler l'arrêté en date du 13 août 2014 par lequel le préfet des Pyrénées-Orientales a refusé de lui délivrer un titre de séjour, l'a obligé à quitter le territoire français et a fixé le pays de destination.

Par un jugement n° 1404180 du 2 décembre 2014, le tribunal administratif de Montpellier a rejeté sa demande.

Procédure devant la Cour :

Par une requête et un mémoire, enregistrés les 20 et 24 décembre 2014, M. F..., représenté par Me D..., demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement du tribunal administratif de Montpellier du 2 décembre 2014 ;

2°) d'annuler l'arrêté du préfet des Pyrénées-Orientales du 13 août 2014 ;

3°) d'enjoindre au préfet des Pyrénées-Orientales de lui délivrer un certificat de résidence algérien valable un an sous astreinte de 100 euros par jour de retard à compter de la date de notification de l'arrêt à intervenir ou, à titre subsidiaire, de réexaminer sa demande ;

4°) de lui accorder l'aide juridictionnelle provisoire ;

5°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 2 400 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, à verser à son conseil sur le fondement des articles 37 et 75 de la loi du 10 juillet 1991 en cas d'admission au bénéfice de l'aide juridictionnelle.

Il soutient que :

- le tribunal aurait dû mettre à même les parties de présenter leurs observations avant de procéder à une substitution de base légale ;

- l'arrêté contesté n'est pas motivé ;

- il a été pris par une autorité incompétente ;

- le préfet a commis une erreur de droit en faisant application des stipulations du b) de l'article 7 de l'accord franco-algérien ;

- le préfet a cru à tort être dans l'obligation de saisir la direction régionale des entreprises, de la concurrence, de la consommation, du travail et de l'emploi ;

- le préfet a méconnu l'étendue de sa compétence en s'estimant lié par l'avis rendu par le directeur régional des entreprises, de la concurrence, de la consommation, du travail et de l'emploi ;

- le certificat de résidence dont il bénéficiait l'autorisait déjà à travailler ;

- le refus de séjour porte une atteinte disproportionnée à son droit au respect de sa vie privée et familiale en méconnaissance des stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et de celles du 5. de l'article 6 de l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968 ;

- le préfet a fondé sa décision sur des faits matériellement inexacts en estimant que refuser son admission au séjour ne contrevenait pas aux stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- le refus de séjour est entaché d'une erreur manifeste d'appréciation ;

- l'administration ne pouvait engager à son encontre la procédure de réadmission prévue à l'article L. 531-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- l'intention exprimée à l'article 3 de l'arrêté contesté de faire application des peines prévues à l'article L. 621-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile est contraire à la directive du 16 décembre 2008 telle qu'interprétée par la Cour de justice de l'Union européenne.

Par un mémoire en défense, enregistré le 20 juin 2016, le préfet des Pyrénées-Orientales conclut au rejet de la requête.

Il soutient que :

- la requête est irrecevable faute d'avoir été signée par son auteur ;

- aucun des moyens soulevés n'est fondé.

M. F... a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle à 85 % par une décision du bureau d'aide juridictionnelle en date du 3 février 2015.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968 ;

- la directive 2008/115/CE du Parlement européen et du Conseil du 16 décembre 2008 ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

A été entendu, au cours de l'audience publique, le rapport de M. A... 'hôte, premier conseiller.

1. Considérant que M. F..., de nationalité algérienne, a obtenu un premier certificat de résidence en qualité de conjoint d'une ressortissante française le 1er août 2013 ; qu'il a présenté, le 2 avril 2014, une demande de changement de statut afin de se voir délivrer un certificat de résidence en qualité de salarié ; que, par un arrêté du 13 août 2014, le préfet des Pyrénées-Orientales lui a opposé un refus et l'a obligé à quitter le territoire français dans un délai de trente jours ; que M. F... fait appel du jugement en date du 2 décembre 2014 par lequel le tribunal administratif de Montpellier a rejeté sa demande tendant à l'annulation de cet arrêté ;

Sur la régularité du jugement du 2 décembre 2014 :

