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11/07/2016 | FRANCE | N°16MA00666

France | France, Cour administrative d'appel de Marseille, 6ème chambre - formation à 3, 11 juillet 2016, 16MA00666


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. A... C... a demandé au tribunal administratif de Montpellier d'annuler l'arrêté du préfet des Pyrénées-Orientales du 15 janvier 2016, par lequel celui-ci lui a fait obligation de quitter le territoire français sans délai, a fixé le pays de renvoi et a ordonné son placement en rétention durant cinq jours ; d'enjoindre au même préfet de lui délivrer un titre de séjour d'un an portant la mention " vie privée et familiale ", sous astreinte de 100 euros par jour de retard ou, subsidiairement, de proc

der au réexamen de sa situation et de lui délivrer, dans cette attente, une au...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. A... C... a demandé au tribunal administratif de Montpellier d'annuler l'arrêté du préfet des Pyrénées-Orientales du 15 janvier 2016, par lequel celui-ci lui a fait obligation de quitter le territoire français sans délai, a fixé le pays de renvoi et a ordonné son placement en rétention durant cinq jours ; d'enjoindre au même préfet de lui délivrer un titre de séjour d'un an portant la mention " vie privée et familiale ", sous astreinte de 100 euros par jour de retard ou, subsidiairement, de procéder au réexamen de sa situation et de lui délivrer, dans cette attente, une autorisation provisoire de séjour.

Par un jugement n° 1600207 du 19 janvier 2016, le magistrat désigné du tribunal administratif de Montpellier a rejeté la demande de M.C....

Procédure devant la Cour :

Par une requête et un mémoire complémentaire, enregistrés le 19 février et le 30 mai 2016, M.C..., représenté par MeB..., demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement du tribunal administratif de Montpellier du 19 janvier 2016 ;

2°) d'annuler l'arrêté du préfet du préfet des Pyrénées-Orientales du 15 janvier 2016 ;

3°) d'enjoindre au préfet des Pyrénées-Orientales de lui délivrer une autorisation provisoire de séjour sous astreinte de 100 euros par jour de retard à compter de la notification de la décision à intervenir ;

4°) de l'admettre au bénéfice de l'aide juridictionnelle provisoire et de mettre à la charge de l'Etat une somme de 1 800 euros sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 la loi du 10 juillet 1991.

Il soutient que :

- compte tenu de l'ancienneté de son séjour en France, l'autorité administrative était tenue de consulter la commission du titre de séjour, en application des dispositions de l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, préalablement à l'arrêté attaqué ;

- cet arrêté est insuffisamment motivé ;

- il porte une atteinte disproportionnée au droit au respect de sa vie privée et familiale que l'exposant tient des stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- il est entaché d'erreurs de fait quant à la réalité de son intégration depuis son arrivée sur le territoire national ;

- il est entaché d'erreur manifeste d'appréciation de ses conséquences sur la situation personnelle de l'exposant ;

- la décision lui refusant un délai de départ volontaire est injustifiée ;

- elle est entachée d'erreur de droit pour avoir considéré que son absence de pièce d'identité caractérisait un risque de fuite ;

- elle est insuffisamment motivée ;

- son auteur n'a pas exercé son pouvoir d'appréciation de la situation de l'exposant.

Par un mémoire en défense, enregistré le 4 mai 2016, le préfet des Pyrénées-Orientales conclut au rejet de la requête.

Il soutient que :

- l'arrêté attaqué a été pris par une autorité compétente ;

- le moyen tiré du vide de procédure est inopérant ;

- les autres moyens soulevés par M. C...ne sont pas fondés.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- l'accord franco-marocain du 9 octobre 1987 modifié en matière de séjour et d'emploi ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- la loi n° 79-587 du 11 juillet 1979 relative à la motivation des actes administratifs et à l'amélioration des relations entre l'administration et le public ;

- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 modifiée relative à l'aide juridique ;

- le code de justice administrative.