2. Considérant que, pour rejeter la demande de changement de statut formée par M. F..., le préfet s'est fondé sur les stipulations du b) de l'article 7 de l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968 ; qu'en relevant que ces stipulations rendaient applicables au ressortissant algérien désireux d'exercer une activité salariée en France les dispositions du code du travail régissant la délivrance d'une autorisation de travail au travailleur étranger, le tribunal n'a pas procédé à une substitution de base légale mais s'est borné à préciser les textes à appliquer compte tenu du fondement juridique sur lequel reposait le motif opposé par le préfet ; que, par suite, il n'était pas tenu d'inviter les parties à présenter leurs observations avant de faire application des articles R. 5221-17 et suivants du code du travail ; que, dès lors, le principe du contradictoire n'a pas été méconnu ; qu'il suit de là que M. F... n'est pas fondé à soutenir que le jugement attaqué serait entaché d'irrégularité sur ce point ;

Sur la légalité de l'arrêté du 13 août 2014 :

En ce qui concerne la légalité externe :

3. Considérant, en premier lieu, que l'arrêté contesté a été signé par M. Regnault de La Mothe, secrétaire général de la préfecture des Pyrénées-Orientales ; que, par un arrêté du 16 juin 2014, régulièrement publié au recueil des actes administratifs de la préfecture des Pyrénées-Orientales du 26 juin, celui-ci avait reçu délégation de M.B..., préfet des Pyrénées-Orientales, à l'effet de signer tous arrêtés et décisions relevant des attributions de l'Etat dans le département et, notamment, les arrêtés pris dans le cadre des procédures de mesures d'éloignement des étrangers en situation irrégulière ; que, si M. B...a été nommé par décret du 31 juillet 2014 préfet d'un autre département, il n'avait pas encore été installé dans ses nouvelles fonctions et remplacé par son successeur à la date de la décision en litige ; qu'ainsi, la délégation de signature qu'il avait consentie à M. Regnault de La Mothe n'était pas devenue caduque ; que, par suite, le moyen tiré de l'incompétence du signataire de l'acte en cause manque en fait ;

4. Considérant, en second lieu, que l'arrêté contesté comporte l'énoncé des considérations de droit et de fait qui constituent le fondement de la décision portant refus de séjour et de celle fixant le pays de destination ; que le préfet n'était pas tenu de mentionner l'ensemble des circonstances de fait relatives à la situation du requérant ; qu'il a pu, sans méconnaître l'exigence de motivation, s'approprier les termes de l'avis rendu par la direction régionale des entreprises, de la concurrence, de la consommation, du travail et de l'emploi du Languedoc-Roussillon le 14 mai 2014 ; qu'en application du 3° du I de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, l'obligation de quitter le territoire français n'avait pas à faire l'objet d'une motivation distincte de celle du refus de séjour ; que, par suite, le moyen tiré de ce que l'arrêté du 13 août 2014 serait insuffisamment motivé, manque en fait ;

En ce qui concerne la légalité interne :

S'agissant du refus de séjour :

5. Considérant, en premier lieu, qu'aux termes du b) de l'article 7 de l'accord franco-algérien : " Les ressortissants algériens désireux d'exercer une activité professionnelle salariée reçoivent après le contrôle médical d'usage et sur présentation d'un contrat de travail visé par les services du ministre chargé de l'emploi, un certificat de résidence valable un an pour toutes professions et toutes régions, renouvelable et portant la mention "salarié" : cette mention constitue l'autorisation de travail exigée par la législation française " ; qu'en faisant application de ces stipulations, qui régissent les conditions de délivrance d'un certificat de résidence portant la mention " salarié " à un ressortissant algérien, le préfet des Pyrénées-Orientales n'a pas commis d'erreur de droit ;

6. Considérant, en deuxième lieu, que, si l'article R. 5221-17 du code du travail prévoit que la décision relative à la demande d'autorisation de travail est prise par le préfet, il ne ressort pas des pièces du dossier que le préfet des Pyrénées-Orientales se soit cru, à tort, tenu de solliciter l'avis du directeur régional des entreprises, de la concurrence, de la consommation, du travail et de l'emploi ni qu'il ait omis de statuer lui-même sur la demande de M. F... en s'estimant tenu de suivre cet avis ;

7. Considérant, en troisième lieu, que la circonstance que le certificat de résidence dont bénéficiait M. F... en qualité de conjoint d'une ressortissante française autorisait l'intéressé à travailler est sans incidence sur la légalité du refus de séjour contesté ;