Le président de la Cour a désigné M. Laurent Marcovici, président assesseur, pour présider les formations de jugement en cas d'absence ou d'empêchement de M. Moussaron, président de la 6e chambre en application de l'article R. 222-26 du code de justice administrative.

Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

A été entendu au cours de l'audience publique le rapport de M. Gautron.

1. Considérant que M. C..., né le 4 décembre 1972 à Haroun (Maroc) et de nationalité marocaine, est entré en France le 18 décembre 2002, dans le cadre d'une procédure de regroupement familial à l'initiative de sa première épouse, un enfant étant né de cette union, sur le territoire national, le 24 mai 2003 ; que M. C...s'est vu délivrer, le 27 février 2003, une carte de résident, laquelle lui a été retirée le 22 octobre suivant, à la suite de la rupture de la vie commune ; qu'il déclare n'avoir plus, depuis lors, quitté la France ; qu'il a déposé, le 21 décembre 2012, une demande d'admission exceptionnelle au séjour, laquelle a fait l'objet d'un refus, le 15 mai 2013, assorti de mesures d'éloignement ; qu'à la suite d'une vérification d'identité menée par les services de la police aux frontières, le 15 janvier 2016, à l'issue de laquelle il est apparu que M. C... était dépourvu de tout document de séjour ou de circulation, le préfet des Pyrénées-Orientales a pris à son encontre, le même jour, un arrêté lui faisant obligation de quitter le territoire français sans délai, fixant le pays de renvoi et ordonnant son placement en rétention pour une durée de cinq jours ; qu'il relève appel du jugement du magistrat désigné du tribunal administratif de Montpellier du 19 janvier 2016, par lequel celui-ci a rejeté sa demande tendant, à titre principal, à l'annulation de cet arrêté ;

Sur la demande d'admission provisoire à l'aide juridictionnelle :

2. Considérant qu'aux termes de l'article 20 de la loi susvisée du 10 juillet 1991 : " Dans les cas d'urgence, sous réserve de l'application des règles relatives aux commissions ou désignations d'office, l'admission provisoire à l'aide juridictionnelle peut être prononcée soit par le président du bureau ou de la section compétente du bureau d'aide juridictionnelle, soit par la juridiction compétente ou son président. (...) " ; que M. C...ne justifie pas de l'urgence s'attachant à ce que l'aide juridictionnelle provisoire lui soit allouée ; que par suite, sa demande ne peut qu'être rejetée ;

Sur le bien-fondé du jugement attaqué :

3. Considérant, en premier lieu, qu'aux termes de l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " (...) L'autorité administrative est tenue de soumettre pour avis à la commission mentionnée à l'article L. 312-1 la demande d'admission exceptionnelle au séjour formée par l'étranger qui justifie par tout moyen résider en France habituellement depuis plus de dix ans. (...) " ; que dès lors que l'arrêté attaqué ne se prononce pas sur une demande d'admission exceptionnelle au séjour présentée par M.C..., celui-ci n'invoque pas utilement, en tout état de cause, le vice de procédure tenant au défaut de consultation de la commission du titre de séjour ;

4. Considérant, en deuxième lieu, que l'arrêté attaqué vise les dispositions applicables, notamment du code précité ; qu'il mentionne le procès-verbal établi le 15 janvier 2016 constatant le séjour irrégulier de M. C...; qu'il rappelle les conditions dans lesquelles ce dernier est arrivé en France et s'est vu délivrer puis retirer un titre de séjour ; qu'il fait également état d'éléments précis relatifs à sa situation personnelle et familiale ; qu'il relève que M. C... ne saurait, au vu de ces derniers, prétendre à la délivrance de plein droit d'un titre de séjour ; qu'il relève l'absence d'atteinte portée par son éloignement à son droit au respect de sa vie privée et familiale et de risque encouru par M. C... en cas de retour dans son pays d'origine ; qu'enfin, il mentionne les éléments justifiant son placement en rétention dans l'attente de son départ ; que dans ces conditions, le moyen tiré de l'insuffisance de motivation de cet arrêté doit être écarté ;

5. Considérant, en troisième lieu, qu'aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance. / Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui. " ;

6. Considérant qu'il ressort des pièces du dossier que M. C..., s'il prétend séjourner habituellement en France depuis 2002, ne produit aucun élément attestant de cette présence au cours des années 2003, 2007 et 2011 et ne justifie que d'une présence fragmentaire au cours des années 2006, 2008, 2012, 2013 et 2014 ; qu'il ne conteste pas sérieusement conserver des attaches familiales dans son pays d'origine, où il a séjourné selon ses propres déclarations jusqu'à l'âge de 31 ans ; qu'il est divorcé de sa première épouse depuis le 29 juillet 2005 et de sa seconde épouse, avec laquelle il s'est remarié le 18 octobre 2006, depuis le 8 janvier 2008 ; qu'il ne conteste pas ne plus entretenir de relation depuis 2013 avec sa fille qui vit avec sa première ex-épouse et sur laquelle il déclare ne pas disposer de l'autorité parentale ; qu'il reconnaît ne pas davantage contribuer à son entretien ; que s'il justifie d'une activité professionnelle depuis 2010, il ne produit aucune déclaration de revenu pour cette même année et les années 2011 et 2013 notamment ; qu'il ne justifie pas d'une insertion extra-professionnelle notable, au-delà de la constitution d'une association en 2008 ; que dans ces conditions, M. C... n'a pas durablement fixé le centre de sa vie privée et familiale en France à la date de l'arrêté attaqué ; que le moyen tiré de la méconnaissance des stipulations précitées par cet arrêté doit, par suite, être écarté ;

7. Considérant, en dernier lieu, que le moyen tiré de l'erreur manifeste d'appréciation des conséquences de l'arrêté attaqué sur la situation personnelle de M. C..., qui ne repose sur aucun autre élément que ceux déjà évoqué, doit être écarté ;

En ce qui concerne la décision refusant un délai de départ volontaire :

8. Considérant qu'aux termes du II de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Pour satisfaire à l'obligation qui lui a été faite de quitter le territoire français, l'étranger dispose d'un délai de trente jours à compter de sa notification et peut solliciter, à cet effet, un dispositif d'aide au retour dans son pays d'origine. A Mayotte, l'étranger ne peut bénéficier d'une aide au retour mais, dans des circonstances exceptionnelles et sous réserve de l'existence d'un projet économique viable, d'une aide à la réinsertion économique, ou, s'il est accompagné d'un ou plusieurs enfants mineurs, de mesures d'accompagnement, dans des conditions définies par arrêté du ministre de l'intérieur et du ministre chargé des outre-mer. Eu égard à la situation personnelle de l'étranger, l'autorité administrative peut accorder, à titre exceptionnel, un délai de départ volontaire supérieur à trente jours. / Toutefois, l'autorité administrative peut, par une décision motivée, décider que l'étranger est obligé de quitter sans délai le territoire français : (...) 3° S'il existe un risque que l'étranger se soustraie à cette obligation. Ce risque est regardé comme établi, sauf circonstance particulière, dans les cas suivants : (...) d) Si l'étranger s'est soustrait à l'exécution d'une précédente mesure d'éloignement ; (...) f) Si l'étranger ne présente pas de garanties de représentation suffisantes, notamment parce qu'il ne peut justifier de la possession de documents d'identité ou de voyage en cours de validité, ou qu'il a dissimulé des éléments de son identité, ou qu'il n'a pas déclaré le lieu de sa résidence effective ou permanente, ou qu'il s'est précédemment soustrait aux obligations prévues par les articles L. 513-4, L. 552-4, L. 561-1 et L. 561-2. (...) " ;