8. Considérant, en quatrième lieu, que si M. F... justifie avoir été scolarisé en France de 1997 à 2001, il n'établit pas être demeuré sur le territoire français après juin 2001 ; que les circonstances qu'il ait déposé une demande d'asile le 4 décembre 2008 et épousé à Elne (Pyrenées-orientales) une ressortissante française le 24 septembre 2011 attestent tout au plus de sa présence ponctuelle sur le territoire français ; qu'il est constant qu'après son mariage, le requérant a sollicité en Algérie la délivrance d'un visa de long séjour et n'est revenu en France que le 15 juin 2012 ; qu'il ne conteste pas qu'à la date du refus de séjour litigieux, il vivait séparé de son épouse ; qu'il n'était pas dépourvu d'attaches familiales dans son pays d'origine où résidait sa mère ; qu'il ne démontre pas avoir noué en France des liens personnels d'une particulière intensité ; que, dans ces circonstances, le préfet des Pyrénées-Orientales a pu légalement refuser son admission au séjour sans commettre d'erreur dans la matérialité des faits ni porter une atteinte disproportionnée à son droit au respect de sa vie privée et familiale ; qu'ainsi, ni les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, ni celles du 5. de l'article 6 de l'accord franco-algérien n'ont été méconnues ; que, pour les mêmes motifs, le préfet n'a pas entaché sa décision d'une erreur manifeste dans l'appréciation des conséquences de son refus sur la situation personnelle de l'intéressé ;

S'agissant de l'obligation de quitter le territoire français :

9. Considérant, en premier lieu, que, si l'article 3 de l'arrêté contesté mentionne que M. F... pourra être reconduit d'office " à destination du pays dont il a la nationalité ou de tout autre pays dans lequel il est légalement admissible ", la reproduction des termes de l'article L. 513-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile n'a eu pour effet de conférer à la mesure d'éloignement prise à l'encontre de l'intéressé le caractère d'une décision de réadmission prise en application de l'article L. 531-1 du même code, alors qu'il ressort clairement de l'arrêté litigieux que le préfet a entendu édicter une obligation de quitter le territoire français fondée sur les dispositions du 3° de l'article L. 511-1 de ce code, sans que l'erreur matérielle affectant le visa de ces dernières dispositions n'ait d'incidence sur la légalité de l'arrêté en cause ;

10. Considérant, en second lieu, que l'obligation faite à M. F... de quitter le territoire français n'a pas pour fondement l'article L. 621-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, dont les dispositions ont été abrogées par l'article 8 de la loi n° 2012-1560 du 31 décembre 2012 relative à la retenue pour vérification du droit au séjour et modifiant le délit d'aide au séjour irrégulier pour en exclure les actions humanitaires et désintéressées ; que, par suite, la circonstance que l'article 3 de l'arrêté du 13 août 2014 mentionne qu'à défaut pour le requérant d'avoir quitté volontairement le territoire français dans le délai qui lui est imparti, il s'exposerait aux peines d'emprisonnement et d'amende prévues par ces dispositions, est sans incidence sur la légalité de la mesure d'éloignement contestée ;

11. Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède, et sans qu'il soit besoin de statuer sur la fin de non-recevoir soulevée par le préfet des Pyrénées-Orientales, que M. F... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Montpellier a rejeté sa demande ; qu'il y a lieu, par voie de conséquence, de rejeter également ses conclusions à fin d'injonction sous astreinte, ainsi que ses conclusions tendant au bénéfice des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

D E C I D E :

Article 1er : La requête de M. F... est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. C... F...et au ministre de l'intérieur.

Copie en sera adressée au préfet des Pyrénées-Orientales.

Délibéré après l'audience du 28 juin 2016, où siégeaient :

- M. Lascar, président de chambre,

- M. Guidal, président assesseur,

- M.A...'hôte, premier conseiller.

Lu en audience publique, le 12 juillet 2016.

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N° 14MA05069 6

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Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Marseille
Formation : 7ème chambre - formation à 3
Numéro d'arrêt : 14MA05069
Date de la décision : 12/07/2016
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

Étrangers - Séjour des étrangers - Refus de séjour - Motifs.

Étrangers - Obligation de quitter le territoire français (OQTF) et reconduite à la frontière - Légalité externe.

Étrangers - Obligation de quitter le territoire français (OQTF) et reconduite à la frontière - Légalité interne.


Composition du Tribunal
Président : M. LASCAR
Rapporteur ?: M. Vincent L'HÔTE
Rapporteur public ?: M. DELIANCOURT
Avocat(s) : CHNINIF

Origine de la décision
Date de l'import : 02/08/2016
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.marseille;arret;2016-07-12;14ma05069 ?
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