9. Considérant, en premier lieu, que la décision attaquée mentionne que M. C...ne présente pas de garanties de représentation suffisante, en l'absence notamment de production d'un document d'identité ou de voyage ; qu'elle rappelle également que l'intéressé s'est déjà soustrait à l'exécution de précédentes mesures d'éloignement ordonnées à son encontre ; qu'elle précise qu'il y a lieu, en conséquence, de lui faire application des dispositions du d) et du f) du 3° du II de l'article L. 511-1 du code précité ; qu'ainsi, cette décision, qui mentionne les considérations de fait et de droit la fondant, est suffisamment motivée ;

10. Considérant, en deuxième lieu, qu'au regard de ce qui a été dit au point précédent, le moyen tiré de ce que l'auteur de la décision attaquée n'aurait pas exercé son pouvoir d'appréciation en refusant l'octroi d'un délai de départ volontaire à M. C... doit être écarté ;

11. Considérant, en troisième lieu, qu'il résulte des dispositions précitées du f) du 3° du II de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile que l'absence de production de documents d'identité ou de voyage en cours de validité est de nature, sauf circonstances particulières, à permettre au préfet de considérer un tel étranger comme dépourvu de garanties de représentations suffisantes et par suite, exposé à un risque de fuite ; que dès lors, le moyen tiré de l'erreur de droit entachant l'arrêté attaqué sur ce point doit être écarté ;

12. Considérant, en dernier lieu, qu'il est constant, d'une part, que M. C... n'a pas été en mesure de présenter aux services de la police aux frontières et n'a pas davantage produit, devant le tribunal administratif ou devant la Cour, un document d'identité ou un document de voyage en cours de validité ; qu'il a d'ailleurs reconnu devant les mêmes services que son passeport marocain était expiré ; que d'autre part, il a également reconnu devant les mêmes services s'être volontairement soustrait à l'exécution de plusieurs mesures d'éloignement précédemment ordonnées à son encontre ; que dans ces conditions, c'est à bon droit que le préfet des Pyrénées-Orientales s'est fondé sur les dispositions précitées du d) et du f) du 3° du II de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile pour lui refuser l'octroi d'un délai de départ volontaire, sans que l'intéressé puisse utilement se prévaloir devant la Cour de la position prise par le juge des libertés et de la détention sur ce point ;

13. Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que M. C... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par son jugement attaqué, le magistrat désigné du tribunal administratif de Montpellier a rejeté sa demande tendant, à titre principal, à l'annulation de l'arrêté du préfet des Pyrénées-Orientales du 15 janvier 2016 ;

Sur les conclusions à fin d'injonction :

14. Considérant que le présent arrêté, qui rejette les conclusions à fin d'annulation présentées par M. C..., n'implique aucune mesure d'exécution ; que les conclusions présentées à cette fin par l'intéressé doivent donc être rejetées ;

Sur les conclusions tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 :

15. Considérant que ces dispositions s'opposent, en tout état de cause, à ce que la somme réclamée par Me B...au titre des frais exposés par M. C... et non compris dans les dépens soit mise à la charge de l'Etat, qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance ;

D É C I D E :

Article 1er : La demande d'admission provisoire à l'aide juridictionnelle de M. C... est rejetée.

Article 2 : La requête de M. C...est rejetée.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à M. A...C..., à Me B...et au ministre de l'intérieur.

Copie en sera adressée au préfet des Pyrénées-Orientales.

Délibéré après l'audience du 27 juin 2016 où siégeaient :

- M. Marcovici, président,

- Mme Héry, premier-conseiller,

- M. Gautron, conseiller,

Lu en audience publique, le 11 juillet 2016.

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N° 16MA00666


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Marseille
Formation : 6ème chambre - formation à 3
Numéro d'arrêt : 16MA00666
Date de la décision : 11/07/2016
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

335-03 Étrangers. Obligation de quitter le territoire français (OQTF) et reconduite à la frontière.


Composition du Tribunal
Président : M. MARCOVICI
Rapporteur ?: M. Allan GAUTRON
Rapporteur public ?: M. THIELE
Avocat(s) : CHNINIF

Origine de la décision
Date de l'import : 31/08/2016
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.marseille;arret;2016-07-11;16ma00666 ?
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